LES TRÉSORS DES SABLES

Voronica Whitney Robinson

1 ap. BY

Chronologie

En 2003, LucasBooks se lançait dans un pari osé ; celui de proposer l’adaptation d’un jeu vidéo, chose qui ne s’était pas vu dans l’Univers Étendu depuis la trilogie de romans illustrés DarkForces, de William Dietz.

Un an avant l’excellente « novélisation » de Republic Commando, c’est avec The Ruins of Dantooine que la mode fut lancée. La jeune écrivaine Voronica Whithney-Robinson avait alors pour mission de retranscrire au mieux l’ambiance du jeu online Star Wars Galaxies. Pour un gallot d’essai, le résultat fut un semi échec, car si le bouquin en lui-même n’était pas mauvais, sa « franchise » particulière et son histoire il faut l’avouer assez banale on fait que seule une partie du public habituel s’est tourné vers lui.

Néanmoins, cela a suffit au Star Wars Insider, qui surfa sur la vague pour proposer dans le numéro 74 du magazine cette nouvelle. Elle fait office de petite préquelle au roman, et mange tout aussi peu de pain.

Titre original : Pearls in the Sand

 

— Je les ai trouvés, baragouina le Mon Calamari grisé par l’alcool à ses compagnons.

— Qu’est-ce que tu racontes, Ackli ? murmura l’un des Zabrak qui l’accompagnait alors qu’il sirotait sa chope presque pleine.

— Je les ai vus, siffla-t-il, se vautrant tellement sur la petite table crasseuse qu’il semblait y être couché, j’ai trouvé les krayts.

À l’évocation de ces dragons légendaires, supposés être quatre ou cinq fois plus gros que le plus vieux des banthas, les quelques clients de la petite taverne de ce lointain avant-poste se turent. La plupart rejetèrent les déclarations du Mon Calamari, prétextant qu’il était saoul ou qu’il avait pris un coup de chaleur… ou les deux. Mais certains, notamment les deux silhouettes vêtues de robes qui se tenaient presque au fond de la cantina, tendirent leurs oreilles. Dès qu’elle entendit le mot « krayt », Dusque Mistflier retira la tenue qu’elle portait dans le désert, révélant de longs cheveux bruns pleins de sable. Elle plissa ses yeux gris et tendit l’oreille pour mieux entendre le Mon Calamari. L’humaine était intriguée.

— Je les ai vus, dit-il, parlant maintenant davantage à sa chope qu’à quiconque se trouvant dans la petite cantina. Il semblait tellement ivre que personne ne voulait le croire. La plupart des autres clients avaient repris leurs conversations traitant de tout autres sujets, allant du dernier modèle d’évaporateur d’humidité à la recrudescence des hommes des sables à l’Est du minuscule avant poste de Mos Taike. Le thème des dragons n’était pas nouveau ; les habitants de Mos Taike et sans doute une bonne partie de ceux de Tatooine avaient eu vent de leur existence. Mais, seul un petit nombre prétendait les avoir vu, très certainement parce qu’ils étaient peu nombreux à avoir survécu à pareille rencontre.

— Et j’ai vu où ils se rendent pour mourir, dit Ackli si discrètement que la déclaration fut presque noyée sous la complainte triste de l’unique joueur de slitherhorn qui continuait de jouer qu’on le regarde ou non. Comme quelques minutes plus tôt, plusieurs personnes écoutaient les déclarations d’Ackli et s’interrogeaient sur les implications de telles insinuations.

Un des Zabraks qui l’accompagnait, le visage couvert de multiples tatouages, redressa le Mon Calamari, sans ménagement.

— Pourrais-tu retrouver l’endroit ? demanda-t-il.

Ackli repoussa les mains du Zabrak comme s’il les trouvait menaçantes.

— Bien sûr que je le pourrais. Les yeux fermés.

Et comme pour le prouver, il ferma puis rouvrit les paupières.

— S’il dit la vérité… fit le Zabrak à un autre de sa race, assis à la même petite table que le Mon Calamari.

