TUEUR DE DRAGON
Angela Philips
3 ap. BY
Angela Philips a écrit trois short-stories pour le magazine Star Wars Adventure Journal entre 1996 et 1997.
Tueur de Dragon est parue dans le neuvième numéro du Star Wars Adventure Journal en Novembre 1997, avant d’être réimprimée dans la rubrique Hyperespace du site officiel puis dans le recueil Tales from the Empire.
Quelques mois après la bataille de Hoth : Shannon Voorson vit dans les chantiers navals de Kuat et passe son temps à craquer des codes d’accès. Son cousin Deen arrive avec l’espoir de pouvoir récupérer un générateur pour la Rébellion mais les parents de Shannon ne veulent pas l’aider de peur des représailles. Shannon va tout faire pour satisfaire son cousin.
Titre original : Slaying Dragons
Mot de passe incorrect – accès refusé…
Mot de passe incorrect – accès refusé…
Mot de passe incorrect – accès refusé…
« Un panache de fumée venant de l’autre bout du canyon annonça l’approche du dragon. Veni se rapprocha de sa sœur aînée tandis que Vici activait son sabre-laser. »
Mot de passe incorrect – accès refusé…
Mot de passe incorrect – accès refusé…
« Veni trembla au son de vingt puissantes pattes reptiliennes plongeant dans sa direction dans une synchronisation parfaite. Mais Vici n’avait pas peur. Bien que seulement âgée de seize ans, elle détenait fermement le grand pouvoir de la Force entre ses mains. Le dragon s’approchait. »
Vwip ! Accès autorisé…
Shannon Voorson posa sa plateforme d’histoires à l’écart et se retourna vers le moniteur.
— Enfin, marmonna-t-elle.
Il avait fallu plus de temps que d’habitude pour craquer ce code. Pourtant, se dit-elle, n’importe quel code généré par un ordinateur peut être imité par un autre ordinateur. Première Loi du Craquage. Maintenant, pensa-t-elle, voyons voir ce qu’on a trouvé d’intéressant…
— Oh, berk, dit-elle lorsqu’elle vit le contenu des fichiers qu’elle avait ouvert : un registre de six nouveaux Destroyers Stellaires dans leur dernière phase de construction au cœur des chantiers navals de Kuat Drive Yards.
Ils leurs donnent vraiment des noms stupides, pensa-t-elle. L’Indifférent, le Perceur, l’Inflexible, l’Indomptable, l’Inexorable, et l’Exterminateur. Si c’était moi qui étais chargée de nommer les nouveaux Destroyers Stellaires, songea-t-elle, je leur donnerais des noms comme la Main de Fer, le Prédateur, ou le Titania. Mais bon, que peut-on bien attendre de gens qui ont si peu d’imagination qu’ils laissent leurs ordinateurs désigner leurs propres codes d’accès ?
Shannon entendit des voix porter à travers les fins murs en préfabriqué de sa chambre ; quelqu’un était entré dans l’appartement, et ses parents étaient en train d’accueillir le visiteur. Décidant qu’elle devait enquêter, elle sauvegarda les fichiers concernant les Destroyers Stellaires sous le mot de passe « noms débiles » et éteignit le programme de code de son ordinateur.
La famille Voorson avait apporté de nouveaux techniciens au Port de Fret de Kuat durant des générations. La plupart d’entre eux avait passé leur vie entière à bord de la station. Ils naissaient dans la société Wellness Center, recevaient leur éducation à l’école de la société, étaient formés puis embauchés par les Services de Soutien au Port de Kuat. Ils épousaient des collègues, élevaient leurs familles dans les logements de la société, et quittaient rarement la station, même pour aller sur la planète de Kuat elle-même. Ils n’avaient aucun raison de s’en aller ; les magasins de la société fournissaient tout ce dont ils avaient besoin, la paye et les primes pour les travailleurs de PFK figuraient parmi les meilleurs du système, et ils étaient fiers et satisfaits, en tant que membres du conglomérat d’Ingénierie de Kuat, de contribuer à la construction des meilleurs vaisseaux spatiaux de la galaxie. Pourtant, de temps à autres, Voorson regardait au-delà des murs sécurisants des appartements de la station pour voir ce que les autres milliers de mondes avaient à offrir. Le cousin de Shannon, Deen, faisait partie de ces Voorson voyageurs.
