Préface
La globalisation financière est la composante
financière de la mondialisation. Elle résulte de la conjugaison de
plusieurs facteurs : un processus de libéralisation (ou de
déréglementation), engagé dès les années 1970, l’introduction des
nouvelles technologies de l’information et de la communication
(NTIC) dans le secteur de la banque et de la finance,
l’accélération des innovations financières avec la multiplication
de nouveaux instruments et de nouveaux marchés. Elle se traduit par
une parfaite mobilité des capitaux au plan mondial et dans chaque
pays.
Comme nombre d’évolutions, la globalisation
financière comporte à la fois des avantages et des inconvénients.
Elle élargit considérablement la palette des financements possibles
pour les emprunteurs, des placements envisageables pour les
épargnants.
Faisant jouer la concurrence entre pays, entre
systèmes bancaires, entre places financières mais également, dans
chaque pays, entre financements intermédiés (ceux passant par les
banques) et financements désintermediés (par les marchés), elle est
susceptible de profiter aux agents non financiers (entreprises,
ménages...). Mais cette globalisation s’accompagne aussi de
certains effets négatifs. Mal maîtrisée et mal régulée, elle peut
renforcer l’instabilité du système. En outre, en créant
l’interdépendance entre tous les marchés et toutes les places
financières, elle accélère les effets de contagion. Un choc local a
beaucoup plus de chance de devenir, sans délai, un choc global (ou
systémique). Depuis le krach de 1987 jusqu’à la crise financière et
économique commencée en août 1987 et non achevée en cette fin 2009,
nous l’avons vécu à de multiples reprises.
Le beau livre de Cécile Bastidon Gilles, Jacques
Brasseul et Philippe Gilles vise à « rechercher le sens de
l’histoire de la globalisation financière ». Il ne s’attarde
pas sur la période (1880-1914), qualifiée par Suzanne Berger de
« première mondialisation » (mais qui, bien sûr, n’était
pas la première d’un point de vue historique), et il démarre
vraiment avec la préparation et la tenue de la Conférence de
Bretton Woods de 1944. Une Conférence qui a fixé des règles du jeu
appliquées jusqu’en 1971-1973, règles emportées tout à la fois par
les chocs pétroliers, la montée des déséquilibres internationaux,
une libéralisation financière mal maîtrisée... tout cela sur fond
de privilèges persistants en faveur du dollar et des États-Unis.
Aujourd’hui, avec l’essor du rôle international de l’euro, avec une
Chine qui aimerait réduire sa dépendance vis-à-vis du billet vert,
le dollar est contesté sans être vraiment remplacé. Nos auteurs
éclairent avec talent les mutations du système financier depuis la
seconde guerre mondiale et leurs implications. Ils montrent en quoi
la crise intervenue depuis 2007 était en germe dans certains chan
gements structurels apparus dans les années 1980, en particulier
une finance devenue de plus en plus virtuelle et autonome vis-à-vis
de l’économie réelle (l’investissement productif, la croissance et
l’emploi.)
On trouvera dans ce livre la genèse et l’actualité
de nombre de débats actuels, qu’il s’agisse des pouvoirs et du rôle
du FMI, de la taxe Tobin, de la régulation des taux de change et de
ses limites, de l’articulation entre l’intégration monétaire
régionale (exemple de l’euro et de l’UEM) et le système mondial, du
passage du G7/G8 au G20, etc.
La globalisation fait qu’aujourd’hui les systèmes
bancaires et financiers nationaux sont beaucoup plus intégrés que
les politiques économiques nationales ne sont coordonnées entre
elles. De cet écart naît une bonne part de l’instabilité monétaire
et financière ambiante.
Plutôt que de remettre en cause l’ouverture et la
globalisation, il me paraît préférable, pour combler une partie de
l’écart précédent, de progresser dans la direction d’une vraie
gouvernance mondiale. Dans cette quête, des progrès dans la
gouvernance économique, financière et politique de l’Europe
seraient utiles à la fois comme exemple et comme base régionale
pour en tirer des enseignements au plan mondial. On peut toujours
rêver...
Christian de Boissieu
Président du Conseil d’Analyse Économique
Professeur à l’Université de Paris I
(Panthéon-Sorbonne)