— … alors il pourrait s’agir d’ossements ou de nids, termina l’autre à sa place, et nous savons tous les deux ce que ça veut dire.

Même depuis le renfoncement où elle se trouvait, Dusque pouvait percevoir la cupidité qui émanait de leurs voix. Elle se retourna vers son compagnon de voyage qui abaissait sa propre capuche.

— Tu as entendu ça Tendau ?

Dès que sa tête en forme de dôme apparut, l’Ithorien considéra Dusque avec un regard qu’elle connaissait bien : un de ceux où se mêlaient avertissement, reproche et résignation.

— Je pense que oui, fillette, répondit-il doucement, sa voix résonnant curieusement de ses bouches jumelles.

La jeune femme se pencha plus près de la grande silhouette de Tendau et murmura :

— S’ils savent où se trouve le cimetière des krayts, imagine ce que cela pourrait signifier !

Elle ne prit même plus la peine de dissimuler l’excitation qui montait dans sa voix.

— Oh, j’imagine ce que cela pourrait vouloir dire, crois-moi, dit l’Ithorien. Être dévoré par des krayts en courant après des chasseurs de trésors cupides…

— Tout se passera bien, fit-elle en posant une de ses mains délicates sur les longs doigts de son collègue. C’est une véritable opportunité. Peux-tu imaginer à quel point Willel sera impressionné quand nous reviendrons avec des échantillons de matériel génétique de krayts de canyon ? Et peut-être trouverons-nous le précieux objet que tous ceux qui ont poursuivi ces animaux ont toujours espéré découvrir.

Quand Tendau sourit devant son attitude sincère et passionnée, Dusque sut qu’elle avait presque réussi à le convaincre.

— Nous avons assez d’échantillons et de tissus de banthas et de bocatts sauvages pour satisfaire amplement les demandes de Willel, fit-elle. De toute façon, ce n’est pas comme s’il s’agissait de la plus stimulante des missions. C’était juste la plus sableuse.

Elle essaya, avec insistance, mais sans succès, de passer ses doigts dans sa chevelure pleine de sable.

— Et nous n’aurons pas d’autre possibilité de ressortir avant des semaines, ajouta-t-elle. Je crois que la prochaine mission inscrite sur notre agenda est un voyage sur Naboo pour une sorte de démonstration de dressage de créatures. Toi comme moi savons à quel point cela sera ennuyeux de regarder une bande de débutants qui pensent comprendre les subtilités du comportement animal tout en se pavanant avec leurs animaux.

— Ce n’est pas la plus glorieuse des missions, je suis d’accord, répondit Tendau, mais c’est…

— … c’est une opportunité unique dans une vie, fit Dusque.

— Et si le Mon Calamari se trompait !

— Alors notre séjour n’aura été prolongé que d’environ une demi-journée, et je ne vois pas de mal à ça. Un large sourire se dessina sur le visage de Dusque lorsqu’elle entendit le soupir de l’Ithorien, car elle sut qu’elle l’avait persuadé.

— Très bien, dit-il. Mais j’espère que nous n’aurons pas à le regretter.

— Nous ne le regretterons pas, lui assura-t-elle. J’en suis certaine.

Dusque et Tendau suivirent pendant plusieurs heures les deux Zabraks et le Mon Calamari à présent dégrisé. Dès qu’ils eurent laissé derrière eux les quelques petites constructions qui constituaient le poste isolé de Mos Taike – un endroit si petit qu’il n’y avait même pas de terrain d’atterrissage pour les navettes – il n’y eut quasiment plus que du sable et de grands espaces pour les distraire.

