FIGARO regarde à la fenêtre.
Monseigneur, le retour est fermé; l'échelle est enlevée.
LE COMTE.
Enlevée!
ROSINE, troublée.
Oui, c'est moi... c'est le Docteur. Voilà le fruit de ma crédulité. Il m'a trompée. J'ai tout avoué, tout trahi: il sait que vous êtes ici, et va venir avec main-forte.
FIGARO regarde encore.
Monseigneur! on ouvre la porte de la rue.
ROSINE, courant dans les bras du Comte, avec frayeur.
Ah Lindor!
LE COMTE, avec fermeté.
Rosine, vous m'aimez! Je ne crains personne; et vous serez ma femme[143]. J'aurai donc le plaisir de punir à mon gré l'odieux vieillard!...
ROSINE.
Non, non, grâce pour lui, cher Lindor! Mon cœur est si plein, que la vengeance ne peut y trouver place.
SCENE VII.
LE NOTAIRE, DON BAZILE, LES ACTEURS PRÉCÉDENS.
FIGARO.
Monseigneur, c'est notre Notaire.
LE COMTE.
Et l'ami Bazile avec lui.
BAZILE.
Ah! qu'est-ce que j'apperçois?
FIGARO.
Eh! par quel hazard, notre ami...
BAZILE.
Par quel accident, Messieurs...
LE NOTAIRE.
Sont-ce là les futurs conjoints?
LE COMTE.
Oui, Monsieur. Vous deviez unir la Signora Rosine et moi cette nuit, chez le Barbier Figaro; mais nous avons préféré cette maison, pour des raisons que vous saurez. Avez-vous notre contrat?
LE NOTAIRE.
J'ai donc l'honneur de parler à son Excellence Monseigneur le Comte Almaviva?
FIGARO.
Précisément.
BAZILE, à part[144].
Si c'est pour cela qu'il m'a donné le passe-par-tout...
LE NOTAIRE.
C'est que j'ai deux contrats de mariage, Monseigneur; ne confondons point: voici le vôtre; et c'est ici celui du seigneur Bartholo avec la Signora... Rosine aussi. Les Demoiselles apparemment sont deux sœurs qui portent le même nom.
LE COMTE.
Signons toujours. Don Bazile voudra bien nous servir de second témoin. (Ils signent.)
BAZILE.
Mais, votre Excellence... je ne comprens pas...
LE COMTE.
Mon Maître Bazile, un rien vous embarrasse, et tout vous étonne.
BAZILE.
Monseigneur... Mais si le Docteur...
LE COMTE, lui jettant une bourse.
Vous faites l'enfant! Signez donc vîte.
BAZILE, étonné.
Ah! ah!...
FIGARO.
Où donc est la difficulté de signer!
BAZILE, pesant la bourse[145].
Il n'y en a plus; mais c'est que moi, quand j'ai donné ma parole une fois, il faut des motifs d'un grand poids...
(Il signe[146].)
SCENE DERNIERE.
BARTHOLO, UN ALCADE, DES ALGUASILS, DES VALETS avec des flambeaux, et LES ACTEURS PRÉCÉDENS.
BARTOLO voit le Comte baiser la main de Rosine, et Figaro qui embrasse grotesquement Don Bazile: il crie en prenant le Notaire à la gorge[147].
Rosine avec ces fripons! arrêtez tout le monde. J'en tiens un au collet.
LE NOTAIRE.
C'est votre Notaire.
BAZILE.
C'est votre Notaire. Vous moquez-vous?
BARTOLO.
Ah! Don Bazile. Eh, comment êtes-vous ici?
BAZILE.
Mais plutôt vous, comment n'y êtes-vous pas[148]?
L'ALCADE, montrant Figaro.
Un moment; je connais celui-ci. Que viens-tu faire en cette maison, à des heures indues?
FIGARO.
Heure indue? Monsieur voit bien qu'il est aussi près du matin que du soir. D'ailleurs, je suis de la compagnie de son Excellence le Comte Almaviva.
BARTOLO.
Almaviva?
L'ALCADE.
Ce ne sont pas des voleurs?
BARTOLO.
Laissons cela.—Par-tout ailleurs, Monsieur le Comte, je suis le serviteur de votre Excellence; mais vous sentez que la supériorité du rang est ici sans force. Ayez, s'il vous plaît, la bonté de vous retirer.
LE COMTE.
Oui, le rang doit être ici sans force; mais ce qui en a beaucoup est la préférence que Mademoiselle vient de m'accorder sur vous, en se donnant à moi volontairement.
