Introduction générale
L’observation des conditions de survenance et de
récurrence des crises financières et/ou monétaires survenues depuis
plus de deux décennies, et singulièrement la crise de 2008-2009,
permet de témoigner du basculement d’un système régi par les
autorités politiques économiques domestiques à un système
mondialisé mû par les marchés internationaux de capitaux privés,
autrement dit, simultanément et en concordance, la fin du
« système de Bretton Woods »
et l’avènement de la « Globalisation financière » ;
dynamique dont la narration de l’histoire est précisément l’objet
de cet ouvrage. Au-delà de sa nature protéiforme et de sa
multiplication d’usage en tant que concept lié à la polysémie du
mot qui est la raison même de sa fréquente utilisation, les faits
marquants susceptibles de définir la globalisation renvoient à la
constitution d’un marché intégré et global des capitaux, dont
l’universalité induit une cohérence et une continuité temporelles
de fonctionnement, caractérisé par des mouvements de
décloisonnement, de déréglementation et de désintermédiation, sous
l’influence de risques de taux (de change et d’intérêt) croissants
et de crises financières et/ou monétaires souvent inédites par
leurs ampleurs (contagions) voire leurs récurrences, destiné à des
besoins internationaux de financement de plus en plus déconnectés
des fondamentaux réels.
Plus précisément, l’instabilité du régime de
financement interne conjuguée au recours massif à des financements
de marché, lesquels substituent à une contrainte intertemporelle de
développement économique de moyen terme une contrainte financière
instantanée de gestion du « bas » de la balance des
paiements, accroît la vulnérabilité aux chocs externes, notamment
de liquidité, et aux retournements brutaux des anticipations des
agents, des économies concernées. En outre, cet aspect de la
globalisation financière et ses corollaires, en l’occurrence
l’association de la mutilation de la souveraineté des États avec la
soumission de l’évolution économique, sociale et politique aux
conditionnalités édictées par les institutions multilatérales sous
l’emprise du « Cantique de la libéralisation » [Stiglitz,
2002] voire, dans sa forme achevée, à la contingence d’intérêts
particuliers, ont augmenté les risques de marché, rendant les pays,
notamment émergents, plus vulnérables aux aléas de la conjoncture
et aux comportements privés, face auxquels les cadres nationaux de
régulations étatiques (politiques, économiques, financiers et
monétaires) se trouvent désarmés.
Cette évolution symbolise, également, une autre
manifestation de la globalisation, en l’occurrence la caducité
progressive de la philosophie générale contenue dans les accords de
Bretton Woods, à savoir assurer les fonctions de
financement des transactions internationales et la régulation des
désé quilibres des balances courantes via un système cohérent de financements et de
changes stables, transposant, au niveau mondial, les modes de
régulation domestiques. Dans ce cadre, la logique de marché était
solidement encadrée par les interventions publiques à l’échelle
nationale par l’intermédiaire de la politique économique et la
fonction de prêteur en dernier ressort exercée par les Banques
centrales. Conséquemment, la stabilité du Système monétaire
international (SMI), dans un environnement de mouvements des
capitaux limités par les échanges commerciaux internationaux,
reposait, en l’absence de véritables instances de régulation et
d’arbitrage supranationales, sur le leadership assuré, et assumé, par les États-Unis,
soit une « stabilité hégémonique » pour reprendre Ch.P.
Kindleberger, au sein de laquelle la prééminence du Politique
(i.e. la régulation publique) sur
l’Économique (i.e. la régulation
privée) était manifeste.
