CHAPITRE XIX
La reine était pieds nus et vêtue d'une longue robe bleue retenue à la gorge par une agrafe d'émeraude. Son rire était bas et gazouillant mais il résonnait dans la clairière et avait quelque chose d'un peu fou.
Blade rengaina son épée et se redressa lentement. Il garda les bras et les mains bien écartés, pour éviter d'alarmer la reine ou quelque archer nerveux.
Sanaya se retourna vers lui. Son rire se tut aussi brusquement que si quelqu'un l'avait saisie à la gorge. Ses yeux s'arrondirent. Elle aurait pu paraître surprise ou même effrayée, si sa bouche ne se retroussait pas en un large sourire satisfait, presque triomphant.
- Tiens, prince Blade. Tu t'aventures dans la forêt?
- Je me suis aventuré là où je croyais que l'on avait besoin de moi, répliqua Blade en maîtrisant soigneusement sa voix.
- Tu es sentimental, on dirait.
- Les opinions sont partagées à ce sujet, ici comme dans la plupart des pays, ma reine.
Du coin de l'œil, Blade examinait la clairière, guettant une trace de blessés ou de guerriers tapis. Il ne vit rien des premiers mais il y avait six ou sept des seconds. Les guerriers de Gleor étaient de bons hommes des bois, habiles à se dissimuler. Les yeux de Blade étaient encore plus habiles à détecter des hommes cachés.
La présence de la reine Sanaya était toujours un mystère pour lui. D'après ce qu'il savait d'elle, elle aimait le confort. Elle n'irait pas marcher ainsi dans la forêt simplement pour servir d'appât dans une embuscade, pour les ennemis de Blade. C'était un mystère qu'il entendait élucider.
- Je ne vois aucun homme mordu par un serpent, reprit-il. Mais je crois voir un serpent ici dans cette clairière.
L'expression de la reine durcit.
- C'est possible.
- C'est certain. Et je crois que c'est un serpent qui a mordu beaucoup d'hommes si gravement que l'art de tous les Kaireens ne pourrait les sauver.
- Tu as de singulières idées, Blade.
- Es-tu sûre qu'elles soient plus singulières que les tiennes? Tu viens d'un lit parfumé de la maison bien chauffée du roi dans ces forêts humides et glacées. Tu m'attires par un mensonge. Tu as vraiment de singulières idées si tu t'imagines que tu pourras accomplir quelque chose de cette façon.
- Vraiment?
- Oui. Et ne tires pas de ta ceinture cette dague d'enfant pour me menacer. Cela ne te servira à rien.
- Tu pourrais avoir une surprise, Blade. Il n'y a peut-être pas de serpent ici mais il y a le pouvoir du crochet du serpent.
Blade en déduisit que la dague était empoisonnée. Cela ne l'étonnait pas du tout de la part de la reine Sanaya.
- D'ailleurs, poursuivit-elle, tu as certainement remarqué ceux qui montent la garde. Ils pourraient faire plus que la dague.
- Peut-être. Et peut-être pas.
En une fraction de seconde, il changea de position. Maintenant il était à quelques centimètres de la reine, du côté opposé au petit poignard. Il était aussi entre elle et la plupart des guerriers.
- Ni des archers ni des lanciers ne peuvent facilement me frapper sans te toucher. Si je t'empoignais, que pourraient-ils faire?
La reine haussa ses fins sourcils.
- Ils n'attaqueraient sans doute pas, certes. Ce sont de bons soldats, les meilleurs que j'ai pu trouver. Ils observeront ce que tu feras, pendant que certains courront raconter l'histoire au roi Embor et aux chefs de clan. Que penses-tu qu'ils feront, quand ils apprendront que le prince Blade a attaqué la reine de Draad pour la violer?
Blade n'avait aucun mal à imaginer ce qui se passerait dans ce cas. Il n'avait cependant aucune intention de l'avouer à la reine.
- Les choses deviendraient intéressantes, sans aucun doute.
- Tu joues bien ton jeu, Blade. Ton esprit n'est pas la plus émoussée de tes armes... Veux-tu savoir comment empêcher les choses de devenir intéressantes, comme tu dis?
- J'ai l'impression, ma reine, que tu vas me le dire ou me le montrer, que je veuille le savoir ou non.
La riposte réduisit un moment la reine au silence. Elle devait s'attendre à une réponse plus élégante. Mais pour Blade, l'élégance pouvait aller au diable. Il n'allait pas être poli avec cette garce royale, à moins que ça ne l'aide à découvrir à quel jeu elle jouait, elle.
Elle recula, en faisant signe à Blade de la suivre. Quand il fut près d'elle, elle regarda vivement à droite et à gauche, du côté des fourrés. Puis elle porta une main à sa gorge et l'agrafe d'émeraude se défit.
Lentement, comme si en tombant elle caressait la peau, la robe de Sanaya glissa de ses épaules jusqu'à la taille, où elle la retint à deux mains. Elle se dressa, les seins nus, les mamelons déjà durcis par le froid, les yeux fixés sur Blade.
