Chapitre 6
Premières tentatives de régulations
supranationales de la finance globalisée
Parallèlement à l’émergence, au cours de la
décennie 1980 et au début de la décennie suivante, d’un espace
financier global structuré de fait par les décisions de politique
économique (politique monétaire, politique budgétaire, politique de
change) prises par le pays – les États-Unis – qui
constitue le centre de gravité de cet espace financier, un certain
nombre de tentatives de régulation supranationales se font
jour.
La première problématique clef faisant l’objet de
mesures publiques coordonnées, au cours des années 1980, est la
dynamique des marchés de change marchéisés (6.1.). Dans ce domaine,
aucune réponse véritablement satisfaisante n’est apportée à la
question centrale de la coordination des interventions, du point de
vue notamment du cours de change du dollar, monnaie internationale
de fait. Les accords (« Accords du Plaza »,
« Accords du Louvre ») conclus sans structure de
régulation formelle se révèlent fragiles face aux tensions exercées
sur et par les décisions nationales de politique économique. Quant
aux structures institutionnelles, à l’image du Système Monétaire
Européen, elles sont vulnérables face aux comportements spéculatifs
suscités par la faiblesse relative d’une partie des monnaies
faisant partie du dispositif. Les notions théoriques de
« zones cibles » (Williamson) et de taxe internationale
sur les opérations de change (Tobin), bien que largement débattues,
ne feront finalement pas l’objet d’une mise en œuvre véritablement
conforme au principe : ainsi, le Système Monétaire Européen
diffère sur plusieurs caractéristiques essentielles de la théorie
des zones cibles ; quant à la « Taxe Tobin », bien
que toujours d’actualité, elle suscite la réticence de nombreux
gouvernements.
Simultanément à la problématique des marchés de
change, et en liaison avec celle-ci, le caractère récurrent pris
dès la seconde moitié de la décennie 1980 par la crise du
financement extérieur des pays en développement (6.2.) conduit à
coordonner, sous l’égide du Fonds Monétaire International qui donne
son aval préalable, les processus de traitement de dette. L’acteur
central de ces processus de traitement est le « Club de
Paris », qui renégocie les dettes publiques bilatérales,
lesquelles constituent une partie substantielle des financements
extérieurs des pays les plus pauvres. Le « Club de
Londres » intervient – éventuellement – ensuite,
pour la renégociation des dettes détenues par les créanciers
privés. Malgré la mise en pratique, à partir de la fin de la
décennie 1980, du principe de réduction du montant total des
créances détenues sur les pays dont l’insolvabilité ne fait aucun
doute, la litanie des dates des accords négociés (tableau 20
ci-dessous) ne laisse aucun doute sur l’insuffisance des moyens mis
en œuvre par rapport à l’ampleur du problème de la dette des pays
les plus pauvres. Toutefois, un sous-groupe de pays, les
« marchés émergents », ayant rapidement retrouvé un accès
satisfaisant aux financements extérieurs privés, semble profiter
des opportunités offertes par la globalisation financière, bien que
la sensibilité aux réappréciations de risque des investissements
dont ils font l’objet pose problème.
Tableau 20 : Opérations de traitement de la
dette des pays en développement, 1980-1998, en millions de
dollars
Source : Banque
Mondiale
Cette instabilité, et, plus généralement, le
caractère surdéterminant des épisodes de déstabilisation touchant
la sphère financière par rapport au fonctionnement de la sphère
réelle, constituent d’ailleurs un enjeu global (6.3.). Le cadre
micro-économique standard de la Théorie de la finance ne permet
plus d’appréhender les comportements des agents, ce qui explique en
partie les difficultés à les infléchir par des mesures de politique
économique. Il en résulte, au niveau macro-économique des économies
domestiques, de véritables « crises de globalisation »
(c’est-à-dire, successivement, mimétiques puis systémiques). Les
gouvernements des pays du Nord tentent de répondre à ces
externalités par la concertation, dans le cadre privilégié du G5,
puis du G7/8 et du G20, ce dernier consacrant l’intégration des
pays émergents à ces sommets internationaux.
La dynamique des marchés de change :
recherche de modalités d’intervention publique coordonnée
Dans la seconde moitié de la décennie 1980,
plusieurs axes de réflexion dans la problématique de la dynamique
des marchés de change en régime de flottement se dégagent. En
premier lieu, la tentative de régulation coordonnée issue des
« Accords du Plaza » et des « Accords du
Louvre » illustre, simultanément, la difficulté à coordonner
les interventions des Banques centrales, et l’insuffisance
croissante des ressources dont elles disposent dans leurs
interventions sur les marchés de change (6.1.1.). Par ailleurs, la
notion de « zone cible », définie par Williamson, suppose
une règle d’intervention rigoureusement définie, à même de régler
les problèmes de coordination – le fonctionnement du Système
Monétaire Européen se rapprochant de ce principe (6.1.2.). Enfin,
la Taxe Tobin, qui fait toujours débat actuellement, suppose
d’intervenir non plus sur les mécanismes de fixation des prix (les
parités), mais sur les volumes de capitaux échangés sur les marchés
de change, en diminuant la rentabilité des opérations non motivées
par une contrepartie commerciale (6.1.3.).
Les « accords du Plaza » et
« du Louvre » : un cadre de régulation fragile
Durant les premières années d’appréciation du
dollar, apparentée à un vote de confiance des marchés en faveur de
la politique de R. Reagan, l’Administration américaine donna
l’impression d’une « douce négligence » (“benign neglect policy”). L’érosion de la
compétitivité et les pressions en faveur de mesures
protectionnistes afférentes, ont alors permis de reconsidérer les
avantages prêtés au « dollar fort », a fortiori dans un contexte d’inflation maîtrisée,
ouvrant une période de flottement géré (“dirty
floating”). Les gouvernements des pays industrialisés ont
cherché à ramener (et à maintenir) le dollar à des niveaux plus
réalistes, objectif des « Accords du Plaza »
(22 septembre 1985) où les ministres des Finances du G5
appellent à une appréciation des devises concernées par rapport au
dollar, grâce à l’intervention des Banques centrales
(graphique 32 ci-après), assortie d’un engagement des
États-Unis à réduire leur déficit budgétaire.
Ces accords sont complétés par les « Accords
du Louvre » (22 février 1987) au terme desquels est fixée
comme priorité, pour les pays du G5 plus le Canada, la réduction
des déséquilibres (excédents ou déficits), notamment par les
ajustements de change nécessaires comparativement aux fondamentaux
(i.e. un dollar pour 1,80 DM et
pour 150 yens, environ), dans un cadre de coopération
internationale. L’absence de correction du déficit courant
américain et la recrudescence des anticipations inflationnistes
engendrent, alors, des anticipations de hausse des taux. Lorsque
celles-ci furent validées par la hausse des taux allemands (octobre
1987), les États-Unis dénoncèrent une violation des accords.
Sur la période représentée, la progression du
volume des réserves de change des Banques centrales mondiales est
linéaire. Dans le même temps, le ratio de ces réserves par rapport
aux flux quotidiennement échangés sur les marchés de change, dont
la progression est exponentielle, connait une évolution extrêmement
défavorable. Sans compter les stocks d’or, ce ratio est, en effet,
de presque 15 % en 1977 – au cours des trois années qui
suivent, sa valeur est divisée par trois. Entre 1980 et 1986, il
continue à diminuer de manière régulière pour se stabiliser ensuite
autour de 1 %. Sans expliquer totalement la relative
impuissance des autorités publiques à infléchir le cours de leurs
monnaies sur les marchés de change, ce constat donne à penser que,
dès le début des années 1980, l’efficacité des interventions des
Banques centrales passe sans doute principalement par les effets
d’annonce qui en résultent.
Graphique 32 : Évolution des réserves de
change mondiales par rapport aux marchés de changes, 1977-1995, en
milliards de dollars et en %
Ces tensions sur les marchés financiers marquent,
alors, la fin d’une période caractérisée par la conjonction de la
décélération du rythme de l’inflation (désinflation) et de la
hausse des taux d’intérêt nominaux (les taux d’intérêt réels
restant quasiment inchangés) qui avait provoqué, dès 1982, une
envolée boursière, les cours étant, en cinq ans, multipliés par 4
au Japon, 3,5 au Royaume-Uni et en France, 3 aux États-Unis et en
RFA [Guillaume, Delfaud alii, 1992,
407], initiant une « bulle spéculative » qui éclate en
octobre 1987. En effet, la chute de Wall Street (le 19 octobre
1987, le fameux « lundi noir » où l’indice Dow Jones
baisse de 22,6 %) et la contagion sur les autres places
financières provoquèrent un Krach boursier.
Dans l’exemple de la France, le parallèle entre
la convergence du taux d’inflation autour de 2 à 3 % et
le maintien durable du taux d’utilisation des capacités de
production en dessous de 85 % (exceptions faites des
années 1988 à 1991) apparaît nettement.
Graphique 33 : Taux d’inflation et
d’utilisation des capacités de production, France, 1978-1995,
en %
Mais l’injection massive de liquidités par les
Banques centrales permet la reprise des marchés, notamment
boursiers, efface rapidement ce krach et éloigne le spectre de
1929, n’affectant pas, ainsi, la poursuite de la désinflation des
pays industrialisés favorisée par la baisse du prix des matières
premières et la modération des revendications salariales, et
accélérée par la récession de même que par les capacités
excédentaires de production1
(graphique 33 ci-dessus). En effet, conjuguée aux effets
différés du contre-choc pétrolier2, la
détente monétaire allait contribuer à relancer l’activité mondiale
en 1988-1989 et favoriser la poursuite de la dépréciation du
dollar. Les mesures de redressement budgétaire prises aux
États-Unis interrompirent ce mouvement de baisse, les interventions
massives des Banques centrales jointes aux effets différés de la
faiblesse du dollar sur les comptes extérieurs US furent couronnées
de succès.