Malgré sa carrure imposante et ses quelques difficultés à se déplacer à travers les dunes, Tendau marchait à la même allure que Dusque, bien qu’elle soit plus petite et plus légère que lui. Et malgré leurs capes de couleurs claires et des combinaisons environnementales qui leur offraient une protection contre le soleil et un camouflage sur le sable, la jeune femme pouvait sentir un petit filet de sueur couler entre ses omoplates. Si elle commençait déjà à se sentir mal à l’aise, elle ne pouvait qu’imaginer à quel point l’Ithorien souffrait, avec sa stature plus imposante et ses pieds pour le moins délicats. Cependant, durant toutes leurs années passées au service de l’Empire comme bio-ingénieurs, Dusque ne l’avait jamais entendu se plaindre des épreuves. L’amour de Tendau pour toutes les créatures de la galaxie l’avait conduit de son vaisseau-cité au service de l’Empire où il pouvait démêler les secrets de la nature jusqu’au niveau du génome. Dusque savait qu’il était prêt à sacrifier encore davantage dans ce but.

Pour diverses raisons Tendau s’était pris d’affection pour Dusque, la seule femme admise dans le cercle de l’élite des bio-ingénieurs. Ses autres collègues avaient tendance à la considérer avec dédain, et elle avait toujours eu l’impression de devoir leur prouver quelque chose. Parmi eux, elle avait toujours l’impression d’être la petite dernière et souffrait de ne pas pouvoir espérer réduire le fossé entre leur expérience et ses propres compétences, aussi dur qu’elle puisse travailler. Les autres bio-ingénieurs s’arrangeaient toujours pour qu’elle sente qu’elle ne pourrait pas s’élever à leur niveau d’excellence… jamais.

Avec l’Ithorien c’était différent. Peut-être tout simplement parce qu’ils étaient tous deux des étrangers dans un monde inconnu, ils étaient parvenus à se lier d’amitié malgré l’environnement stérile de leur profession. Ou peut-être le fait qu’ils étaient tous les deux réellement fascinés par la nature les avait-il poussé l’un vers l’autre. Quel qu’en soit le raison, ils formaient une bonne équipe, et étaient suffisamment chanceux… ou suffisamment détestés… pour être régulièrement affectés aux mêmes missions.

Celles qui leur étaient assignées n’étaient pas les meilleures. Typiquement, ils se retrouvaient à collecter de banals échantillons génétiques provenant de créatures plus qu’inhabituelles dans les coins les plus paumés de la galaxie. Cependant, Dusque écoutait toujours ce qui se disait autour d’elle et c’est ainsi que grâce, à ses observations attentives, elle était plus d’une fois tombée sur des histoires de créatures rares ou à la taille surprenante. Elle parvenait toujours à convaincre Tendau de l’accompagner et trouvait que les prises qu’elle découvrait étaient suffisantes pour calmer ses patrons, suffisantes pour qu’ils ferment les yeux sur son manque d’obéissance. Lorsqu’elle était en mission, elle préférait avoir à s’excuser plutôt que demander la permission.

Les soleils jumeaux de Tatooine cognaient sans merci sur le sable doré. Quelque soit la direction dans laquelle elle regardait, Dusque ne voyait que du bleu et un jaune aveuglant à perte de vue. Elle baissa sa capuche et essuya la sueur qui perlait dans son cou. Elle se tourna vers Tendau et vit qu’il avait, comme elle, retiré sa capuche.

— Comment vas-tu ? demanda-t-elle.

— Je…

Avant qu’il puisse dire un autre mot, il fut interrompu par le gémissement d’un tir de laser.

— On dirait que ça vient de derrière cette dune, fit Dusque. Elle indiqua la dernière direction dans laquelle ils avaient vu le trio de pillards se diriger puis courut vers les bruits d’explosion.

— Viens.

Alors qu’ils se dirigeaient prudemment vers le haut de la dune, Dusque entraperçut une bête laineuse parée de longues cornes recourbées qui dodelinait de la tête de l’autre côté de la crête…

— Des banthas, murmura Dusque en ralentissant son allure, et des blasters.

— Ça ne peut être que des Hommes des Sables, dit Tendau, alors qu’il s’arrêtait à ses côtés.

— Les Hommes des Sables, siffla-t-elle. Dusque était bien consciente de leur férocité et de leur penchant pour la cruauté.

