Il y a plus de soixante ans, les accords de
Bretton Woods (Partie 1)
définissaient les règles (le modus
operandi) de fonctionnement du système monétaire
international (SMI) dans un cadre de stabilité des changes et
d’autonomie des politiques monétaires, c’est-à-dire sa capacité à
assumer correctement ses fonctions de règlements des échanges
mondiaux et de circulation internationale de l’épargne, tout en
résistant aux chocs éventuels. La relative stabilité des taux de
change des années 1950 et 1960 correspond, ainsi, à une période
caractérisée par la coexistence d’un système de financement
international public avec une répression organisée de la finance
privée. Elle coïncide avec l’apogée du système de l’État-providence
dans les pays industrialisés, où la logique de marché est
solidement encadrée par les interventions publiques via la politique économique.
En d’autres termes, la « philosophie
générale » de Bretton Woods
consiste à mettre en place un système cohérent de changes stables
en transposant, au niveau mondial, les modes de régulation
nationaux des États keynésiens, ce qui recèle un défaut
consubstantiel : l’absence d’instances internationales de
régulation capables d’arbitrer entre les intérêts éventuellement
divergents des pays ; de procéder aux redistributions
nécessaires à la correction des différentiels de
développement ; de surveiller les activités des firmes
multinationales et d’impulser des politiques supranationales. En
l’absence de telles institutions, toujours d’actualité, la
stabilité et l’efficacité du SMI reposent, essentiellement, sur le
leadership assuré, et assumé, par les
États-Unis, et accepté par les autres pays industrialisés, une
sorte de « stabilité hégémonique » pour reprendre
Kindleberger, au sein de laquelle la prééminence du Politique sur
l’Économique est manifeste.
Avec l’avènement de la mondialisation et de la
globalisation, notamment monétaire et financière, l’Économie
reprend le dessus sur le Politique, ce
qui se traduit par un contournement et un rabaissement des États
souverains en charge de l’intérêt général, à travers une double
remise en cause, celle des compromis sociaux conçus sur des bases
nationales, et celle de l’autorité économique des États, illustrée
par les processus de déréglementation et de privatisation amorcés à
la fin des années 1970 (Partie 2) et poursuivis et approfondis
au cours de la décennie 1980 et lors du début de la décennie 1990.
La période contemporaine, c’est-à-dire celle qui débute au milieu
de la décennie 1990 (Partie 3), est caractérisée par la
mutilation de la souve raineté des États de même que la soumission
de l’évolution économique, sociale et politique, à la contingence
des intérêts particuliers, accroissant ainsi les risques de marché,
rendant les pays plus vulnérables aux aléas de la conjoncture et
aux basculements des comportements des opérateurs privés.
Graphique 34 : Flux d’Investissements
Directs Étrangers (IDE), Monde, 1970-2009, milliards de
dollars
Tous les pays sont confrontés à cette
problématique (graphique 34_Ref239649424 ci-dessus_Ref239649431), que ce soient les pays
industrialisés, comme le montrent les crises puis l’effondrement du
Système monétaire européen et l’avènement de l’Union Économique et
Monétaire (UEM) européenne ; ou les pays émergents confrontés
à des crises financières et/ou monétaires récurrentes
(chap. 7). Dans le cadre de la crise de 2008-2009, résultante
des nouveaux risques caractérisant les activités bancaires et
financières au cours de la deuxième partie de la décennie 2000 et
véritable synthèse des traits distinctifs du processus de
globalisation financière, l’ensemble des économies est affecté
(chap. 8). Dans ce contexte, le débat relatif à l’élaboration
d’une nouvelle architecture internationale et singulièrement à
l’optimalité des actions de gestion/prévention de crise prend une
importance de premier plan, le renouvellement des cadres théoriques
de référence constituant à la fois le prolongement direct des
perturbations affectant les marchés de capitaux internationaux et
le support des politiques mises en œuvres (chap. 9).