BARTOLO.
Que dit-il, Rosine?
ROSINE[149].
Il dit vrai. D'où naît votre étonnement? Ne devois-je pas cette nuit même être vengée d'un trompeur? Je la suis.
BAZILE.
Quand je vous disois que c'étoit le Comte lui-même, Docteur?
BARTOLO.
Que m'importe à moi? Plaisant mariage! Où sont les témoins?
LE NOTAIRE.
Il n'y manque rien. Je suis assisté de ces deux Messieurs.
BARTOLO.
Comment, Bazile! vous avez signé?
BAZILE.
Que voulez-vous? Ce diable d'homme a toujours ses poches pleines d'argumens irrésistibles.
BARTOLO.
Je me moque de ses argumens. J'userai de mon autorité.
LE COMTE.
Vous l'avez perdue[150], en en abusant.
BARTOLO.
La demoiselle est mineure.
FIGARO.
BARTOLO[151].
Qui te parle à toi, maître fripon?
LE COMTE.
Mademoiselle est noble et belle; je suis homme de qualité, jeune et riche; elle est ma femme; à ce titre qui nous honore également, prétend-t-on me la disputer[152]?
BARTOLO.
Jamais on ne l'ôtera de mes mains.
LE COMTE.
Elle n'est plus en votre pouvoir. Je la mets sous l'autorité des Loix; et Monsieur, que vous avez amené vous-même, la protégera contre la violence que vous voulez lui faire. Les vrais magistrats sont les soutiens de tous ceux qu'on opprime.
L'ALCADE.
Certainement. Et cette inutile résistance au plus honorable mariage indique assez sa frayeur sur la mauvaise administration des biens de sa pupille, dont il faudra qu'il rende compte.
LE COMTE.
Ah! qu'il consente à tout, et je ne lui demande rien.
FIGARO.
Que la quittance de mes cent écus: ne perdons pas la tête.
BARTOLO, irrité.
Ils étoient tous contre moi; je me suis fourré la tête dans un guêpier!
BAZILE.
Quel guêpier! Ne pouvant avoir la femme, calculez, Docteur, que l'argent vous reste; et...
BARTOLO.
Eh! laissez-moi donc en repos, Bazile! Vous ne songez qu'à l'argent. Je me soucie bien de l'argent, moi! A la bonne heure, je le garde; mais croyez-vous que ce soit le motif qui me détermine? (Il signe.)
FIGARO, riant.
Ah, ah, ah! Monseigneur; ils sont de la même famille[153].
LE NOTAIRE.
Mais, Messieurs, je n'y comprends plus rien. Est-ce qu'elles ne sont pas deux Demoiselles qui portent le même nom?
FIGARO.
Non, Monsieur, elles ne sont qu'une[154].
BARTOLO, se désolant.
Et moi qui leur ai enlevé l'échelle, pour que le mariage fût plus sûr! Ah! je me suis perdu faute de soins.
FIGARO.
Faute de sens. Mais soyons vrais, Docteur; quand la jeunesse et l'amour sont d'accord pour tromper un vieillard, tout ce qu'il fait pour l'empêcher peut bien s'appeler à bon droit la Précaution inutile.
FIN DU QUATRIÈME ET DERNIER ACTE.
APPROBATION.
J'ai lu, par l'ordre de Monsieur le Lieutenant-Général de Police, le Barbier de Séville, Comédie en prose, et en quatre Actes; et j'ai cru qu'on pouvoit en permettre l'impression. A Paris, ce 29 Décembre 1774.
CRÉBILLON.
.....
Vu l'Approbation, permis d'imprimer, ce 31 Janvier 1775.
LENOIR.
Achevé d'imprimer, le 30 mai 1775.
VARIANTES
Variante I.
C'est pour le coup qu'il me regarderait comme un Espagnol du temps de Charles-Quint.
———
Var. II.
Il chantronne (sic) gaiment à sa fantaisie un papier à la main.
———
Var. III.
Jusques-là, ça va bien, mais il faut finir, écorcher la queue, et voilà le rude.
———
Var. IV.
Je voudrais finir par quelque chose de brillant, de claquant.
———
Var. V.
Quand il y aura de la musique là-dessus, nous verrons si ces messieurs trouvent encore que je ne sais ce que je dis.
———
Var. VI.
Ne vois-tu pas que je veux être ignoré?
———
Var. VII.