— Deen ! cria-t-elle d’une voix excitée en voyant le jeune homme qui saluait son père. Oh, Deen, c’est toi ! Tu es enfin là ! Où tu étais passé ? Qu’est-ce que tu faisais ?
Shannon bondit sur le visiteur.
Son cousin se tourna pour la réceptionner.
— Hé, Petit Morceau, tu m’as manqué ! Oof ! (Il poussa un grognement tandis qu’il tenait de la soulever au-dessus du sol.) Tu as bien grandie, Petit Morceau. Laisse-moi te regarder ! Tu es si grande maintenant, et tes cheveux sont si longs. Quand je suis parti, tu n’étais qu’un bébé avec des tresses, et tante Nell te faisait dormir avec un foulard pour les empêcher de se dresser le matin !
Nell Voorson acquiesça et eut un rire sarcastique.
— Aujourd’hui, je dois la surveiller pour l’empêcher de les mâchouiller.
— Oh, Deen, dit Shannon, tu m’as tellement manqué, viens-voir ma chambre ! Elle a beaucoup changé, et j’ai mon propre ordinateur et tout ce qui va avec !
Elle le tira vers sa chambre.
Deen adressa un sourire complaisant à l’enfant.
— Toi aussi tu m’as manqué, Petit Morceau, mais tu ne crois pas que tes parents voudraient me parler d’abord ?
— Oh, ne t’inquiète pas, Deen, dit Nell. Tu lui tiendras compagnie pendant que Johan et moi préparons le dîner.
— Je n’ arrive pas à croire que tu sois vraiment là, dit Shannon, sautillant au centre sa chambre. Ça fait quatre ans ! Qu’est-ce que tu faisais ?
— Je tuais des dragons.
Shannon eut un rire.
— Non, Deen, pour de vrai !
— Je suis sérieux ! Enfin, en quelque sorte. J’ai participé à des chasses aux dragons ; j’ai travaillé en tant que technicien.
Il s’installa à côté de l’ordinateur de Shannon.
— Où ça ? demanda Shannon.
— Oh, différents endroits, dit-il. (Ses yeux bruns étudièrent la chambre.) Tu lis toujours ces vieilles histoires que grand-mère te racontait ? demanda-t-il lorsqu’il remarqua la plateforme d’histoires fixée à son ordinateur.
— Ouais, dit Shannon, même si mère n’arrête pas de me dire que je devrais les laisser tomber, comme on laisse tomber des poupées.
— Je ne vois pas beaucoup de poupées ici, dit Deen.
— Ouais. J’aime les ordinateurs maintenant. Je suis un hacker. Je sais craquer n’importe quel code.
— N’importe lequel ? demanda Deen en gloussant.
— N’importe lequel. Alors, pour qui est-ce que tu travailles ? En quoi ça consiste ? Tu es bien payé ? Tu répares des droïdes, ou des vaisseaux ?
— Hé, dit Deen, une question à la fois ! Je travaille pour des amis que je me suis fait après mon départ. Ce sont de très bons amis. La paye n’est pas excessive, mais j’aime ce que je fais. La plupart du temps, je travaille sur des vaisseaux…
— De quel genre ?
— Surtout des vaisseaux de petite taille, mais parfois des plus gros. De manière générale, tout ce que mes amis veulent que je répare. Je dois rester polyvalent.
— Quel est l’engin le plus difficile que tu aies eu à réparer ?
Deen marqua une pause.
— Eh bien, dit-il en jetant un regard inquiet à la porte de la chambre qui était fermée, il y a quelques mois, j’ai dû adapter certains airspeeders pour qu’ils puissent opérer à moins vingt degrés…
— Et est-ce que ça a marché ?
— Plutôt bien… C’est Vici d’Alderaan, n’est-ce pas ? demanda-t-il en pointant du doigt la plateforme d’histoire sur l’ordinateur.
— Ouais, elle a toujours ma préférée. Vici est tellement courageuse.
— Celui qui possède la Force n’a rien à craindre, dit Deen à voix basse.
— C’est ce que le grand-père de Vici lui dit. Dis, demanda Shannon, tu as déjà eu l’occasion de visiter Alderaan ? Avant…
Deen secoua la tête.
— Non, jamais. J’aurais aimé pouvoir le faire. Mais l’occasion ne s’est jamais présentée.
— Ce n’est pas juste, dit Shannon en s’asseyant sur le sol.
