25.
Ils passèrent le reste de la nuit dans le grand lit de Tom, mais dormirent peu. Ils firent l'amour, discutèrent, s'endormirent dans les bras l'un de l'autre pour se réveiller un moment plus tard et recommencer. Kate raconta à Tom sa rencontre avec le père de Ben, qui travaillait dans le même casino qu'elle, leur coup de foudre et leur mariage impromptu dans une chapelle d'Atlantic City, l'arrivée de Ben et la fuite de Chaz, que la vie de famille n'intéressait pas du tout. Elle lui parla de son décès, de la misère dans laquelle elle s'était retrouvée avec Ben, des
« associés » de Chaz qui venaient la harceler pour des dettes de jeu et de la décision qu'elle avait prise, un jour, de ne pas imposer cette vie-là à son fils. Elle lui parla de son départ pour Philadelphie, avec tout ce qu'elle possédait dans une voiture. De son installation, des galères, des services sociaux qui lui avaient permis de s'en sortir, puis de faire des études. Du moment où elle avait décidé de s'appeler Kate. De devenir Kate. Pour Ben.
Elle ne lui parla pas de ce qui l'avait poussée à quitter Baltimore, ni de David Brady.
Tom, lui, parla de son père, policier lui aussi, qui était mort subitement d'une crise cardiaque, un jour, alors qu'il se rendait au boulot. Il parla de ses efforts pour assumer du mieux possible le rôle de chef de famille. De son mariage, trop jeune, avec sa petite amie du lycée, de sa décision de s'engager dans la police, alors que Michelle n'était pas d'accord. De l'arrivée de leur bébé et de la balle prise lors d'une arrestation - Kate avait aperçu une cicatrice sur son abdomen. Quand il était enfin sorti de l'hôpital, son fils était né, et son mariage avait vécu. Josh n'avait que six semaines lorsque Michelle était partie.
Il ne dit pas un mot sur la mort de Josh.
Kate comprenait. Quand cela est possible, mieux vaut laisser les pires souvenirs reposer dans un coin de sa mémoire.
Ils durent finir par s'endormir vraiment, car lorsque Kate rouvrit les yeux, il ne faisait plus noir, et un rai de lumière filtrait par les rideaux. Elle perçut alors un vrombissement
sourd,
étrange
-
probablement ce qui l'avait réveillée -, et leva la tête pour voir d'où il provenait. Son regard s'arrêta sur le carton qui servait de table de nuit. Au moment où elle comprit qu'il s'agissait du téléphone de Tom sur mode vibreur, ce dernier ouvrit un œil et tendit un bras pour se saisir de l'appareil.
— Tom Braga, dit-il en le collant à son oreille. Clignant des yeux, Kate lut sur le réveil posé juste à côté qu'il était 7 h 42.
Avec un grognement, elle se laissa retomber dans la position qu'elle venait de quitter, la tête sur la poitrine de Tom, qui l'enlaça de son bras libre.
— Tu as besoin que je passe te chercher ?
Kate entendait parfaitement l'interlocuteur de Tom.
— Non, je prends ma journée, répondit ce dernier.
— Tu prends ta journée ? Ça fait au moins dix ans que ça t'est pas arrivé !
— Justement, il faut que je me rattrape.
— Ça n'a rien à voir avec la Civic rouge garée devant chez toi, bien sûr ?
Kate souleva un peu la tête et vit Tom froncer les sourcils.
— Mais tu es où, là ?
— Je fais le tour du pâté de maisons. Ta voiture est à la Rotonde, je te rappelle.
J'étais censé passer te chercher ce matin.
— Ah, oui, c'est vrai. Désolé. J'avais complètement oublié. Merci quand même.
— Elle t'a eu, c'est ça ? La petite proc' sexy t'a eu.
Tom baissa les yeux vers Kate.
— Elle s'appelle Kate, Fish.
— Bon Dieu, Tom...
