LE MARCHÉ DE LANDO

Timothy Zahn

4 ap. BY

Chronologie

Le Marché de Lando est une short-story écrite par Timothy Zahn, et parue dans l’Insider 126 au mois de Juin 2011.

Se déroulant peu après la bataille d’Endor, cette histoire met en scène Lando Calrissian, qui recherche un objet bien spécial pour l’un de ses plans dont il a le secret.

Titre original : Buyer’s Market

 

L’enseigne au-dessus de l’immense entrepôt indiquait « Chez Blackie », et l’homme qui sortit du bureau à côté de l’entrée étroite avait une chevelure noire descendant en cascade sur ses épaules. D’après les standards habituels, Lando Calrissian déduisit qu’il devait s’agir là du propriétaire de l’entrepôt.

Sauf qu’il ne se comportait pas comme tel. Sa démarche était hésitante alors qu’il se dirigeait à grands pas vers son visiteur, et le doute se lisait sur son visage, ce qui ne correspondait pas à un homme de sa stature. Le petit homme marchant timidement derrière lui semblait beaucoup plus à l’aise.

Néanmoins, Lando était un étranger ici, à Vorrnti City, et même après Endor, des scènes de guerre contre l’Empire éclataient encore dans le secteur. Mais peut-être que Blackie n’aimait tout simplement pas les étrangers.

— Belle journée, fit Lando aimablement alors que les deux hommes s’approchaient de lui. Blackie ?

— Ouais, grogna le grand homme. Vous ?

— Mon nom est Calrissian, fit Lando. Je suis à la recherche de marchandise assez difficile à trouver, et j’ai entendu dire que vous étiez l’homme qu’il fallait voir pour ça.

— C’est bien vrai, répondit Blackie, sa fierté éclipsant momentanément son animosité. J’ai le troisième plus grand entrepôt du…

— Que recherchez-vous exactement ? l’interrompit le petit homme.

Quelque chose prévint Lando qu’il ferait mieux de s’abstenir sur les détails.

— Vous ne le saurez pas avant que j’ai vu votre stock, fit-il finalement. Peut-on ?

Il commença à avancer. Blackie s’éloigna poliment de son chemin, mais le petit homme ne fit pas un geste.

— L’entrepôt est assez grand, prévint-il. Nous pourrions le visiter durant toute la journée et ne pas tout voir.

— Pas de problèmes, le rassura Lando. Je peux sortir le traîneau à répulseurs de mon vaisseau si cela vous dérange, Maître… euh ?

— Cravel, répondit l’autre. Et si vous aviez daigné lire notre règlement concernant l’atterrissage, vous sauriez que les vaisseaux à répulseurs sont interdits partout dans le district.

— C’est à cause des rats. Ils sont attirés par les répulseurs et deviennent fous. C’est pourquoi le spatioport est équipé de cette haie épineuse d’une hauteur de deux mètres par lequel vous entré à votre arrivée – ils ne veulent pas que la vermine se reproduisent à l’intérieur ou aille manger les trains d’atterrissage des vaisseaux.

— Cela serait effectivement problématique, acquiesça Lando. (Il avait lu les documents concernant l’atterrissage, bien sûr. Mais cela n’avait jamais fait de mal à personne de paraître stupide lors d’une négociation.) Bien, nous perdons du temps. Allons-y, et voyons ce que vous avez.

À contrecœur, Cravel se recula.

— Très bien. Après vous.

L’entrepôt semblait aussi impressionnant qu’il avait paru à Lando lorsqu’il avait garé son nouveau vaisseau, le Lady Luck, dans un spatioport à un kilomètre de là. Il était aussi incroyablement sécurisé, bien plus que tous les garages ou autres magasins de réparations qui se trouvaient aux alentours. Entouré par un mur haut de huit mètres et surmonté de fil de fer barbelé formant un réseau archaïque semblable à une toile d’araignée, destiné à empêcher tout airspeeder en vadrouille de violer la loi concernant l’interdiction des répulseurs, l’endroit était encore plus impressionnant que plusieurs postes frontières récemment installés par la Nouvelle République.

Et là, à peine à cinquante mètres de l’entrée, debout telle une sentinelle veillant sur un groupe de moissonneurs durs à cuire, se trouvait l’objet précis pour lequel Lando avait fait tout ce chemin.

Un Transport Blindé Tout Terrain Impérial.

— Whaou ! s’exclama-t-il, le pointant du doigt tel un enfant observant un serpent farceur. C’est bien un TB-TT ?

— Il n’est pas à vendre, répondit Cravel du tac au tac.

— En plus, il ne fonctionne pas, ajouta Blackie. Un jour, il faudra que je me penche dessus et que je vérifie ses moteurs.

