24. Les artisans grisons domiciliés en Vénétie ne furent bannis officiellement qu’en 1766, après l’expiration du traité d’alliance et d’amitié de 1706 avec le canton suisse, mais ils étaient maltraités par les corporations locales.
25. Elle avait expliqué. Construction inhabituelle qui semble mêler « se déclarer » (au sens de « s’expliquer ») et « déclarer que ».
26. Bube : « Petite élevure, pustule qui vient sur la peau » (Acad. 1762).
27. Marie-Anne Moufle de la Tuilerie avait épousé en 1745 Aymar-Félicien Boffin, marquis de la Saône (ou Sône) en Dauphiné, capitaine au régiment des gardes françaises. Elle apportait une dot considérable de 210 000 livres. Elle mourut peu après son mari, le 21 janvier 1772, dans son hôtel de la place Louis-le-Grand (aujourd’hui place Vendôme). De ses cinq enfants, un seul survécut, Noël-Félicien, né en 1750.
28. « Le lait répandu ou épanché ne forme pas une maladie particulière qui ait ses symptômes propres ; il est plutôt la source d’une infinité de maladies différentes, d’autant plus funestes qu’elles restent plus longtemps cachées, et qu’elles tardent plus à se développer : c’est un levain vicieux qui altère sourdement le sang, et imprime aux humeurs un mauvais caractère, et qui prépare ainsi de loin, tantôt des ophtalmies, tantôt des ulcères, quelquefois des tumeurs dans différentes parties ; chez quelques femmes des attaques de vapeurs, dans d’autres une suite d’indispositions souvent plus fâcheuses que des maladies décidées » (Encyclopédie, art. « Lait »).
29. « [Un] Médecin empirique ou substantivement un Empirique [est] un médecin qui ne s’attache qu’à l’expérience, et ne suit pas la méthode ordinaire. Empirique, se prend souvent pour charlatan » (Féraud).
30. Le marbre utilisé dans l’Antiquité, extrait des carrières près de Marmara, dans l’île grecque de Paros (archipel des Cyclades). Phidias (Ve siècle av. J.-C.) est le plus célèbre sculpteur de la Grèce antique.
31. Le pasteur Jean-Pierre-Daniel Mingard de Lausanne. Son fils était Jean-Isaac Samuel, né en 1739.
33. Casanova écrit le nom Lausanne de plusieurs façons, que nous conservons pour d’éventuels effets de signifiant.
34. Louis de Muralt-Favre, cousin de Bernard, avait épousé en 1745 Sarah Favre. Le Grand Conseil à Genève, magistrature de deux cents hommes, siégea de 1526 à 1798.
35. D’après les biographes, il s’agirait de Marguerite de Muralt-Favre, née vers 1747, fille aînée de Louis. Elle avait une sœur plus jeune, prénommée Anne-Sarah, née en 1750.
36. L’identité de ce personnage nommé Rosebury est incertaine : on a proposé John Ker, 3e duc de Roxburghe, bibliophile célèbre (1740-1804), ou Neil-Primerose, 3e comte de Rosebery (P. Grellet, Les Aventures de Casanova en Suisse, op. cit., p. 43).
37. Ceci est confirmé par la lettre de Bernard de Muralt à Haller du 21 juillet 1760, reproduite dans le Répertoire des noms, p. ici.
38. Le mot « bailli » désigne un magistrat en Suisse. Haller habita le château de Roche (canton de Vaud) lorsqu’il fut nommé à la direction des salines de Bex (bailliage d’Aigle, au sud de Montreux) de 1758 à 1764. C’est là qu’il reçut Voltaire, H.-B. de Saussure et Casanova.
39. « Feu sacré » ou « feu Saint-Antoine » est le nom vulgaire de l’érysipèle : « Maladie qui vient sur la peau, causée par des humeurs piquantes, d’ou il naît une inflammation ardente » (Trévoux).
40. En 1763, après l’épisode de la Charpillon et le dressage du perroquet (ms., t. VIII, fo 113r).
41. Herrenschwand habitait le château de Greng, près de Morat (P. Grellet, Les Aventures de Casanova en Suisse, op. cit., p. 78).
42. La bataille de Morat eut lieu le 22 juin 1476. L’ossuaire qui se trouvait à Merlach, près de Morat, avait été rebâti en chapelle en 1755.