— Que je ne sois jamais allé sur Alderaan ? demanda son cousin.
— Qu’ils l’aient détruite. Stupides Impériaux. Pourquoi est-ce qu’ils ont fait ça ? Grand-mère disait toujours qu’Alderaan était une planète de paix et de beauté. Il n’y avait pas d’armes là-bas. Pourquoi la détruire ?
— À cause de ça, dit Deen en pointant son doigt vers un objet.
— À cause de ma plateforme d’histoire ?
— À cause de cette histoire, dit Deen. Cette histoire, et d’autres comme elle. Les histoires d’Alderaan représentaient une plus grande menace pour l’Empire que n’importe quelle arme de destruction.
— Comment est-ce qu’une histoire pourrait être plus dangereuse qu’une arme ? demanda Shannon.
— À cause des idées qu’elle contient. Sur Alderaan, les gens avaient l’habitude de croire en la Force. Sur Alderaan, les gens se rappelaient des Chevaliers Jedi et de l’Ancienne République. Le peuple d’Alderaan se souvenait comment les choses étaient avant l’avènement de l’Empire, avant les jours de haine et de peur. Et leurs histoires, leurs bibliothèques et leurs universités contenaient toutes les idées capables de détruire l’Empereur ; que l’amour est plus fort que la haine, que les gens sont plus forts que des armes, qu’une fois unis les peuples de cette galaxie possèdent une force à laquelle même l’Empereur ne peut s’opposer.
Les yeux de Deen brillaient.
— Alors l’Empereur, dit Shannon, a détruit Alderaan pour détruire toutes ces idées ?
— Il a essayé, répliqua Deen, mais il n’y est pas arrivé. Il n’y arrivera jamais. La seule façon pour lui de contrôler toutes les idées de la galaxie serait de tuer ou de réduire en esclavage tous les individus de la galaxie, et ça, c’est impossible. Il ne peut pas gagner. Plus il commettra de crimes, plus les gens se soulèveront pour l’affronter…
— Deen, demanda Shannon, tu fais partie de la Rébellion ?
Deen porta la main à sa bouche.
— Tout va bien, reprit Shannon, je ne le dirai à personne. Pas même à maman et papa. Tiens, dit-elle en allumant son ordinateur, regarde ce que j’ai trouvé aujourd’hui. Juste avant que tu n’arrives. Je te donnerai une copie si tu veux…
— Comment t’es-tu procuré ça ? demanda Deen, fixant du regard la liste de Destroyer Stellaires. As-tu la moindre idée…
— Il n’y a rien de plus facile que de craquer les codes impériaux. Ils ont des mots de passe générés par ordinateur. Je créé mes propres codes moi-même. En général, j’utilise des noms d’animaux, comme « Nerf », ou « Bhillen », ou même « Chien. »
— Je n’arrive pas à y croire, dit Deen, lisant toujours l’écran de l’ordinateur. Est-ce que tu connais la valeur de ces informations ? Tu sais ce qui arrivera si quelqu’un te prend la main dans le sac ?
— Personne n’a jamais réussi à craquer mes codes, dit fièrement Shannon.
— Peut-être que personne n’a jamais pensé à fouiller les fichiers d’une petite fille de neuf ans, rétorqua Deen. Tu dois arrêter. Tu vas finir par de te faire tuer !
Shannon se mordit la lèvre.
— Alors tu ne veux pas les copies des fichiers ?
Maîtresse Voorson les appela à table, coupant court à la conversation.
Rassemblée autour d’un plat de bhillen bouilli, la famille discutait des quatre dernières années : la scolarité de Shannon, la promotion de Nell à la supervision de l’accostage du Port de Fret de Kuat, les postes de technicien de Johan et de Deen. Johan se plaignait des capitaines de vaisseaux qui s’attendaient toujours à ce que lui et son équipe accomplissent des miracles en un temps record. Deen racontait des histoires effrayantes sur la manière dont il devait combattre la chaleur, le froid et l’humidité ; la poussière, la glace, la faune, la flore, les microbes agressifs ; et de manière générale, tout ce qui menaçait le fonctionnement des machines sur des mondes reculés dont les noms lui échappaient.
— Tu as vraiment trouvé de la mousse qui poussait dans les conduites de refroidissement de plusieurs vaisseaux ? demanda Johan.