Ils se laissèrent tomber au sol et rampèrent sur le sable brûlant pour franchir les derniers mètres qui les séparaient du sommet de l’arête de sable. De leur position, ils pouvaient voir un groupe de trois Hommes des Sables accompagnés de cinq banthas attachés près d’un camp improvisé. Deux des trois Tuskens avaient sorti leurs fusils et faisaient feu sur les trois chasseurs de trésor de Mos Taike.

— Ces cupides idiots se sont jetés droit sur eux, dit Dusque.

— Et ils ne semblent pas très bien se débrouiller, observa Tendau.

Dusque regarda autour d’elle et ne vit pas grand chose qui puisse l’aider dans cette situation. Elle n’avait qu’un simple poignard Twi’lek, et savait que Tendau ne possédait qu’un couteau de survie. Aucun d’eux n’avait d’autres types d’armes sur lui… et certainement rien qui puisse rivaliser avec un fusil Tusken ou un bâton gaffi. Elle devrait trouver autre chose. Observant attentivement la scène, elle ne vit qu’une seule chose à faire.

— Tendau, dit-elle silencieusement, laisse toi glisser le long du versant sud pendant que je passerai par le côté nord. Nous devons couper les longes de leurs banthas pour les faire fuir.

Son plan fit sourire l’Ithorien.

— C’est effectivement le mieux que nous puissions faire, chuchota-t-il en retour. J’espère que ça marchera.

— Moi aussi.

Sur ce, elle se laissa doucement glisser d’un côté de la crête tandis que Tendau passait par l’autre versant, les plaçant de part et d’autre du petit troupeau de banthas. Dusque commença à couper leurs attaches, espérant que les Hommes des Sables seraient trop occupés par leur proie du moment pour revenir et contrôler leurs montures. Heureusement, elle et Tendau parvinrent à couper tous les liens sans être découverts. Elle fit un signe de tête à l’Ithorien et tous deux se mirent à bousculer la matriarche du troupeau jusqu’à ce qu’elle commence à bouger. Comme Dusque le prévoyait, le reste du troupeau la suivit, et très rapidement tous les banthas se mirent à courir. Dusque et Tendau eurent juste le temps de repasser derrière la crête avant que l’un des trois Pillards Tusken ne s’aperçoive de la fuite de leurs montures.

La jeune femme comptait sur le fait que, bien qu’avides, les Pillards Tusken n’étaient pas des mercenaires. Possédant une faible valeur monétaire pour les habitants du désert, les trois opportunistes de Mos Taike leur servaient davantage de distraction. Par contre, leurs montures étaient bien trop précieuses pour être perdues. La suite des évènements lui donna raison.

Quand le premier Homme des Sables remarqua que leurs banthas s’étaient libérés, il l’hurla à ses compagnons dans leur langue étrange. Ce n’était plus qu’une question de secondes avant que les autres ne renoncent à leur attaque sur les Zabraks et le Mon Calamari pour se lancer à leur poursuite. Les trois chasseurs de trésor ne perdirent pas de temps et s’enfuirent vers l’Est. Ils voulaient, probablement autant que Dusque, savoir ce qu’il y avait dans le cimetière et ne semblaient pas s’intéresser aux raisons de leur chance soudaine… ils profitèrent simplement de ce coup de pouce du destin. Regardant au sud, Dusque put voir les trois Hommes des Sables disparaître derrière l’horizon alors qu’ils poursuivaient leurs montures. Tout au long des évènements, elle et Tendau étaient restés hors de vue des deux groupes.

— Allons-y, dit-elle à l’Ithorien. Ils se remirent alors à suivre les anciens clients de la cantina.

