5

Dans son rêve, elle était toujours le Tobin qui avait vécu au fort, et la porte de la tour n’était jamais verrouillée.

Il gravit l’escalier qui menait au salon dévasté de Mère, tout en haut, et y découvrit Frère qui l’attendait. Main dans la main, les jumeaux grimpèrent sur l’ entablement de la fenêtre donnant à l’ouest du côté des montagnes. Entre les pointes de ses bottes, Tobin aperçut la rivière dont les flots noirs, en contrebas, déferlaient sous la glace comme un énorme serpent captif se démenant pour se libérer.

L’étreinte se resserra sur sa main,. c’était Mère qui se trouvait désormais avec lui, pas Frère. Ariani était blême et en sang, mais elle sourit lorsqu’elle se précipita dans le vide, entraînant Tobin dans sa chute.

Mais il ne tomba pas. Il prit son essor dans le ciel et, bien au-delà des montagnes qu’il survolait, parvint à une falaise qui surplombait la sombre mer d’Osiat. En jetant un coup d’œil en arrière par-dessus l’épaule, il vit les collines désormais familières se détacher sur des cimes enneigées. Comme toujours dans ce rêve-là, l’homme vêtu de robes se tenait là-bas, au loin, lui adressant des signes de la main. Tobin verrait-il jamais le visage de l’inconnu ?

Là-dessus, Ki apparut à ses côtés et, lui saisissant la main, l’attira jusqu’au bord du gouffre pour lui montrer le havre magnifique qui s’étendait à leurs pieds. Tobin voyait s ‘y réfléchir leurs deux visages, côte à côte, telle une miniature peinte sur une feuille d’argent.

Tamir avait fait ce rêve si souvent qu’elle n’ignorait plus qu’elle était en train de rêver, mais elle ne s’en tourna vers Ki qu’avec davantage d’ardeur. Peut-être que cette fois-ci ...

Mais, comme toujours, elle se réveilla en sursaut avant que leurs lèvres n’aient pu se toucher.

Ki était roulé en boule à l’autre bout du lit, et il ouvrit les yeux dès qu’elle bougea. « Tu étais agitée. Est-ce que tu as pu seulement dormir un peu ?

— Oui. Et je meurs de faim, maintenant. » Elle demeura là, étendue de tout son long, à le contempler avec une tendresse douce-amère, tandis qu’il bâillait, s’étirait et se frottait les yeux. Il n’avait pas lacé le décolleté de sa chemise, et elle vit que le petit cheval qu’elle avait fait pour lui en guise d’amulette aussitôt après leur rencontre pendait toujours à son cou au bout de sa chaîne. Il ne l’en avait jamais retiré depuis qu’elle le lui avait offert, pas même quand il se baignait. Pendant un instant fugitif, ce matin-ci aurait pu passer pour n’importe quel autre de ces matins du bon vieux temps où ils se réveillaient ensemble pour affronter une nouvelle journée.

L’illusion vola aussi promptement en éclats que l’avait fait son rêve lorsque Ki mit tant de hâte à se lever et à se diriger nu-pieds vers la sortie.

« Je vais nous chercher quelque chose à manger, annonça-t-il sans se retourner. Je frapperai avant d’entrer. »

Tamir soupira, devinant qu’il tenait à lui donner le temps de s’ habiller.

Peu après, on cogna un petit coup à la porte, et Lady Una pénétra dans la chambre, encore équipée de ses bottes et de sa tunique crottées. Elle arborait cependant un baudrier neuf aux couleurs de la garde personnelle de Tamir.

Baldus se réveilla enfin et se mit sur son séant en se frottant les yeux.

« Va te dénicher de quoi déjeuner, lui dit Tamir.

— Oui, Altesse. » Tout en bâillant, il examina de pied en cap la nouvelle venue d’un air curieux, et ses yeux s’attardèrent avec admiration sur l’épée qu’elle avait au côté. Puis il finit par la reconnaître et s’inclina précipitamment. « Lady Una ! »

Celle-ci le dévisagea puis lâcha un petit cri de stupéfaction avant de s’agenouiller devant lui en s’emparant de sa main. « Tu es bien le fils de Lady Erylin, n’est-ce pas ? Je gage que tu connais mon frère, Atmir. Il est le page de la duchesse Malia, à la cour.