Kate n'entendit pas la suite. Tom avait raccroché. Il composa un numéro et annonça à la personne qui répondit qu'il prenait une journée de congé. Lorsqu'il raccrocha, Kate lui caressait le torse.
— La petite proc' sexy, hein ? dit-elle en lui lançant un regard sévère.
Tom sourit.
— Ah. Tu as entendu, donc. Je dirais même super sexy.
A un observateur extérieur, ils auraient sans doute paru très proches, très complices, serrés l'un contre l'autre dans ce lit, simplement recouverts d'un drap.
Comme un couple. Ce qu'ils étaient, d'une certaine manière, désormais, pensa Kate.
En s'endormant, elle s'était demandé si elle paniquerait au réveil, si elle regretterait ce qui s'était passé et qui, à la lumière du jour, semblait franchement stupide. Elle n'avait pas assez dormi et se sentait fourbue. Quant à son prince, il avait des petits yeux, les cheveux en pétard et vraiment besoin de se raser.
Mais il la regardait avec un immense sourire. Et il avait raison, il y avait quelque chose entre eux, une connexion qui s'établissait dès qu'ils étaient en présence l'un de l'autre. Pour ne rien gâcher, elle avait retrouvé dans ses bras l'envie de faire l'amour et s'était découvert un goût pour le plaisir auquel elle n'était pas prête à renoncer de sitôt.
Conclusion : elle ne regrettait rien.
— Au fait, je voulais te dire : tu es belle comme un cœur, le matin, dit-il en roulant sur elle.
— Toi aussi, répondit Kate en laissant courir ses doigts sur ses épaules.
Parce que la destination qu'ils étaient en train de prendre sautait aux yeux, elle ajouta :
— Je dois voir Ben à midi.
— Aucun problème, dit Tom.
Et il l'embrassa.
« Bon, d'accord, je suis peut-être un idiot
», se dit Tom un peu plus tard, en se retrouvant au bowling de Southland Lanes où Ben avait été invité pour une fête d'anniversaire,
en
compagnie,
apparemment, de tous ses camarades de classe. Kate avait proposé d'y aller seule et de le rejoindre un peu plus tard. Mais il avait refusé, à la fois parce qu'il craignait, étant donné la propension de Kate à s'attirer des ennuis, que les choses ne dégénèrent s'il n'était pas là pour superviser le tout, et aussi parce qu'il avait envie de voir comment il allait réagir dans cette situation plutôt... familiale.
Une chose en entraînant une autre, Ben insista pour que Kate et lui fassent une partie. Kate commença par refuser, et il comprit pourquoi ensuite - elle jouait très, très mal, tous ses essais finissaient dans la gouttière. Mais elle finit par céder, avec la grâce qui était la sienne. Tom, en revanche, se débrouillait plutôt bien et aligna les strikes, ce qui lui valut l'admiration de Ben, les encouragements des autres parents présents et les hurlements ravis des enfants, situation qui, en temps ordinaire, lui aurait fait prendre la tangente vitesse grand V.
En fait, loin de s'ennuyer, il s'amusait.
Grâce à la présence de Kate à ses côtés.
Kate qui se moquait d'elle-même chaque fois qu'elle ratait son lancer, qui l'applaudissait,
applaudissait
Ben,
plaisantait avec les autres parents, plus détendue et gaie qu'il ne l'avait jamais vue.
Et belle. Il ne fallait pas l'oublier, ça.
Quelque part entre la partie de bowling et le dîner au restaurant italien, il arriva à cette conclusion sans appel : il était bel et bien idiot. Après avoir juré de ne pas se laisser prendre au piège, il venait de tomber très amoureux de cette femme, et il sentait qu'il s'attachait tout aussi vite à son fils. Il était redevenu vulnérable.
En sortant du restaurant, ils tombèrent nez à nez avec la mère de Tom. La journée s'était trop bien passée pour qu'il n'y ait pas un couac quelque part...