Débat autour du « cours de change
optimal » du dollar, monnaie internationale de fait
Cette décision de coordination des taux de change
prise par le G7, à partir de septembre 1985, lors des Accords du
Plaza, du sommet de Tokyo (5-6 mai 1986) et, plus encore, des
Accords du Louvre (février 1987), afin d’éviter, respectivement,
une envolée du dollar non justifiée par les fondamentaux
(« l’incitation au repli ordonné », “soft landing”) et un « atterrissage en
catastrophe » (“hard crashing”)
par la suite, la baisse du « billet vert », initiée deux
ans plus tôt, menaçant d’échapper à tout contrôle, a été,
largement, inspirée par l’analyse de J. Williamson [1984]
relative à la mise en place de « zones cibles »
(target zones).
La proposition d’un système de zone cible
consiste, précisément, à passer d’une stratégie de type
« égoïste » (i.e. les
politiques de “benign neglect”) à une
recherche d’accords incluant les phénomènes d’interdépendance des
économies. Plus précisément, l’analyse de Williamson vise à
définir, pour chaque monnaie, un taux de change effectif
d’équilibre fondamental3
« susceptible de générer au cours du cycle un excédent ou un
déficit du compte courant égal au flux de capitaux sous-jacents
correspondant au meilleur niveau d’équilibre interne que peut
obtenir le pays en l’absence de restrictions commerciales pour
raison de balance des paiements ». Ces taux effectifs
« ciblés », qui peuvent être des taux de changes réels ou
nominaux (comme pour le SME), servent, alors, de base au calcul des
taux bilatéraux fondamentaux d’équilibre, éléments centraux des
plages de variations (+/- 10 %) à l’intérieur desquelles
évolueraient les parités, ce qui distingue, fondamentalement, une
« zone cible » d’un régime de change fixe pur.
Considérant les différentiels d’inflation entre
les pays, cela implique, constamment, une parité centrale pour le
taux de change nominal et une plage correspondante, les
gouvernements maintenant leur taux de change, au sein de la plage,
par des interventions sur les marchés des changes internationaux
via leur politique monétaire ;
l’idée selon laquelle ces interventions peuvent générer des
anticipations stabilisatrices sur le taux de change, provenant de
J.M. Keynes [1930]. Les réalignements périodiques, devant être
entrepris avant d’atteindre les extrémités de la plage,
préviendraient alors le risque d’attaques spéculatives
(point B schéma 5 ci-dessous).
En conséquence, la proposition de Williamson
diffère du fonctionnement du SME sur deux points principaux :
d’abord, par rapport à l’ampleur des marges de fluctuation (plus
larges que les +/- 2,25 % du SME d’avant 1993, et plus
étroites que les +/- 15 % d’après la crise) qui renvoie à
la question de l’arbitrage entre autonomie et discipline
monétaires ; ensuite, par la nécessité de lever les plages
avant d’atteindre les extrémités, si la faiblesse d’un taux de
change résulte d’un problème de compétitivité, et par la
possibilité d’une suspension lorsque cette faiblesse traduit une
spéculation non justifiée par les fondamentaux (point A
schéma 5 ci-dessous). Cette précaution permet d’éviter que les
problèmes de compétitivité, quand le bas de la plage est atteint,
offrent aux agents une opportunité d’attaque spéculative sur la
parité. L’amortissement consistant, pour les autorités, à ignorer
la plage lors d’une attaque non basée sur des causes sérieuses,
leur donnerait la possibilité de laisser le taux se déprécier
plutôt que d’augmenter les taux d’intérêt, assurant ainsi la
pérennité du système.
Les segments en noir représentent les frontières
de la bande de fluctuation souhaitée, la portion pointillée
figurant la suspension provisoire de la frontière inférieure liée à
une attaque spéculative de la monnaie à la baisse, sans lien avec
les fondamentaux. Les segments en gris représentent la parité
centrale, et la courbe le cours de change de la monnaie considérée
cotée au certain, par rapport à une devise de référence.
Schéma 5 : Illustration graphique du
principe de « zone cible »
En effet, lorsqu’il apparaît évident, pour les
spéculateurs, que les autorités ne modifieront pas leur stratégie
économique en réaction à l’attaque, le taux de change devrait se
rétablir et retourner dans la plage, les agents étant privés de
l’opportunité d’un « aléa moral ». Ce système de
flottement contrôlé permet, ainsi, de poser le cadre d’un partage
des responsabilités et d’une cogestion globale dans les domaines
monétaire et financier afin de favoriser la stabilité du système de
financement international.
Cette dernière pouvait, à l’époque, s’apparenter à
un « bien public » international, qu’un
« juge/arbitre », le Fonds Monétaire International ou la
BRI, garantirait en sanctionnant tout comportement national
« déviant » de free riding.
Toutefois, la mise en place de « zones cibles » entre le
dollar, l’euro et le yen suppos(er)ait le respect de deux
conditions, toujours non satisfaites aujourd’hui : d’une part,
la réduction des déséquilibres internationaux, en l’occurrence le
déficit extérieur des États-Unis comparativement aux excédents
extérieurs du Japon et de l’Europe, de même que, actuellement, des
pays émergents, qui peuvent nourrir des distorsions de taux de
change et de flux de capitaux ; d’autre part, l’amélioration
de la coordination internationale des politiques économiques des
pays membres du G8 voire du G20, bien difficile à trouver durant
cette période de plans de relance massifs, nationaux et non
concertés, comme réponses désordonnées à la crise de
2008-2009.
La « taxe Tobin », ou le principe
d’un contrôle directement exercé sur les volumes échangés sur les
marchés de change
D’autres propositions ont été avancées afin de
mettre « un grain de sable dans les rouages bien huilés de la
finance internationale » et, ce faisant, réduire l’ampleur des
« bulles spéculatives » de même que des risques de
contagion. La plus connue, celle de J. Tobin [1978], remise à
l’honneur lors de la crise du SME de 1993, revêt deux
objectifs : d’une part, faire en sorte que les taux de change
reflètent les éléments fondamentaux des économies, afin de réduire
la volatilité spéculative ; d’autre part, préserver
l’autonomie des politiques nationales de la « dictature des
marchés ».
En d’autres termes, sa proposition vise à
encourager la stabilité financière en imposant la spéculation
via une taxe mondiale sur les profits
réalisés lors des transactions au comptant (spot) sur les marchés des changes (ou à imposer
aux banques de constituer des réserves non rémunérées
proportionnées à leur position de change ouverte, particulièrement
d’actualité…), afin de décourager les « aller-retour »
sur les devises à finalité « purement » spéculative, en
reproduisant certains effets des contrôles des capitaux… dans un
contexte de globalisation financière. Au taux de 0,2 %, Tobin
évalue que le coût du transfert s’élèverait, par an, à 2,4 %
si l’opérateur conserve la devise pendant un mois, à 10 % si
la position est close au bout d’une semaine, et à 48 % s’il
réalise un « aller-retour » quotidien.
Encadré 40 : L’analyse chartiste sur les
marchés de change : illustration et conditions de
validité
Le cours du Franc Français, représenté ici,
illustre bien les conditions de validité de l’analyse chartiste.
Les deux graphiques ci-dessous portent, respectivement, sur la
période 1979-1985 (graphique supérieur) et sur la période 1979-2001
(graphique inférieur).
Les méthodes chartistes sont généralement basées
sur l’existence de régularités statistiques dans l’évolution du
cours des actifs : en d’autres termes, si l’on arrive à
déterminer les propriétés statistiques de la série, on peut en
prévoir par extrapolation les valeurs futures. Dans notre exemple,
entre 1981 et 1985, la série progresse de manière linéaire, avec
une volatilité stable : on peut donc l’encadrer entre deux
segments parallèles (graphique supérieur). Au cours de cette
période, les opérateurs raisonnant dans une logique chartiste
anticipent donc que les valeurs futures de la série se situeront
dans le prolongement de la bande définie par la ligne de support
(ligne inférieure) et la ligne de résistance (ligne
supérieure).
Toutes les opérations spéculatives consistant à
parier sur l’appréciation du dollar par rapport au franc seront
donc gagnantes – tant que la tendance reste vérifiée. Lorsque
se produit une rupture, constatée ici en 1985 (graphique
inférieur), les prévisions non vérifiées des opérateurs entraînent
des pertes systématiques, amplifiées s’ils ne liquident pas
immédiatement leurs positions en espérant un retour à la tendance
précédente.
En pratique, les méthodes chartistes sont
extrêmement diverses et généralement beaucoup plus élaborées sur le
plan technique que l’exemple présenté ici, mais elles ont en commun
de reposer sur l’anticipation d’une poursuite des régularités
dégagées à partir des observations passées. En conséquence, leur
usage amplifie les mouvements haussiers (achat pour revente
ultérieure de l’actif) comme baissiers (liquidation des actifs en
portefeuille). Les projets de mise en œuvre de la Taxe Tobin
avaient, notamment, pour objectif de limiter l’ampleur de ce type
de mouvements de capitaux en introduisant un prélèvement les
rendant insuffisamment rentables.
Ceci rehausserait la capacité des décideurs à se
défendre contre des attaques spéculatives et aiderait à concilier
la stabilité des taux de change et l’autonomie politique nationale.