Le Ministre ayant égard à la lettre que Votre Excellence lui avait écrite en ma faveur...
———
Var. VIII.
Non, à l'École vétérinaire d'Alcala.
LE COMTE.
Beau début dans le monde!
———
Var. IX.
...de certaines gens.
———
Var. X.
Il y aurait des maîtres qui ne seraient pas dignes d'être valets.
———
Var. XI.
FIGARO s'arrête et examine ce que fait le Comte, qui, en regardant la jalousie, lui dit:
LE COMTE.
Dis toujours, je t'entends de reste.
FIGARO.
Avant de m'éloigner de la capitale, je voulus essayer mes talents...
———
Var. XII.
FIGARO.
Ne pensez pas à rire.
LE COMTE.
Le théâtre de la Nation, toi?
FIGARO.
Oui, moi, j'ai fait deux opéras-comiques.
LE COMTE.
Ah! je vous entends.
———
Var. XIII.
Sa joyeuse colère me réjouit! Mais tu ne me dis pas ce qui t'a fait quitter Madrid et ta conduite au midi de l'Espagne?
———
Var. XIV.
...à tel point affamés et multipliés dans la capitale qu'ils s'entredévoraient pour y vivre, et que, livrés au mépris...
———
Var. XV.
A la fin, j'ai quitté Madrid.
———
Var. XVI.
Me moquant des sots...
———
Var. XVII.
Ta philosophie me paraît assez gaie.
———
Var. XVIII.
Sans l'opéra-comique et les mille et un journaux qui relèvent un peu sa gloire.
———
Var. XIX.
Le diable l'a-t'il emporté?
———
Var. XX.
FIGARO, allant sous le balcon.
De ce côté-ci, pour que la vue ne puisse pas plonger sur nous.
LE COMTE.
C'est un billet.
FIGARO.
Fort bien! il demandait...
———
Var. XXI.
Ce tour-là manquait à ma collection, je m'en souviendrai.
LE COMTE, baisant le papier.
Ma chère Rosine!...
FIGARO, levant son chapeau en l'air et contrefaisant la voix du docteur.
«Sans l'opéra-comique et les mille et un journaux qui relèvent un peu sa gloire...» (Il laisse tomber son chapeau.) Paf! le papier à bas! (Contrefaisant la voix de Rosine.) Ma chanson! ma chanson!... (Il rit.) Ah! ahi!...
———
Var. XXII.
Ma vie entière ne suffira pas...
———
Var. XXIII.
Pesez tout à cette balance, et personne ne vous trompera.
———
Var. XXIV.
Bien choisi à vous, la peste! C'est un morceau de prince!
———
Var. XXV.
Il paraît un peu brutal?
FIGARO.
Vous lui faites grâce du peu, il l'est excessivement.
LE COMTE.
Tant mieux. Ses moyens de plaire?
FIGARO.
Nuls.
———
Var. XXVI.
On dit que la crainte des galants...
———
Var. XXVII.
Tant mieux! tant mieux!...
FIGARO.
A tous ces tant mieux oserais-je demander à Votre Excellence ce qu'elle trouve de favorable dans ma description?
LE COMTE.
C'est que j'ai souvent remarqué que les moyens que les hommes emploient pour s'assurer d'un bien sont précisément ce qui le leur fait perdre.
FIGARO.
Pour que la maxime ne tourne pas contre vous, avant d'agir, laissez-moi sonder le terrain, et tâchez de lire au cœur de la dame.
LE COMTE.
Aurais-tu de l'accès?
———
Var. XXVIII.
LE COMTE.
En lui parlant, Figaro, examines si bien ses yeux, ses joues, le mouvement de ses lèvres et de ses doigts, enfin toute sa personne, qu'elle ne puisse t'échapper.
FIGARO.
Le Ciel l'en préserve, elle serait bien rusée.
LE COMTE.
Si elle te reçoit debout, prends garde à son maintien. L'impatience et l'amour, mon ami, se décèlent, en écoutant, par une inquiétude générale, un vacillement du corps...
FIGARO.
Oui! passant d'un pied sur l'autre.
LE COMTE.
Observe bien ce qu'elle dit, ce qu'elle ne dit pas, si sa respiration se précipite, si sa parole est brève, sa voix mal assurée, si elle retient ses phrases à moitié, si elle répète deux fois la même chose en répondant...
FIGARO.
Je la vois, je la vois! Comme vous peignez, Monseigneur; vous méritez de réussir et j'y vais travailler.
———
Var. XXIX.
