Sergueï grimaça.
— Quelle délicate image, merci infiniment de me la
faire partager.
— Tout le plaisir est pour moi… Beuuurk,
ajouta-t-elle en tordant la bouche de dégoût. J’ai besoin de ma
brosse à dents. Ou d’un morceau de papier de verre.
— Tu attendras que nous ayons passé la douane,
O.K. ?
— Si je respire sous le nez d’un douanier, il ne
me laissera jamais entrer dans le pays.
— Wren, je connais ton haleine matinale. Elle est
supportable. Pas terrible, mais supportable.
— Là, c’est pire. Il s’agit d’une haleine matinale
après une nuit passée dans l’avion.
Ils s’avançaient dans l’aéroport de Malpensa,
après avoir récupéré leurs bagages sur le tapis roulant. C’était
samedi, il était 7 heures, heure locale, mais son horloge
intérieure marquait 1 heure du matin, et comme elle n’était
parvenue à dormir que pendant la première heure de vol, toutes les
cellules de son corps hurlaient leur besoin
d’une douche, d’une sieste, et d’une barre de chocolat géante. Dans
cet ordre précis.
— Mais, où sont passés les gens ?
Brutal contraste avec l’aéroport de Newark : seule
une douzaine de personnes semblaient se diriger comme eux vers la
zone douanière, et elle n’aperçut qu’un seul agent de sécurité, une
femme, appuyée au mur un peu plus loin près de l’entrée du
bâtiment, avec l’air de s’ennuyer à mourir. Les roues de sa valise
se bloquèrent. Jurant à mi-voix, elle s’arrêta pour les redresser.
Une furieuse envie d’ôter sa veste la saisit, mais c’eût été
s’encombrer un peu plus et elle n’en avait pas le courage. Son
T-shirt, d’ailleurs, outre qu’il était une insulte à la mode,
devait être dans un état innommable. Elle jeta un coup d’œil à son
associé. Celui-ci était aussi impeccable et propre sur lui qu’au
moment où ils avaient embarqué sur ce maudit aéroplane, la veille
au soir. Il devrait y avoir une loi contre ça. Ce devait être une
aptitude de Talent particulière et encore inconnue, qu’il lui
aurait dissimulée toutes ces années.
Sergueï haussa les épaules et s’arrêta pour
l’attendre.
— Ce n’est pas un aéroport très fréquenté, je
suppose. Principalement des hommes d’affaires. Les touristes
doivent débarquer à Rome.
— Pourquoi n’avons-nous pas fait la même chose
?
Non qu’elle y attachât une quelconque importance —
tous les vols étaient un cauchemar, quelle que fût leur
destination.
— Ce n’est pas moi qui ai pris les arrangements,
Geneviève.
Sa voix était subitement
devenue sèche. Elle préféra se taire. Lui non plus n’avait pas
beaucoup dormi, et un Sergueï privé de sommeil était aussi commode
qu’un vieil ours. Passant de nouveau la langue sur ses dents, elle
fit la grimace. C’était dégoûtant, à peine humain. Elle savait que
son flacon de bain de bouche était dans sa trousse. Si seulement
elle pouvait le convaincre de faire une pause, qu’elle puisse faire
un saut aux toilettes…
Sauf qu’elle ne voyait nulle part de toilettes.
Ravalant un soupir, elle empoigna son sac fourre-tout, assura sa
prise sur la valise à roulettes, et suivit son compagnon. Au moment
où ils arrivèrent à la douane, elle était en nage.
— Signore ? Signorina ? Vieni
con me, per favore.
Ils avaient atteint l’extrémité du couloir, et la
femme en uniforme, d’un âge imprécis et l’air de s’ennuyer au-delà
de tout, leur indiquait du doigt un groupe de personnes qui
attendaient patiemment en formant plusieurs files.
Sergueï tira gentiment sur la manche de Wren et la
dirigea vers l’une d’elles. Elle cligna des yeux et lui sourit, son
ressentiment oublié.
— Ils parlent italien !
— Bienvenue en Italie.
Il lui prit son passeport des mains, vérifia les
coupons de voyage, puis les joignit aux siens. C’est à peine si
elle s’en rendit compte.