En effet, les spéculateurs seraient moins enclins à lancer des
attaques contre des monnaies (voire des places financières) stables
(crédibles), s’ils doivent s’acquitter d’une taxe pour
« entrer et sortir ». Plus précisément, même si cette
méthode ne peut permettre de défendre, indéfiniment, des taux de
change (des cours boursiers) surévalués, la probabilité d’attaques
non motivées par des déséquilibres sérieux diminuera. En outre,
cette taxe permettrait, aux Banques centrales, de reconquérir une
certaine autonomie monétaire (financière) face aux marchés
financiers privés, puisqu’elles seraient moins exposées au danger
de fluctuations brutales du taux de change (des cours
boursiers).
Pour être efficace, cette stratégie doit être, à
l’instar des réglementations prudentielles et de la lutte contre
les « paradis fiscaux », universelle, la taxe devant concerner toutes les
juridictions avec un taux uniforme sur tous les marchés, afin
d’empêcher les agents financiers de déplacer leurs opérations de
change vers des places offshore (afin
d’éviter qu’aux « paradis fiscaux » s’ajoutent, ou se
substituent, des « paradis prudentiels »). En
conséquence, cette mesure doit être mise en œuvre par une
Institution multilatérale, telle que la BRI ou le FMI, autorisée à
définir le taux de la taxe dans certaines limites, et nantie de
pouvoirs de sanction pour les pays « déviants ». Des
évaluations ont été effectuées,… en 1998, par la CNUCED
[Programme des Nations Unies pour le Développement, PNUD, Rapport
sur le développement humain, 1998], à la fois sur le rendement de
la Taxe Tobin et sur son utilisation. En tablant sur
1 000 milliards de dollars par jour, imposés à 1 %,
la Cnuced évaluait la recette globale à 720 milliards de
dollars par an, et, au taux de 0,2 %, à près de
180 milliards de dollars, soit, en 1998, deux fois plus que la
somme nécessaire pour éradiquer la pauvreté extrême dans le monde
en cinq ans, il y a dix ans…
La problématique de la dette souveraine :
un thème récurrent
Les Clubs « de Paris » (6.2.1.) et
« de Londres » (6.2.2.) constituent, respectivement, les
enceintes de renégociation des dettes souveraines contractées
auprès de créanciers publics bilatéraux, et de créanciers privés
(pour le détail de la décomposition des types de dette en fonction
de l’emprunteur et du créancier, voir tableau 11 p. 152).
À la fin des années 1980, il apparaît que nombre de défaillants au
moment de la crise de la dette de 1982 sont toujours caractérisés
par un stock de dette excédant leur capacité de remboursement, et
un rationnement du crédit privé. Au contraire, les futurs
« marchés émergents », ayant restauré assez rapidement
leur réputation auprès des investisseurs internationaux, ont à
nouveau accès aux financements extérieurs privés (6.2.3.).
Le « Club de Paris » : un
acteur majeur du processus de traitement des créances
insoutenables
Fondé en 1956 à l’occasion de la crise de la dette
argentine survenue cette même année, le Club de Paris réunit les
principaux États créanciers, pour négocier avec le gouvernement du
pays débiteur. Le Club de Paris est une enceinte informelle de
réunion, dont la présidence et le secrétariat permanent sont
assurés par le Trésor français. Il compte 19 membres
permanents. Les pays créanciers ne faisant pas partie de ce groupe
peuvent être invités à prendre part aux réunions, en fonction de la
proportion de créances qu’ils détiennent sur le débiteur. Le Club
de Paris se réunit pratiquement tous les mois, pour des questions
d’endettement d’ordre général qui sont traitées entre membres
permanents, et pour l’examen des demandes déposées par les États
débiteurs.
Au cours de ces réunions, le Club de Paris examine
la situation d’endettement bilatéral des pays qui en font la
demande. Ces pays doivent obligatoirement avoir signé au préalable
un accord avec le Fonds Monétaire International, ce qui leur permet
de bénéficier d’un prêt multilatéral, et surtout garantit aux
créanciers que la politique économique mise en œuvre est de nature
à améliorer leur capacité de remboursement4. Les négociations menées dans le cadre du
Club de Paris aboutissent à un accord fixant les éléments
suivants :
- Le taux de
couverture, qui est le pourcentage de la dette concernée. Seule la
dette à moyen et long terme est prise en considération, et le taux
de couverture est habituellement compris entre 50 et
100 %.
- La période
de consolidation, lorsque le traitement de dette réalisé est un
traitement de flux (encadré 41 ci-dessous) : dans ce cas,
seules les échéances dues aux créanciers au cours de cette période
sont traitées.
- La
“cut off date”, qui est la date limite
de prise en compte des prêts. Les crédits accordés ultérieurement à
cette date ne sont pas pris en considération.
- Les délais
et termes de remboursement (période de remboursement, à laquelle
est généralement associée une période de grâce). Le taux d’intérêt
sur la dette renégociée ne fait pas partie des éléments de
l’accord : il est fixé ensuite sur une base bilatérale, en
fonction des conditions de marché.
Lorsque l’accord cadre multilatéral est signé, des
accords bilatéraux de mise en vigueur des mesures retenues sont
réalisés avec chacun des créanciers, en respect du principe de
non-discrimination entre les créanciers : en effet, un pays
dont la dette fait l’objet d’un accord avec le Club de Paris
s’engage à obtenir des conditions de restructuration comparables de
la part de ses autres créanciers extérieurs (créanciers bilatéraux
non membres du Club de Paris et n’ayant pas participé aux
négociations, et créanciers privés).
Encadré 41 : Le traitement des dettes
souveraines par le Club de Paris : « traitement de
flux » et « traitement de stock »
Le traitement des dettes dans le cadre du Club de
Paris peut concerner, alternativement, une partie du stock de
dette, identifié en fonction de la date des échéances
correspondantes (« traitement de
flux »), ou la totalité de ce stock (« traitement de stock »).
Le traitement de flux
Les traitements des flux sont associés à un
accord conclu avec le Fonds Monétaire International pour une
période donnée, au cours de laquelle les flux de capitaux entrants
(revenus des exportations, réserves, revenus des actifs étrangers,
Investissements Directs Étrangers [IDE], prêts et subventions) ne
suffisent pas à faire face au besoin de financement extérieur
(paiement des importations, service de la dette et bénéfices des
Investissements Directs Étrangers). En règle générale, la période
de consolidation correspond à celle couverte par l’accord avec le
Fonds Monétaire International – en d’autres termes, seules les
dettes dont les échéances sont dues au cours de cette période sont
examinées. Si les arriérés accumulés au cours des mois précédant
immédiatement l’ouverture des négociations représentent des
montants jugés importants, toutefois, le stock de dette
correspondant à ces arriérés peut être réintégré aux montants pris
en considération.
Le traitement de stock
Mis en place à partir de 1995, le traitement de
stock s’applique à l’ensemble du stock de dettes, quelles que
soient les dates d’échéances correspondantes. Il s’agit alors de
fournir un traitement définitif.
Ce traitement de stock s’applique dans deux
situations :
- Au cas par
cas, pour les pays dont l’historique de performances est jugé
satisfaisant par le Club de Paris et par le FMI. Dans ce cas, les
créanciers estiment ne pas avoir besoin de la contrainte
d’incitation associée au traitement exclusif des dettes arrivant à
échéance au cours d’une période de temps limitée.
- Le
traitement de stock est également associé à la mise en œuvre de
l’initiative « pays pauvres très endettés »
(« PPTE »). Cette initiative, lancée en 1996 par le Fonds
Monétaire International et la Banque mondiale et relancée en 1999
(« initiative PPTE renforcée »), a pour but d’appréhender
de manière globale la question de la dette des pays les plus
pauvres5, face
au constat d’échec des mesures de traitement précédemment mises en
œuvre (tableau 21 ci-dessous). Actuellement, le Club de Paris,
dans le cadre de la mise en œuvre de l’initiative PPTE, joue aux
côtés des Institutions Financières Internationales un rôle majeur
dans la réduction de la dette des pays les plus pauvres (voir
également encadré 45 p. 228REF
_Ref239388163).
Tableau 21 : Dette extérieure en pourcentage
du PIB : une comparaison entre les PPTE et autres pays en
développement
Source : Banque
Mondiale
Au cours des années 1980, la situation
d’endettement de la majorité des pays en développement, néanmoins,
s’aggrave dans la mesure où les intérêts rééchelonnés se
capitalisent. La crise de solvabilité frappant certains pays
nécessite alors une redéfinition de la stratégie de gestion de la
dette. À partir de 1989, le Club de Paris met ainsi en œuvre des
régimes de rééchelonnement de dettes à plus long terme, incluant un
élément d’annulation pour les pays les plus pauvres. Ainsi, le
niveau de réduction de la dette contractée à des conditions de
marché est passé de 33,33 % en 1988 (« termes de
Toronto ») à 50 % en 1991 (« termes de
Londres »), 50-67 % en 1995 (« termes de
Naples »), 80 % en 1996 (« termes de Lyon ») et
90 % ou plus si nécessaire dans le cadre de l’initiative PPTE
(« termes de Cologne »).
Le « Club de Londres », ou la
difficulté de coordonner les décisions des créanciers privés
La restructuration des dettes est beaucoup plus
complexe à mettre en œuvre dans le cas des créanciers privés
qu’elle ne l’est dans le cas des créanciers bilatéraux. En effet,
chacun des créanciers privés d’un État doit approuver l’accord pour
qu’il puisse être mis en vigueur – or, dans le cas des
eurocrédits syndiqués, il y a couramment plusieurs centaines de
créanciers.