— Oh, je n’avais pas l’intention de l’acheter, se dépêcha Lando de le rassurer, plissant les yeux alors qu’il observait la gigantesque machine de guerre.

Un échafaudage se trouvait prêt de la tête de la machine, et deux hommes se tenaient entre le menton et les deux lourds canons laser Taim & Bak MS-1 qui s’y trouvaient.

— Je suis juste surpris d’en voir un, c’est tout, continua-t-il en baissant les yeux et regardant autour de lui. Est-ce là un cargo Corellien ?

Il les laissa le guider pendant la demi-heure suivante, n’écoutant qu’à moitié les offres de vente que lui proposait Blackie, et remarquant que Cravel semblait beaucoup plus calme maintenant qu’ils s’étaient éloignés du TB-TT.

Et qu’ils visitaient le reste de l’entrepôt, pensa-t-il. Cela s’annonçait difficile.

Au moment où ils arrivèrent près de deux chars tout terrain Hutts, un plan lui était venu à l’esprit.

— Ha, cela me fait penser, fit-il en montrant les chars, ceux-là fonctionnent ?

— Est-ce qu’ils ont l’air de fonctionner ? rétorqua Cravel.

— J’ai peur que leurs moteurs soient morts, fit Blackie, mais l’un ou l’autre pourraient servir de pièces de rechange.

— Vous avez raison, et je vais les prendre tous les deux, fit Lando, les mesurant rapidement d’un coup d’œil.

Les deux mesuraient environ trois mètres de haut, vingt de long et – le plus important – huit de large. Ils bloqueraient l’étroite entrée de l’entrepôt, mais en laissant seulement cinquante centimètres de chaque côté. Parfait.

— Vous avez un transporteur afin que je puisse les sortir du spatioport ?

— J’en ai un, fit Blackie, la prudence se lisant à nouveau sur son visage. Mais vous allez probablement devoir vous éloigner quelques jours.

— Pourquoi cela ? demanda Lando. Les honoraires douaniers sont en baisse ?

— Une sorte de gros calibre arrive après demain pour une transaction immobilière majeure, fit Cravel. Ses hommes ont déjà pris d’assaut l’ensemble des bâtiments des douanes, et ils ne vont pas attendre gentiment quelqu’un qui veut remplir des formulaires concernant autre chose.

— Ouais, j’ai eu ma dose avec les gros calibres, s’apitoya Lando. Ils m’ont donné mal à la tête, tous autant qu’ils sont. Bon, il n’empêche que je ne vais pas m’asseoir là et regarder quelqu’un d’autre récupérer ces véhicules. Laissez-moi les récupérer maintenant, et je vais louer l’un des garages en bas de la rue pour les stocker jusqu’à ce que le ciel se dégage.

— Euh… oui, fit Blackie avec hésitation. Bien sûr. Retournons au bureau pour remplir les papiers et j’irai ensuite chercher le tracteur pour les sortir de l’entrepôt.

Une heure plus tard, Lando se tenait juste à la sortie de l’entrepôt, observant les chenilles du tracteur rouler dans la poussière alors que Blackie remorquait le premier des véhicules vers l’entrée. Il atteignit le trou et ralentit, et Lando put voir la tête du conducteur tourner à droite et à gauche alors qu’il vérifiait ses rétroviseurs, afin d’être sûr de ne pas égratigner les chars contre les piliers qui soutenaient l’entrée.

Lando le laissa amener le char jusqu’au tiers du chemin à travers l’entrée. Puis, dans un cri effrayé, il sortit son blaster, s’accroupit, et fit feu en direction du tracteur, sous celui-ci. Blackie hurla quelque chose que Lando ne put entendre en raison du bruit des moteurs et des hurlements des tirs de blaster. Mais les interférences ne durèrent pas. Les moteurs s’arrêtèrent au troisième tir de Lando, leur rugissement se transformant en souffle alors que les régulateurs d’énergie commencèrent à chuter, et même eux s’arrêtèrent après le cinquième tir de Lando. Il tira trois fois de plus, juste pour être sûr, et cessa le feu. Le blaster à la main, il jeta un coup d’œil sous le tracteur, apercevant Blackie descendre comme une furie de la cabine de celui-ci, jurant comme un joueur de sabacc du Secteur Corporatif.

— Calrissian ! gronda-t-il. Qu’est-ce que… ?

— Est-ce que vous les avez vus ? l’interrompit Lando, ajoutant de l’incrédulité et de la révulsion dans sa voix. Ils devaient mesurer cinquante centimètres de long, avec des dents de la taille de couteaux gyviens.

— Que se passe-t-il ?

La voix tendue de Cravel provenait de derrière Lando. Il se retourna et le vit quitter le bureau et courir vers eux, un blaster à la main.

— Qui était en train de tirer ?

