les démons
sont aux anges

par Jean-Benoît THIRION

 

 

La claque ! La claque de ma vie. Le phallucinogène est en pleine forme, impossible de le contrer à touche-pipi ou de le plaquer dans sa surface de perdition pour lui planter dans le trou du cul électronique ses deux poteaux de but ! C’est le relief et la couleur qui me chahutent le réflexe, qui font que je m’encaisse la douzième défaite de la matinée. J’ai pas l’habitude de cet écran, par contre les manettes de contrôle et de compte-rond je les tiens bien entre les cuisses. Putain de télé-couleur en relief ! c’est si simple de s’envoyer en l’air avec un poste en noir et blanc. La prochaine fois que je joue les nurses, je te jure, je ramène mon propre portatif ; Bisbille pourra se le foutre où je pense son phallucinogène à la con ! « Tu pourras pas résister à son charme, t’auras une telle envie de lui broyer ses couilles électrostatiques, de lui ridiculiser le gland… Viens chez moi lui foutre une dérouillée si t’es un mec ! tu me garderas en même temps le bambin, mon chou, pendant que je me casserai chez les réglos chercher mon gage pour avoir dessiné la tête du grand chef des armées avec un bâton de maréchal en forme de quoi-tu-sais à la place du nez, dans les chiottes d’une grande surface parce qu’on voulait pas me faire un rabais sur un tank miniature en caramel mou qui avait le bout du canon déjà sucé. »

Le bambin elle aurait pu se l’emballer dans sa cartouchière, avec son détecteur de basanés, son sifflet tue-louches, ses répliques cinglantes et son paquet de réguliers ! Il est toujours dans mes pattes, à me sucer les semelles, à me mordiller les mollets, après on s’étonne que je sois en train de me faire baiser par une mécanique qui n’a rien dans le pantalon ! Pousse ta tronche ! sale môme, tu vois pas que tu me fais dévier mon tir à chaque fois ! que j’érecte sans éjecter, que je me fais castagner les parties et que ça fait mal autre part qu’à mon amour-propre ! moi le champion junior toutes catégories, sauf celle des super-lourds qui n’existait pas à l’époque, du pine-pong-tévé du salon de l’enfance et des bien-formés d’il y a huit ans ! on voit que toi t’es pas formé encore, petite boule de merde, que ta mère elle a pas commencé ton éducation virile ; s’il n’en tenait qu’à moi je te foutrais illico les ultra-sons au zizi pour te faire voir ce que c’est de jouer les dieux du stade en chambre avec mémé tévé ! tu verras, futur bandeur de mes deux, dans quelques années, tu verras !… Enfin t’as déjà du bol de pas être une gonze, c’est déjà un bon point pour toi, parce que le ping-con, c’est pas de la tarte ! crois-en mon expérience ! j’ai essayé une fois : je me suis pris la semence radioactive entre les dents, j’étais pas dans mes petits patins ! j’ai juré que je recommencerai plus ! je sais pas comment elles font elles, elles ont du cran ; enfin leur truc c’est pas un loisir pour mecs virils ! « Mets-y dans mes figues ! ça c’est du job pour mon zob ! » comme dit la pube à la télé, c’est bien vrai, y’a pas à dire : la vérité est dans la virilité !

Là, je le tiens, il est coincé dans l’angle mort, et si j’arrive à faire un retour de volée avec ma prise multiple en plein dans la fente de son slip spectral je marque mon premier point et tous les espoirs me sont permis ! Ouille !!! le petit merdeux qui me mord la cheville : je perds l’équilibre ! mon testicule droit va cogner contre le juge de touche ! ma manette qui se bloque ! le retour ne fonctionne plus ! j’évite un direct au bas-ventre, l’autre qui me baisse les chaussettes, je suis à découvert ! qu’est-ce que vous voulez que je fasse avec un pénis piégé en plein dans la ligne de mire du commutateur turbonucléaire ? en plus avec un seul testicule sur pied en défense ! il tire, le con, sans sommation ! je me penche, les jambes à mon cou, la balle traceuse me passe entre les doigts ; lâche-moi sale bête ! que je m’entends gueuler au bébé de la Bisbille ; cette fois-ci le sexe de la machine qui revient à l’attaque ne peut pas me louper, je suis out ! Ayayaye !!! le coup va être mortel ! S.V.P. 3 navets exprèssss et 3 paters plus les millions que je possède à la banque du sperme pour les bonnes œuvres ! J’en glisse par mégarde sur la touche « demande d’arbitrage, défense de toucher sous peine d’électrocution méritée ! » merdouille ! ça c’est l’élimination à coup sûr et la suspension de mon permis de bander pendant au moins 2 à 3 mois ! les réglos vont débarquer sur le terrain pour endiguer la contestation, je suis bon pour une raclée généralisée, ils tapent dur les réglos ! surtout quand on est pris la queue dans le sac à faire mumuse avec une machine-tévé pédéraste ! Y’avait qu’à pas les lancer sur le marché ! moi je me contentais d’un vagin-tévé en noir et blanc, c’est Bisbille qui m’a entraîné dans les bras de cette sale affaire ! elle avait pas à avoir un phallucinogène homo dans son vivoir pour que ça lui paraisse plus doux qu’un ping-con conventionnel ! et en plus le sien il est en relief et en couleur !