Le Club de Londres est le cadre dans lequel se
déroule la renégociation entre les gouvernements débiteurs et les
banques créancières. Les groupes de créanciers, habituellement
qualifiés de « commissions consultatives », se réunissent
alternativement à New York, Londres, Paris, Francfort, ou ailleurs
selon les préférences des parties prenantes, à la différence du
Club de Paris dont les réunions ont toujours lieu à Paris. Comme
dans le cas du Club de Paris en revanche, seules les dettes à moyen
terme et long terme sont considérées. Il arrive toutefois
exceptionnellement que la dette à court terme fasse l’objet d’une
renégociation, si les montants d’arriérés accumulés sont très
élevés. Par ailleurs, les restructurations ne portent
habituellement que sur les échéances en principal d’une période
donnée. En principe, les intérêts dus ne sont jamais rééchelonnés
et doivent être versés au jour le jour.
Le déroulement des négociations suit la procédure
mise en œuvre lors de la première réunion du Club de Londres, en
1970, entre le gouvernement des Philippines et ses créanciers
privés. Les banques commerciales créancières forment un groupe
composé d’une douzaine de membres, représentant les créanciers les
plus lourdement engagés. La composition de ce comité doit également
prendre en considération la nationalité des banques créancières, de
manière à ce qu’il soit tenu compte de toutes les contraintes
légales et fiscales qui leur sont particulières. Le comité négocie
alors un accord de principe avec le gouvernement du pays débiteur.
Cet accord est signé après avoir recueilli l’approbation de
l’ensemble des créanciers et entre en vigueur une fois remplies les
conditions préalables, notamment le paiement des frais et
arriérés.
Comme dans le cas des négociations au Club de
Paris, les commissions consultatives demandent de manière
habituelle aux pays débiteurs de bénéficier du soutien du FMI,
avant de solliciter un rééchelonnement ou faire une requête
d’argent frais. De manière exceptionnelle, les commissions
consultatives peuvent donner suite à un projet sans l’aval du FMI,
si les banques sont convaincues que le pays mène une politique
adéquate.
Encadré 42 : Les renégociations de dette
des pays d’Afrique sub-saharienne au Club de Londres au cours de la
décennie 1980
Au cours de la période 1980-1989, 39 accords sont
conclus entre les gouvernements d’Afrique sub-saharienne et le Club
de Londres, avec pour conséquence un rééchelonnement de plus de
50 % des créances détenues par des créanciers privés. En 1989,
le Club de Paris possède 14 % (sur un total de
24 milliards de dollars) de la dette extérieure de l’Afrique
sub-saharienne. Ce montant total de dette est très inégalement
réparti, puisque le Nigéria et la Côte-d’Ivoire en possèdent
55 %. Cependant, la plupart des pays de la zone dépendent des
créanciers privés pour le financement à court terme des
importations, d’où la nécessité impérative de solliciter le Club de
Londres pour la renégociation des dettes présentant des arriérés de
paiement. Le tableau 22 ci-dessous illustre cet
impératif : en effet, bien que le montant de dette privée
contractée par les gouvernements d’Afrique sub-saharienne soit
relativement peu important y compris dans le cas des plus
« gros débiteurs », onze d’entre eux font l’objet de
quatre accords de renégociation ou plus sur une période de neuf
ans, certains de ces accords intervenant d’ailleurs avant même la
survenue de la crise de 1982.
Tableau 22 : Accords de rééchelonnement de
dettes conclus par les pays d’Afrique sub-saharienne,
1980-1989
Source : Club de
Paris
Ce tableau illustre par ailleurs la prépondérance
de la dette publique (ici bilatérale) dans le stock de dette
accumulé par les pays les plus pauvres, de même qu’il dresse un
constat d’échec de la stratégie de rééchelonnement des dettes mise
en pratique jusqu’à l’« initiative Brady » : en
effet, un pays cumule 12 opérations de rééchelonnement sur la
période 1980-1989 (Zaïre), tous créanciers confondus, et dix
d’entre eux entre quatre et neuf opérations. Dans ces conditions,
on comprend mieux le principe de réduction de dette comme
traduction opérationnelle du constat d’insolvabilité de la majeure
partie des pays en développement.
Au cours de la première moitié de la décennie
1980, puis dans le cadre de la mise en œuvre de l’initiative Baker
(encadré 34 p. 165REF
_Ref238196442), les accords conclus dans le cadre du Club de
Londres associent rééchelonnement et « apport d’argent
frais », permettant de poursuivre les remboursements. Certains
accords spécifient également le maintien des lignes commerciales à
court terme. On parle de « prêts concertés », chaque
banque étant habituellement tenue de contribuer au nouvel apport en
fonction de la proportion de créances qu’elle détient sur le pays
débiteur. Toutefois, dès la fin de la décennie 1980, comme pour ce
qui concerne la dette bilatérale, les problèmes de solvabilité
avérés de certains débiteurs conduisent les « commissions
consultatives » à restructurer en réduisant le montant de la
dette renégociée. Ces réductions de dette sont généralement mises
en œuvre sur la base d’un menu d’options de type
« Brady », parmi lesquelles les rachats de dette, les
échanges de dettes contre actifs, et les échanges de dettes contre
des dettes de nature différente (pour le détail de ces options voir
section 5.3.3.).
Une problématique scindée, entre rationnement
du crédit et émergence
Les caractéristiques du financement extérieur des
pays en développement au début des années 1990 reflètent le
phénomène de désintermédiation, avec pour corollaire la
prédominance d’une logique court-termiste dans les décisions
d’investissements, qui affecte les marchés de capitaux
internationaux dans leur ensemble. Il s’agit, en effet,
majoritairement d’investissements de portefeuille, dont le volume
double entre 1990 et 1995 ; et d’investissements directs, dont
la croissance est cependant moins rapide. L’augmentation des flux
provenant des autres sources de financement, qu’ils soient privés,
obtenus par le biais de prêts bancaires, ou publics, n’est pas
significative. Les flux non générateurs de dette, c’est-à-dire les
titres de propriété (actions), prennent une importance croissante
(tableau 23 ci-après). Ce point est essentiel du point de vue
de la capacité des débiteurs à résister à des incidents de
conjoncture : les versements impliqués par les investissements
en actions sont contingents par rapport à la situation économique
du pays qui les reçoit.
Cet afflux de capitaux peut être expliqué
simplement en termes d’analyse risque-rendement : dans cette
perspective, le rendement élevé des titres émis par certains pays
en développement au début de la décennie 1990 justifie l’inclusion
d’une proportion de ces titres dans un portefeuille d’obligations à
risque faible mais à rendement inférieur, selon une analyse de type
Markowitz. En pratique, seuls les marchés émergents présentent un
couple rendement-risque intéressant, dès lors que leurs taux de
croissance sont relativement plus élevés que ceux des autres pays
en développement, et que l’environnement économique qui les
caractérise est porteur d’un degré de risque global plus
acceptable. Pour ces raisons, la décennie 1990 consacre la scission
de la problématique du financement extérieur des pays en
développement, les marchés émergents se détachant comme sous-groupe
distinct caractérisé par une contrainte spécifique : le
problème clef n’est pas ici, le rationnement du crédit, mais la
volatilité des flux de capitaux entrants – avant même que ne
surviennent les crises de la deuxième moitié de la décennie, le
rapport défavorable entre investissements de portefeuille,
relativement surpondérés, et investissements directs étrangers,
relativement sous-pondérés, augure mal de la capacité à éviter des
retraits de capitaux déstabilisants en cas de réappréciation des
risques par les investisseurs internationaux.
Tableau 23 : Ressources à long terme des
pays en développement (milliards de dollars), 1990-1995
Source : Banque
Mondiale
Dans le détail géographique, le doublement du
volume des capitaux privés à destination des pays en développement
durant les cinq premières années de la décennie 1990 est très
inégalement réparti. Les pays dits « émergents »
d’Amérique latine et d’Asie attirent, en effet, 80 % du total.
Au contraire, les flux de capitaux en direction de l’Afrique sont
constitués pour les trois quarts de capitaux publics, qui ne
représentent que 3 % de ce même total dans le cas, par
exemple, de l’Amérique latine, selon un schéma que préfiguraient
les formes du financement extérieur des pays en développement au
cours des deux décennies précédentes.
Par ailleurs, pour les débiteurs dont la situation
est la plus défavorable, l’accès minimal aux marchés de capitaux
internationaux passe nécessairement par la conditionnalité des
Institutions Financières Internationales, avec pour conséquence un
mode d’« ajustement » dont les traits induits peuvent
être à l’origine de la persistance dans le temps de ce même
ajustement. Par exemple, la priorité donnée aux secteurs
d’activités immédiatement générateurs de recettes d’exportations a
pour conséquence une dépendance extrême par rapport aux cours
mondiaux des produits de base. Plus généralement, la mise en œuvre
de politiques d’ajustement excessivement axées sur le court terme,
si elles prennent la forme d’une réduction du niveau
d’investissement public, pèsent sur la croissance à venir et, donc,
sur l’équilibre futur de la balance des paiements.
Encadré 43 : Pourquoi des Institutions
financières internationales ?
Les Institutions Financières Internationales font
l’objet de critiques récurrentes : aussi bien de la part des
tenants de l’intervention en cas de dysfonctionnement des marchés
financiers internationaux, en raison de la généralisation et du
contenu des mécanismes de conditionnalité ; que de celle des
tenants de la logique de marché, en rapport avec la trop grande
importance donnée à la logique de « gestion » (par
opposition à la « prévention ») des crises.
