CHAPITRE VII
— Par la bave d’un Hutt ! cria Remis Vehn quand le transporteur racla contre le mur du puits. Fais attention à mon vaisseau !
— Les commandes sont imprécises, répondit Anakin.
— Ben voyons ! Tu pilotes comme un Twi’lek bourré d’épice !
— Taisez-vous ! cria Tahiri, ou nous vous bâillonnerons !
Vehn glapit quand le vaisseau s’accrocha de nouveau. Le passage était moins grand qu’Anakin ne l’avait cru.
Ils atteignirent tout de même les eaux fumantes de la source souterraine. Anakin déploya la rampe d’embarquement... Un instant plus tard, Ikrit et les deux aspirants Jedi étaient à bord.
— Attachez-vous !
Anakin poussa la commande des répulseurs. Le vaisseau remonta.
Un crissement de métal emplit leurs oreilles. Le vaisseau frémit.
— Tu as oublié la rampe ! cria Vehn. Tu ne l’as pas remontée !
Anakin appuya sur la touche de commande de la rampe. Trop tard. Un bruit de métal torturé...
— Super ! marmonna-t-il.
— Je crois que nous allons avoir des problèmes, soupira Tahiri.
— Une rampe non rétractée, ce n’est pas ça qui nous arrêtera ! Nous arrangerons ça plus tard.
— Je parlais d’autre chose, précisa Tahiri, un index tendu vers le hublot du cockpit.
Quelque chose occultait le soleil.
— Malédiction ! Ils ont plaqué un gros vaisseau contre le trou !
— Continue, murmura maître Ikrit.
— Mais...
— Continue, insista le minuscule Jedi.
Accroupi, les yeux fermés, il respirait le calme et la certitude. Anakin sentit un soudain afflux de Force.
— Vous devriez vous attacher, maître.
— Pas le temps...
— Comme vous voudrez.
Anakin poussa les gaz à fond. Cahotant, le transporteur fonça sous le ventre de l’appareil ennemi...
— Il le soulève ! s’écria Tahiri. Maître Ikrit soulève le cargo au-dessus du trou !
Le cargo était déjà à quatre-vingts mètres de distance du puits quand les fuyards en jaillirent. Les moteurs crachaient en vain des flammes... Le vaisseau ennemi ne bougeait plus d’un pouce.
Autour du trou se massaient d’autres navires, et des hommes à pied bloquaient tous les côtés sauf un. Anakin fonça vers la brèche sous un feu nourri.
— Mon vaisseau ! brailla Vehn quand le pont s’inclina.
Sans sourciller, Anakin slaloma entre les tirs, à l’instant où deux autres bâtiments se positionnaient pour refermer la nasse.
— Aidez maître Ikrit à repousser encore le cargo ! lança Anakin aux jeunes Jedi.
— Maître Ikrit est parti, répondit Valin. Il a sauté par l’écoutille.
— Quoi ?
— Le voilà ! cria Tahiri en désignant quelque chose, dehors.
Ikrit marchait vers les vaisseaux qui bloquaient le passage : une corvette et un cargo léger. À son approche, ils s’écartèrent, comme repoussés par deux mains géantes...
— Je n’en crois pas mes yeux ! souffla Anakin.
Il fonça vers la nouvelle brèche. Des rayons laser crépitèrent… aussitôt déviés.
Le minuscule maître Jedi continuait d’avancer.
— Il ne tiendra plus très longtemps ! cria Anakin. Tahiri, rattrape-le avec la Force quand nous passerons à côté de lui !
— Ne t’en fais pas !
Mais la voix de la jeune fille tremblait trop pour qu’on croie à sa belle assurance.
À cet instant, un premier coup de blaster atteignit maître Ikrit. Anakin le sentit... une vague de clarté.
Ni douleur, ni crainte, ni regrets.
Seulement la compréhension.
Deux autres coups frappèrent Ikrit... Puis le vaisseau fut de nouveau vulnérable aux tirs ennemis. Avec un gémissement d’angoisse, Anakin lança le navire à travers le passage.
Au même instant, Tahiri sauta par l’écoutille ouverte, le sabre laser étincelant, et courut vers le maître Jedi.