— Non, je sais, mais… C’est si bien organisé
!
Très bien. Donc, oui elle avait compris qu’elle se
rendait dans un pays étranger. Et qu’on y parlait une autre langue.
Elle avait grandi à deux pas de Manhattan, et
entendre des idiomes différents faisait partie de son quotidien.
Mais là, tout un pays…
Une pensée lui vint soudain à l’esprit. Elle
tendit à demi la main, avec cette sensibilité interne qui faisait
d’elle un Talent, afin de tester l’installation électrique de
l’endroit. Doucement, avec précaution, juste au cas où.
— Heuh.
Sergueï se tourna vivement vers elle, et elle
comprit qu’elle s’était exprimée à voix haute.
— Quoi ?
— Rien. Je me disais… En fait, je pensais que le
courant serait différent, mais ce n’est pas le cas.
Elle haussa les épaules, tout à coup
embarrassée.
— Enfin, si. En fait, les voltages sont
différents, le flux aussi, comme un ruisseau contre une rivière
contre un… Peu importe. Je croyais que…
— Qu’il aurait un accent ?
Elle le foudroya du regard. Comme de bien entendu,
il la regardait avec ce petit sourire amusé qui l’agaçait
tant.
— Ouais, c’est ça ! Je croyais qu’il aurait un
accent.
Il éclata alors carrément de rire, et l’idée de
lui envoyer la pointe de sa chaussure sur le tibia traversa
brièvement l’esprit de Wren.
— Te donner ce que tu mérites serait te faire trop
d’honneur, grommela-t-elle.
— Je suis navré. Vraiment navré.
Honnêtement.
Ce qui ne l’empêchait pas de continuer à
glousser.
Mais elle ne parvenait pas à être fâchée. Un
Sergueï souriant était toujours mieux qu’un Sergueï grognon, surtout quand des types en uniforme affichant un
ennui sidéral leur faisaient signe d’avancer.
— Signore ?
— Je crois qu’on nous appelle, dit-elle en
envoyant à son associé un coup de coude dans les côtes, avant de
pointer le menton en direction du comptoir douanier.
— Tu as raison.
Il attrapa ses sacs et s’avança, Wren sur ses
talons.
— Buon giorno.
— Buon giorno. I passaporti
?
Sergueï tendit les passeports et les formulaires
d’entrée. Le douanier y jeta un regard superficiel.
— Vieni in Italia per affari
commerciali o come turista ?
— Affari.
L’attention de Wren se mit à errer. Ayant touché
le courant qui circulait ici, elle en avait une conscience aiguë.
S’y tremper devait être presque aussi agréable qu’une douche.
Puis la vue du gardien armé qui se tenait juste
derrière le portillon de sécurité, clairement prêt et entraîné à
faire face à toute éventualité, aiguillonna d’un coup ses nerfs
rendus atones par la fatigue.
« Hm, vaut mieux pas. A un endroit moins…
stressant, peut-être. »
La tension qu’elle percevait dans cet aéroport
était différente de celle qui régnait là-bas, chez elle, mais
c’était toujours un aéroport, et semer la pagaille dans un aéroport
était toujours une très mauvaise idée. D’autant plus qu’elle ne
connaissait personne de la Cosa en ville, à supposer que
l’organisation y fût représentée. Oh ! C’était
là un détail qu’elle n’avait pas prévu. Non qu’il fût d’une grande
importance ici, mais lorsqu’ils seraient parvenus là où ils
devaient aller, il lui faudrait en avoir le cœur net, et voir si
elle pouvait rencontrer quelqu’un, peut-être obtenir un plan de la
région. Il serait grossier de se trouver en ville sans même passer
dire bonjour, n’est-ce pas ?
Sergueï la poussa du coude, lui signifiant qu’ils
en avaient terminé, avant de la diriger vers les portes et
l’intérieur du terminal. Il y régnait le bruit et l’activité
qu’attendait Wren, quand bien même l’endroit était relativement
désert, lui aussi.
— Du café ! s’écria-t-elle en s’avançant, avant de
s’arrêter net. Un distributeur de billets d’abord, le café ensuite.
