Follow the black rabbit
Pour en terminer avec Al Capone il n’y eu pas de choix : frapper au cœur, c’est-à-dire au porte-monnaie. Le crime organisé est par définition bien peu soucieux du bien-être de ceux qu’il spolie, et est suffisamment bien organisé et défendu pour n’être jamais vraiment inquiété. Comme pour le trafic de drogue, c’est en décapitant le sommet de la pyramide qu’on peut espérer éradiquer le fléau, emprisonner les consommateurs n’a pas de grands effets sur le trafic. Là encore, une seule solution, frapper là où ça fait mal.
(Extrait de An Insight into Child Porn) Quand Internet est devenu un business à la fin des années 90, il était très facile d’y entrer. Je me souviens de responsables de sites comme Site-Key.com à Saint Petersbourg qui ont fait de très bonnes affaires en 2000.
Avec une entreprise dans le Delaware, un compte e-Commerce Visa et MasterCard ouvert avec Card Service International en Californie, ils faisaient passer tous les paiements via les USA à travers une passerelle Linkpoint.
Mais Site-Key n’était pas le seul système de paiement en ligne à offrir ses services aux pédophiles. L’un de ces services était même tout particulièrement destiné aux distributeurs de contenus pédophiles hardcore. Une autre de ces solutions de paiement, IWest, avait son quartier général en Israël et facturait à travers des banques Israéliennes, parfaitement au courant de ce qu’il se passait. Visa a fini par leur retirer sa licence, ce qui ne les a pas découragé pour autant et les a fait passer à des solutions de paiement alternatives, comme CCBill, qui ne se souciait guère de ce qui était acheté, pour peu que l’argent continuait à circuler.
À cette époque, facturer les clients n’était pas un problème, et héberger des images pédophiles non plus. La quasi totalité de sites était alors hébergée aux États-Unis car on y pratiquait des tarifs imbattables. Les sites Web généraient des trafics phénoménaux, ce qui laisse à penser que l’intérêt pour ces contenus est bien plus répandu qu’on ne le croit habituellement.
Certains groupes biélorusses, spécialisés dans les solutions de paiements en ligne, ont construit des technologies dédiées qui peuvent être utilisées pour facturer toutes ces transactions et blanchir l’argent par la même occasion. Par la suite, certains producteurs de contenus comme LS Studios sont même allés jusqu’à développer leurs propres solutions de paiement.
Comme toujours l’argent est le nerf de la guerre. Tant que les pédocriminels pourront utiliser des paradis fiscaux, qu’ils pourront compter sur la bienveillance de certaines banques et qu’il sera facile pour eux de faire transiter de l’argent sans le moindre contrôle, la lutte contre la pédopornographie sur Internet ne fera qu’échouer lamentablement. Filtrer Internet c’est donner à ces criminels l’arme ultime dont ils rêvent depuis tant d’années : la cape d’invisibilité pour eux-mêmes d’abord, et leurs clients ensuite. La mafia en a rêvé, la Loppsi leur a donné.
L’argent est le point nodal de la lutte. Au lieu de dépenser inutilement les deniers publics dans une autorité rattachée au Ministère de l’Intérieur et qui ne sera pas efficace, il serait plus intelligent d’augmenter les effectifs de police sur le terrain, d’harmoniser les législations entre les pays et surtout les collaborations entre les polices. C’est précisément ce que réclame Hervé Recoupe, qui a dirigé à la Gendarmerie Nationale l’une des enquêtes contre la pédocriminalité en ligne la plus connue en France : « dotez-nous de vrais moyens ».