43. La date 1576 (?) est biffée et corrigée. Cette inscription est rapportée dans l’article « Morat » de l’Encyclopédie par Jaucourt qui la juge « singulière ». Pour les Suisses, l’inscription n’était sans doute pas insultante, mais avec son sens de l’humour noir, le Vénitien peut trouver ironiquement cruel que les vainqueurs fassent parler des vaincus laissant un monument à leur défaite…
44. Morat fut assiégé et détruit pour la première fois en 1033-1034 ; il devint le quartier général dans la guerre des Bernois et des Savoyards contre Fribourg (XIVe siècle) et fut assiégé une troisième fois par Charles le Téméraire en 1476.
45. Plusieurs passages des Essais de Montaigne peuvent illustrer cette maxime où le terme savoir a un sens proche d’« expérience ». Ainsi la critique du faux savoir dans l’essai « Du pédantisme » : « Il ne faut pas attacher le savoir à l’âme, il l’y faut incorporer : il ne l’en faut pas arroser, il l’en faut teindre ; et s’il ne la change, et méliore son état imparfait, certainement il vaut beaucoup mieux le laisser là » (I, 24, Paris, Le Livre de poche, coll. « La Pochothèque », 2001, p. 215).
47. Date improbable d’après les biographes : le Vénitien a quitté Berne le 19 juin 1760 et rendu visite à Haller le 25 juin 1760, d’après une lettre de Casanova à Muralt (voir le Répertoire).
48. Chaude-pisse cordée : « nom vulgaire de la blennorragie dans laquelle il se forme une sorte de corde par la violence de l’inflammation » (Littré).
49. Construction probablement influencée par l’italien scamparla, « échapper à une situation dangereuse » (l’ho scampata : « je l’ai échappé belle »).
1. Haller mesurait 1,95 m.
2. Le corps humain.
3. Le médecin Giovanni Battista Morgagni (1682-1771), professeur d’anatomie, et Giulio Pontedera (auteur d’un Compendium tabularum botanicarum, publié en 1718) enseignèrent à Padoue où Casanova avait fait ses études.
4. « Manière et façon de parler latine, qui dépend du tour qu’on donne aux phrases, des expressions et des mots dont on se sert » (Trévoux).
5. À la manière de Pindare, poète lyrique grec (521-441 av. J.-C.). Casanova fait allusion au grand poème épique de Haller Die Alpen (1728).
6. Il s’agit en réalité de la troisième femme de Haller, qu’il avait épousée en 1741. Il avait plusieurs filles, dont deux nées en 1742 et en 1743 (voir le Répertoire).
7. Le Bernois Jacques Dick (1742-1776), pasteur à Spiez puis à Bollingen (P. Grellet, Les Aventures de Casanova en Suisse, op. cit., p. 89).
8. C’est le scénario même de la première partie de La Nouvelle Héloïse que vient de lire Casanova, d’après ce qu’il affirme plus loin, au prix d’une distorsion de la chronologie. Le canton de Vaud jouxte celui du Valais, cadre du roman de Rousseau.
9. Albrecht von Haller a écrit plus de deux cents ouvrages de médecine, de botanique, de poésie. La citation ne se trouve pas dans ses Opuscula pathologica (Lausanne, 1755, in-8o de 300 p., comportant des Sectionnes cadaverum morbosorum), ni dans ses Opuscula sua anatomica de respiratione… (Göttingen, 1749, in-8o de 360 p.). Il peut s’agir d’une citation que lui attribue le mémorialiste, plaçant ainsi dans la bouche d’une autorité philosophique du siècle une réfutation du dualisme âme-corps, en accord avec ce qu’il affirme au seuil de son œuvre autobiographique (voir vol. I de la présente édition, Préface, p. 9).
10. Horace, Odes, III, 2, v. 26-28, p. 164-165.
11. « De loin c’est quelque chose, et de près ce n’est rien » (La Fontaine), note Casanova dans la marge gauche. C’est le vers final de la fable « Le Chameau et les bâtons flottants » (Fables, IV, 10).
12. Haller avait étudié à Leyde chez Boerhaave en 1725 ; l’année suivante, il y fut nommé docteur.
13. Et plus grand chimiste qu’Hippocrate (italianisme de construction).
14. Vers-adage de l’école de Salerne, devenu proverbe dans plusieurs pays. Medicamen est un mot du latin médiéval (medicamentum en latin classique).
