24.
Ce fut un véritable embrasement. Les lèvres de Tom étaient chaudes, affamées, et Kate les goûta avec la même intensité fébrile qu'il prenait les siennes. Il la plaqua de tout son poids contre le mur ; sa main trouva sa poitrine et s'y attarda. De la gorge de Kate monta un gémissement.
Impatiente, la main de Tom tira sur son tee-shirt et se fraya un passage entre le coton et la peau. Lentement, elle remonta sur ses hanches, sur son torse. Sa paume était tiède, un peu rêche, indiscutablement masculine, et son contact sur sa peau fit battre le cœur de Kate si fort qu'elle n'entendait plus que cela. A travers l'étoffe du soutien-gorge, la main de Tom caressa sa poitrine. Lorsque son pouce s'attarda sur un téton, elle eut le sentiment de se noyer. Sans perdre de temps, Tom fit remonter le soutien-gorge par-dessus ses seins et les cueillit dans ses mains, les embrassa, les pétrit. Elle sentit durcir les pointes de ses seins, sentit le plaisir commencer à l'électriser, et se plaqua contre lui sans cesser de gémir et de l'embrasser avec une voracité qui l'étonnait elle-même. Toutes ses inhibitions étaient tombées.
Ce que Tom lui faisait était tout simplement trop bon pour qu'elle puisse y résister.
Elle sentait son sexe durci, puissant, contre son ventre. Il délaissa ses lèvres pour descendre jusqu'à ses seins, qu'il titilla de ses lèvres jusqu'à ce qu'elle rejette la tête en arrière en gémissant. Puis, de nouveau, il s'empara de sa bouche et, cette fois, l'urgence de son baiser la fit chavirer, trembler,
comme
si
toute
force
l'abandonnait, excepté celle de manifester elle aussi son désir. D'une main experte, il défit sa jupe, qu'elle sentit glisser à terre.
L'instant d'après, il traçait un chemin de baisers sur son ventre, ses hanches et le long de sa cuisse, tout en lui retirant son collant et sa culotte. Il remonta de la même façon, sur l'autre jambe, après lui avoir ôté ses chaussures. De nouveau face à elle, il acheva de la déshabiller.
Entièrement nue, elle sentit la fraîcheur du mur contre son dos, le regard de Tom sur elle. Elle était exposée, offerte, à sa merci, mais incapable de bouger ni même de cacher son sexe tant elle avait faim de lui.
L'espace d'un instant, rien ne se produisit.
Puis elle sentit ses lèvres sur ses seins et sa main, qui se glissait entre ses cuisses, où elle entama un délicieux va-et-vient.
Kate garda les yeux fermés. Pas un instant elle ne le regarda. C'était une forme de déni, sans doute, mais elle était bien trop loin, déjà, pour s'en soucier. En elle montait l'irrésistible vague du plaisir. Elle frissonna et s'arc-bouta contre le mur pour venir à la rencontre de la bouche et de la main de Tom.
De nouveau, leurs lèvres se trouvèrent, et elle s'abandonna à leur baiser, lui caressant la nuque, enfouissant ses mains dans ses cheveux. Il la souleva, les deux mains sous ses fesses, et elle referma ses jambes autour de ses hanches. Il s'était déshabillé sans qu'elle s'aperçoive de rien et était nu, lui aussi.
Quelques secondes plus tard, il l'allongea sur le grand canapé, se coucha sur elle et la pénétra. Il était puissant, massif. Le sentir en elle si vite accrut encore son plaisir et lui arracha un cri.
Mais son cri fut étouffé par la bouche de Tom. Il plongeait en elle, loin, fort, et ne lui laissait plus que la possibilité de gémir, de crier, d'aller à sa rencontre, consumée par le désir, électrisée par le plaisir. Elle s'accrocha à ses épaules et, dans un ultime baiser, le dos cambré, s'abandonna à la jouissance, qui parcourut son corps en vagues successives et la secoua jusqu'au tréfonds de son être.
Elle était encore au sommet du plaisir lorsque Tom, dans un dernier coup de reins, jouit en elle avec un grognement sourd, guttural.
Lentement, elle revint sur terre et découvrit
qu’être nue sur un canapé en moleskine n'avait pas grand-chose de confortable, surtout quand un homme d'environ quatre-vingts kilos était affalé sur vous. Ça collait.
Le corps de Tom était hâlé, et bien plus musclé qu'elle ne l'avait pensé au départ. Il avait encore une main posée sur son sein.
Son visage disparaissait entre l'épaule et le cou de Kate. Sa barbe naissante lui piquait la peau, et son souffle frôlait sa nuque.