Avec l’avènement de la globalisation financière,
l’Économique reprend le dessus sur le
Politique, ce qui se traduit par un amoindrissement et un
contournement des États en charge de l’intérêt général qui
déterritorialisent les agents des flux économiques et financiers et
détruisent, ainsi, nombre de formes d’identifications sociales,
politiques, communautaires ; autrement dit, les intérêts
privés allaient, désormais, faire la loi1. En d’autres termes, la globalisation a non
seulement mis l’économie au-dessus de tout, mais aussi une vision
particulière de l’économie, le « fanatisme du marché »
[Stiglitz, 2002, 286], au-dessus de toutes les autres. Ce
démantèlement des cadres étatiques de régulation associé à la
montée de la sphère financière privée (le mark-to-market), comme principale source de
financement des balances des paiements (tant pour les besoins de
liquidités que pour l’ajustement des parités), ont remis à l’ordre
du jour les crises financières, éventuellement doublées de crises
monétaires (twin crisis), assorties de
forts risques de propagation systémique. Cette menace croissante
d’un risque systémique inhérente à la globalisation financière,
particulièrement d’actualité, suscite de nombreux débats sur les
moyens susceptibles de le prévenir et sur l’existence d’une
architecture financière internationale capable de l’endiguer,
questions communes à celles qui ont présidé aux stratégies de
sortie de crise de la Grande Dépression des années 1930 et aux
accords de Bretton Woods.
Même si l’Histoire ne se répète pas à l’identique,
quelquefois elle bégaie2, ce dont
témoignent les appariements opérés par nombre d’observateurs de la
période contemporaine, entre, précisément, la Grande Dépression et
la Grande Crise de 2008-2009, ou par les réunions du G20 qualifiées
de nouveaux Bretton Woods, situation qui n’est pas sans rappeler un des
enseignements de F. Braudel : « Le présent n’est-il
pas plus qu’à moitié la proie d’un passé obstiné à survivre, et le
passé, par ses règles, ses différences et ses ressemblances, la
clef indispensable pour toute compréhension sérieuse du temps
présent ? » [Braudel, 1979, III, 10] Autrement dit, pas
d’Histoire qui ne réponde, par l’interrogation et le détour du
passé, aux curiosités, aux incertitudes et aux problèmes du
présent.
En effet, si l’ingénierie financière actuelle
via la titrisation et les produits
dérivés débouchant sur une dilution et une délocalisation du risque
crédit hors du système bancaire régulé comporte une technicité
inédite, donc bien supérieure aux « call
loans » ou « achat à la marge »3 en vigueur dans les années 1920-1930, la
« philosophie générale » de ces pratiques en termes
d’effet de levier et d’endettement est identique, à savoir
alimenter une « orgie spéculative [qui] détourne les
motivations financières de fins habituellement utiles vers celles
qui sont profondément préjudiciables », épisode spéculatif
particulièrement manifeste dans un contexte de « crédit
facile », donc de bas taux d’intérêt, où prédomine « un
sentiment général de confiance et d’optimisme, avec la conviction
que les gens du commun ont la possibilité de s’enrichir. »
[Galbraith, 1961, 16 ; 194-5] Mais le parallèle entre la
Grande Dépression et la Grande Crise de 2008-2009 ne s’arrête pas
là. La lecture instructive de deux ouvrages de référence
[Galbraith, 1961 ; Kindleberger, 1988], s’inscrivant dans la
logique keynésienne de la nécessité d’un capitalisme organisé 4
(i.e. où la crise résulte de défauts de
l’organisation), nous rappelle, également, que, par ses origines,
la crise de 2008-2009 revêt de grandes similitudes avec la crise
des années 1930.
Plus précisément, Galbraith [1961, 202 et
sq.] insiste sur les cinq faiblesses
majeures du capitalisme américain de l’époque, explicatives de la
survenance de la crise, et de la persistance de même que de
l’aggravation de la récession ; étiologie d’une troublante
actualité sous réserve d’une « modernisation » du
vocabulaire et de certains raisonnements, et d’une transposition du
raisonnement au niveau mondial, globalisation oblige :
1 L’extrême
inégalité dans la répartition des revenus, qui rend l’économie
dépendante d’un haut niveau d’investissements et/ou d’un haut
niveau de dépenses de luxe des consommateurs5.
2 La structure
déficiente des firmes, avec des montages juridiques privilégiant
les holdings et les sociétés d’investissement qui imposent des impé
ratifs de profitabilité à court terme. C’est le principe du
« now nowist » (i.e. « tout, tout de suite »), conforme à
la maximisation des dividendes et opposé aux perspectives longues,
qui pénalise les investissements d’équipement, à rendement différé,
la recherche/développement, et la formation, indispensables à la
croissance durable des entreprises comme des pays ; qui n’est
pas sans rappeler le régime de la gouvernance fondée sur la valeur
actionnariale, donc contrôlé par les marchés boursiers, entré en
crise en 2001 (i.e. la crise de la
« nouvelle économie ») [Aglietta Rebérioux, 2004].