— Non ! cria Anakin.
Il saisit les canons avant, les seuls à sa portée, et canarda les navires qui se glissaient entre Tahiri et lui. Ils ripostèrent. Anakin aperçut encore la jeune fille. Ikrit dans ses bras, elle courait à toutes jambes en tentant d’éviter les coups de feu... Le regard d’Anakin fut attiré par les pieds nus de Tahiri, dont la blancheur contrastait avec la terre foncée.
Le transporteur se renversa à demi sous le feu de l’ennemi. L’éclairage s’éteignit. Anakin se jeta sur les commandes pour rediriger l’énergie.
Quand les lumières revinrent, les bouchers avaient disparu.
— Valin, Sannah ! Que l’un de vous file dans la tourelle des lasers ! Vite !
Il fit la seule chose possible. Encore quelques secondes et ils seraient fichus. S’il voulait récupérer Tahiri, il lui fallait un plan...
Il poussa les moteurs et bondit au-dessus des autres vaisseaux qu’il mitrailla au passage. Sa perception de la Force au maximum, il évitait les rayons avant qu’ils ne jaillissent des canons ennemis, et devinait les faiblesses adverses pour mieux y placer des coups au but.
Les vaisseaux le talonnèrent. Anakin continua à grimper, conscient que Tahiri s’éloignait de lui... Mais elle était vivante.
Contrairement à maître Ikrit... Anakin sentait la vie du vieux Jedi le quitter, le traversant comme une brise.
Je suis fier de toi, Anakin... Souviens-toi : ensemble, vous êtes plus que la somme de vos personnes. Je t’aime. Adieu.
Anakin refoula ses larmes.
Tu pleureras plus tard ! Pour l’instant, tu dois garder les idées claires.
Un moteur avait des ratés... Avec un juron, Anakin le poussa à fond et refit grimper son vaisseau.
Il sentit la présence de Tahiri s’estomper.
Comme Chewie. Exactement comme lui !
Il orienta le transporteur vers l’ennemi le plus proche, une corvette. Puis il accéléra à fond.
— Tu vas tous nous tuer ! cria Vehn.
Anakin tira, remonta légèrement, et frappa la coque supérieure de la corvette comme une pierre lancée à la surface d’un lac. La collision les propulsa vers le haut avec un terrible cri de métal déchiré.
Puis la corvette tomba en chute libre.
Elle s’écrasa sur le Grand Temple.
L’instant suivant, le turbolaser entra en action. Anakin reprit de l’altitude, soucieux de s’éloigner au maximum – même si chaque mètre gagné sur l’ennemi contribuait à lui briser le cœur...
— Je reviendrai, Tahiri. C’est juré !
Haletant, Kam Solusar s’effondra contre la paroi suintante de la grotte. Près de lui, Tionne étouffa un cri d’angoisse.
Certains enfants, les plus perceptifs, fondirent en larmes, effrayés.
À tâtons, Kam chercha la main de Tionne puis la prit dans ses bras... Le cœur déchiré, il sentait le sel sur ses joues...
Tionne vivait tout si intensément ! Et avec un tel courage... Elle affrontait vaillamment les inconvénients qu’une approche pareille de l’existence ne manquait pas d’entraîner... C’était ce que Kam admirait et aimait tant en elle. Alors qu’il revêtait une armure pour se protéger de l’univers, elle absorbait les bleus à l’âme et les épreuves... pour les digérer et rendre le monde meilleur.
Ses blessures se refermaient et un nouveau chant naissait...
D’aucuns croyaient Tionne faible, jugeant ses pouvoirs dans la Force plutôt modestes.
Ils étaient loin du compte !
En réalité, Tionne était plus forte que lui.
— Maître Ikrit..., murmura-t-elle.
— Oui, répondit Kam, caressant sa chevelure argentée. Il savait ce qui l’attendait.
Ils restèrent ainsi quelques secondes, chacun puisant en l’autre amour et réconfort.
Tionne se dégagea la première.
— Les enfants ont besoin de nous. Nous sommes tout ce qu’il leur reste.
— Non, murmura Kam. Anakin est toujours là.