— Ouais, dit Deen. Deux heures avant le déjeuner.
— Tu as réussi à les faire nettoyer à temps ?
Deen esquissa un sourire.
— Au tout dernier moment.
— La Force était avec toi, dit son oncle.
Nell fronça légèrement les sourcils.
— C’est bon de t’avoir à la maison après tout ce temps, Deen. Je commençais à croire que tu étais parti pour de bon. Et aujourd’hui, dit-elle, te voilà. Tu as des problèmes, Deen ? Tu as besoin de quelque chose ?
— Nell, protesta son mari, tu ne penses pas qu’un garçon peut écumer la galaxie sans avoir arrière-pensée ?
Deen fixa son plat du regard.
— En fait, dit-il en plantant sa fourchette dans son flan, j’étais en train de me demander…
— Ah, nous y voilà, dit Nell.
— Mes amis, reprit Deen, ceux avec lesquels je travaille… Ils ont eu des problèmes ces derniers temps, ils ont perdu pas mal d’équipement…
— Perdu ? demanda Nell.
— Euh, ouais, endommagé. Irrécupérable.
— Comment ça ? demanda Johan.
— Eh bien… il y avait tous ces astéroïdes et… c’est une longue histoire, mais ce que je veux dire, c’est que nous avons besoin d’un générateur de puissance Classe Colonie 23669, et…
— Pourquoi vous ne contactez pas l’usine, dans ce cas ? demanda Nell. Si tu passes ta commande maintenant, il y a des chances pour que tu reçoives un générateur dans six mois, voire moins, à moins qu’ils aient des commandes prioritaires pour l’Acquisition Impériale.
— C’est beaucoup trop long, et nous avons entendu dire qu’un générateur est sur le point de quitter la station pour rejoindre un avant-poste impérial dans deux semaines.
— Je ne vois pas en quoi ça te concerne, dit Johan.
— Eh bien, en fait, tante Nell, c’est toi qui contrôles les plateformes d’accostage, et nous nous sommes dit que si on pouvait se procurer une accréditation pour les stations, tu pourrais faire entrer notre pilote à la place des Impériaux…
— Je n’arrive pas à y croire, dit Nell. Tu es assis à ma table et tu me demander de détourner un générateur de puissance d’une valeur de vingt-cinq millions de crédits, comme on emprunterait un speeder.
— Mais tante Nell…
— Tu parles bien de voler ce générateur, n’est-ce pas ?
— Mais… vous serez payés…
Nell avait la bouche grande ouverte. Johan brisa le silence.
— Deen, est-ce que tu t’entends ? Ce n’est pas une autre de tes blagues, comme la fois où tu piraté le système com de l’école avec de faux outils d’extraction…
— C’est de la trahison, termina Nell. Deen, je ne veux plus entendre parler de tes soi-disant amis. Maintenant, parce que tu es mon neveu, je ne vais pas te dénoncer et nous allons tous faire comme si cette conversation n’avait jamais eu lieu. Est-ce que c’est clair ?
Le dîner se termina en silence.
Shannon ne trouva pas le sommeil cette nuit-là. Entendant malgré elle les voix qui venait de la chambre de ses parents, elle avança à pas de loup jusqu’à leur porte afin d’écouter.
— L’Alliance a désespérément besoin d’équipement, Nell !
— Qu’est-ce que j’en ai à faire ? Johan, l’Alliance ne nourrira jamais cette famille ou ne donnera jamais à Shannon l’éducation nécessaire pour lui faire quitter cette station !
— Mais l’Empire…
— … Possède ce système, et tout ce qui s’y trouve. Y compris nous. Et ils savent comment se débarrasser des traîtres. Les accidents. Johan, tu crois honnêtement que c’est une coïncidence que ton frère ait été tué lors d’un dysfonctionnement de réacteur moins d’une semaine après qu’il ait réparé ces vaisseaux rebelles ? Je ne risquerai la sécurité de ma famille pour rien au monde, Johan, rien. Ni l’Alliance, ni Alderaan…
— Pas même Deen ?
Shannon n’entendit pas la réponse de sa mère.
Deen s’en alla le lendemain matin après un petit-déjeuner tendu et silencieux.
— Si jamais vous changez d’avis, commença-t-il.
— Ça n’arrivera pas, dit sa tante. Laisse tomber.