Face à ces critiques, certains auteurs, comme
Rodrik [1995], se sont attachés à
trouver une justification à l’existence de prêts multilatéraux, par
rapport aux opportunités offertes par les financements privés et
les dispositifs bilatéraux. Les objectifs cités dans les statuts
des Institutions financières internationales et, en particulier, la
stabilité du Système Financier International, ne constituent pas
l’objet principal de l’analyse, bien que leur nature de biens
publics justifie de toute manière une intervention publique. Les
arguments de Rodrik sont les suivants :
- L’argument
d’incomplétude des marchés financiers internationaux (“the missing market rationale”) est considéré
comme irrecevable, du fait de l’élargissement des opportunités lié
au processus de globalisation financière. L’éventualité de
“market failures” ne légitime
d’ailleurs pas l’existence de prêts multilatéraux :
l’intervention publique pourrait avoir lieu au niveau
bilatéral.
- Cependant,
les Institutions financières internationales ont un avantage sur
les dispositifs bilatéraux dans la collecte d’information sur la
qualité de l’environnement macro-économique, et l’exercice de la
conditionnalité – les relations multilatérales étant moins
politisées. Or ces missions ne peuvent être efficacement exercées
que par un organisme disposant d’une contrainte d’incitation, ce
qui est le cas d’un prêteur.
En tant que dispositif de
collecte d’information et de supervision, l’intervention
multilatérale présente un intérêt particulier dans le cas où le
financement extérieur d’un pays en développement est largement
constitué de capitaux instables. Les informations dispensées par
l’attitude des organismes multilatéraux jouent alors le rôle d’un
stabilisateur, notamment pour éviter une propagation à des pays
dont les fondamentaux sont jugés satisfaisants. Cependant, une
telle justification théorique à l’existence de prêts multilatéraux
ne signifie pas nécessairement que la pratique soit conforme au
principe.
Dans le cadre de la
conditionnalité, Rodrik trouve une différence fondamentale
entre le Fonds Monétaire International et la Banque mondiale, due
au fait que la seconde se finance pour partie sur les marchés
financiers internationaux, ce qui lui interdit de trop s’écarter
des critères standard d’éligibilité au crédit. Le Fonds Monétaire
International n’est pas, lui, tenu à cette contrainte : ses
décisions peuvent donc être plus « politiques » : un
crédit peut être « abusivement » accordé ; un pays
dont les indicateurs macro-économiques sont satisfaisants peut,
également, se voir refuser l’accès au crédit.
Les résultats
empiriques, portant sur les années 1970, 1980, et la
première moitié des années 1990, font apparaître une validation
mitigée. Ils suggèrent, en effet, que les prêts bancaires et les
IDE sont nettement accélérés par l’existence de prêts bilatéraux
(entre gouvernements), mais non de prêts multilatéraux (FMI et
Banque mondiale). Plus précisément, les prêts Banque mondiale n’ont
aucun effet, voire un effet défavorable, sur l’accès aux
financements extérieurs. Dans le cas du Fonds Monétaire
International, les tests ne font pas non plus apparaître
d’amélioration directe. En revanche, il apparaît clairement qu’un
pays ayant concentré des investissements étrangers importants est
plus susceptible qu’un autre de recevoir ensuite des prêts du Fonds
Monétaire International.
La synthèse avec les arguments théoriques de
Rodrik fait finalement apparaître :
- Que les
relations entre gouvernements restent déterminantes dans la
géographie des flux de capitaux à destination des pays en
développement et émergents.
- Que
l’aversion au risque des investisseurs internationaux reste
relativement élevée en ce qui concerne les pays les plus pauvres,
puisqu’ils refusent de s’engager sur ces pays même quand leurs
politiques économiques sont validées par la Banque mondiale. La
crédibilité de cet organisme n’est pourtant pas en cause, puisque
ces mêmes investisseurs achètent sans réticence les titres qu’il
émet sur les marchés financiers.
- Enfin, que
les prêts accordés par le Fonds Monétaire International, en
pratique, semblent renforcer la polarisation des flux de capitaux
sur un petit nombre de pays émergents, auxquels ils s’adressent en
priorité, au détriment de l’essentiel des pays en
développement.
Singulièrement, c’est en définitive l’échec des
Institutions Financières Internationales, et particulièrement du
Fonds Monétaire International, dont les avis conditionnent l’entrée
en scène de tous les autres acteurs des processus de renégociations
de dette (« Club de Paris » et « Club de
Londres », notamment) à restaurer dans des délais suffisamment
brefs la capacité des pays en développement à servir leur dette (et
donc à susciter à nouveau l’intérêt des investisseurs
internationaux) qui détermine l’institutionnalisation de leur
ingérence dans la définition et la mise en œuvre des politiques
économiques de ces pays. Plus précisément, la persistance de
situations de rationnement du crédit, sans issue prévisible, à
l’horizon d’une décennie après la survenue de la crise de la dette
de 1982, consacre le principe d’échecs de marché (“market failures”), justifiant finalement
l’intervention multilatérale généralisée dans les processus de
financement extérieur des pays en développement affectés par ces
échecs. En outre, les études empiriques semblent montrer que
l’intervention du Fonds Monétaire International tend à renforcer la
polarisation des flux de capitaux, au sein du groupe des pays en
développement, en faveur des pays émergents (encadré 43
ci-dessus) : en effet, il existe une corrélation établie entre
le stock d’investissements internationaux réalisés dans un pays et
les montants d’intervention dont il fait l’objet. Cette
corrélation, qui se comprend comme la recherche logique de
stabilisation du système de financement international par
l’intervention systématique sur les marchés où les investisseurs
internationaux sont largement engagés, présente cependant
l’inconvénient de faire pencher la balance des décisions prises par
les Institutions Financières Internationales dans le même sens que
celle des décisions d’allocation d’investissement privés, alors
même que ces institutions devraient œuvrer dans le sens d’un
rééquilibrage, selon l’objectif de « prospérité nationale [des
pays sollicitant une intervention] et internationale » assigné
au Fonds Monétaire International par l’article premier de ses
statuts.
Quand les activités financières prennent le
pas sur l’« économie réelle »
Finalement, les tentatives de régulation
supranationale dans un contexte où la sphère financière prend le
pas sur la sphère réelle, ainsi que l’illustre la mise en rapport
des volumes d’échanges respectifs qui s’y rapportent, comportent
deux principales difficultés. D’une part, il est de plus en plus
difficile de peser sur les décisions d’investissement des agents
économiques, qui obéissent désormais à des logiques principalement
collectives : l’information prise en considération par les
marchés est principalement celle qu’eux-mêmes délivrent, notamment
sous forme de signaux de prix (6.3.1.). À partir de la décennie
1990, ce type de fonctionnement, quasi autonome, de la sphère
financière, est d’ailleurs à l’origine de crises présentant des
caractères spécifiques, dans lesquelles la réversibilité des
investissements internationaux joue un rôle déterminant (6.3.2.).
D’autre part, la complexité des problématiques et les controverses
qui en résultent pour ce qui concerne les réponses à apporter en
termes de politiques économiques renforce les difficultés de
coordination rencontrées dans le cadre des sommets internationaux
(6.3.3.).
Globalisation et instabilités financières sur
le plan théorique : de l’équilibre walrasien à la prédominance
des logiques spéculatives
La théorie orthodoxe de la Finance, qui s’inscrit
dans le paradigme néoclassique, en privilégiant les concepts
d’équilibre unique et de neutralité financière, dans un contexte
d’efficience des marchés, d’homothétie des comportements et
d’anticipations rationnelles, est inapte, de par sa nature
« désocialisée » et « anhistoricisée », à
donner des réponses satisfaisantes aux questions de la montée de
l’instabilité financière, la nourrissant même quelquefois par les
modèles de prévision en vigueur dans les salles de marché, ou par
les bases de calcul de risques utilisées par les agences de
notation. En outre, cette conception dominante a souvent influencé
les politiques économiques dans le sens de la “free trade faith” (i.e. « la foi dans le libre échange ») ce
qui explique pourquoi, pour reprendre la formule de
P. Bourdieu, les décideurs publics ont, au nom de ce programme
idéologique (dogmatique ?) prétendument scientifique converti
en programme politique d’action, naturellement sous-estimé les
coûts de la libéralisation financière en termes d’instabilité et de
distorsions sur la sphère productive des économies.
Plus précisément, la vision walrasienne de
l’équilibre général fonde son analyse sur un agent représentatif
rationnel, l’homo œconomicus, exprimant
un type unique de comportement (i.e.
l’optimisation du rendement de son portefeuille comme maximisation
de son utilité), indépendamment du contexte dans lequel il évolue.
Ses anticipations sont fondées sur des lois économiques stables,
sans prendre en compte l’existence de ses homologues, avec lesquels
il n’entretient aucune relation. En d’autres termes, dans l’univers
aseptisé de la reproduction automatique, sans contradiction ni
conflit, l’agent n’est pas un être
social. C’est sur ces hypothèses
« anthropologiques » (i.e.
les agents sont des êtres de besoin et des calculateurs rationnels,
à la poursuite de leur intérêt individuel, sans relations à
autrui), donc comportementales, que s’édifient la théorie standard
des marchés efficients de même que les modèles postulant des
anticipations rationnelles. En outre, ces hypothèses justifient les
explications traditionnelles du fonctionnement des marchés
financiers et monétaires, où la situation « normale » est
une situation d’équilibre, avec un sentier d’ajustement instantané
et sans coût. Donc, tout écart à l’équilibre, résultant de chocs
exogènes, est, sans délai, corrigé par le marché. La rationalité
des agents est telle que, non seulement, ils possèdent tous, en
permanence, et en même temps (symétrie)
toute l’information nécessaire et pertinente (complétude), mais ils sont capables, de surcroît,
de traiter cette information sans aucune ambiguïté et de procéder
aux ajustements vers l’équilibre selon un horizon temporel très
court (figure 4 ci-dessous). La « philosophie
générale » de cette conception est, conséquemment, que les
hypothétiques défaillances du Marché seront toujours moins graves
que les inévitables impérities des gouvernements.