— Oui, Dame ! Nous prenons des leçons ensemble, et parfois nous jouons à ... » Il s’interrompit net, et sa physionomie se défit. « Enfin, nous le faisions ... , avant.

— Est-ce que tu l’as vu, depuis l’attaque ? »

Il secoua tristement la tête. « Je n’ai revu aucun de mes copains, depuis l’arrivée de l’ennemi. »

Tout gentil qu’il était, le sourire d’Una ne réussit pas à cacher son désappointement. « En tout cas, je suis bien contente que tu sois sain et sauf, toi. Si je vois Atmir, je lui dirai que tu es à sa recherche.

— Merci, ma Dame. » Après avoir fait une révérence à Tamir, Baldus s’éclipsa.

Una se redressa, au garde-à-vous. « Pardonnez-moi, Altesse. Je n’avais pas l’intention d’être agressive. C’est simplement que je n’ai toujours pas la moindre nouvelle d’aucun des membres de ma famille.

— Pas besoin de vous excuser. Pauvre Baldus. Il ne comprend véritablement rien à ce qui s’est passé.

J’espère que vous retrouverez tous les deux votre parenté. » Elle se tut, l’air d’attendre quelque chose. « Qu’est-ce qui vous amène ? »

Una sembla tout à coup sur des charbons ardents. « Lord Tharin a pensé que vous pourriez avoir besoin d’aide, Altesse. »

Subitement consciente qu’elle était assise là sans rien d’autre sur elle qu’une chemise de nuit de femme, Tamir finit par trouver la robe de chambre et par s’en revêtir. « Mieux ? »

Hâtivement, Una s’inclina de nouveau. « Je suis confuse. Je ne sais que vous dire, en vérité, ni quelle attitude adopter.

— Vous comme le reste du monde ! » Elle étendit largement les bras. « Eh bien, ça y est, me voilà. Rincez-vous l’œil tout votre soûl. »

Una s’empourpra. « Ce n’est pas cela. Vous savez, la fois où je me suis jetée sur vous pour vous embrasser ? Si j’avais su, jamais je n’aurais fait une chose pareille. »

Tamir continuait à en garder un souvenir cuisant. « Ce n’était pas votre faute. Enfer et damnation ! Je n’étais pas au courant moi non plus, à l’époque. Croyez-moi, je ne vous en garde pas rancune. Oublions-le tout simplement. » Elle passa machinalement une main dans ses cheveux emmêlés. « À vous de vous regarder, maintenant, un guerrier, en définitive ! Je présume que ces leçons d’escrime ont eu leur utilité, après tout.

— C’était un bon début, reconnut Una, manifestement soulagée par le changement de sujet. Mais je suppose que j’étais la seule fille à ne pas me trouver là pour faire les doux yeux aux garçons. »

Ki n’y avait pas vu l’ombre d’un inconvénient, se rappel a-t-elle. Elle repoussa cette pensée sur-le-champ. « Ainsi donc, c’est le capitaine Ahra qui a terminé votre éducation ?

— En effet. Comme les histoires de Ki à propos de sa sœur me trottaient dans la tête, j’ai galopé tout droit vers les domaines de Lord Jorvaï la nuit où je me suis enfuie, et je l’y ai trouvée. J’ai placé toute ma confiance en elle, et elle a promis de faire de moi un soldat. Ses méthodes n’étaient pas tout à fait aussi raffinées que les vôtres, cependant. » Elle sourit à belles dents. « Je dois l’avouer, j’ai été quelque peu surprise, à notre première entrevue. Elle est beaucoup plus ... raboteuse que Ki. »

Tamir éclata carrément de rire. « J’ai rencontré toute sa famille, et le qualificatif est des plus indulgent. Mais dites-moi, pourquoi vous être enfuie de cette façon ? La rumeur a couru que le roi vous avait fait périr - voire votre père.

