L’effondrement du régime de Bretton Woods
(cf. 1re Partie), système de financement public,
bilatéral et multilatéral, des déséquilibres des paiements
internationaux qui, par nature, n’incluait pas l’intégration
mondiale des marchés de capitaux dès lors que le principe de
convertibilité des monnaies et que les flux internationaux de
capitaux concernaient, exclusivement, le financement des
transactions courantes (i.e. le
« haut » de la balance des paiements), a levé nombre de
résistances à une libéralisation complète des mouvements de
capitaux.
Tableau 8 : Flux de capitaux sur les marchés
des changes comparés aux exportations mondiales
Source :
BRI
En outre, l’accentuation des déséquilibres de
balances courantes, à savoir la croissance des besoins de
financement externe des États-Unis couplée à l’augmentation du
surplus courant du Japon (jusqu’en 1993) et de l’Allemagne
(jusqu’en 1990), a favorisé le développement des flux
internationaux de capitaux. Parallèlement, les pays d’Europe
occidentale, après avoir constitué le Système monétaire européen
(SME), en réponse à l’instabilité monétaire des années 1970, et
résisté aux différents élargissements, ont globalement enregistré
un creusement de leurs déficits courants en raison, principalement,
du choc de demande lié à la réunification allemande. De même, les
soldes courants des pays en développement (PED), particulièrement
ceux d’Amérique latine se sont, globalement, dégradés à la fin des
années 1980 et au début des années 1990, en lien avec
l’accroissement du différentiel de croissance avec les pays de
l’OCDE1.
Partant, à partir des années 1980, la conjugaison du développement
des mouvements internationaux de capitaux déconnectés des échanges
réels2, de
la révolution des communications et des innovations financières, de
l’institutionnalisation de l’épargne domestique3, et des politiques de déréglementation, ont
généré une importante titrisation des
financements internationaux (i.e. des
émissions et transactions sur titres au détriment des eurocrédits
bancaires classiques) et une gestion de plus en plus globale de
l’épargne à l’échelle mondiale.
Tableau 9 : Poids des transactions
internationales sur titres (en % du PIB)
(*) 1991
Sources : BRI et [Adda,
1997, 101].
D’où l’émergence puis le renforcement du processus
de globalisation financière, c’est-à-dire « l’émergence d’un
réseau financier global, fonctionnant en continu sur la
quasi-totalité des fuseaux horaires » [Adda, 1997, 94], et de
son corollaire, l’instabilité monétaire et financière dès lors que
les comportements des opérateurs (en termes de gestion de
portefeuilles d’actifs multidevises, d’optimisation de la
trésorerie pluri-devises de firmes multinationales, ou de passation
d’ordres de clientèle sur le marché interbancaire) sont
conditionnés par une logique spéculative (spécularité), nourrie d’anticipations de
variations des cours des titres et des monnaies. Partant, cette
relation entre comportements micro-économiques et états
macro-économiques est susceptible d’alimenter le risque de système,
c’est-à-dire « l’éventualité qu’apparaissent des états
économiques dans lesquels les réponses rationnelles des agents
individuels aux risques qu’ils perçoivent, loin de conduire à une
meilleure répartition des risques par diversification, amènent à
élever l’insécurité générale. » [Aglietta, 1995, 72] En
d’autres termes, la globalisation financière, facteur de risque de
système en accentuant la non-séparabilité des risques, donc en
invalidant le principe de l’assurance privée par diversification
des risques, découle des trois dysfonctionnements majeurs des
relations économiques internationales caractéristiques des
décennies 1970 et 1980, à savoir les chocs pétroliers et
l’explosion des euromarchés corollaire du recyclage des
pétrodollars, puis la montée de l’endettement jusqu’à la crise de
la dette des PED liée à la surliquidité des euromarchés qui
débouche sur les crises de dette souveraine et contribue à l’essor
des marchés émergents (chap. 4) ; l’instabilité monétaire
qui renvoie à l’orientation de la politique monétaire US, à la
nécessaire détermination d’un cours de change d’équilibre du dollar
(chap. 5), de même qu’à la volonté des pays de constituer des
zones monétaires (à l’instar du Système Monétaire Européen [SME])
et, plus généralement, de mettre en œuvre des dispositifs de
régulation supranationale (chap. 6), afin de s’abstraire de
cette déstabilisation chronique.
1 Le déficit de la balance courante de l’ensemble
des PED est passé de 15 milliards de dollars par an sur la période
[1987-1990] à environ 110 milliards en [1993-4].
2 En 2007, selon les enquêtes triennales sur les
marchés de changes de la BRI, 3 200 milliards de dollars sont
quotidiennement échangés sur le marché
international des devises (spot, change à terme, swaps,
etc.), contre 1 200 à 1 500
milliards dans les années quatre-vingt-dix et … 18 milliards au
début des années soixante-dix ; données à rapprocher du
montant annuel des biens et services
réellement échangés (i.e. le commerce
mondial en valeur), s’élevant environ à 6 000 milliards de dollars
dans les années 1990.
3 C’est-à-dire la détention de l’épargne par des
investisseurs institutionnels (compagnies d’assurance, fonds de
pension, OPCVM, et fonds d’investissement).