S'il avait pu, Tom aurait gardé Kate et Ben pour lui tout seul encore quelque temps. Sa mère avait la mauvaise habitude de toujours se mêler des affaires de son fils, en particulier de sa vie amoureuse.
Dans le regard d'Anna, le ravissement se mêla aussitôt à l’étonnement. Dans celui de son fils, l'étonnement se teinta d'horreur.
— Tommy ! lança-t-elle en ouvrant les bras pour enlacer son fils.
Le nez dans les effluves de Shalimar, Tom eut juste le temps de voir qu'arrivaient derrière sa mère Natalia, Dean et leurs deux enfants. Les petits, à leur tour, sautèrent au cou de leur oncle, puis il fallut embrasser Natalia, serrer la main de Dean... Et enfin, cinq paires d'yeux brillant de curiosité se tournèrent vers Kate, qui se tenait un peu à l'écart.
Alors, Tom alla la prendre par la main et fit les présentations, conscient qu'après cela, il allait y avoir de la surchauffe sur les lignes téléphoniques de la famille Braga.
Tandis que Kate était soumise à un interrogatoire en règle de la part de sa mère - Vous faites quoi dans la vie ? Vous êtes originaire de quel coin ? Oh, veuve, comme c'est triste ! -, Natalia l'examina de la tête aux pieds avec intérêt. Quand elle croisa le regard de Tom, il vit dans ses yeux une joie non dissimulée, et la certitude qu'elle avait compris : cette fille-là était spéciale.
La famille, quelle plaie ! pensa-t-il. Dès qu'il le put, il déclara qu'ils devaient rentrer.
— C'est une jeune femme très bien, elle me plaît, lui murmura sa mère à l'oreille en lui disant au revoir.
Puis elle reprit à voix haute, à l'adresse de Kate :
— Nous déjeunons ensemble tous les dimanches. Il y a de bons petits plats. Vous devriez venir, avec votre fils. Tom, tu les amèneras, n'est-ce pas ? conclut-elle à l'intention de son fils.
Tom marmonna une réponse, prit Kate par la main et l'entraîna d'un pas vif. Il sentit les regards de sa mère et de sa sœur dans son dos jusqu'à ce qu'ils tournent dans la rue suivante, où était garée la voiture.
— Je suis désolé, dit-il à Kate, gêné.
Mais en la regardant, l'air amusé, les cheveux dans le vent, les yeux brillants, jeune, belle et heureuse, il comprit pourquoi sa famille l'avait dévisagée de la sorte.
Et puis, il y avait Ben. Ils connaissaient tous Tom suffisamment pour savoir que, pour lui, une sortie avec une femme et son fils n'avait rien, mais alors rien d'anodin.
Ils comprendraient tout de suite que cela n'avait rien à voir avec les célibataires qu'il avait eues régulièrement au bras sans jamais les leur présenter officiellement.
Donc, tous allaient tirer la même conclusion de cette rencontre : Kate, c'était du sérieux. Et ils n'auraient peut-être pas tort.
— Tu plaisantes ? Ils sont formidables ! Ta mère est si gentille. Et ta sœur te ressemble tellement ! Mon Tommy...
Elle lui lança une œillade en battant des cils. Il ne put que rire.
— Vous êtes combien, dans ta famille ?
demanda Ben tandis qu'ils montaient dans la Civic. Beaucoup, non ?
— Beaucoup, oui, répondit Tom en démarrant et en prenant la direction du quartier de Kate. Dix-neuf, au dernier recensement.
— Waouh, lâcha Ben, impressionné.
Comment vous faites pour tenir tous dans une seule maison ?
Pour ce fils unique d'une mère célibataire, une famille aussi grande était difficile à imaginer.
— On se serre, répondit Tom en riant.