— Ce n’est pas loin de la vérité. L’idée de perdre la faveur de votre oncle épouvantait Père. Après m’avoir rossée, il m’a annoncé qu’il allait m’expédier vivre auprès d’une tante antédiluvienne dans les îles de la mer Intérieure jusqu’à ce qu’un mariage le débarrasse de ma personne. Alors, je me suis sauvée. Sans rien emporter d’autre que ceci. » Elle toucha la poignée de son épée. « C’était celle de ma grand-mère. Mère me l’a donnée avec sa bénédiction quand je suis partie. Mais les choses sont différentes à présent, n’est-ce pas ? Il est de nouveau possible aux femmes, même nobles, d’être des guerriers.

— Oui, même nobles. »

Oubliant ses chausses et son épée, Una lui fit une révérence gracieuse. « Ma loyauté vous est acquise jusqu’à la mort, Altesse. »

Tamir s’inclina. « Et je l’accepte. Maintenant, dites-moi, en toute honnêteté, vous trouvez, vous, que j’ai tant que ça l’allure d’une fille ?

— Eh bien ... Peut-être que si vous vous coiffiez ? Et n’aviez pas l’air aussi renfrogné ? »

Tamir émit un reniflement aussi peu féminin que possible, tout en remarquant avec une pointe d’envie qu’Una était ravissante, avec son visage ovale et ses cheveux sombres et soyeux.

Baldus pointa son nez juste au même instant. « Maîtresse Iya, Altesse. Elle souhaiterait vous voir. » Tamir manifesta sa répugnance à cette intrusion en fronçant les sourcils mais acquiesça d’un signe de tête.

La magicienne était vêtue d’une robe de beau lainage brun serrée à la taille par une ceinture de cuir ouvragé, et ses longs cheveux gris flottaient librement sur ses épaules, ce qui la faisait paraître plus jeune et moins austère qu’à l’accoutumée. Elle charriait sur un bras ce qui semblait être un certain nombre de tenues de dame.

« Salut, Una. Bonjour, Altesse. Ki nous a annoncé que vous étiez réveillée. Vous vous êtes bien reposée, j’espère ? »

Tamir haussa les épaules, tout en louchant d’un air soupçonneux sur les falbalas.

Iya sourit et les exhiba. « Je suis venue vous aider à vous habiller.

— Je ne mets pas ce genre de trucs !

— Je crains que ce ne soit indispensable. Il circule déjà bien assez de rumeurs prétendant que vous n’êtes qu’un garçon jouant à faire la fille sans que vous en rajoutiez. De grâce, Tamir, vous devez m’en croire à cet égard. Il n’y a rien d’humiliant à porter une robe, n’est-il pas vrai, Lady Una ? Cela n’a pas brisé votre carrière de soldat.

— Non, Maîtresse. » Una décocha un coup d’œil contrit à Tamir.

Mais il y avait encore trop de Tobin dans sa personnalité pour que Tamir cède si facilement. « Tharin et Ki s’en tordront les côtes ... et le reste de ma garde aussi ! Enfin, diantre, Iya, j’ai porté des culottes toute ma vie. Je me prendrai les pieds dans les jupes. Chaussée d’escarpins, je me tordrai les chevilles et j’aurai l’air d’une gourde !

— Raison de plus pour vous y accoutumer tout de suite, avant d’avoir une cohue de nobles et de généraux à impressionner. Allons, ne faites donc pas tant d’histoires ...

— Je ne m’affublerai pas de volants pour chevaucher, la prévint Tamir. Et du diable si je monte jamais en amazone, ça, je vous en fiche mon billet ! Quant aux on-dit, je m’en branle comme de ma première chaussette.

Ne messied-il pas à une princesse de s’exprimer en termes aussi grossiers ? intervint Un a, tout en s’efforçant vainement de réprimer un sourire.

— Chaque chose en son temps, repartit Iya. Au surplus, ses aïeules juraient toutes comme des Charognards. La reine Marnil arrivait à faire rougir même ses généraux. Pour aujourd’hui, attachons-nous simplement aux dehors. La duchesse Kallia va vous dépêcher sa couturière personnelle, Altesse. En attendant, elle a poussé l’obligeance jusqu’à vous prêter quelques-uns des effets de sa fille aînée. Vous avez à peu de chose près la même taille, toutes les deux. »

Ce n’est pas sans rougir que Tamir retira sa chemise de nuit. Après quoi elle se sentit grotesque à souhait quand ses deux compagnes lui firent endosser une camisole de lin puis lui enfilèrent par-dessus la tête une encombrante robe de satin vert.