3 Un système
bancaire inefficient en raison, d’une part, de son incapacité à
évaluer avec précision la réputation et la crédibilité des
emprunteurs et des projets, donc les risques encourus, d’autre
part, de l’imbrication des différentes banques qui provoque des
cascades de faillites et favorise les « runs »6 ;
phénomène très proche de l’actuelle « hybridation des banques
et des marchés » [Aglietta Rebérioux, op.
cit., 189 et sq.].
4 L’état
incertain de la balance commerciale7. Les USA
devenant créanciers vis-à-vis du reste du monde (surplus des
exports sur les imports), les pays comblent le déficit de leurs
échanges en espèces (paiements en or aux États-Unis) ou par de
nouveaux prêts américains attribués sans véritable évaluation des
risques pays (notamment en Amérique latine), qui contraint les pays
à hausser leurs exportations vers les USA et/ou à réduire leurs
importations, soit à ne pas rembourser leurs emprunts, d’où des
tensions sur les tarifs douaniers, une contraction des échanges
mondiaux, une baisse des exportations américaines, et le
non-règlement de nombreuses dettes.
5 L’insuffisance
(la suffisance ?) des connaissances économiques qui conduit à
des erreurs de politique économique, comme l’application stricte de
la doctrine de l’équilibre budgétaire en période de reprise, la
peur excessive de l’inflation, le symbolisme de l’étalon-or ou la
crainte des dévaluations, par exemple ; expression,
aujourd’hui comme hier, du « triomphe du dogme sur la
pensée » [Galbraith, 1961, 211] ; même si la réponse
actuelle des gouvernements et des Banques centrales, via des politiques économiques non
conventionnelles, montre que certains enseignements ont été tirés
des crises passées.
Ch. P. Kindleberger [1988, 298 et
sq.] s’inscrit, également, dans le
cadre keynésien du capitalisme organisé, mais au niveau
international. La survenance et l’ampleur de la crise de 1929 et de
la Grande Dépression viennent de l’absence de leadership résultant de l’incapacité de
l’Angleterre et du refus des USA d’assumer la responsabilité de
stabiliser l’économie mondiale, laquelle consiste, notamment, à
impulser la coordination des politiques macro-économiques et,
surtout, à agir comme prêteur en dernier ressort capable d’accorder
aux pays les plus touchés par la crise des prêts à effet
contracyclique tout en prenant la responsabilité de maintenir
l’intégrité et la liquidité du système international de paiements.
Dans le contexte actuel de la globalisation financière, les
États-Unis, bien qu’ils soient une superpuissance, n’ont plus,
d’une part, les moyens de maîtriser leurs flux de capitaux entrant,
d’autre part, l’assurance du financement de leurs colossaux
déficits parce que les liquidités sont déterminées par une
expansion monétaire mondiale dont la principale source réside dans
l’augmentation des réserves de change des autres pays du monde,
particulièrement des pays émergents [Aglietta, 2008, 39-40].