Dans un marché sans asymétries d’information de
type walrasien (I.), la fonction d’offre est croissante et la
fonction de demande décroissante en fonction des prix. L’équilibre
correspond à l’unique intersection de ces deux fonctions. En cas de
déséquilibre, les mécanismes de prix conduisent à un ajustement
automatique. Par exemple, si l’offre est supérieure à la demande
(« offre excédentaire », partie droite du graphique), la
baisse du prix conduit à une diminution de l’offre et à une
augmentation de la demande, donc à une convergence vers
l’équilibre.
Dans un marché ne répondant pas aux hypothèses standard associées à la théorie walrasienne de l’équilibre (comportant, par exemple, des asymétries d’information) (II.), la fonction de demande reste du même type que précédemment. En revanche, la fonction d’offre est, en général, plus complexe, et présente alors plusieurs intersections avec la fonction de demande (« équilibres multiples »). Lorsque le marché s’écarte de l’équilibre, les mécanismes de prix ne permettent pas automatiquement le retour vers cet équilibre (« équilibres instables »). Ci-dessus, par exemple, on passera de l’équilibre E1 à E2 puis E3, ce qui sur le marché des fonds prêtables correspondrait à une diminution des volumes de prêt et à une augmentation des taux pratiqués. De manière générale, les marchés financiers sont caractérisés par ce type d’équilibres multiples et instables, ce qui explique les fluctuations rapides et de grande ampleur des prix des actifs échangés (cours de change, cours des titres…).
Dans un marché ne répondant pas aux hypothèses standard associées à la théorie walrasienne de l’équilibre (comportant, par exemple, des asymétries d’information) (II.), la fonction de demande reste du même type que précédemment. En revanche, la fonction d’offre est, en général, plus complexe, et présente alors plusieurs intersections avec la fonction de demande (« équilibres multiples »). Lorsque le marché s’écarte de l’équilibre, les mécanismes de prix ne permettent pas automatiquement le retour vers cet équilibre (« équilibres instables »). Ci-dessus, par exemple, on passera de l’équilibre E1 à E2 puis E3, ce qui sur le marché des fonds prêtables correspondrait à une diminution des volumes de prêt et à une augmentation des taux pratiqués. De manière générale, les marchés financiers sont caractérisés par ce type d’équilibres multiples et instables, ce qui explique les fluctuations rapides et de grande ampleur des prix des actifs échangés (cours de change, cours des titres…).
Figure 4 : L’équilibre unique et stable
(« walrasien »), comparé à une configuration d’équilibres
multiples
Paradoxalement, alors que la globalisation
rapproche le fonctionnement réel des marchés (i.e. les opérateurs suivent, au niveau mondial, et
en temps réel continu, l’évolution des cours, disposent d’un flux
ininterrompu d’informations et peuvent, constamment, intervenir) du
cadre théorique walrasien, ce dernier s’avère incapable
d’appréhender la logique spéculative dominant les marchés
monétaires et financiers. Cela tient à ce que l’évolution des
marchés financiers dans un cadre globalisé, caractérisée par les
« 3D » (cf. 5.3.) qui
amplifient notre ignorance de l’avenir, favorise l’expression de
comportements individuels spécifiques à court terme où, à la
différence de l’agent représentatif, les opérateurs tiennent compte
du comportement des autres agents pour définir leur choix
(i.e. la réflexion des anticipations). En outre, malgré la
possibilité de contacts directs, chaque agent n’a pas connaissance
(ou ne peut traiter) l’ensemble des opinions des opérateurs. Cette
information, cruciale dans une logique spéculative, est
nécessairement imparfaite. En conséquence, il importe de considérer
que les agents présents sur les marchés sont véritablement
hétérogènes, acteurs de situations de confrontation (et
d’agrégation) d’opinions différenciées et concurrentes, dont les
comportements procèdent d’une rationalité limitée, nourris
d’informations asymétriques et
incomplètes.
Schématiquement, deux grandes catégories
d’opérateurs peuvent être, a minima,
distinguées sur les marchés [Frankel Froot, 1990] : les
« fondamentalistes », qui
n’observent que les variables fondamentales de l’économie afin
d’asseoir leurs prévisions, et les « chartistes » (“noise traders”), qui se fondent sur l’évolution
passée des taux et des cours pour extrapoler les tendances
(6.1.3.). Cette typologie permet d’expliciter une double
hétérogénéité, celle des comportements en liaison avec le degré
d’aversion au risque, mais aussi celle des horizons temporels
prévisionnels : les « fondamentalistes » forment des
anticipations à moyen et long termes sans se soucier des évolutions
journalières, les « chartistes » raisonnent à très court
terme, d’où une certaine « myopie » qui les fait réagir
aux rumeurs (noises), et cherchent à
réaliser des profits spéculatifs en jouant sur la volatilité des
marchés qu’ils contribuent à entretenir voire à amplifier.
Dans ce contexte, les anticipations procèdent d’un
processus mimétique (comportement grégaire) : chaque opérateur
fonde ses anticipations sur ce que sera l’opinion moyenne du
marché, et non sur des informations économiques exogènes comme, par
exemple, les profits des entreprises ou la croissance économique
d’un pays. Cette approche a été initiée par J.M. Keynes
lorsqu’il définit, à l’aide des métaphores des « chaises
musicales » ou du « concours de beauté »6, la spéculation comme « l’activité qui
consiste à prévoir la psychologie du marché », générant,
ipso facto, une situation
« chaotique », exposée aux enchaînements irréfléchis des
foules. En d’autres termes, en situation d’incertitude irréductible
où le futur n’est pas probabilisable, le mimétisme est un
comportement rationnel car il permet de profiter de l’information
véhiculée par le marché, forme de rationalité très différente de
celle de l’homo œconomicus optimisateur
dans un univers stationnaire défini par des lois économiques
stables, connues de tous. Dans un processus d’imitation généralisée
au sein duquel chacun copie l’autre, le prix ne reflète que la
« psychologie du marché », confortée par le mécanisme des
anticipations auto-réalisatrices (self-fulfilling expectations) dans lequel un prix
va s’auto-confirmer même s’il diffère de son niveau d’équilibre
fondamental. À chaque opinion moyenne du marché correspond un
équilibre différent, qualifié dans la théorie contemporaine
d’équilibres conjecturaux (ou multiples), qui invalident la
conception standard selon laquelle les marchés (financiers)
convergent, spontanément, vers un équilibre stationnaire unique
(figure 4_Ref239384530
p. 222REF _Ref239384536).
En définitive, cette dynamique des marchés
financiers permet d’asseoir la pertinence de l’analyse de
J.M. Keynes qui, à propos de la distinction entre les logiques
de « spéculation » (cf.
supra) et « d’entreprise » (soit la prévision du
rendement escompté des actifs pendant leur existence entière),
écrivait, avec prescience, en 1936 :
« Le risque d’une
prédominance de la spéculation tend à grandir à mesure que
l’organisation des marchés financiers progresse. [Dès lors], les
spéculateurs peuvent être aussi inoffensifs que des bulles d’air
dans un courant régulier d’entreprise. Mais la situation devient
sérieuse lorsque l’entreprise n’est plus qu’une bulle d’air dans le
tourbillon spéculatif. Lorsque dans un pays le développement du
capital devient le sous-produit de l’activité d’un casino, il
risque de s’accomplir en des conditions défectueuses. [En
définitive], outre la cause due à la spéculation, l’instabilité
économique trouve une cause, inhérente à la nature humaine, dans le
fait qu’une grande partie de nos activités positives dans l’ordre
du bien, de l’agréable ou de l’utile procèdent plus d’un optimisme
spontané que d’une prévision mathématique. »
[Keynes, 1996, 173-6]
Les crises de dette des pays en développement
et émergents comme conséquence des décisions spéculatives des
agents
Cette prédominance de la « spéculation »
trouve une raison d’être dans le cadre
de la globalisation, notamment parce que les enseignements tirés
des conjonctures et des crises a priori
spécifiques à une économie sont, très souvent, transposables à
l’ensemble des pays, en particulier les Marchés financiers
émergents (MFE), selon le scénario type suivant7. D’abord, la dégradation de la balance
courante soumet, à plus ou moins long terme, le pays concerné à la
contrainte intertemporelle de solvabilité, l’appel relativement
aisé, dans le contexte de globalisation financière, aux
financements externes, ne pouvant y suppléer.
Ensuite, le creusement du déficit des comptes
courants résulte de la conjugaison d’une insuffisance d’épargne
domestique et de l’appréciation du taux de change réel due aux
politiques d’ajustement (via la
désinflation) de même qu’à l’afflux de capitaux externes. Les
autorités doivent, alors, être capables de limiter l’appréciation
du change par une « stérilisation » des capitaux externes
(i.e. une neutralisation de l’impact
des capitaux étrangers sur la liquidité interne), ce qui nécessite
des marchés de capitaux développés, de même qu’une crédibilité et
une stabilité des systèmes financier et bancaire domestiques. En
outre, le système fiscal, caractérisé par un faible recouvrement
des impôts et de fortes inégalités, est un des « talons
d’Achille » des budgets des marchés émergents,
particulièrement ceux d’Amérique latine. Enfin, le financement
externe privé des pays en développement est plus
« vertueux » lorsqu’il revêt la forme d’Investissements
Directs à l’Étranger (IDE), plus stables et non générateurs
d’endettement.