La tronche en pointillés scintillants de l’arbitre sur l’écran ! surprise, je m’attendais pas à celle-là ! je croyais à mon gage pour abus de confiance et recel de boutons de pression…

— C’est votre gosse ?

— Non, voyons, c’est celui de Bisbille, il m’a mordu violemment le pied, c’est ça qui m’a fait perdre l’équilibre et glisser sur la touche aux yeux doux, j’y suis pour rien, je…

— C’est votre gosse ! un point c’est tout, inutile de jouer les cachotiers avec moi, je suis juge-arbitre, je connais mon métier.

— Je vous assure je…

— A ce que je constate le score est de 12 à zéro en faveur de la mécanique, score quasiment sans appel, c’est la pâtée : Mais la commission de contrôle vient de recevoir votre appel et m’a délégué pour vous instruire qu’elle a étudié votre dossier, votre cas, votre situation, vos antécédents et le bilan génital de vos parentés jusqu’au cinquième degré inclus ; sa réponse est favorable, de plus il vous est accordé le bénéfice d’un penalty, à titre exceptionnel et non renouvelable, d’une valeur de dix points, ce qui peut tout remettre en question, faites-en un bon usage et dieu vous garde. N’oubliez pas : un outil pédérastique, aussi sophistiqué soit-il, ne s’use que si l’on s’en sert…

Un penalty ! mais c’est dingue ! je rêve, j’en crois pas le judas de mon gland, les saintes écritures sont avec moi… Bon alors, un peu de concentration, à la vie à la mort, je repousse du pied l’avorton qui roule sous le divan avec une de mes godasses, je me place sur le point de réparation, j’hésite quand même entre la mêlée spontanée, le contre-chien et le smash de service, décide-toi bonhomme les 10 secondes du K.O. sont vite passées…

Clic ! Non, ce n’est pas vrai ! Enfin, rien de grave puisque ça me permet en fin de compte de souffler un peu avant le grand jeu. L’info-tévé qui se met en branle, c’est qu’il y a urgence en la matière ; ça court-circuite notre match, c’est pas bibi qui va s’en plaindre. Quoi qui y’a ? Écoutons voir. N’empêche, quelle partie ! quand je vais raconter ça à Bisbille, mon presque dans-l’os, et l’intervention in extremis de l’arbitre ! Va pas me croire. Moi déjà j’y crois pas encore… Bébé, tu veux une rasade de ouisqui avec ton surgé préféré ? Répondez pas tous à la fois… Nom de nom, moi aussi j’ai mes langes toutes trempées !

« … se sont échappés de la garderie du 13e arrondissement. Ce serait maintenant une armée de 25 mille enfants de moins de 18 mois qui sillonnent les rues de la capitale ! Une dépêche tombe à l’instant sur nos téléscripteurs, une dépêche en provenance de Touloc, la capitale du sud, tous les bambins des régions midi-pyrénoc et languedoc-roussilloc se seraient réunis sur la place du Capitoc à Touloc, ils commenceraient à grimper dans les jambes de pantalon des réglos armés qui se seraient fait prendre en étau en plein cœur de la ville oc ! on attend confirmation. Je crois que nous avons le ministre la défense territoriale urbi et orbi en ligne… »

Le revoilà le bâtard à Bisbille dans mes pattes ! Ho ! tu peux pas rester tranquille ?! tu la veux ta torgnole, dis ?! Je t’attache dans ton berceau, moi, si tu continues à me courir les baskets ! Lâche ce pied !…