« Avant que nous ne la lacions, que dites-vous de celle-ci ? s’enquit Iya en la faisant pivoter pour la placer devant le miroir.

— Je la hais ! jappa Tamir, qui condescendit à peine un coup d’œil à son reflet.

— J’admets que sa couleur n’est pas idéale pour vous. Elle vous donne un teint cireux. Mais il faut bien que vous portiez quelque chose, et nous n’avons pas tellement l’embarras du choix. »

Tamir les rebuta l’une après l’autre avant de jeter finalement son dévolu, non sans répugnance, sur une tenue de chasse en laine bleu sombre à col montant qui avait au moins le mérite d’être plus simple et dépourvue de fioritures que tout le reste du lot, plus courte devant, et qui, taillée plus ample, lui permettait de bouger sans difficulté. Les manches se laçaient sur l’épaule, laissant à ses bras leur liberté de mouvement. Le style du modèle l’autorisait aussi à porter ses bottes au lieu des chaussures douillettes apportées par Iya. Lorsque Una eut achevé de la sangler là-dedans, le corsage était encore loin de l’engoncer, mais son accoutrement n’était pas aussi inconfortable qu’elle s’y était attendue.

« Ceci va avec la robe, je crois. » Iya lui tendit une ceinture en cuir repoussé figurant des feuilles et des fleurs. Elle plombait sur ses hanches étroites, se nouait avec un fermoir d’or d’où pendait jusqu’à ses genoux une longue lanière qui s’achevait par un gland d’or. Tamir s’empara de celui-ci, émerveillée par sa délicatesse. « Son travail rappelle les ouvrages d’Ylanti.

— Vous avez toujours eu le sens des beaux objets. » Una exhiba la pendeloque d’épée que Tobin avait ciselée pour elle quelques années plus tôt. « Est-ce que vous pratiquez encore la joaillerie ? »

Tamir releva les yeux, dépitée de s’être laissé surprendre à trouver à son goût si peu que ce soit de son costume ridicule. « Tous mes outils ont sombré avec le naufrage d’Ero.

— Vous vous en procurerez de nouveaux, je suis sûre, affirma Iya. Vous avez le don. Vous ne devez pas le négliger. Maintenant, Una, voyez donc ce que vous pouvez faire avec cette tignasse-là. La queue de mon cheval a plus fière allure. »

Tamir s’assit, à bout de patience, pendant qu’Una la peignait. « Rien de trop sophistiqué. Je ne veux pas m’enquiquiner à me toiletter tout le temps comme ... comme une gonzesse ! »

Sa réflexion fit glousser simultanément les deux autres.

« Rien ne s’oppose à ce que vous restiez coiffée comme vous l’avez toujours été » , lui dit Una, tout en retorsadant d’une main experte les nattes de guerrier. « Toutes les femmes soldats de ma connaissance portent leurs cheveux dénoués ou sous la forme d’une longue tresse dans le dos, de manière à se dégager la figure. Voyons ce que cela donne. » Elle lui repoussa les cheveux en arrière et les entrelaça en une tresse épaisse, puis tira de son aumônière une petite lanière de cuir rouge. « Vous voyez, pas de rubans. Et je vous en donne ma parole, pas non plus de noeunœud. Là. Regardez un peu. »

Tamir fit de nouveau face au miroir et fut plutôt étonnée de ce qu’elle y vit. « Passez-moi mon baudrier d’épée. »

Après l’avoir bouclé par-dessus la ceinture, elle contrôla de nouveau son reflet. Tout compte fait, la robe était assez flatteuse. Elle la faisait paraître non plus maigrichonne et anguleuse mais mince. Les petites nattes latérales et l’épée confirmaient toujours son état de guerrier, mais elle avait un peu perdu de son allure garçonnière. Elle fit un effort pour ne pas se renfrogner. Personne ne s’aviserait de la qualifier de beauté, ça, sûrement pas, mais, rehaussés par le coloris du tissu, ses yeux semblaient d’un bleu plus intense.