— Mais si ça arrive, reprit Deen avec persistance, je serai dans le système pendant quelques jours. Voilà un communicateur que vous pourrez utiliser pour me contacter, dit-il, déposant le dispositif électronique portatif sur la table près de la porte. Que la Force soit avec vous.
— Détruis ce truc, dit Nell après avoir refermé la porte.
— Je m’en occupe, maman, dit Shannon, ramassant le dispositif en vitesse avant de se diriger à la hâte vers le compacteur d’ordures.
L’appareil atterrit dans le compacteur d’ordures en produisant un craquement satisfaisant ; mais l’émetteur resta dans la poche de Shannon.
Les aînés de la famille Voorson se comportaient comme si Deen n’était jamais venu ; lorsque Shannon mentionnait les fameux « amis » de son cousin ou se demande d’assistance, elle se retrouvait consignée dans sa chambre sans discussion.
— Je n’arrive pas à comprendre ! se dit-elle à elle-même.
Ce n’est pas comme si la station était régulièrement victime de confusion, songea-t-elle sur un ton sarcastique. Mère se plaint toujours que des trucs disparaissaient. Des défauts dans la toile de la station, voilà ce qu’elle disait toujours. Si elle laissait Deen prendre ce générateur, tout le monde croirait qu’il s’agissait d’une autre erreur commise par un ordinateur…
Roulant hors de son lit, Shannon alluma son ordinateur. Quelques minutes et craquages plus tard, elle faisait défiler la liste des prochaines exportations sur son écran. Le voilà, se dit-elle, un générateur CC-23669, prévu pour embarquement au quai quarante-deux, à 1430 heures, dans cinq jours. Très bien, pensa-t-elle, si je change la date d’embarquement, mère le remarqua sûrement et arrêtera tout. Je ne peux pas non plus changer le numéro de quai, ça provoquerait un remue-ménage pas possible. Mais si je change l’heure… combien de temps il faut pour amener un pilote jusqu’à un cargo ? Papa dit qu’il peut le faire en moins d’une heure. Est-ce que deux heures suffiraient ?
Elle modifia l’heure d’embarquement à 1230, espérant que sa mère ne remarquerait pas l’anomalie. Puis elle glissa l’émetteur de Deen sous son oreiller.
— Qui es-tu ? demanda l’agent de sécurité.
Shannon déglutit et tenta d’adopter un air adorable et innocent.
— Shannon Voorson, madame, dit-elle.
— Oh, Shannon, dit la femme en reconnaissant la petite fille, tu ne devrais pas déjà être à l’école ? Qu’est-ce que tu fais ici ?
Shannon savait que « Je m’enfuies afin de rejoindre la Rébellion », ne serait pas la meilleure réponse à donner.
Heureusement, elle avait préparé un mensonge.
— Mon père a oublié son déjeuner, alors je viens lui apporter avant de repartir en classe. Regardez, c’est un sandwich bhillen.
Elle posa son ordinateur et ouvrit le thermosac pour le présenter devant le visage du garde afin de s’assurer qu’elle capte l’odeur du bestinien.
— Oh, oui, bien sûr, dit le garde, reculant en faisant un clin d’œil. Va trouver ton père. Je suis sûr qu’il va adorer.
— Merci, dit Shannon.
Elle s’en alla à toute vitesse, songeant que la racine de tang sentait tellement mauvais que le garde n’aurait jamais osé mettre sa main à l’intérieur du sac pour en vérifier le fond.
Elle longea le corridor vers la zone de travail de son père, s’arrêta sous une alcôve, jeta un œil pour s’assurer que le garde avait disparu, puis rebroussa chemin jusqu’au quai quarante-deux.
Les techniciens n’avaient pas encore commencé leur service ce matin-là. Shannon n’eut donc aucune difficulté à pirater le système du conteneur à l’aide de quelques câbles de connexion tirés de son ordinateur portable. Après avoir fait le tour du générateur jusqu’à se retrouver à l’avant du conteneur, elle s’assit par terre en sortant des puces-romans pour attendre l’arrivée de Deen.
— Tu es sûre que ça va marcher, Deen ? dit Boo Rawl, le capitaine du transporteur BD27 Long Run.
— Pour la millième fois, Boo, oui ! Ma tante supervise l’accostage de ce port. Elle ne nous aurait pas envoyé le signal si elle n’avait pas changé d’avis. J’ai survécu à l’évacuation de la Base Écho, ce n’est pas pour être pulvérisé dans le ciel par ma propre famille.