15. Cette correspondance n’a pas été conservée. H. von Löhner a retrouvé une lettre de Casanova à Muralt datée de Lausanne, le 25 juin 1760, dans laquelle il rapporte sa visite à Haller (voir le Répertoire des noms).
16. Haller mourut à Berne le 12 décembre 1777, dans sa soixante-dixième année.
17. Le sens de la phrase reste problématique.
18. Cette phrase pose un problème de chronologie. Le roman de J.-J. Rousseau Julie, ou la Nouvelle Héloïse n’est mis en vente qu’en janvier 1761. Or, d’après la correspondance de Casanova, sa visite à Haller se situe fin juin 1760. Les propos qu’il lui attribue ici restent cependant conformes à ceux que le savant tiendra ultérieurement au sujet de la Julie (voir les extraits de lettres de Haller à Bonnet et au Dr Zimmermann cités dans le Répertoire des noms).
19. C’est exactement ce qu’écrit Rousseau dans la préface de son roman, mais il n’en tire pas la même conclusion que Haller : « Quant à la vérité des faits, je déclare qu’ayant été plusieurs fois dans le pays des deux amants, je n’y ai jamais ouï parler du Baron d’Étange, ni de sa fille, ni de M. d’Orbe, ni de Milord Édouard Bomston, ni de M. de Wolmar. J’avertis encore que la topographie est grossièrement altérée en plusieurs endroits ; soit pour mieux donner le change au lecteur ; soit qu’en effet l’auteur n’en sût pas davantage » (Rousseau, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », t. II, 1961, p. 5).
20. Laure chantée par Pétrarque (voir ici). La phrase pose un problème de leçon et d’interprétation. Le « n’ » est suscrit devant « avait », d’une encre plus épaisse et avec une lettre beaucoup plus volumineuse. Cette correction semble moins la réparation d’un oubli dans la relecture de la page qu’une inflexion de sens lors d’une étape différente de la correction du manuscrit. Le sens sexuel de « rendre heureux » devient alors contradictoire avec ce qu’affirme plus loin Casanova au sujet de l’amour platonique de Pétrarque pour Laure (p. ici).
21. Casanova était à Lausanne le 25 juin 1760 (voir sa lettre à Muralt citée dans le Répertoire).
22. Un petit débat. Probable italianisme fondé sur le faux ami quistione (ou questione), au sens de « dispute », « débat ».
23. Bercei est la transcription italienne du nom suisse Bercher. Il s’agit ici de David de Saussure (1700-1767), baron de Bercher et Bavois (deux fiefs de la famille de Saussure).
24. Qui (influence de l’italien che).
26. Cette dame, qui avait joué dans les pièces de Voltaire, était une fille du baron Constant de Rebecque et la femme du marquis Gentil de Langallerie, fils naturel du landgrave Guillaume VIII de Hesse.
27. La tragédie Alzire, ou les Américains (1736), un des grands succès de Voltaire.
28. Avant de s’installer aux Délices près de Genève, Voltaire avait loué la « jolie campagne » de Montriond en 1755, puis en 1757 une maison face au lac à Lausanne même, rue du Grand-Chêne. Il y faisait jouer ses pièces par la société lausannoise, qu’il trouvait moins rigoriste que les Genevois : Zaïre, L’Enfant prodigue, Zulime, ainsi que l’opéra de Pergolese La serva padrona. Voltaire passa son dernier hiver à Lausanne en 1759.
29. Charles James Fox, le « fameux » adversaire de Pitt, n’avait que onze ans en 1760. Il doit s’agir plutôt de son frère aîné Stephen, né en 1744.
30. Il s’agirait de Louise-Élisabeth de Sacconay, née en 1744, et rajeunie par Casanova selon son habitude (P. Grellet, Les Aventures de Casanova en Suisse, op. cit., p. 115).
31. Casanova écrit le mot italien deforme au lieu du mot français correspondant « difforme ». Pulcrum (ou pulchrum) signifie « beau », et formosum « bien conformé ». Ce sont deux antonymes de difforme (« laid, défiguré, qui choque la vue, qui n’a pas la figure, ou les proportions qu’il devrait avoir », Féraud).
32. Sphinge, ou sphinx : « Monstre fabuleux que les Poètes ont feint avoir été engendré par Typhon, et que Junon le fit naître pour se venger des Thébains. Il avait la tête de femme, des ailes d’oiseau, les griffes d’un lion, et le reste du corps fait en forme de chien » (Trévoux).
