EPILOGUE

 

J'ouvre les yeux à grand-peine, les frotte.

Quelle nuit, mes amis ! Quelle nuit !

A ma gauche, Sabine s'étire, se masse les seins. A ma droite, Dyana se gratte la tête. Chacun, en quelques gestes coutumiers, se libère des derniers lambeaux de sommeil. Je n'ai pas du tout envie de quitter ce lit douillet dans lequel nous goûtons au plaisir des joies simples.

C'est dans ce nid tiède et moelleux qu'est le meilleur de la vie. Dyana sourit. Ses cheveux, sur l'oreiller, dessinent un soleil. Doucement, je la caresse. Elle m'attire, noue ses bras autour de mon cou, pose ses lèvres sur les miennes.

— Bien dormi, bébé ?

— Comme une souche, trésor !

Je me retourne, embrasse Sabine, Sabine au corps magnifique, nerveux, et tout et tout…

— Et toi, Beaux Yeux ? Bien dormi ?

— Mmm ! Divinement bien !… Mais tu sais quelle heure il est ?

La question qui casse tout. Bien sûr que je sais quelle heure il est, sinon je n'aurais pas les yeux ouverts. J'ai entendu la musique de la pendulette électronique…

— Encore cinq minutes…

— Pas question ! proteste Dyana. Tu nous as déjà fait ce coup-là hier ! Allez, ouste ! Debout ! Sors des plumes ! C'est à ton tour de préparer le petit déjeuner !

Oh, misère ! Encore ! Vous voulez que je vous confie un secret ? Il y a des jours où je n'ai pas faim. Curieux, hein ?

Comme je ne bouge pas d'un millimètre, les deux femmes se jettent sur moi et me poussent hors du lit. Je ne cherche même pas à opposer de résistance. Faut pas trop me brusquer, moi, au matin… J'aime bien les réveils en douceur…

Bon ! Allons-y !

Tandis que je me relève et que j'enfile un truc qui ressemble vaguement à une robe de chambre, Sabine et Dyana tirent les draps sur elles et rient comme deux folles.

Bien, l'appartement de Sabine. Très bien.

D'accord, on a dû procéder à de petites transformations, histoire de gagner un peu de place. Et puis on a changé le lit. Nous disposons maintenant d'un trois personnes garanti tout confort. Super !

Ah ! Mais je ne vous ai pas dit que les organisateurs avaient accepté nos conditions !… Avouez que vous vous en doutiez, hein ? Malins comme vous êtes…

Oui. Ils n'ont même pas discuté. Au lieu de chercher des excuses ou d'adopter une tactique de défense, ils ont abondé dans notre sens. Ils ont reconnu que le jeu lui-même n'était pas très au point, qu'il fallait lui apporter bon nombre d'améliorations. Cependant, en ce qui concerne le réducteur, ils ont obtenu l'effet escompté…

(Un petit instant, s'il vous plaît. Dyana exige que ses œufs soient mollets ! Et si je les laisse trop cuire, elle va me les envoyer à la figure.)

Voilà… Reprenons. Je disais que, pour le réducteur, c'est la réussite totale. Tout le monde veut posséder ce genre d'appareil.

En résumé, nous avons fait un malheur ! Nous avons été traités en héros. C'est vrai. Il paraît que le spectacle que nous avons offert était de premier ordre… Franchement, je n'ai pas cette impression. Sans doute ne voit-on pas les choses de la même façon quand on est téléspectateur.

Bref, nous sommes devenus des vedettes. Nous avons ramassé un joli magot. Tout pour être heureux, quoi ! Et… pardonnez-moi, j'allais oublier de vous parler de notre boulot. Naturellement, Sabine a conservé le sien. Mais elle est devenue une célébrité. Sa revue a triplé ses tirages. Les lettres affluent. C'est la gloire.

Dyana et moi ? Alors là, c'est la surprise. Nous travaillons pour la treizième chaîne de télévision ! Si, si ! Ce n'est pas un canular ! « Montrez-nous donc ce que vous savez faire », nous a-t-on dit. C'est ainsi que nous nous employons à réformer les programmes. Priorité absolue à l'image, et surtout pas de rediffusions, sauf avis contraire des téléspectateurs. Finis les films poussiéreux. Héroïnes aux yeux charbonnés, à la bouche en cœur et à la voix de crécelle, il est temps d'aller dormir. Pour toujours !

Nous allons nous occuper de notre époque. Tiens !

En ce moment, je suis en train de mettre sur pied une émission de jeux pas ordinaire. Elle va s'intituler « les premiers jeux éroticolympiques ». Il y aura du sport, vous verrez ! Et puis, j'ai des tas d'idées. Tenez : je vais vous… Non, vous aurez la surprise.

Une chose encore : si vous désirez participer à nos jeux, écrivez sur carte postale à

Jean Lehard,

10 rue Fred Gobemouche

JD-777/KRTK – ATROPOS DIDEX 59

 

Atropos, novembre 2083.