« J’ai gardé de côté pour vous quelque chose que votre père m’avait confié voilà bien des années. » Iya tira des plis de sa robe un mince diadème d’or et le lui présenta. C’était une belle parure, et d’une extrême simplicité, car elle se composait en tout et pour tout d’un bandeau gravé d’un motif de vagues stylisées. « C’est du travail aurënfaïe. Il appartenait à votre mère. »

Tamir esquissa le geste de s’en coiffer, mais Una l’arrêta. « Non. Avec vos cheveux rejetés en arrière, il ferait un effet discordant. Laissez-moi faire. »

Elle défit la grosse tresse et lui ébouriffa les cheveux avec les doigts. Après quoi, elle souleva ceux du dessus du crâne et les enfila dans le diadème avant de le déposer sur son front puis de les laisser retomber par-dessus, de manière à ce que seule se voie la partie antérieure du cercle d’or. Enfin, elle lissa les petites nattes pour les rétablir à leur place. « Et voilà ! Désormais, les gens sauront que vous êtes une princesse. »

Tamir retira la chaîne d’or qui lui ceignait le col et la rompit pour récupérer les deux anneaux qui coulissaient dessus. Elle mit le sceau noir massif de Père à son index droit, puis à son annulaire gauche la bague au portrait d’améthyste, qui s’y adapta parfaitement. Lorsqu’elle étudia de nouveau son reflet, elle se trouva une expression plus douce, presque émerveillée. Cette fois, c’était bel et bien une fille qui lui retournait son regard, malgré le fait qu’elle avait toujours l’impression d’être un garçon affublé d’une robe.

Iya se campa juste derrière elle, une main plaquée sur la bouche et ses yeux brillant d’un éclat suspect. « Oh, ma chère enfant, regardez-vous donc ... La véritable reine-guerrière de retour enfin ! Una, appelez vite Ki et Tharin, et Arkoniel aussi, s’il est là, sur le palier. »

Tamir se planta nerveusement près du miroir pendant que les hommes entraient, Baldus sur leurs talons.

« Que vous êtes jolie ! s’exclama le page.

— Merci. » Elle dévisagea le capitaine et l’écuyer, les défiant de s’esclaffer.

« Le mioche a raison, commenta Tharin en s’ approchant d’elle et en la faisant pivoter dans un sens puis l’autre. Par la Flamme ! Qu’est-ce que tu en dis, Ki ? Notre jouvencelle fait des progrès confondants, non ? »

Ki n’avait pas arrêté de la fixer pendant tout ce temps-là sans piper mot. Finalement, il lui adressa un signe de tête affirmatif assez peu convaincant. « Mieux.

— Mieux ? » Le cœur de Tamir chavira un brin, et elle s’en voulut mortellement de sa faiblesse. Moins d’une heure qu’elle portait une robe, et voilà qu’elle se comportait déjà comme l’une de ces péronnelles de la cour !

« Non, vraiment, reprit Ki au plus vite. Tu es beaucoup plus jolie, avec tes cheveux coiffés et tout et tout. Cette robe te va bien, aussi. Je parie qu’elle ne t’empêcherait pas de te battre, si tu te voyais obligée de le faire. »

Elle tira son épée et exécuta toute une série de bottes et de parades. Les jupes virevoltaient autour de ses jambes, et le talon de sa botte se prit une ou deux fois dans leur ourlet. « Il faut les raccourcir.

— Tu vas lancer une nouvelle mode » , dit Tharin avec un sourire épanoui.

Una se mit à rire. « Ou bien déclencher un scandale !

— Oui, mieux vaudrait peut-être porter des chausses pour vous battre, fit Iya d’un ton rêveur. Sinon, dans le cas où vous seriez prise au dépourvu, essayez ceci. » Elle releva le côté droit de sa longue robe et en fourra le bord dans sa ceinture. « C’est plus facile aussi de courir, comme ça. »

À se figurer une existence empêtrée de cotillons, Tamir exhala un gémissement grognon.

« Venez çà, Altesse. Votre cour attend, lui dit la magicienne. Montrons-lui sa reine, qu’elle propage la nouvelle. »