33. Allusion au discours de Socrate sur la beauté (Platon, Phèdre, éd. D. Babut, trad. L. Mouze, Paris, Le Livre de poche, 2007, p. 246-252, 249d-252b).
34. La surface des corps.
35. Cette rencontre n’est pas racontée lors du premier séjour parisien. Reçu en 1718 à l’Académie royale de peinture en tant que peintre d’histoire, J.-M. Nattier (1685-1766) mena une carrière de peintre de portraits à partir de 1729. Voir le jugement de Casanova sur ses portraits dans sa Critique de Bernardin de Saint-Pierre (Archives de Dux), reproduit dans le Répertoire des noms.
36. Les filles de Louis XV, que Casanova jugeait « laides » lors de son séjour à Fontainebleau (voir vol. I de la présente édition, p. 781).
37. Environ 9 km.
38. On relèvera la parenté de formulation avec une phrase de la préface de 1797 : « Me rappelant les plaisirs que j’eus je me les renouvelle » (voir vol. I, p. 8). Le personnage expérimente ici, partiellement, les relations entre mémoire et jouissance que l’autobiographe présente comme l’une des raisons d’écrire sa vie.
39. Soit 44 km.
40. Je lui ai laissé choisir le lieu.
41. L’inscription se trouvait sur une plaque de bronze sur la façade même de l’hôtel de ville : Quum anno 1535 profligata romani antichristi tirannide… Elle commémorait l’établissement de la Réforme à Genève.
42. Auberge fameuse de Genève, située dans l’actuelle rue du Rhône, sur la rive gauche, à 1 km environ des Délices.
43. Date improbable : Casanova écrivit de Lausanne une lettre à Muralt datée du 25 juin, et il affirme n’avoir passé que quinze jours dans cette ville.
44. Après le départ d’Henriette durant l’hiver de 1749-1750 à Genève, le Vénitien découvrait la même inscription sur les vitres (voir vol. I, p. 652).
46. Soit 150 000 livres, environ 1,5 million d’euros.
47. Charles-Barthélémy de Villars-Chaudieu (1735-1773) était alors brigadier des gardes suisses à Montpellier (P. Grellet, Les Aventures de Casanova, op. cit., p. 124). Il avait épousé Louise-Élisabeth de Sacconay (voir ici).
48. D’après G. Haldenwang (Casanova à Genève, Paris, D’Hartoy, 1937), il s’agirait d’Anne-Marie May, orpheline née en 1731, qui épousa à une date inconnue Gabriel de Vatteville (Wattenwyl). Casanova l’aurait alors rajeunie de neuf ans.
49. Que la mère du Christ ait conçu auditu seu per aures était une croyance que certains enthousiastes français d’Augustin avaient pu attribuer au Père de l’Église, sans qu’on en trouve trace dans ses ouvrages.
50. L’Annonce faite à Marie par l’ange Gabriel du mystère de l’Incarnation, selon la religion chrétienne.
51. Voir t. VI, p. 912 sqq.
1. « On dit figurément, Livrer chance à quelqu’un, pour dire : Défier, provoquer quelqu’un à la dispute » (Acad. 1762). Expression empruntée au jeu de dés.
2. Épisode omis dans le t. III qui couvre l’année 1753. Casanova mentionne un comte Bonomo Algarotti, marchand et banquier, frère de l’écrivain (vol. I de la présente édition, p. 539 et 1092). Francesco Algarotti (1712-1764), musicien, polygraphe, fut conseiller de Frédéric II qui lui confia des missions diplomatiques (ibid., p. 17), avant de s’établir en 1756 à Bologne. Il rendit visite à Voltaire à Cirey en 1735, qu’il impressionna d’abord par sa culture et sa connaissance de Locke et de Newton.
3. Algarotti publia son Il Neutonianismo per le dame, ovvero Dialoghi sopra la luce e i colori à Venise en 1737. Le livre fut traduit en français l’année suivante par Duperron de Castera sous le titre : Le Newtonianisme pour les dames, ou Entretiens sur la lumière, sur les couleurs et sur l’attraction.
4. Il Neutonianismo per le dame, publié en in-4o, comporte une dédicace d’Algarotti « al Signor Bernardo di Fontenelle » : l’auteur y avoue sa dette à l’égard des Entretiens sur la pluralité des mondes. Le jugement de Voltaire fut sévère : « livre charmant, par cela même que le livre est d’une physique peu recherchée et que rien n’y est traité à fond » (Lettre à Berger, 14 mai 1738, Correspondance, éd. cit., t. I, p. 1137).
