CHAPITRE XV

 

Anakin fonçait au-dessus d’une mer de nuages verts. L’illusion était presque parfaite, avec le soleil rouge qui sombrait à l’horizon. Mais les vrais nuages étaient orange et ambre.

Évènement assez rare, la nuit tombait – la première depuis les trois jours standard du départ d’Anakin du site du crash.

Mais les nuages verts étaient une illusion dangereuse. En réalité, il s’agissait de la cime des arbres. S’il la touchait à cette vitesse, il n’éprouverait pas la légère sensation de turbulence et d’humidité que produit le passage dans un nuage. Il démolirait son speeder de fortune, se brisant sans doute les os du même coup.

S’en remettant à la Force, il sentit la forêt sous lui, attentif à garder ses distances.

Voler était merveilleux ! Par moments, Anakin oubliait ses tracas, ce qu’il faisait, où il allait... Il se surprit à chercher la manette des gaz, pour accélérer encore et sentir le vent picoter ses joues...

Mais la manette était déjà à fond. Le speeder fonçait au maximum de ses capacités. Anakin l’avait bricolé de son mieux. Mais rien n’aurait pu transformer en étalon du ciel des répulseurs récupérés sur une aile A et soudés à un châssis inélégant... Sur le siège de pilotage fixé au sommet de l’étrange structure, Anakin avait quatre commandes à sa disposition : un interrupteur, une manette des gaz, un levier de répulsion et une barre reliée à un grand gouvernail en aluminium. Bref, pas l’appareil le plus maniable qu’il eût jamais piloté, ni le plus rapide. Il l’emmènerait tout de même à destination plus rapidement qu’en marchant ou en attendant la réparation du transporteur...

Anakin utilisa la Force avec l’espoir de contacter Tahiri. Elle se morfondait dans l’obscurité, en proie à la douleur...

Anakin...

Il sursauta. Son nom avait clairement résonné dans son esprit.

— J’arrive, Tahiri..., murmura-t-il. Anakin...

Les syllabes se brouillèrent, transformées en émotions brutes. La peur, le chagrin, l’espoir... Il projeta son esprit vers la prisonnière, avec l’équivalent mental d’une caresse.

Et fut aspiré dans une étreinte désespérée.

Je te trouverai, dit-il. Tiens le coup !

Non !

L’implorait-elle de rester loin d’elle ? Ou réagissait-elle à la souffrance qui brisa leur contact, le laissant de nouveau seul avec la cime des arbres... ?

Il ne subsista rien de Tahiri. Pas une trace de sa présence.

— Tout ira bien. C’est promis !

Il eut l’impression de voir une étoile très lointaine dans le ciel.

— Jaina... Bonjour, Jaina ! Avait-elle capté son aura, elle aussi ?

 

Les jours passèrent, tous aussi monotones. La forêt se transforma en savanes et en marais, puis l’océan apparut, scintillant comme du cuivre poli sous la lumière de Yavin. Anakin regarda les traces en forme de V laissées par des monstres marins inconnus, dont il apercevait la silhouette indistincte dans les abysses. Il vola nuit et jour, dormant seulement par intermittences, grâce à la Force.

Il avala sa dernière ration dix jours plus tard. Quarante-huit heures après, il n’avait toujours pas faim. Il se sentait léger et puissant, à l’instar d’un éclair qui aurait pris forme humaine...

Il avait besoin d’eau, et s’arrêtait pour en distiller chaque fois que son corps en réclamait. Mais il passa le plus clair de son temps à voler.

Qu’arrivait-il à Tahiri pendant ce temps ?

Il devait à tout prix lui redonner espoir.

 

Yavin éclipsa le soleil puis descendit à l’horizon. Anakin fut plongé dans les ténèbres. Fatigué, il avait presque décidé de s’octroyer du repos quand un bruit étrange attira son attention. Il crut d’abord à une hallucination auditive, puisqu’il ne percevait rien dans la Force... Le bruit se fit plus fort. Il rouvrit les yeux...

À une cinquantaine de mètres, un objet sombre de grande taille le suivait.

Un objet qui n’existait pas dans la Force.

— Par l’enfer..., marmonna Anakin.

Il l’étudia. Le véhicule était moins grand qu’un corail skipper, mais guère plus petit... Un analogue de speeder ? Mieux adapté aux vols atmosphériques que les vaisseaux qu’Anakin avait vus jusque-là ?

Sans voir distinctement ses formes, il aurait juré qu’il était de grande taille. Se trompait-il ?

L’instant suivant, l’objet changea de cap. Leurs trajectoires convergèrent.

— Malédiction ! marmonna Anakin.

Il régla la commande des répulseurs aux deux tiers. Son appareil passa dans un espace minuscule. Une branche se prit sous un coin du speeder, le renversant. Sans gyro pour corriger le mouvement, Anakin sentit le speeder tomber comme une pierre. Il utilisa la Force sur le speeder, le forçant à se retourner...

Le type de comportement que son frère lui reprochait toujours.