Tout à coup, il leva la tête et la regarda. Ses yeux étaient de braise, ses pommettes un peu rouges, sa bouche terriblement sensuelle. Kate White, vingt-huit ans, assistante du procureur, se sentit rougir comme une jeune oie blanche.
— Voilà qui était pour le moins inattendu, dit-elle, parce qu'elle était gênée, parce qu'il fallait bien dire quelque chose, parce qu'il la regardait.
Mais le ton n'y était pas. Trop guilleret.
Il leva une main vers son visage, et son pouce glissa sur ses joues, sous ses yeux, comme pour essuyer le reste de ses larmes.
— Oui, souffla-t-il. Effectivement.
Puis il l'embrassa. Ce fut d'abord un baiser doux et délicat, qui se changea en tout autre chose. Quelques secondes plus tard, il la fit rouler sur lui - finalement, la moleskine, ça ne collait pas tant que cela.
Cette fois, ce fut différent, plus mesuré, plus lent, mais pas moins intense, ça non.
Elle le chevauchait, et il la maintenait sur lui, les mains plaquées sur ses hanches, ses puissants coups de reins lui donnant le rythme. La tête renversée en arrière, Kate s'abandonna une nouvelle fois au plaisir et jouit. Encore et encore.
Il était 3 heures du matin lorsqu'elle émergea de nouveau. Quelque part dans la maison, une pendule venait de sonner. Elle était toujours nue, allongée entre Tom et le dossier du canapé.
Il ronflait. Et malgré tout le reste, cela la fit sourire.
Elle s'aperçut que sa main se promenait doucement sur le torse de Tom et la retira brusquement.
Ce n'est pas une bonne idée. Allez, fini de rigoler.
Il fallait qu'elle s'en aille, qu'elle réfléchisse à tout cela.
Heureusement, il dormait profondément.
Elle parvint à s'extirper du canapé et découvrit avec surprise que ses jambes étaient encore un peu faibles. Cette nuit avait été incroyable. Jamais elle n'avait eu tant de plaisir. Certes, la dernière fois qu'elle avait fait l'amour, elle avait dix-neuf ans. Mais c'était rassurant de constater que son corps n'avait pas oublié les délicieuses sensations qu'il pouvait procurer et recevoir. Rien que d'y repenser, une flamme vive naissait entre ses cuisses.
Alors, elle n'y pensa plus. Tant qu'elle ne saurait pas comment elle allait gérer la situation, elle devait mettre ces souvenirs de côté. Sinon, ça compliquerait les choses.
Tom compliquait les choses.
Malgré elle, son regard se posa sur lui.
Allongé sur le canapé, un bras sous la tête, l'autre dans l'espace libéré par Kate, entièrement nu, il était grand et profondément viril. Elle ne lui voyait pas un seul défaut physique. Mona aurait dit qu'il était canon. Kate sentit son corps se tendre au souvenir de ce que cet homme lui avait fait cette nuit. Elle se détourna.
Elle ne tenait pas à ce qu'il la surprenne en train de l'observer dans son sommeil.
D'une manière générale, elle ne tenait pas à ce qu'il la trouve nue dans son salon. Elle ramassa prestement ses vêtements, se rhabilla, alla récupérer sa valise et monta chercher à l'étage une salle de bains.
Trente secondes plus tard, elle était sous la douche. La salle de bains était à l'image du reste de la maison, banale, mais l'eau était chaude et il y avait du savon. Kate n'en demandait pas plus.
Les cheveux rassemblés sur le sommet du crâne, elle se lava et réfléchit.
Mario était mort. Ça, c'était la bonne nouvelle. D'ailleurs, elle n'avait pas dû enregistrer complètement cette donnée, car elle ne se sentait pas aussi euphorique qu'elle aurait dû l'être. Tout de même, elle se sentait moins tendue. Il n'y avait plus d'épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête. Plus personne sur cette terre ne savait qu'elle était présente lors de l'assassinat de David Brady.
En d'autres termes, sa vie pouvait reprendre son cours.
La
mauvaise
nouvelle,
c'était
que
quelqu'un avait abattu Mario dans son garage.
Cette
histoire-là
n'avait
probablement rien à voir avec elle. On avait tué Mario où on l'avait trouvé, voilà tout - c'était bien fait pour lui, d'ailleurs. Il n'aurait pas dû venir plus tôt que prévu.
Son
assassin
allait
probablement
disparaître dans la nature.
Probablement.
À la place des enquêteurs, elle aurait commencé par chercher qui avait réussi à faire sortir Mario de prison.
Seulement, ça, c'était à Tom et à ses collègues de s'en occuper, pas à elle. Et pour des raisons évidentes, elle n'avait aucune intention d'en parler à Tom.