Au cours des mille mètres suivants, il ne se passa rien de spécial. Dusque et Tendau gardèrent leurs distances avec le trio, toujours attentifs au fait que d’autres maraudeurs pouvaient être tapi entre les dunes mouvantes. Alors qu’ils marchaient péniblement, toujours plus loin dans le désert, leur fatigue augmentait de plus en plus. Cependant, puisque leurs proies ne faisaient pas de halte, ils ne pouvaient se permettre de s’arrêter pour se reposer ; car bien qu’il n’y ait qu’une très faible brise, c’était suffisant pour recouvrir les traces irrégulières du trio en seulement quelques instants. Et, comme Dusque avait peur de perdre leur piste si elle et Tendau ralentissaient, ils se voyaient donc obligés de continuer d’avancer. La jeune femme espérait qu’ils approchaient du lieu mentionné par le Mon Calamari, lorsqu’ils étaient à Mos Taike. Mais elle s’inquiétait de savoir ce qu’ils allaient faire de leurs rivaux une fois parvenus à l’emplacement supposé du cimetière des krayts. Pensive, elle médita ce problème en apparence insoluble.

Alors qu’ils gravissaient une nouvelle pente abrupte, Dusque se retourna pour voir comment se portait Tendau. Il était extrêmement fatigué mais ne l’avouerait jamais. Elle ne pouvait pas laisser la fièvre qui s’emparait d’elle à l’idée d’une hypothétique découverte l’épuiser d’avantage.

— Pourquoi ne pas nous arrêter un moment ? dit-elle, s’étonnant du ton râpeux de sa voix.

— Je pensais exactement la même chose, ma petite dame, entendit Dusque derrière elle. Elle fit volte-face pour voir le trio aligné de l’autre côté de la dune où elle se tenait avec Tendau. Les deux Zabraks avaient dégainé de petits blasters et les braquaient sur eux. Le Mon Calamari se tenait légèrement en retrait, une expression confuse sur le visage, comme s’il n’arrivait pas à croire au comportement de ses compagnons.

Celui qui avait parlé fit signe à Dusque et Tendau avec son blaster. Ils n’étaient pas en position de discuter et descendirent donc la pente pour se placer devant les Zabraks armés.

— Qui êtes-vous au juste ? demanda l’autre. Vous courez après notre trésor ?

Le premier Zabrak le fusilla du regard, et Dusque jugea qu’il devait avoir eu peur que son camarade n’en dise trop.

— Écoutez, commença Dusque, levant ses fines mains blanches comme quelqu’un qui essayerait de défendre ses arguments, nous ne sommes pas en train d’essayer de vous voler quoi que ce soit vous appartenant. Mon collègue et moi sommes des bio-ingénieurs Impériaux aux ordres de l’Empereur Palpatine, et nous…

— Saloperies de scientifiques !

Le premier Zabrak cracha et leva son blaster. Dusque réalisa qu’elle venait probablement de sceller leur destin, car de nombreuses personnes détestaient l’Empereur et ceux qui le servaient, surtout aussi loin des mondes du noyau.

— Attends ! intervint l’autre Zabrak. Je ne suis pas prêt à verser le sang sur ces perles, et je ne suis pas du tout disposé à avoir l’Empire à mes trousses plus que cela ne l’est déjà. J’ai une meilleure idée.

— Qu’as-tu à l’esprit ? lui demanda celui qui les avait interpellés en premier. Dusque pouvait entendre que la colère contenue dans sa voix avait laissé place au sentiment ressenti par tous ceux qui pensaient être du mauvais côté de l’Empire : la peur.

— Laissons le désert décider de leur sort, dit le second. D’ici à ce que quelqu’un les trouve, il ne restera plus que leurs os. Je suis sûr, vu leur secteur d’activité, que ce ne sera pas la première fois que l’un d’eux sera victime d’un accident mortel.

— C’est une bonne idée, intervint le Mon Calamari. Il semblait également soucieux d’éviter toute effusion de sang.

Le Zabrak qui, tout à l’heure, avait été si impatient de les exécuter, prit leurs couteaux et leur fit signe de s’asseoir.

— L’un de ces couteaux me revient, dit le deuxième Zabrak.

Alors que Dusque et Tendau s’exécutaient, le vent se leva, et bien qu’il reste encore au moins une demi-heure avant que le deuxième soleil de Tatooine ne se couche, l’obscurité tomba rapidement.

— Une tempête de sable approche, cria le Mon Calamari pour se faire entendre malgré les hurlements croissants du vent. Laissons-les simplement ici. Les scarabées des sables s’occuperont d’eux.

