CHAPITRE II

 

Luke Skywalker se laissa tomber sur le fauteuil de son bureau. Il regarda le paysage nocturne, ou ce qui en tenait lieu sur Coruscant : un ciel illuminé par les transporteurs et les véhicules aériens. Combien de milliers d’années s’étaient écoulés depuis la dernière étoile qu’on avait aperçue dans le ciel de la cité-monde ?

Sur Tatooine, les étoiles étaient des diamants brillant dans la nuit, pleines de promesses pour le gamin qui attendait plus de la vie que de vieillir dans une ferme. Elles représentaient l’univers. Son amour des étoiles expliquait tout ce que Luke était devenu. Maintenant, au cœur d’une galaxie pour laquelle il avait tant guerroyé, les revoir lui était devenu impossible.

Quelque chose, dans la Force... Une étreinte...

— Entre, Mara.

— Reste assis, dit son épouse. Je te rejoins.

Elle s’installa dans le fauteuil voisin du sien. Il se surprit à reculer.

— Eh, Skywalker, je ne viens pas te tuer !

— Charmant ! grogna Luke.

— Ce n’est pas l’envie qui m’en a manqué, pourtant ! Par exemple, quand je vomis mon petit déjeuner, que mon humeur change cent fois en vingt minutes, ou que mes chevilles enflent comme celles d’un sanglier gamorréen... Lorsque je commence à ressembler à un Hutt, je conseille aux responsables de mon état de se planquer !

— Un instant ! J’ai été aussi surpris que toi, rappelle-toi ! Ton dernier plan visant à m’éliminer est à la base de tout ça, ta grossesse incluse. Continue, et nous aurons bientôt dépassé Yan et Leia !

Mara ricana.

— Mon chéri, fit-elle d’une voix faussement ingénue, tu es la lumière de ma vie et je t’adore ! Mais si tu m’infliges encore ça, je te désintègrerai !

Elle lui serra gentiment la main.

— Que puis-je pour toi, chérie ?

— Dis-moi donc ce qui ne va pas.

Il haussa les épaules.

— Les Jedi, bien entendu... Nous sommes en plein schisme. La galaxie se détourne de nous, et voilà que nous nous retournons les uns contre les autres.

— Dommage que je n’aie pas réglé son compte à Kyp il y a quelques années, soupira Mara.

— Ne dis pas ça, même en plaisantant. Et ce n’est pas la faute de Kyp, c’est la mienne. Tu me l’avais expliqué, tu t’en souviens ?

— Je me rappelle t’avoir remis les idées à l’endroit sur un sujet ou deux... Ça ne signifie pas que Kyp ait raison.

— Non. Mais quand les enfants se comportent mal, cela n’en dit-il pas long sur les parents ?

— Tu choisis bien le moment de m’avouer que tu seras un père déplorable ! Ou penses-tu que je ne serais pas une bonne mère ?

Sous le badinage de sa femme, Luke sentait une soudaine dépression, mêlée de crainte et de colère.

— Mara ? C’était une métaphore.

— Ce n’est rien. Continue.

— Non, ce n’est pas « rien ».

— Les hormones, les sautes d’humeur... C’est très exaspérant, mais ça n’a rien à voir avec toi, Skywalker. Continue. En passant sur la métaphore parentale.

— D’accord. Mes enseignements ne sont pas assez bons puisque les autres se tournent vers Kyp en quête de solution.

— Nous sommes trahis et traqués. Kyp a donné une réponse aux Jedi. Pas toi.

— Alors, tu es d’accord avec lui ?

— Attendre tranquillement la suite des évènements est devenu impossible. Au fond, tu le sais autant que nous tous. Mais tu ne le proclames pas assez clairement. Kyp a donné aux Jedi une vision aussi simple et claire... qu’erronée. Et nous ? Un mélange confus d’assurances et d’interdits. À ce stade, il s’agit d’avancer une stratégie, pas de s’enferrer dans les nobles considérations !

— Nous ?

— Toi et moi, Skywalker. Où tu iras, j’irai.