Mais… Quelqu’un ne devait-il pas venir nous accueillir ?
Sergueï jeta un regard autour de lui.
— Si.
Plongeant la main dans son sac, il en ressortit le
dossier bordeaux.
— Une certaine Marina Fabrizio. Elle est censée
être notre contact ici.
— Bien, tu la cherches, et pendant ce temps je me
trouve un distributeur et nous prends du café. Comment, le tien
?
— Un double espresso,
s’il te plaît. Avec deux sachets de sucre.
— Un double ? s’étonna-t-elle, l’air
dubitatif.
Sergueï était un buveur de thé. Quand il prenait
du café, c’était à contrecœur et sans réel plaisir.
Très bien. Un double, avec un rab de sucre.
Sergueï regarda Wren s’éloigner dans le terminal,
se glissant comme un fantôme entre les voyageurs. Statistiquement
parlant, son associée était un être ordinaire, avec un O majuscule.
Bien faite mais pas d’une manière qui attire les regards importuns,
les cheveux châtains, les yeux marron, et un teint… un teint de
crème glacée à la vanille. Avec la saveur, s’il vous plaît. Mais à
moins d’y avoir goûté, tout à fait ordinaire lui aussi. Si l’on
ajoutait à cela sa capacité à distordre le courant, de sorte à
créer un champ de force où elle passait, alors, véritablement
inaperçue…
Quelques années auparavant, elle lui avait affirmé
que lorsqu’elle se branchait sur le courant, elle pouvait se
teindre en bleu, se couvrir de clochettes et valser nue au beau
milieu de Grand Central Station à l’heure de pointe sans que
personne ne la remarque. Il l’avait alors crue. Aujourd’hui il
considérait cela comme un fait. Même si elle ne s’était encore
jamais livrée à cette petite fantaisie… A sa connaissance, du
moins.
Sergueï la suspectait également, malgré les trois
mots d’italien qu’elle connaissait, de ne rencontrer aucun problème
pour trouver un distributeur de billets, se faire servir deux
espresso, et pourquoi pas, pendant
qu’elle y était, trouver leur hypothétique contact. Inaperçue ne
voulait pas dire sans ressources. Loin de là. Il avait convaincu
André de le laisser l’accompagner sous prétexte qu’il était le plus
doué des deux pour les langues. La vérité…
D’un geste agacé, il
fourragea dans ses cheveux. La vérité, c’était que leur… relation,
à défaut d’un terme plus approprié, était beaucoup trop fragile
pour qu’il se permette de la perdre de vue trop longtemps. Ou
réciproquement.
Ce n’était pas qu’il craignait qu’elle se fasse
draguer et harceler par le classique fringant séducteur italien,
mais il était toujours réticent à l’idée de la laisser se promener
seule. Tant qu’ils n’auraient pas dépassé cette situation à la « Je
t’aime moi non plus » dans laquelle ils s’étaient fourrés. Ces
derniers mois avaient été infernaux. D’abord sa blessure par balle,
et sa convalescence… les choses s’étaient alors bien passées. Il
avait pris son temps, découvert la douceur de sa bouche, la joie
simple de pouvoir la tenir entre ses bras pendant qu’elle se
reposait. Mais dès qu’elle s’était rétablie, tout avait tourné au
vinaigre.
Par sa faute. Il le savait. Il avait passé trop
d’années à stagner sur le plan émotionnel. Volontairement. A tâcher
de ne pas réitérer la seule et impossible erreur qui l’avait
éloigné du Silence. Pourtant, elle était parvenue à se glisser dans
sa peau et dans son cœur. D’une manière qu’il était hasardeux de
qualifier d’« amitié », ou même d’« association ».
Le temps de la dénégation est passé, vieux.
Terminé, fini, over.
Il espérait que ce voyage, loin des schémas
préétablis dans lesquels leur association était tombée, leur
permettrait de cesser de trop penser les choses, pour simplement
les vivre. On verrait bien ce que ça donnerait, mais louvoyer comme
il le faisait allait finir par le tuer. Et il
doutait que les choses se passent beaucoup mieux de son côté à
elle.