Il garda un visage impassible. Il n'était pas étonné du geste de la reine, même s'il ne l'avait pas précisément vu venir. D'autres parties de son corps étaient moins impassibles. Si Sanaya avait pu les voir- Mais elle ne le pouvait pas... pas encore.
- Eh bien? dit Blade, aussi froidement qu'il le put.
Il soupçonnait la reine de s'apprêter à prononcer ces mêmes mots et c'était bien pourquoi il les avait choisis.
Sanaya resta un moment silencieuse, apparemment déroutée. Lentement, elle noua sa robe à sa taille puis ses mains remontèrent, les doigts écartés et à plat sur la peau satinée couleur de caramel, vers les seins qu'elles soulevèrent. Blade eut un instant la vision de ses propres mains faisant la même chose.
- As-tu des espoirs, Blade? demanda-t-elle d'une voix moins assurée.
Il garda toujours sa figure impassible mais cela exigeait un effort de plus en plus grand.
- Tout homme a des espoirs, ma reine.
- Je sais. Les femmes aussi. Aide-moi à réaliser les miens, prince Blade. Aide-moi...
Elle maîtrisait à peine le désir dans sa voix rauque. Après tout, que diable ! pensa Blade. Cette situation n'était pas nouvelle. Il avait survécu et même vaincu en dépit des pires traquenards de femmes aussi luxurieuses et traîtresses que celle-là.
- A tes ordres, ma reine. Je crois que nos espoirs sont bons. Passons dans la cabane et parlons-en.
Sanaya lui tourna le dos et remonta d'une main sa robe sur ses épaules. De l'autre elle écarta le rideau. Blade la suivit.
La robe de la reine ne resta pas longtemps en place après que le rideau fut tombé. Dans l'obscurité froide elle fit face à Blade et laissa retomber sa robe. Cette fois, elle ne la retint pas et l'étoffe légère forma une mare bleue scintillante autour de ses pieds. Levant ses jambes magnifiques, elle l'enjamba et s'approcha encore. A part un petit triangle de toile moins grand qu'un mouchoir, elle était nue.
Blade arrachait déjà sa tunique. Sanaya s'agenouilla pour l'aider à délacer ses bottes. Ses seins frémissaient et palpitaient à chacun de ses mouvements.
Blade se débarrassa des bottes d'un coup de pied et jeta sa tunique dans un coin. Avant qu'il puisse faire autre chose la reine lui noua les bras autour de la taille. Ses cheveux et ses lèvres le chatouillèrent, le caressèrent. Il se pencha légèrement et plongea les mains dans l'épaisse chevelure rousse. Elle fit glisser sa bouche plus bas, jusqu'à la ceinture du pantalon.
Brusquement, avec des mouvements fébriles, elle dégrafa la ceinture, elle délaça le pantalon, le tira, le fit tomber jusqu'aux genoux et arracha le pagne que Blade portait dessous. Le membre dressé la salua. Elle le salua à son tour, la bouche grande ouverte pour le prendre goulûment, pour l'envelopper de ses lèvres chaudes.
Blade réprima un râle quand la chaleur, l'humidité, les mouvements experts l'entourèrent. Dès le premier instant il comprit que Sanaya était une fellatrice sans pareille. L'instant suivant lui apprit qu'elle était résolue à opposer son art à l'endurance de Blade, à essayer de le pousser au bord du précipice et de l'y jeter si elle pouvait. Il résolut de faire appel à toutes ses forces et à toute son habileté pour se retenir jusqu'à ce que Sanaya renonce au duel et s'avoue vaincue.
Ainsi Richard Blade et la reine Sanaya de Draad livrèrent leur combat dans la cabane froide et humide des forêts de Gleor. Sanaya joua de sa bouche de toutes les façons, de bas en haut et de haut en bas, serra les lèvres et les ouvrit, darda une langue souple, souffla de petites bouffées, leva les mains pour caresser et palper ce que sa bouche ne pouvait atteindre. Au bout d'un moment, Blade fut incapable de distinguer les endroits où elle le touchait de ceux qu'elle n'effleurait pas. Tous ses sens semblaient concentrés dans son bas-ventre, tous les nerfs de son corps vibraient à l'unisson avec les lentes et exaspérantes caresses de cette bouche incandescente.
Et malgré tout, l'esprit de Blade maîtrisait le corps que Sanaya torturait avec tant d'art. Il parvenait à chasser ce que lui faisait Sanaya dans un coin de sa conscience. Il réussit à tenir, jusqu'à ce que les lèvres de Sanaya se mettent à se crisper dans une grimace plus de frustration que d'autre chose. Il tint bon, jusqu'à ce qu'il s'aperçoive que Sanaya elle- même commençait à soupirer et à onduler de côté et d'autre. Les efforts qu'elle faisait pour faire monter Blade au point d'ébullition érotique la travaillaient aussi.