Sa présence dans la Force effleura celle de Luke, le faisant frissonner. Sa chaleur féminine repoussait le froid des doutes et du chagrin. Luke pouvait-il se permettre de douter ? Et de le laisser sentir, fût-ce à sa femme ?

Détendu, il retrouva la force et la détermination, s’ouvrant à son épouse et se fondant avec elle dans le Côté Lumineux. Il la prit dans ses bras, ses doutes apaisés par les caresses de sa main et sa lumière intérieure.

— Je t’aime, Mara !

— Moi aussi.

— Il est dur de tout regarder s’effondrer.

— Ça n’arrivera pas. Tu dois le croire !

— Je dois être fort, montrer l’exemple... Mais, aujourd’hui...

— J’ai vu. Tu as eu un instant de faiblesse. Mais je crois être la seule à l’avoir remarqué.

— Non. Anakin l’a perçu aussi. Ça l’a beaucoup troublé.

— Tu te fais du souci pour lui ? Il t’adore. Il a toujours voulu te ressembler. Il ne prendrait pas le parti de Kyp.

— Ce n’est pas ce qui m’inquiète. Il ressemble plus à Kyp qu’il ne l’imagine. Il lui est déjà arrivé tant de choses, lui qui est si jeune ! Il s’estime responsable de la mort de Chewbacca, certain que Yan, au fond, lui en voudra toujours. Il a vu mourir Daeshara’cor. Il se sent coupable de la destruction de la flotte hapienne, à Fondor. Certains jours, toute cette douleur l’accable. Le chagrin et la culpabilité ne sont pas loin de la colère et de la haine. Sans compter qu’Anakin est fougueux, téméraire... Il se croit immortel, malgré tout.

— Voilà ce qui te gêne, devina Mara. Il te pense immortel, toi aussi.

— Il le pensait... Mais avec Chewbacca, il a compris que nous pouvions tous mourir. Ce drame l’a contraint à réviser tout ce qu’il tenait pour acquis.

— Je n’ai pas eu une enfance normale, rappela Mara. Mais ces évolutions douloureuses ne frappent-elles pas tous les enfants, un jour ou l’autre ?

— Oui. Sauf qu’il s’agit rarement d’aspirants Jedi. Et peu sont aussi doués qu’Anakin, ou autant enclins à utiliser la Force. Savais-tu qu’enfant, il a tué un serpent géant en arrêtant ses battements de cœur avec la Force ?

— Je l’ignorais.

— La vie de ses amis et la sienne étant en jeu, il a estimé qu’il n’avait pas le choix.

— Anakin est un garçon pragmatique.

— Voilà tout le problème, soupira Luke. Il a grandi parmi les Jedi. Il utilise la Force comme il respire. Pour lui, elle n’a rien de mystérieux. C’est un outil pratique.

— Jacen, d’autre part...

— Jacen est plus âgé, mais il a mûri dans le même contexte. Leurs réactions sont deux attitudes distinctes face à une situation donnée. Qu’ont-ils en commun ? La conviction que je n’ai pas vraiment tout saisi... Pire, j’en arrive à penser qu’ils n’ont pas tout à fait tort à mon sujet. J’ai vu...

Il s’interrompit.

— Quoi ? le pressa Mara.

— Plusieurs avenirs possibles... Quel que soit le dénouement du conflit, les Jedi de ma génération ne seront plus dominants. Un nouveau personnage se dressera sur la scène politique et galactique.

— Anakin ?

— Je l’ignore. J’ai peur d’en parler. Les déclarations se répandent, font des vagues dans la Force... Et ça influe tôt ou tard sur les évènements. Je commence à comprendre ce qu’éprouvaient Yoda et Ben ! Surveiller, guider en espérant ne pas avoir tort, rester lucide, fonder toute sa foi sur la sagesse...

Mara rit et l’embrassa sur la joue.

— Tu te fais trop de souci.

— Au contraire...

— Écoute plutôt ça ! dit Mara, lui prenant la main et la posant sur son ventre.