Sentant un début de raidissement dans les épaules,
il se força à les détendre, plia et déplia les doigts en direction
du sol, tentant de se souvenir des exercices de base d’«
enracinement », que Wren lui avait appris dans les premiers jours
de leur collaboration professionnelle. L’enracinement était
essentiel pour un Talent, qui tirait l’essence magique de
l’électricité pour la renvoyer à travers son corps. Pour lui,
c’était une façon de déstresser, d’expulser l’anxiété par les pores
de sa peau de la manière dont Wren lui avait dit qu’elle manipulait
le Courant.
Dieu merci, songea-t-il une fois encore, elle
avait été capable de le faire dans l’avion. A l’aéroport, sa seule
inquiétude avait été qu’ils fussent retardés à cause d’une panne
spectaculaire ou d’un black-out total dû à un manque de contrôle de
sa part. Dans un avion, en revanche…
Mais il avait soigneusement gardé ses craintes
pour lui, et elle avait assuré à merveille. Même s’il la suspectait
de ne pas être étrangère aux clignotements intempestifs du film
projeté à bord durant les deux premiers tiers de sa
projection.
De toute façon il l’avait déjà vu.
— Où êtes-vous, mademoiselle Fabrizio ?
demanda-t-il à mi-voix, tout en survolant le terminal du regard. Je
n’aime pas ce genre de contretemps si tôt dans une mission.
Un bon Opérateur préparait ses agents à toute
éventualité. Les renseignements qu’André lui avait fournis étaient
beaucoup plus sommaires qu’il ne l’avait laissé entendre à Wren, et en deçà des standards du vieil
homme, pour autant qu’il s’en souvînt. Il était donc temps pour lui
de cesser d’être Sergueï l’homme d’affaires, ou même Sergueï
l’associé d’une Récupératrice, et de devenir l’Opérateur. De
conserver le contrôle. Et de maintenir sa confiance en l’agent en
activité.
Lorsqu’il jeta un regard à sa montre, la seule
information qu’elle lui donna fut qu’il avait oublié de changer
l’heure avant l’embarquement. Ôtant le mince objet d’or de son
poignet, il avança les aiguilles tout en cherchant des yeux
quelqu’un qui pourrait être leur comité d’accueil. Ou, mieux
encore, arborant une pancarte portant l’inscription : « Agents du
Silence ».
Il ne pensait pas toutefois qu’ils auraient cette
chance-là.
Lorsque Wren revint, chargée de deux tasses en
carton et d’une poignée de sachets de sucre, mais seule, il comprit
que la chance, en effet, n’était pas de leur côté.
— On nous a posé un lapin ?
— On dirait bien.
Se saisissant de la plus petite des tasses, il en
ôta le couvercle, puis y versa quatre sachets de sucre sans même
goûter son café. Plus prudente, Wren trempa avec précaution les
lèvres dans le sien, avant de subtiliser deux sachets intacts des
mains de son partenaire.
— De quoi vous faire pousser des poils sur tout le
corps, commenta-t-elle en mélangeant le sucre au breuvage, avant de
le goûter de nouveau. Mmmh, beaucoup mieux. Alors ?
— Alors quoi ?
Etait-il plus affecté par le décalage horaire
qu’il ne l’avait cru ? Le fait est qu’il avait
perdu le fil de ce qu’elle lui disait. Un second café,
peut-être…
Elle le considéra d’un air impatient.
— Alors de combien notre contact supposé est-elle
en retard ?
Ah oui. Voilà. Sergueï consulta de nouveau sa
montre, geste inutile dans la mesure où cinq minutes à peine
s’étaient écoulées depuis la dernière fois qu’il l’avait
fait.
— Deux heures depuis l’atterrissage, moins le
temps que nous ont pris les formalités douanières. Et celui pendant
lequel je t’ai attendue…
— Je me suis arrêtée aux toilettes, O.K. ?
répliqua-t-elle, avant d’exhiber ses quenottes. Plus de lichen. De
toute façon, je parie que cette nana ne se pointera pas. Pas toi
?