« … du gouvernement. Je propose en son nom aux responsables de ces manifestations puériles l’autogestion, oui je dis bien l’autogestion sous contrôle de l’État pour les crèches et autres garderies d’enfants si elles en font la demande en temps utile. Mais par pitié, le gouvernement vous en conjure, et l’opposition, et la papauté, et le conseil supérieur de la rigolade civilisée, et le conseil de l’ordre des peintres en bâtiment se joignent à lui : regagnez, chers petits anges, vos pouponneries ! vos couches sont pleines de pipi-caca et vos brassières toutes salies des déjections parasitaires de la révolution ! regagnez vos couveuses électriques, nous fermerons les yeux pour cette fois-ci, promis juré sur la tête du président de la République ! il n’y aura pas de répression, pas de panpan-cucul sur vos jolies petites fesses roses… »

Ecoute, morveux ! si tu persévères à me tirer les poils de la jambe je t’installe sur le siège de la machine à jeu-tévé, ficelé, bâillonné, les fiches électriques là où tu sais et à toi de te démerder pour le penalty et la décharge que tu te prendras dans le bidon si tu rates ton coup, puceau de mon cœur ! Le machin pédéraste adore les petits enfants ! je te dis que ça, fiston…

« … Dans l’obligation de les abattre avant qu’il ne soit trop tard ! Ainsi, par ces mots d’une extrême gravité, se termine le télégramme du président de la République. Il est inutile de vous le cacher davantage, la situation est dramatique : les bébés-truffiers sont à l’affût de leurs aînés. Ici même dans nos studios une cohorte de nouveau-nés s’escrime à démolir avec les dents la dernière vitre qui nous sépare… Nous avons près de nous, comme vous pouvez le constater, le Pr Jules Schnock, l’éminent pédiatre de la faculté des sciences inexactes enfantines de Paris, qui vient de sortir un nouveau livre « Serrer la visse, visser la serre » aux édi… Mais je vois que nous n’avons pas le temps de nous étendre sur votre carte de visite, les mioches progressent, tout de suite une question : quelle est votre opinion, professeur ?…

— Très simple : je constate avec effroi que les hautes instances qui nous dirigent ont fait trois grosses bévues en ce qui concerne le dernier arrivage d’administrés que vous savez ; la première erreur consistant en un plan gouvernemental sur le relâchement des mœurs mis en application à partir de septembre 78, c’est-à-dire il y a presque 2 ans, dans le but de relancer la natalité sauvage pour un réapprovisionnement à moindres frais de la fourmilière usinière, voir l’abaissement de la puberté à l’âge de 6 ans pour les garçons, 5 ans pour les filles, l’annulation de l’interdiction du premier janvier 71 sur l’usage des jeux-tévés sexuels pour les mineurs de moins de 30 ans ; etc… ; la deuxième erreur, découlant de la première, étant la non-intervention de l’État à propos de l’importation d’on-ne-sait-d’où des mécaniques pédérastes masculines en relief et en couleur à commandes manuelles et autres et vibromasseur incorporé, dites « Phallucinogènes », ayant la particularité d’engrosser les femelles virilophobes et dousexiphiles et de donner ces bébés dits truffiers qui, contrairement aux bébés troufions habituels des autres générations, n’ont pas le respect de la tradition et des aînés dans leur poche ; nous sommes en train de le constater, la vitre éclate ! les bambins se précipitent sur nous, nous grimpent dans les pantalons ! nous fouillent ! nous arrachent les… Au secours !!!…

Tiens, ils ont coupé leur émission de science-fiction, pour une fois que c’était rigolo et qu’on y comprenait rien… Didon toi ! qu’est-ce tu fous dans ma culotte ? Sors de là ! T’avais qu’à le dire que tu voulais grimper sur mes genoux, pueur de pisse, c’était pas la peine de t’infiltrer par-dessous ! Ouste ! sors de là, j’ai un compte à régler à cette salope de Phallucinogène ! sors de là ! tire pas sur mes élastiques ! t’as compris ?! je vais être dans l’obligation de te cogner la gueule, morveux ! Ayayayayaye !!! AAAAAAAAAaaaaaaaaa, mes parties…

« … Bébés-truffiers de France, d’icilàtoupartout et du monde entier, ici le grand P. qui vous parle et vous caresse le cucul symboliquement par les ondes, vous allez apporter sur la table de commande de votre père phallucinogène les testicules et les ovaires de la vieille école jouisseuse et sans avenir de la race humaine, qu’il dévore l’esprit des vaincus ! et puis, chers petits anges, pour vous autorécompenser vous allez regarder ce que vous avez au cul, humer, fouiner, fouiller, chercher les truffes !… Repos ! pour le Phallucinogène relief-couleur ; le phallucinogène ne s’use que si l’on s’en sert !