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Higgins cheminait dans les rues de Londres à six heures trente du matin. Sa journée serait longue et fatigante. Il n’aurait même pas le temps de s’entretenir avec le superintendant Scott Marlow qui le chercherait partout et entrerait probablement dans l’une de ces fameuses colères que redoutaient ses subordonnés. Higgins était navré pour eux mais il n’avait ni une minute à perdre ni d’explications incomplètes à donner. Tant qu’il n’aurait pas effectué un certain nombre de visites indispensables, l’ex-inspecteur-chef de Scotland Yard serait incapable de progresser.
*
Malcolm Mac Cullough avait deux particularités notables : il était Écossais et l’un des meilleurs commissaires priseurs du Royaume-Uni. Officiant régulièrement chez Sotheby’s, il passait pour un fameux connaisseur des oeuvres de l’antiquité dite païenne. D’une nature plutôt bohème, il vivait dans une vaste maison de la banlieue nord de Londres, environné de statues, de vases, de stèles et de centaines de fragments d’oeuvres anciennes provenant des quatre coins du monde. Malcolm Mac Cullough, les jours où il ne travaillait pas, adoptait un rythme de vie original : il lisait la nuit pour perfectionner ses connaissances et dormait le jour. À neuf heures du matin au plus tard, il se mettait au lit.
Quand on sonna à sa porte, vers huit heures, Malcolm Mac Cullough terminait la lecture d’un ouvrage de huit cents pages sur l’origine des pieds de lampe alexandrins. Vêtu d’une robe de chambre en laine des Highlands, héritage familial, le commissaire-priseur alla ouvrir, bien décidé à éconduire l’importun.
– Higgins, cher vieux forban ! Que viens-tu faire à une heure pareille ?
– Te consulter.
D’une bourrade qui faillit déséquilibrer l’ex-inspecteur-chef, Malcolm Mac Cullough fit entrer son camarade de collège. Ils faisaient partie d’une véritable confrérie où l’on s’était juré une amitié indéfectible. Et ce serment-là n’était pas de pacotille.
– Il me reste un café turc dont tu me diras des nouvelles.
Le commissaire-priseur et son hôte s’installèrent dans une pièce du rez-de-chaussée, encombrée d’un nombre incalculable de moulages. Ils s’assirent sur deux sièges de bois à l’antique.
– Quel crime as-tu encore commis ? demanda Mac Cullough.
– Une des plus étranges affaires de ma carrière, répondit Higgins en savourant l’excellent breuvage. L’égyptologie n’a pas de secrets pour toi, à ce qu’il paraît ?
– N’exagérons rien.
– La tombe d’Imhotep à Saqqarah, c’est réellement une énigme ?
– Si tu en connais l’emplacement, emmène-moi là-bas sur l’heure. Celui qui la découvrira deviendra plus célèbre que Toutânkhamon.
– Et la tombe du général Horemheb ?
– Laquelle ?
– Y en aurait-il plusieurs ?
– En tant que général aux ordres de Toutânkhamon, Horemheb s’est fait creuser une somptueuse sépulture à Memphis. Puis il est devenu pharaon, et sa momie fut inhumée dans la Vallée des Rois. Les couleurs de cette tombe royale sont incomparables. Voudrais-tu de la documentation ?
– Volontiers. Si elle est accessible…
– Attends-moi une seconde.
Malcolm Mac Cullough quitta le salon et monta au premier étage, occupé par une bibliothèque de plusieurs milliers de volumes. Higgins appréciait le fouillis organisé de cette demeure vouée à la science, mais se demandait comment le commissaire-priseur pouvait se passer d’aide. Un jour, cela mériterait une enquête. Higgins se versa une seconde tasse de café.
Le commissaire-priseur rapporta plusieurs publications et les donna à Higgins.
– Voilà ce que j’ai pu trouver. J’espère que cela te suffira.
– Sans aucun doute. Que penses-tu des momies ?
– Aucune attirance particulière pour ce genre de personnes, répondit Mac Cullough, coupant en tranches fines un cake de sa fabrication.
– Tu en as déjà vendues, chez Sotheby’s ?
– Jamais. Ce genre de pièce ne se négocie pas en public.
– Crois-tu qu’une vraie momie présenterait un intérêt financier pour un gang de voleurs professionnels ?
Le cake était un peu trop cuit au goût de Higgins, mais tout à fait honorable.
– Les momies n’intéressent guère ces gens-là. À moins qu’ils ne soient en contact avec des nécrophiles ou des collectionneurs privés aux goûts morbides. Franchement, je ne crois pas qu’un voleur professionnel prendrait des risques pour une momie. Trop de problèmes de conservation et de transport.
– As-tu entendu parler de cette momie volée au British Museum et…
– … et que l’on a retrouvée sur le cadavre de la très belle Mme Mortimer. J’en ai entendu parler comme toute l’Angleterre, j’ai vu les photos de la victime dans la presse. Cet assassinat est un véritable scandale ! Cette femme était tout à fait mon type.
– Connais-tu son mari, Sir John Arthur Mortimer ?
– Un grand patron, ambitieux. Carrière remarquable. Il est promis au plus brillant avenir. La direction du British Museum et probablement un profil politique. Certains disent qu’il n’est pas un très grand égyptologue, mais un charmeur et un administrateur de première force.
– Et son assistant, Eliot Tumberfast ? Sa réputation est-elle parvenue jusqu’à toi ?
– Il s’est fait remarquer par deux ou trois interventions érudites dans des sociétés savantes. Un garçon brillant, un peu excentrique. Un fou d’égyptologie, étouffé par son patron. Encore un de ces jeunes dont la carrière n’ira pas loin.
Higgins accepta une seconde tranche de cake. Il aurait bien passé la journée chez le commissaire-priseur, occupé à parler des bronzes antiques, des fresques crétoises ou de la statuaire pharaonique. Mais d’autres rendez-vous l’attendaient.
Le crime de la momie
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