A Merveille!
———
Var. XXX.
J'ai joué Montauciel[155] à Madrid en société.
———
Var. XXXI.
FIGARO.
Je vais me glisser dans la maison. Acceptez une mauvaise retraite chez moi; vous y serez plutôt instruit que dans une auberge où l'on peut nous remarquer.
LE COMTE.
Tu parles bien.
FIGARO.
Ce n'est rien que cela; vous me verrez agir.
(Il voit sortir Bartholo, et rentre où est le Comte.)
Dans le manuscrit, la scène finit là. Ici se place alors la scène VIIIe du deuxième acte, formant ainsi dans le manuscrit la scène VIe du premier, avec des variantes qu'on trouvera indiquées plus loin.
———
Var. XXXII.
Demain, il épouse Rosine, et je suis découvert.
———
Var. XXXIII.
Allons, qu'un vil effroi ne rende pas mes forces inutiles; l'audace de lutter contre les obstacles est la vertu qui les fait surmonter.
FIGARO.
Bravo! la maxime d'Horace!
LE COMTE.
Elle écoute sûrement derrière la jalousie.
———
Var. XXXIV.
Vous l'ordonnez, je me ferai
connaître. Plus inconnu, je pouvais admirer... |
———
Var. XXXV.
Je suis Lindor, le Tage m'a vu
naître; Mes vœux sont ceux d'un timide écolier: Que n'ai-je, hélas! d'un brillant chevalier A vous offrir la main et le bien-être!... |
———
Var. XXXVI.
Rien ne m'apprend que l'on m'ait entendu. Si je recommençais?
———
Var. XXXVII.
Ah, c'en est fait! je suis à ma Rosine. (Il baise la lettre.)
———
Var. XXXVIII.
Vous, Monseigneur, l'habit de guerre et le billet de logement! Je vous rejoins dans ma boutique...
———
Var. XXXIX.
Il y a tant de méchantes gens!
———
Var. XL.
Si mon tuteur rentrait, je ne pourrais plus savoir...
———
Var. XLI.
Il brûle de venir vous apprendre lui-même...
ROSINE.
Qu'il s'en garde bien, il perdrait tout!
FIGARO.
Ne craignez rien, je viens de vous débarrasser de tous vos surveillants jusqu'à demain.
ROSINE.
Je ne lui défends pas de m'aimer, mais qu'il ne fasse aucune imprudence!...
FIGARO.
Si vous le lui ordonniez par un mot de lettre?
———
Var. XLII.
Dans le manuscrit la scène finit ainsi:
ROSINE.
Allez, mon cher Figaro, et prenez bien garde en sortant.
———
Var. XLIII.
ROSINE va à la fenêtre.
Il est passé... voyons ce qu'on m'écrit; ah! j'entends mon tuteur; serrons la lettre et reprenons mon ouvrage.
———
Var. XLIV.
Il a donné des pilules à l'Éveillé.
———
Var. XLV.
Oh! le rusé vieillard!
———
Var. XLVI.
ROSINE.
Examinez encore si la cheminée n'a pas trop d'ouverture en haut.
BARTOLO.
Vous avez raison, je l'avais oublié.
ROSINE.
Voyez si l'on ne pourrait pas glisser un billet par-dessous la porte.
BARTOLO.
Il n'y aurait point de mal quelles traînassent toutes sur les planchers; on cherche souvent d'où vient un rhumatisme... Vous riez?
ROSINE.
D'honneur! qui nous entendrait croirait que tout ceci n'est qu'un badinage!...
———
Var. XLVII.
Je l'ai vu un moment. (A part.) Il l'apprendrait d'ailleurs.
———
Var. XLVIII.
BARTOLO.
Dorénavant, Madame, quand j'irai par la ville ne trouvez pas mauvais que je vous enferme sous clef.
———
Var. XLIX.
L'ÉVEILLÉ, criant.
La Jeunesse!... la Jeunesse!... Aye! aye!
———
Var. L.
BARTOLO, le frappant.
Tiens, avec ton Monsieur Figaro!
L'ÉVEILLÉ, faisant un saut de frayeur.
Ah! bon Dieu!...
———
Var. LI.
De la justice... il me répond!... C'est bon entre vous, misérables, la justice; je vous paie pour que vous me serviez, mais je suis votre maître pour avoir raison, toujours raison!
———
Var. LII.
ROSINE.
Allez vous coucher, mes enfants, vous en avez besoin!
BARTOLO.