Elle l’enveloppa dans la Force. Leurs esprits mêlés enveloppèrent la nouvelle vie qui grandissait dans le corps de la jeune femme.

Luke « effleura » son fils.

Son cœur battait, flottant dans une « mélodie symbiotique liquide »... Singulières sensations... Un monde sans lumière baignant pourtant dans la chaleur et la sécurité.

— Extraordinaire, murmura Luke. Être tout ça pour lui...

— C’est fantastique et terrifiant ! Imagine... Si je fais une erreur ? Si ma maladie revenait ? Pire... (Elle s’interrompit.) En un sens, le protéger est facile pour le moment. Il me suffit de rester sur mes gardes, comme toujours. Ma vie est devenue la sienne. Mais à sa naissance, les choses changeront. Voilà ce qui m’inquiète.

— Tu t’en sortiras bien, c’est promis.

— Une promesse impossible à tenir, et tu le sais. Tu ne peux pas préserver indéfiniment les jeunes Jedi non plus. Tu vois ? Nos appréhensions se recoupent, Luke.

— Oui...

Ils regardèrent le ciel de Coruscant en silence. On frappa.

— Quand on parle du loup... Les enfants Solo.

— Je peux leur demander de partir.

— Non. Ils ont besoin de me parler. (Luke haussa le ton.) Entrez !

Il augmenta l’éclairage. Anakin, Jaina et Jacen entrèrent.

— Désolés d’avoir quitté la réunion, dit Jaina.

— Je savais ce que vous tentiez, et je vous remercie d’avoir essayé. Pour l’instant, Kyp suivra sa propre voie.

— Nous nous inquiétons pour l’Académie Jedi, avoua Jacen.

— Oui, renchérit Anakin. Si j’appartenais à la Brigade de la Paix et si je voulais capturer beaucoup de Jedi d’un coup...

— Tu irais sur Yavin 4. Bonne idée.

— Tu y avais pensé, comprit Anakin.

Luke hocha la tête.

— Oui. Mais depuis quelques jours seulement. J’étais si préoccupé que j’ai mis trop de temps à comprendre qu’il ne restait plus assez de Jedi confirmés dans le système de Yavin pour maintenir notre illusion protectrice.

— Que faire ? demanda Jacen.

— J’ai demandé à la Nouvelle République d’envoyer un vaisseau d’évacuation, mais les autorités traînent les pieds. Ça prendra peut-être des semaines.

— Impossible d’attendre si longtemps ! s’écria Jaina.

— Exact, répondit Luke. J’essaie de localiser Booster Terrik depuis. Le mieux, pour l’heure, serait d’évacuer l’Académie en laissant les enfants à bord de l’Aventurier Errant. Les transférer sur une autre planète ne résoudrait rien.

— Ils seront avec Booster ? demanda Anakin.

— Je n’arrive pas à le joindre. Je m’y efforce.

— Talon Karrde..., dit Mara.

— Parfait, fit Luke. Tu sais où le trouver ?

— À ton avis ? lança Mara.

— Mais la Brigade de la Paix est peut-être déjà sur Yavin, ou en chemin ! dit Anakin.

— C’est le mieux que nous puissions faire pour l’instant, insista Luke. La Brigade de la Paix ne connaît peut-être pas l’existence de Yavin 4. Au pire, il y a sur place Tionne, Kam et maître Ikrit. Ils ne sont pas sans défenses.

— L’emplacement de Yavin 4 n’est pas le secret le plus jalousement gardé de la galaxie ! rappela Jacen. Et si l’illusion s’est dissipée, que pourront trois Jedi contre un vaisseau de guerre ? Il faut y aller !

— Hors de question ! trancha Luke. J’ai besoin de vous ici, et, avec nos têtes mises à prix – surtout la tienne, Jacen –, partir seuls serait jouer avec le feu. Vos parents ne me pardonneraient jamais de vous avoir envoyés là-bas.

— Contacte-les, suggéra Jaina.