Tous ces phénomènes sont, en outre, amplifiés par
ce que l’histoire des crises financières enseigne, à savoir le rôle
central occupé par les « phénomènes de foule »
[Kindleberger, 1978 ; Orléan, 1996], c’est-à-dire l’euphorie
spéculative ou la fuite collective hors du réel ; en d’autres
termes, l’importance des « mouvements d’humeur » sur les
marchés financiers. Une explication de l’apparente irrationalité de
ces phénomènes collectifs est apportée par la dynamique de
contagion des anticipations et des
comportements des opérateurs, ce que J.M. Keynes a appelé les
“animal spirits”, soit les
« instincts animaux » bien difficiles à apprivoiser. Dès
lors, « dire que le marché se comporte comme une foule, c’est
signifier que les individus cessent d’agir en calculateurs isolés
pour devenir sensibles à ce que font les autres intervenants,
jusqu’à les suivre dans leurs croyances et leurs engouements les
moins raisonnés. » [Orléan, 1996, 28]
Encadré 44 : La crise mexicaine de
1994-1995 comme illustration des notions de crise mimétique et de
crise systémique
Le caractère systémique de cette crise se
retrouve dans trois mécanismes souvent opératoires au sein des
marchés émergents : le débordement de la crise monétaire sur
le marché des valeurs boursières (i) et sur le système bancaire
(ii), la propagation internationale aux pays émergents assimilés à
une même classe de risque par les opérateurs (iii). i) La
relation entre dépréciation monétaire et crise boursière est
manifeste : la valeur des titres, principalement détenus par
des non résidents, dépendant du cours de la monnaie domestique par
rapport au dollar, les craintes sur la soutenabilité du régime de
change et sur la parité engendrent, instantanément, des
« ventes en catastrophe » (“distress
sales”) qui provoquent un effondrement boursier.
ii) Les canaux de transmission de la crise monétaire en crise
bancaire sont, également, connus : les engagements des banques
sont, majoritairement, libellés en dollars et s’apprécient
fortement en raison de la dévaluation, alors que, simultanément,
elles sont confrontées à une « course aux retraits »
(“runs”). Parallèlement, la hausse des
taux d’intérêt, nécessaire pour soutenir la monnaie domestique,
renchérit le coût de leurs ressources, donc le prix des crédits, ce
qui affecte la solvabilité des emprunteurs et/ou la croissance (en
cas de rationnement du crédit). En outre, la vulnérabilité des
banques s’accroît avec la chute de la valeur de leur portefeuille
de titres, d’où une réduction de leur capitalisation et,
conséquemment, une révision à la baisse, par les agences de
notation, de la crédibilité du système bancarisé domestique et de
ses composantes, donc un moindre accès aux marchés internationaux
des capitaux.
iii) La propagation internationale
s’explique par cette perte de confiance dans le(s) premier(s) pays
en crise qui se reporte sur la perception, par les investisseurs,
des risques encourus dans l’ensemble des pays émergents,
consacrant, par là même, la dimension collective des comportements
financiers qui transcende les cadres nationaux. Ainsi, ces crises
illustrent l’instabilité endogène à ces marchés, d’autant plus
élevée que les opérateurs ont une forte préférence pour le présent,
et le caractère désormais transnational de la recherche de
liquidité et des compositions de portefeuille dans le contexte de
globalisation financière.
Ce mécanisme est, par ailleurs, renforcé par la
logique des économies de marché financier où l’agent est défini
comme un portefeuille de droits/créances dont il faut défendre la
valeur [Aglietta Orléan, 1998]. Partant, tout ce qui s’oppose au
rendement de ce portefeuille est susceptible d’être remis en
cause : la protection sociale, la fiscalité, donc la fonction
politique de l’État. Cette logique financière ne rencontre, alors,
aucun contre-pouvoir, en raison de la faiblesse des marges de
résistance nationales de même que de la subordination des pouvoirs
réels étatiques aux exigences des marchés. Deux types de contagion
peuvent, dans ce contexte, être distingués : d’une part, la
« contagion mimétique » qui concerne les opérateurs d’un
même marché, prévalant en situation d’incertitude (le rôle des
informations économiques fondamentales devient marginal) où le
marché est livré à lui-même (les agents ne font qu’anticiper le
comportement des autres) ; d’autre part, la « contagion
systémique », soit la propagation d’une crise localisée à
d’autres segments du système financier voire à d’autres pays. La
crise mexicaine est, par rapport à cette taxinomie, emblématique
puisqu’elle forme, à la fois, un exemple de contagion mimétique par
l’effondrement du peso, et de contagion systémique (« effet
tequila ») avec les crises bancaires et la propagation de la
défiance à l’ensemble des marchés émergents (encadré 44
ci-dessus ; le déroulement de cette crise est traité dans le
détail en 7.2.2).
G5, G7/8, G20 : la recherche d’un
capitalisme organisé face à la globalisation financière
Le contexte d’instabilité des taux de change, de
déséquilibres internationaux, d’entraves au commerce mondial et
d’inflation, caractéristiques des années 1970 et 1980, impose aux
pays de capitalisme évolué de mettre en place une régulation
collective et concertée de l’économie mondiale, à l’instar du
plaidoyer de J.M. Keynes [1971] en faveur d’un capitalisme
organisé favorisant la coopération
internationale selon trois formes principales (cf. Partie 1) : la coordination des
politiques économiques, la formation d’unions régionales et le
renforcement des Institutions multilatérales. Dès lors, à côté des
grandes institutions (FMI, OCDE, BRI, etc.) et de la mise en place
du SME le 13 mars 1979, le besoin de consultation et de
coopération s’est manifesté parmi les pays de capitalisme évolué,
d’où la création de nouvelles instances, dépourvues de structures
permanentes et de pouvoir directement décisionnaire, comme le G5
puis le G7/8 et le G20 ; cette « hypertrophie »
illustrant l’avènement puis la concrétisation de la globalisation
économique et financière avec l’agrégation, aux pays de capitalisme
évolué, des pays émergents.
Le G5 est, à l’origine, un groupe informel
constitué des ministres des Finances et des Gouverneurs de Banques
centrales des États-Unis, du Japon, de la RFA, de la France et du
Royaume-Uni, dont la première rencontre eut lieu au Royaume-Uni.
Après le premier choc pétrolier, les sommets se sont déroulés au
niveau des chefs d’État et de gouvernement, à partir de l’impulsion
donnée par le président français V. Giscard d’Estaing et le
chancelier allemand H. Schmidt, à commencer par celui de
Rambouillet (15-17 novembre 1975) où l’Italie, puis le Canada
en 1976 (réunion de Porto-Rico, 26-27 juin), rejoignirent le
G5, pour former, dorénavant, le G78.
Depuis le sommet de Londres (7-8 mai 1977),
le Président de la Commission européenne participe, également, aux
réunions à l’issue desquelles des communiqués mentionnant les
intentions quant aux objectifs macro-économiques des pays membres
sont publiés. Enfin, au sommet de Tokyo (4-6 mai 1986), les
rencontres des ministres des Finances et de Gouverneurs des Banques
centrales du G7 furent institutionnalisées. En outre, le G7 puis le
G8 ont connu, depuis leurs créations, d’amples modifications et se
sont, progressivement, politisés. Ainsi, grâce à leur appartenance
aux G8, le Japon et l’Allemagne, qui ne sont pas membres du Conseil
de sécurité des Nations Unies, participent à des discussions
politiques internationales. De plus, le G8, qui se réunit
généralement avant le Comité Monétaire et Financier International
(i.e. l’ancien Comité intérimaire) du
Fonds Monétaire International, exerce une influence croissante sur
ses orientations. Enfin, les questions du ressort du G8 ont dépassé
le cadre de la coordination des politiques macro-économiques pour
concerner le fonctionnement du système de financement
international, les orientations des Institutions financières
internationales, mais aussi, dans un contexte de globalisation, des
questions comme les migrations, le statut des réfugiés, le trafic
de stupéfiants, le « recyclage de l’argent sale »,
l’environnement (sommet de Denver du 20-22 juin 1997), les
essais nucléaires de l’Inde (sommet de Birmingham du 16-17 mai
1998), la lutte contre la « cybercriminalité » (sommet de
Paris du 15-17 mai 2000), voire l’adoption d’une charte sur la
société mondiale de l’information (sommet d’Okinawa du
21-23 juillet 2000).
Encadré 45 : Initiatives récentes des
sommets du G8 en faveur des pays pauvres très endettés
(« PPTE »)
Depuis quelques années, les sommets du G8
prennent des initiatives en faveur des Pays pauvres très endettés
(« PPTE », cf. 6.2.1.).
Ainsi, au sommet de Cologne (18-20 juin 1999) a été prévu un
accord d’allègement de la dette de certains PPTE portant sur plus
de 37 milliards de dollars. Au sommet d’Okinawa (cf. supra), les chefs d’État et de gouvernement se
sont mis d’accord pour fournir un financement accru à la lutte
contre les maladies infectieuses, complété par le sommet de Gênes
(20-21 juillet 2001) qui a vu la création d’un Fonds mondial
de lutte contre le VIH/SIDA, le paludisme et la tuberculose et
durant lequel les chefs d’États africains ont été conviés afin de
lancer le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique
(NEPAD), dont le plan d’action a été élaboré lors du sommet de
Kananaskis (25-27 juin 2002).