En définitive, l’actualité des constats établis
pour caractériser la Grande Dépression conforte l’idée selon
laquelle l’instabilité est intrinsèque au capitalisme financier,
comme en témoigne la récurrence des crises inhérente à la logique
financière, et ce propos gagne encore en pertinence lorsqu’on relit
certains passages de la préface écrite par J.K. Galbraith pour
l’édition française de 1961 de La Crise
économique de 1929. Anatomie d’une crise
financière :
« La capacité des gens
de finance à ne pas tenir compte de la preuve que des difficultés
s’accumulent, et même à souhaiter pieusement qu’elles puissent
continuer sans qu’on en parle, est aussi grande que jamais
[…] Même à une époque aussi folle que celle de
la fin des années 1920, un grand nombre d’hommes à Wall Street
demeuraient tout à fait sains d’esprit. Mais demeuraient aussi très
tranquilles. Le sens de la responsabilité chez les gens de finance
envers les gens en général n’est pas mince : il est presque
nul […] Aussi, un jour, personne ne
sait quand, y aura-t-il une autre montée spéculative et une autre
catastrophe. Il n’y a aucune chance, tandis que la bourse
s’approche de l’abîme, que ceux qui sont concernés s’aperçoivent de
la nature de leur illusion et ainsi se protègent eux-mêmes et leur
système […] Il y a quelque protection
tant qu’il y a des gens qui savent, quand ils entendent dire que
l’histoire est en train de se faire dans ce marché financier, ou
qu’une ère nouvelle s’est ouverte, que la même histoire s’est déjà
produite […] Un meilleur sens de
l’histoire, c’est ce qui protège contre les excès
spéculatifs. »
[Galbraith, 1961, 18-19]
C’est la recherche de ce « sens de l’histoire
de la globalisation financière » qui constitue l’objet et la
finalité des développements qui suivent. À cette fin, les trois
parties de cet ouvrage scandent les trois principaux temps du
processus de globalisation financière. La première partie
correspond à l’étude des systèmes monétaires internationaux avant
1973 (chap. 1), et particulièrement à la période comprise
entre 1944 et 1973, au cours de laquelle les échanges de capitaux
internationaux sont strictement encadrés dans une logique de
financement de la croissance mondiale, aussi bien par le dispositif
mis en place au niveau international à la conférence Bretton Woods (chap. 2), que par les
réglementations en vigueur au niveau de chacun des États. Le bon
fonctionnement du Système Monétaire International (SMI) repose,
cependant, sur la capacité et la volonté des États-Unis d’assumer
les effets liés à l’utilisation du dollar comme
« quasi-monnaie internationale », ces deux critères
n’étant plus remplis à partir de 1973. L’effondrement du système
est alors précipité par les crises pétrolières des années 1970, qui
génèrent des mouvements de capitaux très importants entre les pays
producteurs de pétrole, les banques internationales récipiendaires
du dépôt de leurs excédents, et les pays en développement en
recherche de financements externes sur les marchés de crédit
internationaux (chap. 3). L’émergence des
euromarchés de capitaux, qui en résulte, constitue le premier temps
de la globalisation financière.
La deuxième partie est consacrée à l’essor des
marchés financiers internationaux et de la « sphère
financière », de 1974 au début de la décennie 1990. Les prêts
accordés au cours des années 1970 aux pays en développement, sans
véritable analyse de la solvabilité des emprunteurs, se soldent par
une crise majeure au début des années 1980, liée non seulement à la
dynamique de la dette accumulée, mais également au revirement de la
politique monétaire américaine, se traduisant par une élévation des
taux d’intérêt sur les marchés financiers internationaux, et une
appréciation du dollar (chap. 4). En conséquence, les flux
d’épargne mondiaux se recentrent sur les pays du Nord. La
résolution de cette crise de la dette des pays en développement
passe par une titrisation des créances sur ces pays, véritable
point de départ de la « désintermédiation »
caractéristique du phénomène de globalisation financière, de même
que la « déréglementation » des activités bancaires et
financières, et le « décloisonnement » des marchés
financiers qui en résulte. La globalisation
financière se traduit, alors, par une progression extrêmement
rapide des volumes échangés sur les marchés financiers
internationaux, de change en particulier (chap. 5). La
puissance de ce phénomène, qui constitue le
second temps de la globalisation financière, est telle que
les tentatives de régulation supranationale de la décennie 1980
n’ont pas d’incidence durable sur les déséquilibres de prix (cours
de change) ni de volumes (sans rapport avec les besoins liés à la
contrepartie des opérations commerciales) caractérisant, dans
l’après-SMI, les marchés de capitaux internationaux
(chap. 6).
La troisième partie rend compte de la période
contemporaine, à partir du début de la décennie 1990. Au cours de
cette période, l’allocation des flux d’épargne mondiaux reste régie
à titre principal par le financement des déficits des pays du Nord,
et notamment des États-Unis. À partir de la seconde moitié des
années 1990, on note cependant l’essor des « marchés
émergents », sur lesquels se polarisent les flux de capitaux
destinés aux pays en développement. Il s’agit cependant de flux de
capitaux extrêmement instables, comme le montre la récurrence des
crises financières de la deuxième moitié des années 1990
(chap. 7). Dans la décennie 2000, l’origine de l’instabilité financière se déplace :
elle émane désormais, non plus des pays en développement ou
émergents, mais du cœur du système, comme conséquence de la
sophistication extrême des techniques financières employées
(chap. 8) : c’est le troisième temps
du processus de globalisation financière. Finalement, la
question du lien entre globalisation financière et adéquation de
l’allocation de l’épargne au financement de la croissance mondiale
se pose aujourd’hui, plus que jamais. Cette question concerne aussi
bien les pays en développement sans accès aux financements
extérieurs privés, que les pays émergents pour lesquels le
financement d’investissements durables est remis en question par
l’instabilité des flux de capitaux dont ils sont récipiendaires.
