CHASSE
essentiellement la Seine, dans sa boucle au noïd-ouest de.
Paris, où il pratique son sport favori, le canotage : «comme
• Dans l'œuvre : bien qu'il ait aimé la chasse et tiré quelques c'était simple et bon et difficile de vivre ainsi, entre le bureau à gibiers dans la région de bezons et en Normandie à proximité Paris et la rivière à Argenteuil. Ma grande, ma seule, mon absor-d'Étretat, Maupassant a plus parlé de la chasse qu'il ne l'a bante passion pendant dix ans, ce fut la Seine» (Mouche). La personnellement pratiquée. Un certain nombre de ses contes Seine est un des éléments essentiels du décor d'Une partie de (comme Histoire vraie et La Rempailleuse) ont pour cadre de campagne : si les deux canotiers séduisent si aisément Mme et départ une assemblée de chasseurs, réunis, après une journée Mlle Dufour, c'est parce qu'ils sont inséparables de la rivière, de battues dans la campagne, devant une table abondamment tout le prestige rejaillit sur eux, et que leurs gracieuses yoles garnie, auprès d'un grand feu de cheminée. L'histoire que font rêver d'évasion leurs amies. Mais, chez Maupassant, le raconte alors un des participants, et qui constitue un récit dans poète aime la mer tout autant que le canotier : il évoque « les le récit, n'a le plus souvent aucun rapport avec la chasse, mais promenades le long des berges fleuries, mes amies les grenouilles celle-ci lui donne sa tonalité. Maupassant ne s'est pas borné à qui rêvaient, le ventre au frais, sur une feuille de nénuphar, et les évoquer les festins bien arrosés de l'après-chasse ; la chasse lis d'eau coquets et frêles, au milieu des grandes herbes fines qui elle-même l'attire visiblement. Elle met en contact avec la m'ouvraient soudain, derrière un saule, un feuillet d'album japo-nature, puiqu'elle est inséparable de longues marches qui font nais quand le martin-pêcheur fuyait devant moi comme une défiler les paysages, ou bien au contraire de longues stations flamme bleue» (Mouche). On trouve des notations analogues immobiles à l'affût, où l'on entend glisser le vent dans les dans Une partie de campagne. Une troisième forme d'eau lui est feuillages, où l'on entend palpiter la vie mystérieuse d'un chère : le marais, de dimensions plus humaines que la mer et, marais (Amour). Sur un tout autre registre, certaines notations pour cette raison, plus facile à dominer à première vue, mais laissent penser que Maupassant éprouve une certaine fascina-qui recèle en son sein toutes les formes inconnues de la vie. Il tion d e v a n t le s a n g : «la bête saignante», «le sang sur les en fait le décor de la partie de chasse racontée dans Amour.
plumes», «le sang sur mes mains me crispent le cœur à le faire défaillir» (Amour). Plus profondément encore, la chasse, c'est
• Rapprochements : l'eau a toujours été un thème favori des la mort, dont l'obsession a assombri les dernières années de poètes, depuis le Loir gaulois de Du Bellay jusqu'au Cimetière Maupassant, au point qu'il a tenté d'en devancer le terme.
marin de Valéry, en passant par Le Lac de Lamartine. Mais il faut surtout évoquer, à propos de Maupassant, les tableaux des
• Rapprochements : la chasse a rarement inspiré l'ensemble peintres impressionnistes dont la technique convenait à mer-d'une œuvre. On peut toutefois citer les Récits d'un chasseur de veille pour traduire les miroitements d'une mer ou d'un fleuve Tourgueniev. Dans la littérature française, Vigny illustre sa et qui ont largement exploité ce sujet.
pensée en présentant un loup plus « philosophe » que les chasseurs qui l'ont abattu (La Mort du loup). On peut songer aussi à La Légende de saint Julien L'Hospitalier, un des Trois Contes de GUERRE
Flaubert.