— Ce n’est pas tellement ta famille qui m’inquiète ; c’est plutôt ce que tu as fait à mes réacteurs subluminiques, dit Boo.
— Je n’ai rien fait à tes précieux réacteurs, Boo, dit Deen, tout ce que j’ai fait, c’est ajouter une caisse ST pour que le port confonde le signal de notre transpondeur avec celui des impériaux. Procédure Standard, tout droit sortie du Guide de Campagne Cracken. Je le fais tout le temps.
— Ouais, eh bien je n’aime pas te voir jouer avec ta clé hydraulique si près de mes cobulateurs…
— Oh, arrête de geindre et transmets notre signal à la station. On est pratiquement au-dessus d’eux.
Boo Rawl eut un haussement d’épaules et ouvrit un canal.
— Port de Fret de Kuat, ici Transporteur 36DD, demande autorisation de rejoindre la barge arrimée au… (Boo marqua une pause afin de vérifier son datapad.) … au quai de chargement numéro quarante-deux.
— Drive Craft, le signal de votre transpondeur est difficile à lire, répondit une voix glaciale de l’autre côté de la fréquence. Veuillez transmettre le code d’autorisation afin de confirmer votre identité.
Boo lança un regard fixe à Deen tout en transmettant le code.
— Euh, désolé pour le transpondeur, Kuat, dit-il, le nouveau technicien de bord était en train de trifouiller les moteurs subluminiques. Il s’est un peu emporté.
— Identité confirmée, répondit le contrôleur qui n’avait que faire des explications de Boo. Transporteur 36DD, vous êtes en avance. Les techniciens d’assemblage ne doivent arriver au quai numéro quarante-deux qu’à 1430.
Boo se tourna de nouveau vers Deen, qui fit un geste d’incompréhension mais ne dit rien.
— Ah, vous êtes sûrs, Kuat ? demanda Boo. Mes instructions stipulent que le ramassage doit être effectué à 1230.
— Laissez-moi vérifier, 36DD, dit le contrôleur.
Boo coupa le système com.
— Ce n’était pas un des hommes de ta tante ?
Deen acquiesça.
— Et alors ? Où est le problème ?
— Je ne sais pas…
Kuat rouvrit le canal.
— Il semble que vous ayez raison, transporteur 36DD, dit le contrôleur. Votre arrivée est bien prévue pour 1230…
Deen adressa un sourire à Boo.
— Attendez-vous quand même à un léger retard. Les techniciens ont reçu l’ordre d’être sur place à 1430. Ils seront de retour dans l’heure.
— Pas de problème, Kuat, j’attendrai, dit Boo. (Il referma la fréquence com.) Et maintenant ? demanda-t-il à Deen.
— On fait comme tu l’as dit. On attend que les techniciens aient fini de manger.
Boo roula des yeux.
— Et si la sécurité décide de nous rendre une petite visite entre-temps ?
— Boo, tu es aussi angoissé que mon ami Voren, dit Deen. Les hommes de la sécurité ont droit à une pause eux aussi.
— Ouais, ils seront probablement trop occupés à jouer au Tape-Bothan ou au Flotteur Calamari. (Boo poussa un soupir.) Je déteste attendre, dit-il.
— Enfin ! Je commençais à croire qu’ils n’y arriveraient jamais ! dit Boo tandis qu’on leur signalait que la dernière des pinces de raccordement avait fini de fixer le conteneur de chargement à la barge. Kuat, ici transporteur 36DD, dit-il, coupant court à la dernière offre de Billi B et la Bande du Paradis et en ouvrant une fréquence avec la station. Le chargement est sécurisé, mais j’aimerais vérifier le chargement avant de partir.
— Allez-y, 36DD.
— Très bien, Deen, dit Boo tandis qu’il fermait la fréquence com. C’est à toi de jouer. Jetons un rapide coup d’œil à la marchandise et disparaissons avant que le vrai transport ne se montre.
Deen entra dans le sas pressurisé qui reliait le panneau d’accès au conteneur.
— Le générateur est en bon état ? demanda Boo tandis que Deen entrait dans la soute.
— Il est énorme. Je ne vais pas passer deux jours à l’inspecter pour… Attends une seconde…
— Quoi ?