Le deuxième Zabrak était en train de lier ensemble les bras de Dusque qu’il venait de tirer brutalement derrière son dos, lorsque la visibilité devint presque nulle.

— Ça suffira, cria-t-il à son jumeau avant que le trio ne s’en aille, se dirigeant toujours vers l’Est pour autant que Dusque puisse en juger.

— Tout va bien ? cria Dusque, dès qu’ils furent hors de vue.

L’Ithorien réussit à sourire tristement.

— Tu parviens toujours à nous mettre dans les situations les plus impossibles, hurla-t-il en retour.

Dusque se mit debout et trébucha dans l’obscurité, frappant durement le sol du pied. Avec le peu de visibilité dont elle disposait, il lui fallut quelques instants avant de percevoir le bruit sourd qu’elle espérait. Elle tomba à genoux et tâtonna jusqu’à ce qu’elle trouve le rocher dentelé dans lequel elle avait buté. Puis elle commença à scier ses liens contre la pierre.

— J’arrive tout de suite, cria-t-elle. Elle réalisa, au milieu du tourbillon de sable qui frappait son visage, qu’elle n’avait aucune idée de l’endroit où se trouvait Tendau. Elle en fut momentanément troublée. Elle coupa facilement la lanière de cuir que le Zabrak avait utilisée pour l’attacher. Maintenant elle avait la périlleuse tâche de retrouver Tendau.

— Tendau ! s’époumona-t-elle pour se faire entendre malgré les hurlements du vent. Elle se retourna frénétiquement et essaya de se rappeler quelle direction elle avait prise lorsqu’elle avait commencé à chercher le rocher. Elle tenta de ralentir sa respiration et de calmer les battements de son cœur, se rendant compte qu’elle était au bord de la panique.

Cherchant quelle direction prendre, elle remarqua que la tempête de sable faiblissait. Elle se souvint alors, maintenant qu’elle recouvrait peu à peu son sang-froid, que ces orages ne semblaient jamais durer longtemps sur cette planète. En effet, les tempêtes de sable de Tatooine étaient aussi brèves que les attaques des animaux qui y vivaient… et souvent meurtrières.

— Tendau ! appela-t-elle de nouveau quand elle crut voir sa silhouette courbée à dix mètres devant elle. Au moment où elle s’élança vers lui, elle fut étonnée de voir la distance qu’elle avait réellement parcourue. Elle secoua la tête pour lutter contre la désorientation créée par le bref orage.

Comme elle se laissait tomber à ses côtés, Dusque remarqua avec inquiétude que Tendau s’était recroquevillé sur lui-même. Puis, elle se rendit compte qu’il avait adopté cette position pour protéger la tête en forme de dôme perchée au sommet de son long cou arrondi.

— Est-ce que tu vas bien ? demanda-t-elle alors qu’elle détachait ses mains.

— Comme d’habitude, répondit-il finalement, je crois que je vais aussi bien que toi.

La tempête de sable s’était presque calmée, et Dusque put voir qu’il souriait légèrement.

Elle lui sourit en retour, mais son expression se transforma en grimace quand elle vit ses poignets ensanglantés. Évidemment, il avait lutté avec ses liens pendant tout le temps durant lequel elle avait cherché à se libérer. C’est alors que la jeune femme se rendit compte que rien n’était pire que la douleur de voir son ami blessé.

Alors qu’elle l’aidait à se remettre debout, Dusque lui dit :

— Il ne nous faudra pas longtemps pour retourner à Mos Taike maintenant que nous ne les suivons plus. Viens.

Elle commença à rebrousser chemin, mais l’Ithorien resta immobile.

— Ce serait un incroyable gâchis de rebrousser chemin alors que nous sommes si près de notre but, dit-il.

— Tu veux continuer ? demanda-t-elle, incrédule.

— Pas toi ?

— Si… bien sûr.

— Alors continuons, dit-il, partant en tête. Je ne pense pas qu’ils aient pu aller bien loin avec cette tempête.