Sans doute, signora, protégez-les contre moi! Ils ne sont pas assez insolents!
———
Var. LIII.
Cette fameuse tirade «de la Calomnie» ne se trouve pas dans le manuscrit de la Comédie française.
———
Var. LIV.
...Sont des disonnances qu'on doit sauver par la consonnance de l'or.
———
Var. LV.
C'est ce que nous verrons, lorsque je vais vous confronter avec un témoin irréprochable[156] et tout prêt à déposer contre vous.
ROSINE, un peu troublée.
(A part.) J'étais seule... (Haut.) Qu'il paraisse donc ce témoin; je suis curieuse de le voir.
———
Var. LVI.
ROSINE, se retournant et se mordant le doigt.
———
Var. LVII.
Je tiens la réponse à votre lettre.
———
Var. LVIII.
Voici d'après le manuscrit le signalement dans son entier:
AIR: Ici sont venus en personne.
Le chef branlant, la tête chauve, Les yeux vairons, le regard fauve, L'air farouche d'un Algonquin[157], La taille lourde et déjetée, L'épaule droite surmontée, Le teint grenu d'un maroquin, Le nez fait comme un baldaquin, La jambe pote[158] et circonflexe, Le ton bourru, la voix perplexe, Tous les appétits destructeurs, Enfin la perle des Docteurs[159]. |
———
Var. LIX.
BARTOLO, s'échauffant.
Chez un confrère?...
LE COMTE.
De la douceur, docteur Porc-à-l'auge!
———
Var. LX.
Ah docteur Pot-à-l'eau!
———
Var. LXI.
Eh bien, avec les vôtres il n'y avait qu'à vous laisser encore traiter les nôtres; la cavalerie du roi aurait été bientôt troussée!...
———
Var. LXII.
...Moi poli et vous jolie sont deux qualités qui vont fort bien.
———
Var. LXIII.
Je crains seulement que vous ne m'entendiez pas bien; je ne parle pas tout à fait comme je le voudrais.
BARTOLO.
On le voit de reste.
———
Var. LXIV.
...Que par ma place de médecin des hopitaux...
———
Var. LXV.
———
Var. LXVI.
Décamper! Ce mot exact à l'armée se prend toujours en mauvaise part dans les villes... Montrez-moi le brevet de votre place.
———
Var. LXVII.
Nous quitter, après tout ce que j'ai fait!
ROSINE.
Il le faut!
———
Var. LXVIII.
LE COMTE veut lui baiser la main; elle la retire.
BARTOLO.
Passez toujours de ce côté-là...
LE COMTE.
Ah vous êtes un peu... là... ce qu'on appelle méfiant. (Il chante.)
AIR: M. l'Archevêque de Paris est grand solitaire.
Quand je rencontre en belle humeur Quelque Dondon jolie, J'ly fais des es... J'ly fais des es... J'ly fais des espiégleries, Docteur, Sans en avoir envie. |
Seulement pour rire un moment!...
BARTOLO lit.
Charles, par la grâce de Dieu, roi d'Espagne, em... em... ah!... sur les bons et fidèles témoignages qui nous ont été rendus de la personne de Claude Blaise Guignolet Bartholo, de ses sens, capacités... (Ils se font des signes pendant ce temps.) Vous n'écoutez pas?
———
Var. LXIX.
Quelle insolence!...
LE COMTE.
Hé! je m'en rapporte... on ne loge pas de soldats ici... Bonsoir!...
———
Var. LXX.
BARTOLO.
Rosine et moi, nous sommes les ennemis; allez mettre ailleurs l'armée en présence.
———
Var. LXXI.
Vous mériteriez que je le remisse à votre mari pour vous punir de m'avoir refusé votre main à baiser.
———
Var. LXXII.
(Le Comte baise la main de Rosine.)
BARTOLO.
Comment donc, vous lui baisez la main? Sortez d'ici, et je vais à l'instant me plaindre à votre capitaine!
LE COMTE.
A l'instant? à mon capitaine? Supérieurement bien vu, docteur. Et aussitôt que mon capitaine l'apprendra, soyez sûr qu'il va me rabattre ce baiser-là sur ma paye.
———
Var. LXXIII.
ROSINE.
Vous ne me frapperez pas peut-être?
BARTOLO.
Je l'aurai de force ou de gré!...
———
Var. LXXIV.
ROSINE.
Mon sang bouillonne, une chaleur horrible...
