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C’est à la tombée du jour que Higgins et Scott Marlow, accompagnés de deux inspecteurs et de plusieurs constables, entrèrent dans l’annexe du British Museum. Ils montèrent au premier étage où les attendaient, devant le bureau du crime, Sir John Arthur Mortimer, son fils Philipp, Agatha Lillby, Eliot Tumberfast, Barry, J. J. Battiscombe, William W. Dobelyou et Indira Li.
Les deux policiers les saluèrent. Higgins avait un visage grave. Il savait que, parmi eux, se cachait un abominable assassin.
– Messieurs, mesdemoiselles, commença le superintendant Scott Marlow, nous allons procéder à une reconstitution de l’assassinat de Mme Frances Mortimer. Scotland Yard conçoit le caractère éprouvant de cette démarche. Les difficultés rencontrées par l’enquête en cours la rendent néanmoins indispensable. Je vous prie donc de vous prêter de bonne grâce aux instructions qui vous seront données. Nous espérons que votre effort contribuera à faire jaillir la vérité.
Philipp Mortimer avait le dos appuyé à un mur. Il paraissait tout à fait indifférent au monde extérieur. Eliot Tumberfast, les mains croisées derrière le dos, était crispé. Sir John Arthur Mortimer, très élégant, arborait le masque indéchiffrable de l’homme parvenu aux plus hautes responsabilités. Agatha Lillby, portant un imperméable serré à la taille, semblait un peu perdue. Barry, nerveux, ne tenait pas en place. J. J. Battiscombe, raide, immobile, attendait les ordres. William W. Dobelyou, menottes aux poignets, affichait un rictus ironique. Indira Li, tremblante et inquiète, s’était rapprochée de Higgins.
Ce dernier sortit de sa poche son carnet noir et consulta la première page.
– Procédons avec ordre, indiqua-t-il. Allons sur le lieu du crime. Monsieur Battiscombe, voudriez-vous ouvrir la porte du bureau du professeur Mortimer ?
– Moi, inspecteur ? s’étonna l’ex-veilleur de nuit.
– S’il vous plaît.
Hésitant, J. J. Battiscombe se dirigea vers le tableau de service fermé par un cadenas. Il utilisa son passe pour l’ouvrir. Puis il tira le panneau et décrocha la clé correspondant au bureau de Sir Mortimer. La tenant dans la main droite, comme un objet des plus précieux, il hésitait à s’en servir.
– Je vous en prie, insista Higgins avec un sourire d’encouragement. Répétez le geste que vous avez accompli la nuit du crime.
J. J. Battiscombe parut soudain terrorisé.
– Je… je ne peux pas.
– Qu’est-ce qui vous arrive ? demanda le superintendant Scott Marlow.
– Je n’ai pas le courage, avoua piteusement l’ex-veilleur de nuit, baissant la tête.
– C’est ridicule ! Introduisez cette clé dans la serrure et ouvrez ! ordonna Scott Marlow.
Obéissant à un vieux réflexe, J. J. Battiscombe s’inclina devant une autorité supérieure. La clé tourna assez aisément dans la serrure, émettant un léger grincement. L’ancien militaire s’immobilisa de nouveau, n’osant en faire davantage. Excédé, Scott Marlow appuya sur la poignée de porte, poussa cette dernière et rendit la clé à J. J. Battiscombe.
– Raccrochez-la au bon endroit.
L’ex-veilleur de nuit ne se fit pas prier et se débarrassa au plus vite de cette clé qui semblait lui brûler les doigts.
– Entrons, proposa Higgins.
On laissa le passage à Sir John Arthur Mortimer. Lui succédèrent Agatha Lillby, Dobelyou, Barry, Philipp Mortimer, Indira Li, J. J. Battiscombe. Eliot Tumberfast s’arrêta sur le seuil.
– Aujourd’hui, vous avez le droit d’entrer, dit Higgins. Votre patron ne pourra pas vous en tenir rigueur.
L’égyptologue s’exécuta, suivi par Scott Marlow. Higgins passa en dernier et ferma la porte. Puis il pria chacun de prendre place, s’installant lui-même au bureau de John Arthur Mortimer. Le superintendant Marlow préféra rester debout, adossé à une bibliothèque.
En face de Higgins, huit chaises alignées. Eliot Tumberfast, hésitant, choisit celle qui était située à l’extrême gauche. Puis s’installèrent Barry, J. J. Battiscombe, William W. Dobelyou, Philipp Mortimer, Indira Li et Agatha Lillby. Sir John Arthur, légèrement exaspéré, s’assit à l’extrême droite.
– Puisque tout le monde est prêt, expliqua Scott Marlow, nous allons commencer.
– Je ne crois pas, objecta Higgins, pensif.
Le superintendant fronça les sourcils.
– Il manque un témoin essentiel, précisa Higgins. La momie.
Des murmures désapprobateurs s’élevèrent.
– Vous croyez vraiment…
– Tout à fait, superintendant. N’oublions pas que la momie a été accusée de crime. Sa présence est indispensable pour que la reconstitution soit fidèle.
– C’est grotesque, jugea le professeur. Nous sommes entre gens sérieux et n’avons nul besoin de cette mascarade !
– Désolé, répondit Higgins d’une voix ferme. La momie a joué un rôle essentiel dans ce crime. Superintendant, voudriez-vous la faire entrer ?
Scott Marlow ouvrit la porte du bureau, laissant le passage à deux bobbies portant une momie qu’ils soutenaient délicatement sous les aisselles. Bien qu’elle fût un peu rafistolée, elle demeurait toujours aussi terrifiante, avec son visage d’outre-tombe, au faux sourire figé entre la vie et la mort.
– Scandaleux ! protesta Sir John Arthur Mortimer.
Indira Li tourna de l’oeil, vacilla et tomba en avant. Philipp Mortimer l’empêcha de faire une mauvaise chute, la rattrapant au dernier moment. Agatha Lillby poussa un cri et mit les mains devant ses yeux pour ne rien voir. J. J. Battiscombe récita une prière de conjuration qu’il avait apprise aux Indes.
– Du vrai théâtre d’horreur, commenta William W. Dobelyou, utilisant un ton ironique pour mieux masquer sa peur.
Eliot Tumberfast, très pâle, avait le regard fixé sur la momie.
– Elle n’a pas été correctement restaurée, jugea-t-il. Il manque des amulettes, il manque…
– Nous avons fait le maximum pour qu’elle soit présentable, rétorqua Higgins.
L’ex-inspecteur-chef se leva et se déplaça jusqu’aux deux sarcophages dressés dans la première partie du bureau. Tous les regards se tournèrent vers lui. Il ouvrit le plus grand des deux. Avec beaucoup de délicatesse, les deux bobbies y déposèrent la momie, trop heureux de se débarrasser de ce macabre suspect. Higgins referma le sarcophage et retourna au bureau du professeur qui, au passage, toisa avec fureur l’homme du Yard.
– Croyez bien, inspecteur, que ce spectacle affligeant indispose toutes les personnes présentes.
– L’assassin de votre épouse se trouve parmi elles.
Le crime de la momie
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