Par mesure de sécurité, et parce qu'il avait senti Kate se tendre à l'approche de sa maison, il décida d'entrer en premier pour s'assurer qu'il n'y avait aucun danger et que tout avait été nettoyé correctement dans le garage. En dehors de quelques traces de pneus sur la pelouse, tout semblait normal de l'extérieur. Il fit le plus vite possible à l'intérieur, en espérant que Ben ne s'étonnerait pas outre mesure de cette précaution. Puis il revint et fit signe à Kate qu'ils pouvaient entrer.
Il était un peu plus de 20 heures, et les effets d'une semaine quasiment sans sommeil commençaient à se faire sentir. Il eut un regard mauvais pour le canapé.
Laisser Kate et Ben seuls était hors de question, mais Kate avait été claire sur un point : pas de manifestation d'affection devant Ben. Elle ne tenait pas à ce que son fils se fasse une idée fausse - ou vraie ? - de leur relation.
Par conséquent, la seule solution pour l'instant, c'était d'apprendre à aimer ce canapé.
Il ressortit jouer un moment au basket avec Ben, qui faisait des progrès mais voyait tout de même arriver le tournoi avec une certaine angoisse. Puis ils regardèrent tous les trois un film à la télé, Ben et lui sur le canapé tandis que Kate s'installait, un peu raide, dans le grand fauteuil.
Tom ne tarda pas à s'endormir et ne se réveilla que quand son téléphone, dans la poche de son jean, se mit à vibrer. Sur l'écran, le générique défilait. Kate et Ben s'étaient levés et le regardaient. Il sursauta, plaqua une main sur sa poche comme s'il allait dégainer, puis reprit ses esprits et répondit. C'était Fish.
— Je voulais juste te dire qu'on avait retrouvé la voiture de ta copine.
Cette fois, il était complètement réveillé.
— Quoi ? Où ?
— Pas très loin de chez elle, dans Mulberry Street. Elle a été remorquée jusqu'à la fourrière.
— Ah...
Kate entraîna Ben en direction de l'étage, de toute évidence pour éviter qu'il n'entende des choses qui ne lui étaient pas destinées. Tom se leva et alla dans la cuisine.
— Tu as d'autres infos ?
— On a relevé les empreintes du macchabée de son garage un peu partout.
Je pense qu'on peut affirmer qu'il a conduit jusque-là et fait le reste du chemin à pied jusque chez elle. Comment il est entré, ça, ça reste une énigme. Il n'y avait aucune trace d'effraction.
— Peut-être qu'il est arrivé à faire fonctionner la télécommande du garage.
Ou peut-être que quelqu'un lui a ouvert.
Tom s'en voulut que cette pensée ait pu lui traverser l'esprit.
— Peut-être.
— Des pistes sur celui qui l'a tué ?
— Pas encore. Tu es où, là ? demanda Fish après un silence.
— Chez Kate.
— Je ne sais pas pourquoi, mais ça ne me surprend pas. Tu crois que tu vas arriver à garder du recul ?
Tom savait reconnaître une mise en garde lorsqu'il en entendait une.
Kate venait de le rejoindre dans la cuisine, et la seule vision de ses longues jambes et du mouvement de ses hanches lorsqu'elle marchait l'excita. Il s'appuya contre l'évier pour savourer ce spectacle.
Tu crois qu'elle t'a tout dit ? Ça m'étonnerait. Tu sais qu'elle te ment, mais tu ne sais toujours pas à quel propos. Tu ne sais pas non plus de quoi elle avait peur. Elle t'a parlé de son passé, mais pas une seule fois elle n'a mentionné les raisons qui l'ont poussée à quitter Baltimore.
— Je t'appelle si j'ai du nouveau, dit Fish.
— OK. Merci.
Tom raccrocha, remit le téléphone dans sa poche et dit à Kate :
— Ta voiture a été retrouvée.
— Où ça ?
— À quelques rues d'ici.