— Lui, fit Blackie d’une voix pleine de dégoût. Il a vu quelques rats et a perdu l’esprit. Brillant, Calrissian. Très brillant.

— Tu peux le réparer ? demanda Cravel en s’accroupissant pour observer sous le tracteur.

— Ouais, si j’ai suffisamment de temps, fit Blackie d’une voix serrée. Mais…

Il s’arrêta. Pendant un moment, personne ne parla. Puis Cravel se redressa. Il observa Blackie, puis Lando, et rangea finalement son blaster.

— Donc tu devrais mieux t’y mettre, dit-il d’un ton plus léger. Attends une seconde, je vais t’aider à nettoyer tout ça.

— Qu’est-ce que je peux faire pour aider ? demanda Lando.

L’espace d’un instant, Lando pensa que Cravel allait dire ce qu’il avait réellement sur le cœur. Mais celui-ci hocha simplement la tête vers le spatioport.

— Revenez à votre vaisseau, fit-il. Cela va prendre quelques jours de réparer tout ce bazar.

— Désolé, s’excusa Lando. Je paierai toutes les réparations, bien sûr.

— Nous parlerons de ça plus tard, fit Cravel. Allez-y, partez. Blackie, tu viens avec moi.

Quinze minutes plus tard, Lando était de retour à l’intérieur du Lady Luck, mettant en route son tableau de communications. Cela avait été risqué, mais il avait réussi. Plus important, il avait réussi sans se faire tirer dessus.

Maintenant, il fallait que l’homme dont il avait besoin puisse arriver dans les deux jours.

— Centre Militaire de Commande, Coruscant, fit la voix vive qui sortit du micro.

— C’est Lando Calrissian, se présenta-t-il. Anciennement Général Calrissian. J’ai besoin que vous me mettiez en relation avec le Lieutenant Judder Page des Commandos Katarn.

Le gros calibre dont avait parlé Blackie arriva pile à l’heure garant son vaisseau aussi prêt que possible des bâtiments des douanes, et marchant à grands pas le reste du chemin, entouré d’une cohorte de gardes du corps lourdement armés. Les gens avec qui il tait venu faire affaire étaient déjà là, s’étant négligemment promené durant les heures précédentes.

Mais ce n’était pas de l’immobilier qu’ils allaient acheter ou vendre, pas avec ce gros calibre-là.

— Alors ? demanda l’homme indescriptible assis à côté de Lando.

— Du glitterstim, bien sûr, confirma Lando d’une voix aigre, en jetant un dernier regard aux hôtels puis se dirigeant vers le coin de l’entrepôt à côté duquel ils étaient cachés. Peu importe les précautions qu’ils prennent pour transporter la marchandise, les odeurs finissent toujours pas trahir. Probablement planté dans des chambres secrètes dehors, dans les bois – il est difficile de recréer l’environnement de Kessel, nécessaire pour les araignées d’épice, mais si tu réussis, il y a de gros profits à en tirer.

Judder Page grogna.

— Je ne veux pas savoir comment tu sais tout ça, n’est-ce pas ?

— Probablement pas, acquiesça Lando. Tes hommes sont prêts ?

— Les miens le sont, fit Page. La question est : qu’en est-il des tiens ?

— Je crois que c’est bon, dit Lando. Maintenant que l’acheteur et son argent sont là, ils ne devraient pas tarder à se montrer.

Les mots étaient à peine sortis de sa bouche lorsque, à l’intérieur des murs de l’entrepôt, le TB-TT fit son apparition, se dirigeant vers le char des marais qui se tenait toujours à la sortie.

— J’y crois pas, fit Page d’une voix terrorisée que Lando n’avait encore jamais entendu. Et ils y travaillent depuis deux jours ?

— Deux jours, confirma Lando. Je pense que tout ce que voulait Cravel au départ, c’était les lasers lourds, avec probablement un œil sur leur assemblage et un générateur de l’un des véhicules de Blackie. J’ai déjà vu ce genre d’approche auparavant : un gang prend d’assaut un entrepôt à proximité d’une cible, bricole juste ce qu’il y a à faire pour ce boulot, puis laisse tout simplement tout derrière eux sauf le butin.

— Jusqu’à les forcer à appliquer leur plan B.

Lando acquiesça.

— C’est amusant de voir comment l’odeur de gros profits fait ressortir le meilleur de chacun.

— Ou le pire, fit Page. Allez, viens, il est temps de nous éclipser.

Ils tournèrent à un autre coin, mettant le TB-TT hors de vue. Mais pas hors d’écoute, et Lando tressaillit lorsqu’il entendit le son des énormes pieds du TB-TT s’écraser sur le char avec lequel il avait bloqué la sortie. Le bruit s’arrêta, et le sol sous leurs pieds se mit à trembler en rythme alors que le TB-TT se dirigeait vers le spatioport. Page prit le bras de Lando, et ils se frayèrent un chemin entre les bâtiments de l’endroit que Page avait choisi et qui leur donnerait le meilleur point de vue sur la tragédie à venir.