(Elle tire son mouchoir de sa poche, elle dénoue le ruban de sa pièce d'estomac, la lettre tombe.)
———
Var. LXXV.
Le pouls est pourtant assez égal. (A part.) Sans mes lunettes, je n'y vois que du noir et du blanc... Les voici.
———
Var. LXXVI.
Il sent son tort, je le tiens à mon tour.
———
Var. LXXVII.
Par amitié.
ROSINE.
Vous ne méritez pas le moindre sentiment.
———
Var. LXXVIII.
(Elle lit.) «...Une querelle ouverte avec votre tuteur, et si quelque chose dérangeait le projet que vous venez de lire, je vous demande en grâce une conversation cette nuit à travers votre jalousie.» Hélas! j'y consens, mais comment le lui faire savoir?
———
Var. LXXIX.
Monsieur, permettez...
BARTOLO.
Quoi permettre? (A part.) Cet homme m'est suspect. (Haut.) Si vous ne voulez pas absolument que j'y aille, que demandez-vous ici?
———
Var. LXXX.
Vous vous moquez! J'espère avant peu vous convaincre que personne ne désire autant que moi le mariage de la Signora.
BARTOLO.
Comment vous marquer ma reconnaissance?
———
Var. LXXXI.
BARTOLO.
C'est ce dont il m'avait flatté ce matin.
LE COMTE.
Vous voyez si j'impose. Le déménagement du Comte nous dérobe sa marche, il faut se presser.
BARTOLO.
Vous avez raison.
LE COMTE.
Mon avis est que nous venions demain bien accompagnés.
———
Var. LXXXII.
Attendez, vous êtes son élève?
LE COMTE.
C'est... c'est le nom que j'ai pris pour m'introduire ici.
BARTOLO.
Par conséquent, musicien.
———
Var. LXXXIII.
Plutôt deux pour vous plaire.
———
Var. LXXXIV.
Je vais enfin voir ma Rosine; contiens-toi, mon cœur! Ne va pas m'exposer à ton tour... Ingrate Rosine, ton amant est près de toi et ton cœur ne te dit rien... La voici; craignons de lui causer trop de surprise en nous montrant tout d'abord.
———
Var. LXXXV.
Un siége! un siége!
———
Var. LXXXVI.
Je vais te chercher un verre d'eau.
LE COMTE, pendant qu'il va chercher un verre d'eau.
Ah! Rosine.
ROSINE.
J'ai fait ce que vous m'avez prescrit; comment revenir actuellement?
———
Var. LXXXVII.
BARTOLO apporte un verre d'eau.
Tiens, mignonette, bois ceci.
———
Var. LXXXVIII.
Commençons donc. (A Bartholo.) Ah! monsieur, donnez-moi le papier qui est là-dedans sur mon clavecin. (Bartholo sort et revient aussitôt.)
BARTOLO.
Seigneur Alonzo, vous-êtes plus au faite de ces choses que moi. (Le Comte sort.)
SCÈNE V.
BARTHOLO, ROSINE.
ROSINE.
Mon Dieu! prenez bien garde que vos émissaires mêmes ne restent une minute avec moi.
BARTOLO.
Où vas-tu chercher de pareilles idées? Je t'assure ma petite...
SCÈNE VI.
LES MÊMES, LE COMTE, rentrant.
LE COMTE.
Il n'y avait que celui-là sur le pupitre. Est-ce celui que vous demandez, madame?
ROSINE.
Précisément, seigneur don?...
LE COMTE.
Alonzo, pour vous servir.
ROSINE.
Oui, Alonzo; pardon, je ne l'oublierai plus.
———
Var. LXXXIX.
FIGARO, à part.
Qu'est ceci? l'amant danse et rit avec le tuteur! Il en sait plus que je ne croyais.
BARTOLO, apercevant Figaro.
Eh, entrez donc, Monsieur le Barbier; entrez!...
FIGARO salue.
Monsieur! (A part au Comte.) Bravo, Monseigneur!
———
Var. XC.
FIGARO fait des signaux de la main par derrière au Comte.
Ah bien, tenez, Messieurs, puisque nous sommes sur ce chapitre, je vous dirai la réponse que je faisais faire à un homme de ma profession sur pareille apostrophe dans un opéra-comique de ma façon qui n'a eu qu'un quart de chute à Madrid.
LE COMTE.
Qu'entendez-vous par un quart de chute?
FIGARO, faisant des signaux de la main au Comte.