Il aurait aimé voir son expression, mais la lumière n'était pas allumée dans la cuisine.
Il était fou d'elle, c'était un fait. Mais cela ne signifiait pas pour autant qu'il ne réfléchissait plus. La petite dame ne jouait pas complètement franc jeu avec lui, et il le savait. Même s'il avait du mal à l'avaler.
— Est-ce que mes affaires étaient toujours à l'intérieur ? Mes dossiers, mon téléphone
?
— Fish ne m'a rien dit. Mais si c'est le cas, de toute façon, tu vas devoir attendre quelques jours avant de les récupérer.
— J'ai vraiment besoin de mon attaché-
case. Les dossiers, j'ai pu m'en procurer des copies, mais il me faut mes notes.
— Je vais voir ce que je peux faire pour accélérer la procédure.
Elle lui sourit.
— Merci.
— Où est Ben ?
— Il prend un bain.
Peut-être qu'elle le manipulait. Il priait pour que ce ne soit pas le cas. Mais l'ombre de ce doute suffit à rendre ses gestes un peu brusques lorsqu'il passa une main derrière sa tête pour l'embrasser, avant de la soulever pour la poser au bord de l'évier, sans quitter sa bouche. Elle referma les bras autour de lui, les jambes autour de ses hanches, et lui rendit son baiser avec une ardeur qui l'excita si violemment qu'il crut ne pas pouvoir se retenir.
— Maman !
Elle se raidit, s'écarta. À contrecœur, il la lâcha. En se laissant tomber par terre, elle lui lança un regard désolé. Puis elle monta s'occuper de Ben.
C'était ça, la vie avec un enfant.
Et il se savait capable de l'assumer.
Au bout du compte, parce que Natalia lui avait téléphoné et l'avait supplié, parce que Vicky et Tina l'avaient appelé pour lui dire à quel point leur mère serait déçue s'il ne venait pas, parce que Charlie, qui sortait de l'hôpital, serait là aussi, et parce que Kate n'était pas contre et que Ben était tout à fait pour, Tom les emmena au déjeuner de la tribu Braga le dimanche. Tout se passa exactement comme il l'avait prévu - Kate et Ben furent littéralement assaillis par tous les membres de la famille -mais le poulet à la parmigiana était divin, et pour être honnête, ils lui avaient manqué, tous. Il trouva même un certain plaisir à regarder Kate répondre aux questions et participer aux
conversations
de
la
véritable
ménagerie qu'était sa famille.
— Elle est craquante, frangin, lui dit Charlie après le repas, sur le ton du compliment.
Ils étaient sur la terrasse, derrière la maison, Tom dans une chaise longue, Charlie dans le fauteuil roulant dont il espérait se débarrasser le plus tôt possible, et ils buvaient une bière. Les femmes étaient restées à l'intérieur, et les beaux-frères ne tarderaient pas à les rejoindre dehors. Les enfants s'ébattaient sur la pelouse en criant à pleins poumons. Ben n'était pas en reste et semblait vraiment s'amuser. Tom se surprit à se réjouir qu'il s'intègre si bien.
— Tu l'as dit.
— C'est du sérieux ?
Tom haussa les épaules. Charlie se mit à rire.
— Tu sais que maman est aux anges. Elle pense que tu as trouvé l'âme sœur.
— Elle m'énerve quand elle est comme ça, soupira Tom.
Mais il n'eut pas le temps d'en dire plus.
Leurs beaux-frères les rejoignaient, et la conversation prit aussitôt un tour plus général.
De retour chez Kate, ils étaient tous trop fatigués pour faire autre chose que finir les devoirs, avant de regarder un peu la télé.
Tom et Ben se retrouvèrent tous les deux, Kate ayant quelques dossiers à revoir dans son bureau. Tom était en train de se dire que tout cela lui semblait de plus en plus normal lorsque Ben le regarda.
— Y avait un paquet d'enfants, chez ta mère.