Son passé était mort avec Mario.
Sur cette réjouissante pensée, elle se rinça, ferma les robinets et sortit de la douche. La serviette qu'elle avait trouvée n'était pas très grande, mais elle était épaisse et propre. Elle se sécha, s'en enveloppa, puis entreprit de se laver les dents. Elle était en plein brossage lorsque son regard dévia sur le côté. La porte de la salle de bains était entrouverte, et Tom, en peignoir foncé, adossé au chambranle, la regardait par l'entrebâillement.
Kate faillit s'étrangler avec le dentifrice.
Le temps qu'elle se rince la bouche et retrouve l'usage de la parole, il avait poussé la porte et souriait, les bras croisés sur sa poitrine.
— Le verrou est cassé, dit-il en guise d'explication lorsqu'elle le fusilla du regard. La porte ne reste jamais fermée.
Mais tu remarqueras que je ne suis pas entré.
Force était de reconnaître qu'il avait respecté son intimité.
— C'est vrai.
— En me réveillant tout seul, j'ai d'abord cru que tu étais partie, puis j'ai entendu du bruit, et en montant, j'ai vu la vapeur qui envahissait le palier, alors j'ai compris.
Il avait apparemment pris une douche de son côté, plus rapide que celle de Kate. Ses cheveux humides étaient plaqués en arrière, et il y avait encore quelques gouttes d'eau sur son torse.
Et, gouttes d'eau ou pas, il était tellement beau qu'elle en avait le souffle coupé.
Elle réalisa soudain qu'elle n'était vêtue que d'une toute petite serviette nouée autour de sa poitrine et qui ne descendait qu'à mi-cuisse. Il ne la déshabillait pas ouvertement du regard - il était trop intelligent pour cela -, mais il ne se refusait pas le plaisir de la regarder non plus.
— En fait, je pensais me mettre en pyjama et trouver un lit dans lequel passer le reste de la nuit, dit-elle.
— Alors, tu en as trois à ta disposition.
Deux dans la chambre d'amis, et le mien.
Kate sentit sa gorge se serrer, son cœur passer à la vitesse supérieure. Leurs regards se trouvèrent. Tom n'avait pas bougé, mais il ne souriait plus, ou à peine.
Il semblait très détendu. Pourtant, Kate eut le sentiment qu'il guettait sa réaction avec la plus grande attention. Hélas, elle ne savait absolument pas quoi dire.
Devant son silence, le regard de Tom s'assombrit, et le reste de son sourire disparut. De nouveau, la tension se fit sentir entre eux.
Elle savait ce qu'il était en train de lui demander. Et elle avait beau essayer, elle n'arrivait pas à trouver une réponse.
Ce fut lui qui rompit le silence.
— Écoute, je sais que tu ne voulais pas ce qui s'est passé, reprit-il d'une voix posée.
De mon côté, je ne suis pas ravi non plus.
Mais c'est arrivé. On pourrait reprendre chacun notre route et faire comme si de rien n'était, mais ce serait idiot, tu ne crois pas ? Il y a quelque chose entre nous, un truc qui passe, depuis le premier jour.
Alors, je te propose qu'on essaie, pour voir.
Reprendre sa route. S'éloigner. De lui, de ce qui venait de se produire. Elle avait des dizaines de raisons de le faire. Ben en était la principale. Avait-elle envie de laisser entrer cet homme dans la vie de son fils pour le temps que durerait ce « quelque chose », ce « truc » entre eux ? Et puis, elle ne devait pas oublier sa carrière. Arriver où elle s’était promis d'arriver allait prendre la moindre parcelle de temps, d'attention et d'énergie dont elle disposait.
Il y avait aussi le mensonge, et tout ce que Tom ne saurait jamais sur elle et sur son passé.
Enfin, et surtout, il fallait qu'elle l'admette, il y avait elle.
Les gens qu'on aimait finissaient toujours par s'en aller, et c'était douloureux. Avait-elle
réellement
envie
d'en
refaire
l'expérience ?
Mais en levant les yeux vers lui, si sexy si fort, si rassurant à tout point de vue, elle sentit son cœur battre à coups redoublés et repensa à la question qu'elle s'était posée quelques jours plus tôt : à force de se battre, ne s'était-elle pas un peu oubliée ?
— Le suspense est terrible, dit Tom avec un sourire en coin.
Elle ne put s'empêcher de sourire elle aussi, et comprit à cet instant précis qu'elle était prête à se lancer.
— D'accord. On essaie.
Tom se redressa, le visage réjoui, et lui ouvrit les bras. Elle s'y lova.