Dusque secoua la tête et sourit, en partie à cause de la ténacité de son compagnon mais également en raison de sa loyauté. Il savait à quel point cette quête avait capté son attention et combien elle détestait ne pas finir ce qu’elle entreprenait. De plus, il voulait voir ce projet mené jusqu’à son terme. Elle fut touchée par le cadeau qu’elle possédait déjà : son amitié. Alors qu’ils suivaient la trace du trio de mercenaires du mieux qu’ils le pouvaient, une chose taraudait Dusque. Elle y réfléchit encore et encore puis elle en parla finalement à Tendau.

— Tu sais ce qui me paraît étrange ? dit-elle. C’est qu’il ait appelé ce que nous cherchons « des perles ». Ça ne te semble pas un peu bizarre ? Je veux dire, je suppose qu’ils ressemblent un peu à des perles, mais pourquoi avoir choisi ce terme…

— Regarde, l’interrompit Tendau en pointant du doigt l’extrémité Est de la faille au-dessus de laquelle ils se trouvaient. Étincelant sous la lumière des étoiles, ils pouvaient voir ce qui ressemblait à une succession d’arches blanches, parfaitement façonnées et régulièrement espacées. Même à une centaine de mètres de distance, Dusque devina de quoi il s’agissait.

— Des ossements de krayt, souffla-t-elle. Elle sourit à Tendau, prête à courir jusqu’en bas de la colline. Mais avant qu’elle ne fasse un pas, le gémissement maintenant familier d’un rayon laser déchira la nuit. Il y eut de multiples explosions, de plus en plus bruyantes. Dusque et Tendau, qui ne voyaient que des broussailles et des touffes d’herbes autour d’eux, se laissèrent tomber sur le sable frais pour se mettre à couvert. Un moment plus tard, les Zabraks et le Mon Calamari apparurent à l’extrémité Est de la faille, courant en sens inverse. De temps en temps, l’un des Zabraks se retournait et tirait derrière lui, mais le plus souvent, ils couraient simplement aussi vite que leurs jambes le leur permettait. Ils étaient presque hors de leur champ de vision, et Dusque commençait à se poser des questions sur leur santé mentale, quand un cri déchira la nuit.

Sortant de l’obscurité occupant l’extrémité Est de la faille, il n’y avait pas un mais trois dragons krayt. Dusque retint son souffle, impressionnée. Elle s’était documentée sur ces créatures… ou, tout du moins avait-elle lu le peu d’informations existant sur eux… mais la jeune femme n’avait jamais imaginé se trouver si près de l’un d’eux, et encore moins de trois. Les deux premiers étaient beaucoup plus grands, elle supposa donc que le troisième était un jeune. Tous trois possédaient une couronne caractéristique à cinq cornes et un corps verdâtre. Même d’où ils se trouvaient, Dusque pouvait voir de grosses épines sortir d’un peu partout de leur peau blindée, et les pointes jumelles occupant l’extrémité de leur queue.

Pour autant qu’elle puisse l’estimer, les hanches du plus petit krayt devaient faire la hauteur de deux humanoïdes de taille moyenne, alors que les plus vieux dragons étaient au moins deux fois plus grands. Il était probable que ces animaux continuent de grandir jusqu’à leur mort. Si c’était réellement le cas, Dusque s’interrogeait sur l’âge des spécimens qui se tenaient devant eux.

Aussi rapidement qu’ils étaient apparus, les dragons disparurent dans la direction opposée, toujours à la poursuite des trois intrus.

— On dirait que nos « associés » ont éloigné les animaux pour nous, dit Tendau à voix basse, bien qu’il n’y eut plus de raison de chuchoter.

— Ne laissons pas passer cette chance, lui répondit Dusque, en commençant à dévaler la colline en direction de l’endroit où les krayts était apparus, l’Ithorien juste derrière elle.