Il partageait son avis, mais ne voulait pas tirer
de conclusions hâtives. Faire faux bond à l’émissaire du Silence
lors de leur toute première mission serait plutôt malvenu. Avec la
pétulante agressivité qui la caractérisait, Wren était capable de
faire fi de tout ce qui ne représentait pas une menace pour elle,
mais l’aspect business était de sa responsabilité à lui, et cela
incluait la gestion politique et diplomatique des choses. Maintenir
sa confiance en l’agent en activité, soit. Mais demeurer
prudent.
— Elle a pu être retardée…
— De deux heures ? Et elle n’aurait pas pu se
faire remplacer ? Ou peut-être, je ne sais pas moi, nous prévenir
par téléphone ?
Il se crispa, avant de décrocher le portable
clipsé à sa ceinture. Non, il n’était pas
éteint. Bien. Porter un téléphone cellulaire à proximité de Wren
était toujours risqué, mais rester joignable était plus important.
Et elle n’avait jamais manqué de l’avertir avant un afflux
important de Courant, de sorte qu’il puisse l’éteindre à temps.
Enfin, presque jamais.
— Sergueï, y a-t-il quoi que ce soit qu’elle
puisse avoir à nous dire dont le Silence n’aurait pu nous informer
directement ou par téléphone ? Ou, pourquoi pas, qui aurait pu être
laissé à notre hôtel ?
Il secoua la tête.
— C’est peu probable. Je veux dire, il est peu
probable qu’ils… Ou plutôt qu’elle… Et puis zut.
Il laissa tomber, l’air désespéré, avant d’avaler
cul sec le reste de son café. Le liquide était lourd et amer, et le
sucre ajouté ne facilitait guère son ingestion. Mais il le sentait
pratiquement fouetter ses neurones et les faire tourner à plein
régime.
— Alors qu’ils aillent se faire voir, eux et leur
contact ! pesta Wren en écrasant sa tasse dans son poing, avant de
chercher des yeux une poubelle. Partons.
Il lui répugnait de se défausser ainsi, même si
cette Mlle Fabrizio ne s’était pas manifestée, mais elle avait
raison. Ce contact était sans doute plus une mesure de politesse
qu’autre chose. Et ils avaient attendu. Le plus important à présent
était de gagner le monastère où le manuscrit avait disparu, et
d’entamer leurs recherches. Toute information que le Silence aurait
besoin de leur communiquer pourrait l’être via le bureau de Milan, qui s’était également
chargé de leur fichue réservation d’hôtel. Cela dit, avant de se
rendre à cet hôtel, il serait sans doute mieux
avisé de dénicher un cybercafé et de consulter leur boîte e-mail.
Il lui ôta la boule de carton des mains, la jeta avec sa propre
tasse dans une poubelle proche, puis baissa les yeux sur leurs
bagages.
— Par ici, dit-il enfin en la guidant vers
l’ascenseur.
Ils descendirent deux étages, puis empruntèrent un
passage couvert qui les mena au bureau de location de
véhicules.
— Attends-moi ici, lui commanda-t-il en déposant
leurs effets dans un coin. Si mes souvenirs sont bons en ce qui
concerne la bureaucratie italienne, ça va prendre des
siècles.
Ses craintes, toutefois, se révélèrent infondées,
et c’est dans un délai plus que raisonnable qu’il rejoignit Wren.
Reprenant leurs bagages, ils trouvèrent sans trop de problèmes la
voiture qui leur avait été allouée.
A peine eut-il déverrouillé les portières qu’il se
figea.
— Bon sang. J’avais oublié ça.
— Oublié quoi ?
Wren déposa son sac fourre-tout sur le siège
arrière de la berline bleu nuit et se tourna vers lui.
— Une B.M.W. Cool !
— Ne t’emballe pas, répondit-il. Elles sont aussi
courantes ici que les Chevrolet chez nous. Et je n’ai pas conduit
outre-Atlantique depuis si longtemps que j’ai oublié de demander un
véhicule à boîte automatique.
Les sourcils froncés, elle tripota la courte
tresse qu’elle s’était confectionnée durant le voyage.
— Moi si. Mais ça fait des lustres que je n’ai pas
eu à le faire…
« Maman ! », fut le seul commentaire de son
associée tandis qu’elle se glissait sur le siège passager et
bouclait sa ceinture de sécurité.