— J’ai vu quelque chose bouger…
— Coucou, Deen ! dit Shannon en sortant de sa cachette. C’est bien le générateur que tu voulais ?
— Shannon !
— C’est qui la gamine ? demanda Boo.
— C’est ma cousine… Shannon, est-ce que ta mère sait que tu es là ?
— Bien sûr que non. On ferait mieux de s’en aller d’ici.
— On ? répéta Deen. Comment ça, on ?
— J’ai décidé de rejoindre la Rébellion, répondit-elle en rangeant son ordinateur portable. Maintenant, on doit y aller.
— Absolument pas, dit Deen. Tu vas rentrer chez toi.
— Comment ? dit Boo. Le quai vient d’être dépressurisé, et je n’ai pas tellement envie de rappeler les techniciens pour qu’ils nous détachent qu’ils pressurisent à nouveau le quai, ni d’expliquer pourquoi un enfant était caché dans un de leur conteneur, si c’est pour attendre qu’ils nous raccordent à nouveau. Je n’aime pas l’idée de mettre une gamine en danger, mais on n’a pas le choix. On l’emmène.
— Il a raison, dit Shannon en grimpant dans l’habitacle de pilotage. Referme ces sas et allons-y !
— Mais… commença Deen.
— La barge impériale sera là dans… moins de trente minutes, dit Shannon, vérifiant sa montre. Verrouille les coordonnées hyperspatiales, camarade, dit-elle à Boo.
— Il a un nom, et c’est Boo. Maintenant tiens-toi tranquille, je dois parler aux gens de la station.
Shannon acquiesça. Deen était sous le choc.
— Kuat, ici le transporteur 36DD. Le chargement est sécurisé et nous sommes prêts à partir.
— Bien reçu, transport 36DD, répondit le contrôleur. Vous pouvez partir quand vous voulez. Merci d’avoir choisi l’Ingénierie Kuat, et faites attention aux drones de réparation en sortant.
— Pas de problème, Kuat, dit Boo, et merci pour tout. (Il commença à éloigner la barge des quais de chargements.) C’est presque trop facile, dit-il. Deen, ta tante est la meilleure…
— Qu’est-ce qu’elle avait à avoir dans l’histoire ? demanda Shannon. C’est moi qui ai tout organisé !
— Comment ça, tu as tout organisé ? demanda Deen.
— Maman avait trop peur de t’aider, et tu le sais, Deen, expliqua Shannon. Alors j’ai changé l’heure de ramassage.
— Et tante Nell…
— … Ignore tout de l’opération.
Boo était épaté.
— C’est la gamine qui a tout arrangé ? Impressionnant. C’est une super cousine que tu as là, Deen. Mais ça aurait quand même été plus vite si elle avait réussi à faire venir les techniciens plus tôt.
— Désolée, Boo, j’ai, euh, oublié de changer leurs ordres, dit Shannon. Combien de temps avant le saut ?
— On est hors de portée de leur rayon tracteur, mais il faut encore qu’on passe cette barge là-bas… Oh, non, j’hallucine !
— Quoi ? demanda Shannon.
— Tu vois droit devant ? C’est la véritable barge 36DD. Elle est là pour récupérer le générateur.
— Tu es sûr ? demanda Deen.
L’indicateur lumineux du système com s’alluma.
— Vaisseau inconnu, dit le contrôleur, veuillez retourner aux quais immédiatement.
Les trois rebelles échangèrent un regard.
— Continue, reprit Deen.
— Je répète, dit le contrôleur, vaisseau inconnu, veuillez retourner votre chargement à quai et aucun mal ne vous sera fait.
— Ouais, c’est ça, marmonna Boo.
Le vaisseau impérial se positionna entre les rebelles et la voie hyperspatiale.
— Contourne-les ! dit Shannon.
— Comment ? dit Boo. Le Long Run est un transport, pas une Aile-X. Raccordé à une barge, il vole comme un Hutt ivre…
— Est-ce que les boucliers sont résistants ? demanda Deen en pointant du doigt un endroit de l’espace où au moins une douzaine de chasseurs TIE volaient dans leur direction.
— Ah, génial, dit Boo, je savais que c’était trop facile.
L’indicateur lumineux des com s’alluma à nouveau.
— Vaisseau non-identifié, dit une voix féminine à la teinte familière, ici le Contrôleur Senior Voorson qui vous délivre un dernier avertissement. Rebroussez chemin et retournez au quai quarante-deux, où nos forces de sécurité ouvriront le feu.