Monsieur, c'est que je n'ai tombé que devant le sénat comique du scenario; ils m'ont épargné la chute entière en refusant de me jouer. Ah! si j'avais là mon musicien, mon chanteur, mon orquestre (sic), mes cors de chasse, mon fifre et mes timballes, car je ne puis chanter à moins d'un train du diable à mes trousses. N'importe, je vais vous lire le morceau. (Il tire un grand papier au dos duquel sont écrits en gros caractères ces mots: DEMANDEZ TOUT BAS OÙ L SERRE LA CLEF DE LA JALOUSIE, et pendant qu'il débite l'ariette, il tient le papier de façon que le public et le Comte puissent lire le verso.) C'est une ariette de bravoure majestueuse:
J'aime mieux être un bon Barbier, Traînant ma poudreuse mantille; Tout bon auteur de son métier Est souvent forcé de piller, Grapiller, Houspiller... |
Un grand coup d'orquestre! Brouuuum!
Il vous pille Chez ses devanciers les Auteurs; |
Turelu, turelu; les flûtes: Brouuum!...
Il grapille, Dans la Bourse des Amateurs. |
Tirelan, tirelan tam, tam; les haut bois!
Il houspille, Hélas! à regret le public Quand il le rassemble en pic-nic (sic) Pour écouter sa triste affaire... |
Ah! que c'est bien dit: «Sa triste affaire!» Ici vous entendez, Messieurs: public, pic-nic. Pou, pou, pou, les bassons, reprise vivement; gros violons, moyens violons, petits violons, cors, cornillons, cornets, tambours, tambourins, quintons, flutais, flageolets, galoubets et autres siffleurs de même farine. Sa triste affaire, avons nous dit...
Reprise:
D'abord il a fallu la faire, Souvent ensuite la défaire, Au gré des acteurs la refaire, En en parlant n'oser surfaire, Presque toujours se contrefaire, Et n'obtenir pour tout salaire Que les brouhahas du parterre, La critique du monde entier; Enfin, pour coup de pied dernier, La ruade folliculaire. Ah! quel triste, quel sot métier, J'aime mieux être un bon Barbier (bis), un bon Barbier, bier, bier. |
BARTOLO.
Assurément, voilà une belle poussée!
LE COMTE, bas à Rosine.
Vous avez lu le papier?
ROSINE, bas.
Oui, à sa ceinture.
FIGARO.
Une telle ariette n'avoir pas été exécutée! Y eut-il jamais un pareil revers! (Il montre au Comte le dos du papier.)
LE COMTE.
Je conçois qu'on s'en occupe. Seriez-vous par hasard celui qu'on nomme ici le Barbier de Séville par excellence?
FIGARO.
Monsieur, Excellence vous-même!
LE COMTE.
Auteur d'un couplet mis au bas du portrait d'une très-belle dame habillée en sous-tourière?...
FIGARO, cherchant à comprendre.
Il se peut, Monsieur.
LE COMTE, à Bartholo.
Les vers ne sont pas mal faits, quoique sur un air commun. Voici le couplet. (A part.) Moi qui allais chanter! Il débite:
Pour irriter nos désirs, Sœur Vénus dessous la bure Tient la clef de nos plaisirs. |
FIGARO.
Turelure!
LE COMTE.
Attachée à sa ceinture.
FIGARO.
Robin Turelure, relure[160]...
ROSINE.
Il est très-joli.
BARTOLO.
Plein de sel et de délicatesse...
FIGARO.
Il n'est pas de moi; j'en connais l'auteur. Charmant! Vénus, sa ceinture, la clef... moi je vois le trousseau! Charmant! un pareil ouvrage n'est pas facile à faire!...
BARTOLO.
Non, je vous assure. Voilà comme j'aime une chanson, où l'on détourne agréablement... (A Figaro, qui tient le papier de son ariette à moitié roulé.) Qu'est-ce qu'il y a donc d'imprimé derrière votre papier?
LE COMTE, à part.
O étourdi!
ROSINE, à part.
Tout est perdu!
FIGARO, roulant vite le papier.
Monsieur, c'est une affiche de spectacle sur le verso de laquelle nous autres pauvres poëtes...
BARTOLO.
...De la jalousie... j'ai lu.
FIGARO.
Le Danger de la jalousie, voilà ce que c'est.
BARTOLO veut prendre le papier.
Les journaux n'en ont pas parlé?
FIGARO, serrant le papier.
N'en ont pas parlé... Eh, mon Dieu, Monsieur, si les journaux n'étaient pas une forte branche de commerce, et qui fait fleurir les manufactures d'encre et de papier marbré, les journaliers feraient peut-être aussi bien...