Au moment où ils pénétrèrent dans la faille, Dusque pouvait à peine respirer. Il n’y avait pas juste un ou deux squelettes, mais des centaines et des centaines. Comme elle errait dans le cimetière, passant aisément au travers de cages thoraciques partiellement désagrégées comme dans des tunnels, la jeune femme s’étonna du nombre de créatures qui s’étaient éteintes, toutes inexplicablement attirées vers le même lieu. L’endroit lui rappelait les mœurs d’autres créatures qu’elle avait rencontrées dans son travail, des animaux qui retournaient toujours au même lieu pour se reproduire. Certaines de ces créatures étaient appelées « reproducteurs terminaux » parce qu’elles mourraient peu après avoir atteint leur destination. Elle espérait que l’explication était la même dans le cas présent.

Alors que Dusque et Tendau avançaient plus profondément dans la faille, croisant des crânes et des restes de griffes, quelque chose scintilla dans le sol sableux, reflétant la lumière des étoiles. La jeune femme s’en approchait au moment où son collègue la rappela :

— Nous ferions mieux de collecter les échantillons que nous pouvons. Je ne pense pas que nous ayons beaucoup de temps.

Un objet, qui faisait approximativement la grosseur de la tête de Dusque, était niché au centre d’une des nombreuses cages thoraciques. Elle le souleva et le tint à bout de bras pour mieux l’examiner. Sa surface était crème et brillait doucement. L’objet était parfaitement lisse, et la jeune femme comprit que les krayts, comme beaucoup d’espèces reptiliennes, devaient avaler des pierres et les user dans leurs gésiers pour faciliter leur digestion… peut-être pendant des années.

— Des perles, dit-elle, et bien que le cimetière soit un endroit bizarre pour ça, elle éclata de rire. Des perles, répéta-t-elle, presque hors d’haleine.

— Dusque, dit Tendau. Le ton de sa voix lui fit tourner brusquement la tête.

Elle manqua de s’étrangler et laissa tomber la perle de krayt à ses pieds.

— Ohhh, dit-elle, stupéfaite.

Dans la taverne, de nouveaux voyageurs arrivés de Mos Espa s’assirent autour du bar. Après qu’ils eurent consommé quelques coups de soleils de Tatooine, leurs conversations s’orientèrent vers le légendaire canyon des krayts et leurs trésors.

— J’ai entendu dire que le cimetière est couvert de leurs perles, chacune valant une fortune, dit un jeune Rodien à sa compagne. J’en trouverai une pour toi, continua-t-il avant de lui voler un baiser.

Elle gloussa, l’air ravie.

— Ne soit pas stupide, lui dit un humain d’un ton sec, non seulement il n’y a pas de cimetière, mais il n’y a pas non plus de krayt ou de perle. Tout ce que vous trouverez là-bas, c’est quelques scarabées des sables géants qui seront plus qu’heureux de faire de vous leur repas. Ses compagnons et lui se gaussèrent du Rodien.

— Il a raison, intervint une voix forte de femme provenant du fond de la pièce. Dans un coin sombre de la taverne, une silhouette entourée d’une cape se leva, quitta son compagnon encapuchonné, et marcha vers le bar.

La femme abaissa sa capuche pour révéler des cheveux brun clair pleins de sable et de poussière. Ses yeux gris scintillaient de plaisir.

— Les krayts existent, et il y a, là-bas, des fortunes au-delà de tout ce que vous pouvez imaginer, attendant seulement d’être découvertes.

Pour ne pas se laisser surpasser par la jeune femme, l’humain qui avait découragé le Rodien demanda :

— Et comment le sais-tu ?

— Parce que non seulement j’y suis allé, mais j’ai également ramené un de leurs trésors.

La pièce devint silencieuse, attendant de voir ce qui allait se passer. Dusque souleva un sac sur le bar et l’ouvrit soigneusement. Lentement, elle en retira un unique objet nacré qu’elle brandit avec respect.

— Quoi ? C’est tout ! gémit le Rodien, ça n’est pas un trésor, juste un vulgaire œuf.

Les clients retournèrent à leurs boissons, déçus.

Mais Dusque n’entendit rien de tout cela. Elle regarda fixement l’œuf de krayt qui brillait et soupira :

— Il est inestimable.