• Dans l'œuvre : bien qu'il ait été lui-même mobilisé et qu'il ait failli être fait prisonnier au cours de la débâcle, Maupassant EAU
ne s'est jamais intéressé, au moins dans son œuvre, aux opéra-tions militaires. Les Contes ne font que de brèves allusions à la
• Dans l'œuvre : «j'aime l'eau d'une passion désordonnée», guerre proprement dite : «Lorsqu'arriva l'invasion prussienne», avoue Maupassant dans Amour. Effectivement, l'eau est une simple proposition subordonnée suffit à préciser les cir-souvent présente dans son œuvre sous diverses formes. La constances de Saint-Antoine. Au début d'un autre conte, Un première qu'il ait rencontrée est la mer, puisqu'il est (peut-duel, Maupassant ne développe pas beaucoup plus : « La guerre être) né à Fécamp et qu'il a, en tout cas, souvent séjourné à était finie; les Allemands occupaient la France. » En revanche, ce Étretat, où il s'est fait construire une maison. Au-delà de l'âpre qui a inspiré plusieurs contes, c'est la situation créée par les côte du pays de Caux, la mer le fascine, mais son immensité suites de l'invasion et de la défaite, à savoir l'occupation d'une l'inquiète. Sans doute lui préfère-t-il la rivière, c'est-à-dire partie du pays et notamment de la Normandie. Mais cette 246
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occupation n'a été ressentie ni par Maupassant ni par ses prostituées sont présentées avantageusement. Ce serait trop contemporains comme celle de 1940-1944, et il ne la présente peu dire qu'il ne les met pas au ban de la société ; bien au jamais sous des couleurs vraiment tragiques. Il exerce égale-contraire la générosité de Boule de Suif, dans le conte qui porte ment sa verve satirique sur l'occupant et sur l'occupé. Il s'en son nom, prend un relief singulier lorsqu'elle est comparée à tient à l'image caricaturale de l'Allemand un peu lourdaud l'hypocrisie, aux préjugés et à l'absence de cœur des autres (comme le «cochon» de Saint-Antoine) ou du militaire, fût-il femmes de la diligence, y compris les religieuses. Dans Made-comte ou marquis dans la vie civile, que les circonstances moiselle Fiji, c'est encore une prostituée, Rachel, qui domine amènent à se conduire en vandale dans le pays vaincu, comme par son courage tous les autres personnages. Et l'émotion des les officiers de Mademoiselle Fiji. L'occupé n'est pas davantage pensionnaires de la maison Tellier, lors de la messe de pre-exalté. Les Normands font même assez mauvaise figure : fanfa-mière communion du neveu de leur patronne, est plus sincère rons en paroles, ils se révèlent plutôt lâches dans leur et plus profonde que celle de maintes femmes réputées hon-conduite. Leur «résistance» culmine dans le refus sans grand nêtes de la paroisse. Si Maupassant se plaît à souligner les danger du curé qui ne fait jamais sonner la cloche de son qualités en quelque sorte morales des prostituées et à les église. Paradoxalement, c'est à une prostituée que, dans ce comparer à leur avantage avec les bourgeoises bien pensantes, même conte, Maupassant prête la conduite la plus héroïque, ce c'est pour faire une satire de ces dernières et exprimer un qui ne va pas sans malice, comme dans Boule de Suij. La guerre profond scepticisme devant les clivages sociaux, lorsqu'ils sont n'est ni célébrée ni déplorée : aux yeux de Maupassant, elle fondés sur les préjugés d'une morale conformiste. À la fin de agit comme révélateur des caractères et accentue, à l'occasion, Mademoiselle Fiji, Rachel deviendra, par son mariage, « une la petitesse et la mesquinerie inhérentes, toutes nationalités Dame qui valut autant que beaucoup d'autres». Pour opérer cette confondues, à la nature humaine.
métamorphose, inattendue seulement aux yeux des bien-pen-sants, il a suffi de l'amour d'un «patriote sans préjugés». Ces
•_ Rapprochements : si les épopées exaltaient la guerre (Iliade, préjugés, Maupassant à coup sûr ne les partage pas. La prosti-Enéide, Chanson de Roland), le roman a tendance à la démythi-tution est pour lui une forme comme une autre de l'activité fier : Stendhal dans La Chartreuse de Parme, Tolstoï dans Guerre sociale : l'opulence, entraînée pour son propriétaire par une et Paix ont choisi de n'en montrer que des éléments dérisoires maison de tolérance qui marche bien (L'Ami Patience), est du et discontinus, tels que pouvait les voir un soldat sur le champ même ordre que s'il la devait à un commerce ou à une de bataille. Jules Romains a pris le même parti dans Prélude à industrie prospères. Lui-même se considère comme un homme Verdun et Verdun (dans Les Hommes de bonne volonté), sans important et arrivé. En somme, pour Maupassant, la prostitu-s'interdire quelques vues d'ensemble. Hugo, dans ses poèmes tion est une activité plutôt sympathique que ses détracteurs de l'Année terrible (1872), a souligné la tragédie du siège de sont en général peu qualifiés pour mépriser.
Paris et Zola a évoqué la défaite dans La Débâcle sur le même registre sombre. Plus près de nous, l'occupation de 1940-1944
• Rapprochements : les personnages de Maupassant peuvent a inspiré une littérature assez différente des Contes de Maupas-faire penser aux courtisanes de Balzac, Coralie, Florine et sant : si la médiocrité de certains Français a parfois été relevée surtout à Esther, fille de Gobseck, dans Splendeurs et Misères des (J. Dutourd : Au Bon Beurre, M. Aymé : La Traversée de Paris), Courtisanes. On distinguera, dans la littérature qui a suivi, les les auteurs ont en général insisté sur la cruauté sauvage des femmes que leur pauvreté contraint à se prostituer pour vivre nazis et l'héroïsme de certains résistants (romans de Vercors, et faire vivre leur famille, comme Fantine dans Les Misérables, poèmes d'Éluard et d'Aragon).
et les femmes entretenues qui vivent dans le luxe, de La Dame aux Camélias, d'Alexandre Dumas fils, l'héroïne de Nana, de Zola, jusqu'à Odette de Crécy dans l'œuvre de Marcel Proust.
PROSTITUTION