BARTOLO.
Les journaliers?... Cet homme veut écrire, et ne sait pas seulement parler sa langue. Enfin, quel sujet vous amenait ici, journalier?
———
Var. XCI.
FIGARO, au Comte.
...Que les brouhahas du parterre! un morceau superbe en vérité, ce n'est pas pour me vanter.
BARTOLO.
En voilà assez!...
———
Var. XCII.
Pourquoi donc chez moi?
BARTOLO.
Pour ne pas perdre un instant le plaisir de t'entendre, mon minet!...
———
Var. XCIII.
BARTOLO, rentrant.
Venez avec moi, seigneur Alonzo; si ce malheureux s'est blessé, je ne serai pas assez fort tout seul.
ROSINE, restée seule.
Nous avons beau faire, il prévoit et devine tout; je n'ai jamais aussi vivement senti le malheur de ma situation.
———
Var. XCIV.
Mon coquemar[161] et mon beau bassin d'argent sont dans un joli état!
FIGARO.
Que diriez-vous donc, si l'on vous enlevait votre bien ou votre femme?...
BARTOLO se retourne.
———
Var. XCV.
LE COMTE, haut.
Avez-vous craint que je ne misse pas assez de zèle pour votre écolière? Certes, c'est en montrer beaucoup.....
———
Var. XCVI.
BARTOLO.
Dom Bazile, je vous trouve ce soir un air tout à fait extraordinaire.
DOM BAZILE.
Quel Demonio! on l'aurait à moins.
———
Var. XCVII.
Si je ne me pique pas d'un aussi grand talent pour montrer que vous, mes façons de me faire entendre au moins vous sont connues.
———
Var. XCVIII.
BAZILE, en s'en allant.
Diable emporte, si j'y comprends rien! Sans cette bourse, je croirais qu'ils se sont donné le mot pour rire à mes dépens; ma foi, qu'ils s'entendent s'ils peuvent, voici qui me met la conscience en repos sur tous les points!
———
Var. XCIX.
ROSINE.
Qui peut vous troubler à ce point?
BARTOLO.
Avez-vous bien l'audace de me parler?
LE COMTE.
BARTOLO.
Que je m'explique, traître?... C'est donc pour ce bel emploi que tu t'es introduit dans ma maison?
———
Var. C.
...Peut-être, en ce moment, aux pieds d'une autre femme!...
———
Var. CI.
SCÈNE III.
BARTOLO, seul, les grosses clefs à la main.
Voyons si tout est bien fermé dans l'intérieur. Pour la porte de la rue, j'en réponds actuellement. Quel temps! quel orage!... Elle est couchée, tous les gens malades... et je suis seul! Voilà la sueur froide qui me prend... Qui va là?... Ce n'est rien; il suffit d'une mauvaise conscience pour troubler la meilleure tête. Il faut pourtant l'éveiller; elle va s'effrayer de mon apparition.
(Il frappe.)
ROSINE, en dedans.
Qu'est-ce?
BARTOLO.
Rosine!... ouvrez, c'est moi.
ROSINE.
Je vais me coucher.
———
Var. CII.
Asseyez-vous!
ROSINE.
Je ne veux pas m'asseoir.
———
Var. CIII.
BARTOLO.
Je vais tout disposer pour demain.
ROSINE, effrayée.
Demain?...
BARTOLO.
Si tu veux, on peut avancer l'instant?
ROSINE.
Le plutôt sera le mieux.
———
Var. CIV.
...Enferme-toi dans ma chambre, je vais m'envelopper d'un manteau... sitôt qu'il sera remonté dans ce salon, j'enlève l'échelle et vais chercher main-forte. Enfermé chez moi et arrêté comme voleur.....
———
Var. CV.
Ce n'est que le vil agent d'un grand Seigneur corrompu.
———
Var. CVI.
Cruelles!... avec ce mot qui flatte leur orgueil, un amant les mène toujours plus loin qu'elles ne veulent!...
———
Var. CVII.
FIGARO.
En effet, il s'en est peu fallu que nous n'ayons été entraînés par l'inondation que la pluie et les ravins amènent de toutes parts; mais, nouveau Léandre, il a conjuré les éléments. (Il récite avec emphase:)
Il dit aux torrents, à l'orage, Je suis attendu par l'amour, S'il faut périr en ce passage, Gardons la mort pour mon retour! |