— Non. Ils restent incommunicado pour le moment, et ça risque de durer.

— Ne devrions-nous pas au moins vérifier le Praxeum ? insista Jaina. En restant à la frontière du système jusqu’à l’arrivée de Talon Karrde, et en revenant au rapport s’il y a du nouveau ?

— Vous avez tous hâte de passer à l’action. Surtout toi, Jaina... Mais tes yeux ne sont pas entièrement guéris...

— Pas selon les normes de l’Escadron Rogue, peut-être. Mais j’y vois assez pour piloter.

— Admettons. Je ne pense toujours pas que vous envoyer sur Yavin serait souhaitable. Il y a des travaux importants à accomplir ici. Ne venez-vous pas de le dire à Kyp ?

— Oui, oncle Luke, admit Jacen.

— Anakin ? Tu es bien silencieux.

Anakin haussa les épaules.

— Qu’aurais-je à ajouter ?

— Je suis content que vous réfléchissiez à la situation, tous les trois. Nous sommes d’accord : l’Académie est un de nos points les plus vulnérables. Ne croyez pas que j’aie pensé à tout. Ce n’est pas le cas. La réunion reprendra demain matin...

Les trois adolescents partis, Mara se tourna vers Luke.

— Ils ont peut-être raison.

Luke soupira.

— Oui. Mais j’ai le sentiment que ceux qui se rendront sur Yavin 4 devront le faire à la tête d’une flotte – ou ils n’en reviendront pas. J’ai appris à me fier à mes intuitions.

— Tu aurais dû le leur dire. Il eut un sourire ironique.

— Dans ce cas, ils auraient déjà filé sans attendre !

Mara lui prit la main.

— Je vais contacter Karrde. (Elle tapota son ventre.) En attendant, Skywalker, trouve-moi quelque chose à manger. De gros et de bien saignant !

 

Anakin vérifia les indicateurs.

— Comment ça se présente, Fiver ? demanda-t-il, étudiant l’affichage du cockpit.

SYSTÈMES EN ÉTAT OPTIMUM, répondit l’unité R7 sur l’écran.

— Parfait. Pendant que je me procure l’autorisation de décoller, calcule le premier saut pour le système de Yavin.

L’autorisation ne fut pas aisée à obtenir. Anakin dut même fabriquer un code qui lui permettrait de décoller sans vérification – et sans alerter son oncle.

Cette fois, Luke se trompait. Il le sentait dans chaque fibre de son être. Les aspirants Jedi couraient de graves dangers ! Talon Karrde n’arriverait pas à temps. Peut-être était-il déjà trop tard.

Bizarre que son oncle considère toujours Anakin comme un enfant... Il avait tué des Yuuzhan Vong, vu des amis mourir et entraîné la mort d’autres amis. Il avait sur la conscience la destruction de nombreux vaisseaux, disparus corps et biens.

L’entourage adulte d’Anakin s’aveuglait sur sa véritable nature, refusant d’ouvrir les yeux. On voulait voir les apparences. Pas au-delà.

Sa mère ou oncle Luke, qui avaient pourtant la Force pour eux, entretenaient l’illusion...

Tante Mara comprenait probablement, elle qui n’avait jamais vraiment été une enfant. Mais elle devait tenir compte de Luke, prendre ses sentiments en considération...

Ils seraient furieux. Anakin aurait pu expliquer à son oncle le sentiment qu’il avait éprouvé à travers la Force... Cela aurait-il suffi ? Même s’il l’avait convaincu de la nécessité d’une intervention, Luke aurait peut-être désigné un Jedi plus âgé. Anakin en était convaincu : il devait y aller en personne. Sinon, sa meilleure amie serait condamnée à un sort pire que la mort.

Il  n’était plus certain de grand-chose... Sauf de ça.

— Autorisation de décoller accordée, annonça le contrôle du spatioport.

— En route, Fiver, murmura Anakin. Les minutes sont comptées !

Star Wars [Le Nouvel Ordre Jedi-07] - [L'aurore de la victoire T1] - Conquête
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