Comme d’habitude, il avait raison. Ils atteignirent le point d’observation au moment où le TB-TT s’arrêtait prêt des bâtiments douaniers et ouvrait le feu.

Les TB-TT étaient le genre de machine de guerre capable d’écraser n’importe quoi, et les gardes du corps se trouvaient déjà hors du bâtiment, bombardant l’intrus avec leurs blasters. Mais même des blasters lourds étaient inutiles contre le blindage du TB-TT. Le canon laser, placé sur le menton de la machine, rasa le bâtiment douanier, tuant calmement et systématiquement toute personne en vue.

Le gros calibre fut l’un des derniers à mourir, courant désespérément à travers le spatioport en direction de son vaisseau, laissant une traînée de gardes du corps morts derrière lui. Les artilleurs du TB-TT le touchèrent d’un tir de laser puis tirèrent une fois de plus afin d’être sûr.

— Et c’est parti.

Lando observa les côtés du TB-TT. La trappe d’embarquement s’était ouverte, et deux hommes descendirent rapidement en rappel. Les lasers de la machine toujours en train de faire feu sur les rares survivants, les deux hommes détachèrent leurs cordes et se mirent à courir à travers ce paysage de désolation. Ils disparurent au milieu de la fumée et de la poussière, et en émergèrent une minute plus tard, transportant chacun deux gros containers. Courant plus lentement à cause de leurs fardeaux, ils se dirigèrent vers le TB-TT.

— Page ? demanda Lando anxieusement alors que les voleurs attachaient les containers volés après les cordes.

— Patience, lui intima Page.

Ils devaient voir comment les voleurs étaient habillés puis se changer pour mettre quelque chose qui correspondait plus ou moins.

Puis, alors que les voleurs étaient toujours accaparés par leur tâche, deux hommes vêtus similairement sortirent d’un des bâtiments et se dirigèrent silencieusement vers eux. Ils se rapprochèrent des voleurs, il y eut deux éclairs de tirs de blaster et les corps des deux hommes, désormais inconscients, furent jetés sans cérémonie hors de vue, sous le corps du TB-TT. Les nouveaux venus agrippèrent les cordes et l’un deux fit un geste de la main. Les deux hommes et les containers furent rapidement attirés vers le haut. Lando retint son souffle alors qu’ils disparaissaient à l’intérieur.

C’était décidément insoutenable. À un instant, les canons laser d’un TB-TT faisaient feu sur les derniers survivants du carnage, et l’instant d’après, ils devenaient soudainement silencieux.

— Et voilà qui est fait, fit Page en se relevant.

— Il reste encore leur vaisseau, fit remarquer Lando.

— Ne t’inquiète pas, c’est fait. (Il observa Lando curieusement.) Tu veux bien me dire pourquoi tu as insisté que j’attende qu’ils aient attaqué les trafiquants d’épice avant que nous passions à l’attaque ?

Lando soupira.

— Blackie m’a dit que le TB-TT était hors-service. J’ai pensé que tant que Blackie avait une équipe ici, cela allait être une source d’embarras. Autant les laisser remettre la chose en marche pour moi.

— Et pourquoi as-tu besoin d’un TB-TT en état de marche ?

Lando sourit doucement.

— Viens dans quelques mois me rendre une petite visite sur Nkllon et tu verras.

— Nkllon ? répéta Page en fronçant les sourcils. Je pensais que cet endroit était trop chaud pour en tirer quelque chose.

— Tu verras, fit à nouveau Lando. Tout comme la Nouvelle République.

Page secoua la tête.

— Si tu le dis. Oups – il faut que je retourne au boulot. On se voit plus tard.

Il se dirigea vers le TB-TT, où l’un de ses commandos était réapparu était faisait redescendre les containers d’argent et de glitterstim.

Lando grimaça. Oui, le projet Cité Nomade était ambitieux : un vieux Dreadnought posé sur quarante TB-TT, transformant la lente rotation de Nkllon afin qu’ils restent en permanence du côté de la face fraîche et sombre pendant que des engins miniers récupèreraient le minerai métallique de la planète, incroyablement précieux. S’il arrivait à mettre tout ça en place.

Un TB-TT en moins. Plus que trente-neuf.

Il secoua mentalement sa tête. L’odeur des gros profits faisait en effet ressortir le meilleur de chacun. Le meilleur, mais aussi le pire.

Et le plus fou.

Jetant un dernier regard au TB-TT, il se tourna et se dirigea vers l’entrepôt. Il était temps de voir comment Blackie allait réagir à un bon marché.