Blade laissa la bouche de la reine le prendre une fois de plus, plus profondément que jamais, puis il l'empoigna de nouveau par les cheveux. Il plaqua un moment sa tête contre lui puis il la tira en arrière. Leurs regards se croisèrent. Ils ne parlèrent pas. Blade avait la gorge trop sèche et le souffle trop court. Sanaya était à peu près dans le même état.
Elle hocha la tête, enlaça de nouveau la taille de Blade et se releva. Il ôta son pantalon, Sanaya le petit triangle de toile. Dessous, un triangle parfait, roux sombre comme ses cheveux, luisait d'humidité. Elle posa les mains sur les épaules de Blade et il la saisit par les hanches pour la plaquer contre lui.
Ils restèrent ainsi collés l'un à l'autre pendant un moment. Blade sentait que la sueur avait déjà rendu la peau de Sanaya aussi glissante que la sienne. Les pointes des seins durcies se pressaient contre son torse et elle commençait à haleter.
Elle se laissa tomber à la renverse, ses mains crispées comme des étaux sur les épaules de Blade. Il fut obligé de se pencher sur elle pour qu'elle ne le lâche pas. Elle finit par tomber sur le dos et il s'écroula sur elle. Aussitôt elle se contorsionna et se mit en position, les jambes pliées et relevées et puis elle lui glissa une main dans les cheveux et l'autre sur la nuque quant il la pénétra.
Dans cette position, elle pouvait l'absorber encore plus profondément qu'il ne s'y attendait. Une fois de plus son membre fut englouti dans une chaleur humide qui le pressait de toutes parts, envoyait des flammes jusque dans son ventre. Cette fois, il savait qu'il ne pourrait durer longtemps mais ça n'avait plus d'importance, pour Sanaya non plus. Le duel était terminé. Ce qu'ils faisaient à présent était plutôt un duo.
Il sentit que la reine avait le même sentiment. A chacun des coups de reins de Blade, elle se tordait de plus belle et se soulevait contre lui. Moins souvent, elle gémissait, la bouche molle, entrouverte. Il n'y avait guère de tendresse dans ces ébats. Mais il y avait énormément de passion, et tous deux sentaient cette passion monter, monter comme de l'eau dans un puits.
Elle déborda d'abord chez la reine. Elle poussa un cri terrible, comme si elle était empalée sur quelque chose de beaucoup plus pointu et plus mortel que la verge de Blade. Le hurlement parut assez fort pour faire crouler la vieille cabane sur les têtes du couple.
Sanaya cria encore plus fort. Ses ongles s'enfoncèrent dans le dos de Blade sous les épaules et elle agita follement les jambes en l'air. Elle lui martela des talons les hanches et les fesses et il se plaqua à son tour contre le corps affolé. Elle le serra à lui couper le souffle et il sentit une explosion de chaleur liquide en elle et autour de lui.
Vaille que vaille, Blade sortit vainqueur de l'orgasme de Sanaya et continua de donner de grands coups de reins. Il sentit venir son propre orgasme et ne se retint pas. Il se laissa emporter, soulevé comme un oiseau, il plana, il monta et il explosa en arrivant au sommet.
De nouveau un cri terrible fit trembler la cabane. Blade se laissa tomber, le nez entre les seins de Sanaya, les mains crispées sur ses hanches. Il avait envie de se fondre en elle, de se noyer, de se dissoudre dans le creuset brûlant du désir. Il se cramponna à elle comme elle se cramponnait à lui, pendant un long moment. Dans cet unique instant, il y eut presque de la tendresse.
Blade se souleva enfin sur les mains et embrassa chacun des mamelons gonflés. Puis il dévisagea Sanaya, il contempla la figure encadrée de cheveux trempés de sueur où s'emmêlaient des feuilles mortes. Les yeux de la reine étaient fermés et ses narines palpitaient; elle ouvrait la bouche comme si ses poumons avaient désespérément besoin d'air. Mais ses lèvres bougeaient, répétaient inlassablement les mêmes mots.
Blade tendit l'oreille. Au début, il n'entendit que des sons incohérents mais, petit à petit, les sons formèrent des mots qu'il put comprendre.
Sans arrêt, comme une litanie, Sanaya murmurait :
- Roi Blade, roi Blade, roi Blade, roi Blade...
Roi Blade ! Il était allé à elle par désir mais aussi dans l'espoir de découvrir quel jeu elle jouait. Le désir était satisfait. Blade ne pouvait imaginer qu'il serait capable d'en éprouver encore avant des heures, peut-être même des jours. Et maintenant il avait appris une chose qu'il avait besoin de savoir.
Ainsi, il était le « roi Blade » pour Sanaya, tiens, tiens. Ainsi, elle voulait le voir assis à côté d'elle sur le trône de Draad, et Embor et Neena éliminés, hein?
Alors que dirait-elle et que ferait-elle quand elle s'apercevrait qu'il ne l'aiderait pas?