Lors de ce dernier sommet, en réponse aux
événements du 11 septembre 2001, les chefs d’État et de
gouvernement ont, également, annoncé un plan de lutte contre le
terrorisme (mise en place d’un partenariat mondial contre la
dissémination d’armes de destruction massive, adoption de mesures
relatives à la sécurité des transports, mais aussi en faveur du
développement durable et de l’accès à l’éducation). Enfin,
communiquée le 11 juin 2005 lors du sommet de Londres,
l’annulation pour dix-huit PPTE9 de
40 milliards de dollars de dettes (soit la moitié de la dette
extérieure totale de ces pays et la quasi-totalité de leurs dettes multilatérales
[i.e. contractées auprès du FMI, de la
Banque mondiale et de la Banque africaine de développement], sur un
total de 180 milliards de dollars pour l’ensemble des PPTE) a
été largement médiatisée, présentée comme une approche
« nouvelle » dans le traitement de la dette extérieure
souveraine des pays du Sud les plus pauvres. Toutefois, les
conditions d’éligibilité, à savoir le respect par les pays
bénéficiaires des politiques néolibérales imposées par les
Institutions de Bretton Woods dans le
cadre de Nations n’étant pas parmi les plus
« exemplaires » en termes de lutte contre la pauvreté et
contre la corruption, confinent ces économies dans une
spécialisation appauvrissante (production et exportation de biens
primaires) qui ne permet pas d’obtenir une croissance soutenue et
un développement durable seul à même de réduire la pauvreté et les
inégalités.
En définitive, le G8 contribue à la coopération
internationale dans sa double dimension ex
ante (la prévention des crises) et ex
post (la gestion des crises) en favorisant la recherche de
consensus dans le plein respect des souverainetés. En effet, dans
un environnement globalisé, les réunions régulières tenues à ce
niveau permettent des échanges d’informations et, éventuellement,
une coordination en matière de politiques budgétaire, monétaire et
de change. Les communiqués publiés constituent, alors, des
« effets d’annonce » (i.e. signaling
channel soit des « signaux » transmis aux marchés)
susceptibles d’influencer les comportements des investisseurs dans
le sens d’un ancrage « rationnel » de leurs
anticipations. Ils peuvent, ainsi, « guider » les marchés
quant aux niveaux de taux de change souhaités par les policy makers sans comporter de données concrètes
sur d’éventuelles modalités d’intervention. Ce type d’asymétrie et
d’incomplétude informationnelles délibérées est nécessaire à la réduction du risque
d’aléa moral susceptible d’être associé à ce genre
d’intervention.
Dans ce cadre, la médiatisation des rencontres du
G8 a parfois des effets pervers lorsque les attentes sont déçues
comparativement aux « effets d’annonce ». Ainsi, les
réactions des marchés à l’occasion des dissensions politiques entre
la RFA et les États-Unis ont été une des causes du krach boursier
du 19 octobre 198710. De
même lors du sommet de L’Aquila (8-10 juillet 2009), loin de
rassurer, l’évocation de « stratégies de sortie de
crise » a, au contraire, fait baisser les Bourses mondiales
qui redoutent une disparition progressive des plans de relance
massifs, faisant craindre un tarissement des colossales injections
de liquidités dans l’économie mondiale.
Dans un contexte d’absence de Système monétaire et
financier international, d’instabilité des taux de change et de
déséquilibres internationaux, les réunions du G8 consacrent la
reconnaissance d’une gestion collective de l’interdépendance
économique mondiale et, d’une certaine manière, le retour de
l’interventionnisme public dans la régulation des affaires
cambiaires, particulièrement manifeste dans la période de crise
globale de 2008-200911.
Toutefois, le déséquilibre majeur entre les réserves officielles de
change et la masse de capitaux privés circulant à l’échelle
mondiale (graphique 32 p. 205REF
_Ref239319578) invalide fortement l’aptitude des Banques
centrales à contenir les attaques spéculatives. En outre, la
coopération ne se décrète pas, et l’histoire récente (i.e. l’absence de plans de relance concertés et
d’harmonisation des politiques économiques comme stratégies
coopératives de sortie de la crise de 2008-2009) tend à avaliser la
thèse du « passager clandestin » (free rider) ; autrement dit, les pays
concernés cherchent souvent à profiter de la coopération sans
accepter d’en payer totalement le prix en limitant leur propre
contribution aux efforts communs, notamment lorsque la répartition
des gains de cette coopération n’est pas ex
ante clairement fixée.
1 Cf. à ce propos, J.-P.
Berlan Ph. Gilles, « Revenir aux besoins », Le Monde-Économie, 5 septembre 1989,
pp. 19-20.
2 En décembre 1985, l’Arabie saoudite fait entériner
par l’OPEP sa stratégie de reconquête du marché qui devait ramener
le prix du baril de 29 à moins de 10 $ en quelques mois.
3 Dans les travaux de Williamson [1986 ; 1987],
le taux de change réel évolue en fonction des fondamentaux
économiques, tels que la balance courante ou le prix relatif des
biens échangeables par rapport aux biens non échangeables. Par
conséquent, le taux de change réel d’équilibre fondamental est le
taux qui permet, simultanément, l’équilibre interne et externe d’un
pays. L’équilibre interne est défini comme le niveau de production
qui permet la pleine utilisation des capacités de production avec
un niveau d’emploi non inflationniste. L’équilibre externe suppose
la soutenabilité dans le temps de la balance courante.
4 Par voie de conséquence, la rupture d’un accord
conclu avec le Fonds Monétaire International interrompt non
seulement le versement des tranches successives du prêt
multilatéral initialement associé à cet accord, mais également les
processus de traitement de la dette souveraine, cela aussi bien
dans le cadre du Club de Paris que dans celui du Club de Londres.
Il s’ensuit inévitablement un phénomène de défiance sur les marchés
de capitaux, qui compromet l’accès ultérieur à ces marchés.
5 Cette appréhension conduit, ainsi, les
Institutions Financières Internationales à accepter pour la
première fois dans le cadre de l’initiative PPTE le principe de
réduction de dette portant sur le stock de dette multilatérale.
Précédemment, seules les dettes détenues par des créanciers publics
bilatéraux et privés étaient susceptibles de rééchelonnement, ce
qui menait finalement à une impasse. En effet, au fil des accords
successifs conclus dans le cadre des Clubs de Paris et de Londres,
la part des créances bilatérales et privées reculait au bénéfice
des dettes multilatérales. Celles-ci, non susceptibles de
réduction, constituaient alors l’essentiel du stock de dette total.
Prenant acte de cette situation, les Institutions Financières
Internationales ont alors accepté le principe d’une réduction du
montant des créances qu’elles détenaient sur les PPTE.
6 Pour Keynes [1996, 171 et 173], à l’instar d’un
« concours de beauté » pour lequel les lecteurs d’un
magazine doivent deviner celle que le plus grand nombre choisira
comme « la belle d’entre les belles », ce que pense
chacun en matière de placements est moins important que ce qu’il
pense que les autres pensent ; autrement dit, « on
emploie ses facultés à découvrir l’idée que l’opinion moyenne se
fera à l’avance de son propre jugement ».
7 D’où vient, alors, la récurrence des crises ? Juglar [1862, 1968]
relevait, déjà à la fin du xix
e siècle, que si la reprise
économique s’effectuait avec prudence en raison du souvenir
toujours manifeste chez les agents des graves conséquences du
sur-crédit, la nouvelle phase d’essor estompe progressivement la
mémoire de ce désastre (disaster
myopia, soit « l’aveuglement au désastre »), d’où
l’idée que la stabilité est aussi déstabilisante : dans un
contexte d’« euphorie des affaires », les agents sont
oublieux des crises passées, donc ne retiennent pas les leçons du
passé et renouvellent les mêmes erreurs, ce qui n’est pas sans
rappeler la citation de Santayana reprise par
A. O. Hirschman [2001, 119-120] selon laquelle
« ceux qui ne gardent pas le passé en mémoire sont condamnés à
le répéter ».
8 Lors du sommet annuel à Lyon (1er juillet 1996), la Russie a, pour la
première fois, participé, en tant que membre, à la partie politique
du sommet (G7+1). Cette participation marquera le coup d’envoi
symbolique de l’intégration de la Russie à la scène économique et
financière internationale entériné lors du sommet de Birmingham, le
premier du G8 (15-17 mai 1998).
9 Bénin, Bolivie, Burkina Faso, Ethiopie, Ghana,
Guyana, Honduras, Madagascar, Mali, Mauritanie, Mozambique,
Nicaragua, Niger, Ouganda, Rwanda, Sénégal, Tanzanie et
Zambie.
10 Le 19 octobre 1987, la Bourse de New York perdit
22,6 % de sa valeur capitalisée, soit presque autant que les
28-29 octobre 1929, jours durant lesquels elle avait perdu
12,8 % puis 11,7 %.
11 Parallèlement, la problématique de la
coordination revient sur le devant de la scène avec l’avènement du
G20, instauré en 1999 après la succession des crises financières
dans les pays émergents (cf. 7.3.), qui
regroupe les pays industrialisés et des pays émergents, lesquels
représentent 90 % du PIB mondial, 80 % du commerce
international et les 2/3 de la population mondiale (contre
14 % de la population et 65 % des richesses mondiales
pour le G8). Ainsi, le sommet de Londres (2 avril 2009) aura, entre
autres, montré qu’il est plus facile de se coordonner au niveau
mondial via un plan de relance global
par création monétaire que sur un plan de relance fiscal concerté.
En effet, face au refus des pays européens (en particulier
l’Allemagne) d’initier un plan de relance fiscal coordonné estimant
que les « autres » (États-Unis, Japon, Chine) devaient en
assumer la responsabilité, il a été décidé une augmentation des
lignes de crédit d’environ 1 100 milliards de dollars
(i.e. 816 milliards d’euros) sous
l’égide du Fonds Monétaire International, de la Banque mondiale et
des différentes banques régionales de développement, soit une
relance « hors bilan » par la création de
liquidités.