— Oui, tu peux le dire.
— On a joué à plein de trucs. C'était super.
— C'est l'impression que j'ai eue, oui.
— Alors, t'es le petit ami de maman, maintenant, oui ou non ?
Tom se redressa et fixa Ben. Ce gamin était intelligent, aucun doute là-dessus. Mais il n'était pas certain que Kate serait ravie qu'ils aient cette conversation-là tous les deux.
— Je... je pense que c'est à elle que tu devrais poser la question.
— Elle voudra jamais me répondre. Tu sais comme elle est. Elle me surprotège, soupira Ben.
Ce n'était pas faux. Et dans la bouche d'un enfant de neuf ans, cela faisait sourire.
Mais Ben posait une vraie question, et Tom tenait à ce que les choses soient bien claires entre eux.
— Bon. Disons que oui, je crois bien que je suis son petit ami. Est-ce que cela t'ennuie
?
Ben secoua la tête.
— Non. Ça me soulage de savoir que quelqu'un d'autre est là pour s'occuper d'elle. Elle est pas toujours facile, tu sais.
Tom ne put retenir un éclat de rire.
— Je sais. Peut-être qu'on va pouvoir s'entraider, tous les deux.
Kate sortit de son bureau peu après. En voyant leurs mines de conspirateurs, elle se rembrunit.
— Qu'est-ce qu'il y a ?
Mais Tom n'avoua rien, et si Ben avoua quelque chose, Tom n'en sut rien.
Lorsqu'elle redescendit après avoir couché Ben, Kate s'assit sur les genoux de Tom pour lui souhaiter une bonne nuit. Une chose en entraînant une autre, ils se retrouvèrent dans la petite salle d'eau sous l'escalier, à faire l'amour dans un silence absolu parce qu'elle avait peur de réveiller Ben, qui dormait du sommeil du juste.
Ensuite, elle monta se coucher et Tom fit son lit sur le canapé, pour que les apparences soient sauves.
Le lendemain commença sous les meilleurs auspices. Il faisait froid mais beau. C'était le premier jour du tournoi de basket à l'école, et après qu'ils eurent déposé Ben, Kate passa le reste du trajet à en parler, Tom essayant de la rassurer et de lui faire comprendre que même s'il ne marquait pas de panier, Ben survivrait. Il la déposa devant son bureau et garda la Civic jusqu'au sien. Là, il passa quelques coups de fil pour que l'assurance vienne la reprendre et que Kate puisse récupérer sa voiture. Fish fit quelques plaisanteries de mauvais goût sur Kate et lui, mais Tom était trop occupé pour y prêter attention. Il avait mille choses à régler et tentait de procéder méthodiquement. Il travaillait sur les liens avec le milieu qu'entretenaient les deux hommes retrouvés morts dans la camionnette lorsque Kirchoff s'arrêta devant son bureau.
— Je voulais juste vous dire qu'on a identifié le type abattu dans le garage de Mme White.
— Ah, oui ? Alors ?
Si
Kirchoff
lui
communiquait
l'information, c'était par pure politesse, parce qu'il avait vu Tom chez Kate et qu'il avait compris que cette affaire l'intéressait.
— Tout est là, dit Kirchoff en montrant le dossier qu'il avait dans les mains.
—Je peux jeter un œil ?
Kirchoff lui tendit les documents.
— Le type est un certain Mario Castellanos.
Il a été libéré il y a quelques jours à peine, mais ce n'était pas son premier séjour à l'ombre. Il a un casier plus épais qu'un annuaire. Pour l'instant, on n'a aucune idée de ce qu'il fichait dans ce garage.
Tom n'en avait aucune idée non plus, même après avoir compulsé le dossier.
Mais en refermant la chemise cartonnée, il avait beaucoup d'autres idées sur tout un tas de choses.
Sur les choses à propos desquelles Kate lui avait menti, entre autres.