Les pays du Nord, outre les inévitables incompatibilités des
politiques économiques à mettre en œuvre avec la nécessaire
approbation des marchés, ne sont pas non plus à l’abri, ainsi que
le montre l’actualité financière récente, du risque d’une crise
majeure. Face à ces interrogations, les initiatives coordonnées des
autorités monétaires et des gouvernements et la recherche, dans les
suites de la crise de 2008-2009, d’un cadre de régulation commun,
montrent l’actualité du débat relatif à la « nouvelle
architecture internationale. » (chap. 9)
1 Cf. à ce propos,
« Anatomie de la crise financière », Manière de voir, no 42, Le Monde
diplomatique, novembre-décembre 1998.
2 J.K. Galbraith [1995], réfléchissant aux crises des
années 1930 en faisant allusion aux illusions des années 1920, à la
spéculation boursière et à l’inflation des actifs financiers
assimilées à de la création de richesses, relevait que :
« Le monde de la haute finance se laisse seulement comprendre
si l’on a conscience que le maximum d’admiration va à ceux-là mêmes
qui fraient la voie aux plus grandes catastrophes. » N’est-ce
pas, également, la manière adéquate de caractériser nombre
d’illusions de l’époque contemporaine suscitées et permises par la
globalisation financière ?
3 Qui consistait à ne payer que 10 % du prix de
l’action et à emprunter 90 % à un broker qui emprunte, quant à lui, auprès des
banques, de l’argent au jour le jour (on
call). Les prêts aux brokers passent ainsi de 4,43 à 6,44
puis 8,525 milliards de dollars du 31 décembre 1927 au
31 décembre 1928 puis au 4 octobre 1929 [Gazier, 1989, 28
et sq.].
4 L’analyse de J.M. Keynes, contenue dans la
Théorie générale… [1936] ou dans ses
Essais sur la monnaie et l’économie
[1923-1931], desserre l’étroitesse du débat de l’époque relatif à
la stabilité du système capitaliste marqué par deux fatalismes
(inaltérabilité [Robbins, Rueff] vs
dégénérescence inéluctable [Varga]), deux laissez faire idéologiques en quelque sorte, en proposant une
véritable alternative réformiste, la possibilité d’influer sur le
cours des événements grâce à une théorie économique instrumentale susceptible, en conséquence,
d’exercer un certain contrôle sur la conjoncture et de la modifier,
jetant par là-même les bases d’un capitalisme organisé.
5 L’adoption peu avant le krach de 1929 de réductions d’impôts dont
bénéficiaient principalement les plus hauts revenus et fortunes,
était censée relancer l’investissement et permettre la création de
nouvelles entreprises ; elle ne fit que détourner des fonds
vers les marchés financiers…
6 « Les banquiers cédèrent, comme d’autres, à
l’ambiance folle, optimiste et immorale de l’époque [et] une crise
comme celle de 1929, si elle devait commencer au moment où j’écris
ces lignes, porterait également tort à bien des réputations
bancaires actuellement irréprochables […] Quand une banque coulait,
les biens des autres étaient gelés tandis que les déposants y
voyaient un avertissement à aller retirer leur argent. Ainsi, une
faillite en entraînait d’autres et celles-ci s’étendaient en chaîne
comme la chute des dominos. » [Galbraith, 1961, 204]
7 Ce raisonnement selon lequel l’excédent commercial
américain de l’époque impliquait des entrées de capitaux qui
augmentaient encore la liquidité et renforçait la spéculation peut
être reconduit, aujourd’hui, par constat inverse des déficits
jumeaux des États-Unis…