— La Force n’est pas un vulgaire outil qui sert à souder des bouts de métal !

Mais sans ce réflexe, Anakin aurait un cadavre désarticulé gisant au pied des arbres...

Il stabilisa l’appareil dans les branches. Son gouvernail trop rudimentaire ne permettait pas le genre de pilotage qui lui aurait permis de slalomer entre les grands arbres à pleine vitesse. Il laissa la Force guider ses mains...

Ses oreilles l’alertèrent. Quelque chose s’écrasa dans les frondaisons, derrière lui. Sa nuque se hérissa.

Qui était son adversaire ? Un vaisseau vivant ? Un animal ?

Il descendit encore, tourna abruptement, se glissa entre deux arbres et en accrocha un au passage... Le bourdonnement insolite se rapprocha.

Comment fait-il pour y voir ? se demanda Anakin.

Des infrarouges ? Ou, puisque les Yuuzhan Vong ne juraient que par la technologie biologique, le vaisseau adverse l’avait-il senti ?

Peu importait, l’ennemi le talonnait. Plus rapide, il était cependant moins maniable à cause de sa taille supérieure.

Anakin entendit un sifflement. Ce n’était pas une branche, ni rien de détectable dans la Force... Il se lança dans une série de tonneaux, frôlant les arbres et se glissant dans les brèches les plus étroites.

Des formes obscures le frôlèrent, sifflant entre les feuilles... Puis quelque chose saisit le speeder et l’immobilisa en plein vol.

Anakin ne s’arrêta pas. Emporté par l’élan du speeder, il fut projeté dans la nuit comme une fusée de chair et de sang. Roulé en boule, il ralentit son vol grâce à la Force et se réceptionna sur une branche maîtresse.

Pivotant, il se retrouva face à... un trou noir.

Un tentacule jaillit pour s’enrouler autour de sa taille... Avec un cri rauque, il activa son sabre laser et le frappa à l’instant où le tentacule se rétractait. Le filament, pourtant moins épais qu’un pouce, résista au premier coup mais céda au second.

Délogé de sa branche, Anakin tomba... Yeux clos, il se propulsa vers une nouvelle branche, s’en servant comme d’un tremplin... Mais un autre filament le happa au vol. Il eut beau réagir en le coupant aussi, un troisième s’enroulait déjà autour de lui... Il le tronçonna de plus belle.

Alors, il constata que les morceaux du tentacule, loin de se détacher et de tomber de leur proie, lui restaient collés dessus...

Si ça continuait...

En se réceptionnant sur la branche suivante, Anakin se propulsa vers le haut, conscient de l’appel d’air soulevé par plusieurs filaments, sous lui. Il visa le « trou noir dans la Force » et sauta.

Il ignorait où il atterrirait... Rebondissant sur la coque du vaisseau, il glissa vers la queue de l’engin et tomba. Il se raccrocha un instant à une masse saillante, avec un étrange sentiment de désorientation  – comme si son oreille interne l’informait soudain que le bas se trouvait dans deux directions... . Ou comme s’il se dressait à la lisière de deux pesanteurs différentes...

Il comprit. Quel que soit l’engin ennemi, à l’instar de tous les vaisseaux yuuzhan vong, il était propulsé par un basal dovin.

Anakin était suspendu près de la créature qui générait des anomalies gravifiques !

Le vaisseau frémit et se renversa. Le jeune Jedi perdit pied. Les Yuuzhan Vong et leurs créatures n’existaient pas dans la Force. La pesanteur, oui ! Et cela lui permit de s’orienter.

En tombant, il lança vers le haut son sabre laser qu’il guida avec la Force. Il frappa au cœur de l’anomalie gravifique, soulevant une pluie d’étincelles. Et vit son sabre laser exploser dans une boule de lumière pourpre...

Concentré sur l’arme, Anakin rebondit contre une branche et tomba comme une poupée de chiffon. En dépit de la douleur, il localisa le sol de la forêt et poussa...

Jusqu’à ce que le sol le repousse aussi...

Le souffle coupé, roulé en boule, Anakin tenta d’aspirer l’air qui se refusait à lui.

Quand il reprit conscience, il était couvert d’hématomes impressionnants... À l’aube, il quitta son refuge, au creux d’un arbre, et examina son nouvel environnement.

Le vaisseau yuuzhan vong était tombé à quatre-vingts mètres de là. On eût dit une créature marine plate munie d’ailes. Son cockpit, une bulle transparente, abritait un pilote mort.

Anakin ne s’était pas trompé au sujet du basal dovin, similaire aux plus grands, exception faite du trou béant et suintant...

Son sabre laser ne fonctionnait plus.

— Super..., marmonna-t-il. Plus d’arme ! Voilà qui est parfait.

Il retrouva les restes de son speeder, toujours attaché au câble émergeant de l’appareil yuuzhan vong. Une brève inspection lui confirma que l’engin était irrécupérable.

Il continua à pied.

Star Wars [Le Nouvel Ordre Jedi-07] - [L'aurore de la victoire T1] - Conquête
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