— Charmant, grommela Boo. Deen, occupe-toi des tourelles. Détruis tout ce qui se trouve entre nous et la liberté.
— Attends, intervint Deen, j’ai une idée. Shannon, suis mes indications, dit-il en frappant le panneau des com.
— Contrôleur Voorson, dit-il, rappelez vos chasseurs. On a votre fille. Il poussa Shannon du coude.
— Maman, maman, c’est moi ! Ne tire pas ! dit-elle.
Le panneau des com resta silencieux.
— Tu crois que ça va les arrêter ? demanda Shannon.
Des tirs de laser rebondirent sur les boucliers du vaisseau.
— Voilà ta réponse, dit Boo. Fais cracher des tourelles, Deen !
Deen enfonça le bouton de tir. Les petits turbolasers parvinrent à éliminer deux chasseurs TIE en approche rapide, et trois de plus percutèrent des débris flottants. Deen faisait cracher les tourelles.
— Transport rebelle, dit Nell Voorson d’une voix teintée de panique, rendez-vous immédiatement. Les forces de sécurité ne vous laisseront pas partir.
— On ne vous demande pas la permission ! hurla Boo, progressant péniblement.
Le panneau solaire d’un chasseur TIE percuta leurs boucliers ; le pilote perdit totalement le contrôle de son TIE avant de heurter de plein fouet l’un de ses ailiers.
— Boo, les boucliers vont lâcher d’une seconde à l’autre, dit Deen, maintenant le bouton de tir enfoncé.
— Transporteur rebelle, dit Nell Voorson, tout ceci est inutile. Cessez le feu où vous serez détruit…
— Désolé, tata, on ne reculera jamais ! dit Boo.
— Transport… Deen ! implora Nell. Deen, pense à ce que tu es en train de faire. Pense à Shannon. Les hommes de la sécurité ne veulent pas m’écouter ! hurla-t-elle. Ils ne vous laisseront pas partir !
— Je suis désolé, tante Nell, commença Deen.
— Attention aux TIE ! hurla Boo.
Le flot de petits chasseurs continuait de se déverser sur eux.
— On va les heurter de plein fouet ! cria Shannon tandis que la barge impériale 36DD s’approchait dangereusement.
— Pas s’ils sont plus malins que nous, répliqua Boo.
Deen se mordit les lèvres et Shannon se couvrit les yeux tandis que les deux vaisseaux fonçaient l’un sur l’autre. La voix de Nell Voorson continuait de supplier Deen à travers le panneau des communications.
Une gouttelette de sueur coula le long du visage de Boo.
— Je ne crois pas qu’ils vont…
Au dernier moment, la barge impériale plongea sous le Long Run. Leurs boucliers se frôlèrent et finirent par céder tandis qu’ils passaient en trombe au-dessus du vaisseau. Quatre décharges de laser décochées par quatre chasseurs TIE différents passèrent à toute vitesse près du Long Run juste au moment où Boo tirait sur le levier de saut en hyperespace ; les trois rebelles retinrent leur souffle tandis que les étoiles s’allongeaient le long du couloir de l’hyperespace.
— On est sauvés, Boo, pas vrai ? demanda Shannon.
— Ça dépend de deux choses, répondit Boon. La première, c’est si ta mère n’a pas contacté Venir ou Renegg pour qu’ils déploient des Interdicteurs, et la deuxième…
— C’est si on ne percute personne, termina Deen.
Shannon s’installa sur les genoux de son cousin et posa sa tête sur son épaule. Tous les trois restèrent silencieux, s’attendant à un éventuel crash mortel ou à un aller simple vers la prison impériale.
Les minutes s’éternisèrent. Qu’elle survive ou non, Shannon comprit qu’elle ne reverrait jamais ses parents. Elle se mit à pleurer. Deen la serra contre elle, essuyant ses larmes.
— Hé, dit Boo d’une voix douce, ça fait maintenant trente minutes. On est tranquille.
— On est hors de danger ? demanda Shannon.
Boo acquiesça.
— La voie est libre, petite. Bienvenue dans l’Alliance.
— Petit Morceau, dit Deen, je suis désolé de t’avoir entraîné là-dedans…
— Pas moi, dit Shannon, esquissant un sourire. Et maintenant, si on allait chasser quelques dragons ?