5. Le dernier ouvrage d’Algarotti, Viaggi in Russia, venait de paraître à Venise en 1760. Une seconde édition révisée, intitulée Saggio di Lettere sulla Russia, paraîtra à Paris en 1763. Dans les lettres qu’il adresse à l’auteur (en août et septembre 1760), Voltaire réclame cet ouvrage qu’il souhaite consulter pour son Histoire de l’Empire de Russie sous Pierre le Grand (seul le tome Premier était paru à Genève chez Cramer en 1759 ; le second tome sera publié en 1762).
6. Même jugement exprimé dans la Préface de l’Histoire de ma vie, vol. I de la présente édition, p. 17.
7. Tite-Live était natif de Padoue (Patavium). Voir ibid.
8. Domenico Lazzarini da Moro (1668-1734), écrivain mort à Padoue quelques mois après que Casanova fut mis en pension dans cette même ville (vol. I, p. 35), ce qui rend l’affirmation suspecte.
9. Ulisse il Giovane fut publié à Padoue en 1720. Lazzarini écrivit aussi une comédie, La Sanese, publiée à Venise en 1734.
10. L’abbé Antonio Conti (1677-1749), patricien vénitien, poète et dramaturge, écrivit quatre tragédies romaines (Lucio Giunio Bruto, Marco Bruto, Il Cesare, Druso), publiées en un seul volume à Florence en 1751. Durant son séjour à Londres en 1715, il avait fait la connaissance de Newton. Il avait publié en 1744 une traduction en vers italiens de la Mérope de Voltaire.
11. Mon guide de voyage. Itinéraire : « Mémoire de tous les lieux par où l’on passe pour aller d’un Pays à un autre, et quelquefois aussi des choses qui sont arrivées à ceux qui en ont fait le chemin […]. Il n’est guère d’usage que lorsqu’on parle de certains voyages anciens » (Acad. 1762).
12. Voltaire écrit à l’abbé Saverio Bettinelli (1728-1808), critique littéraire italien et ancien jésuite, le 18 décembre 1759 : « Je fais grand cas du courage avec lequel vous avez osé dire que Dante était un fou, et son ouvrage un monstre ; j’aime encore mieux ce monstre que tous les vermisseaux appelés Sonetti qui naissent et qui meurent par milliers dans l’Italie, de Milan jusqu’à Otrante » (Correspondance, éd. cit., t. V, p. 724-725).
13. Personnage légendaire de l’Attique tué par Thésée, Procuste étendait ses victimes sur un lit de fer et leur coupait les pieds lorsqu’ils dépassaient du lit, ou les faisait tirer au moyen de cordages jusqu’à ce qu’ils en atteignissent la longueur.
14. Voltaire avait écrit en 1726 dans son Essai sur la poésie épique (chap. VII) : « Le Tasse eût eu plus de raison d’avouer, qu’il était jaloux de l’Arioste, par qui sa réputation fut si longtemps balancée, et qui lui est encore préférée par bien des Italiens. Il y aura même quelques lecteurs qui s’étonneront que l’on ne place point ici l’Arioste parmi les poètes épiques. Il est vrai que l’Arioste a plus de fertilité, plus de variété, plus d’imagination que tous les autres ensemble ; et si on lit Homère par une espèce de devoir, on lit et on relit l’Arioste pour son plaisir. Mais il ne faut pas confondre les espèces. Je ne parlerais point des comédies de l’Avare et du Joueur en traitant de la tragédie. L’Orlando furioso est d’un autre genre que l’Iliade et l’Énéide. On peut même dire que ce genre, plus agréable au commun des lecteurs, est cependant très inférieur au véritable poème épique. Il en est des écrits comme des hommes. Les caractères sérieux sont les plus estimés, et celui qui domine son imagination est supérieur à celui qui s’y abandonne. Il est plus aisé de peindre des Ogres et des Géants que des Héros, et d’outrer la nature que de la suivre » (Œuvres complètes de Voltaire, éd. U. Kölving, Oxford, Voltaire Foundation, 1996, t. 3B, p. 453-454).
15. La source de Voltaire était en 1726 la Vita di Torquato Tasso (1621) de Giovanni Battista Manso, marquis de Villa, premier biographe du Tasse.
16. Le jugement de Voltaire sur l’Arioste a considérablement évolué depuis 1726, comme il l’avoue dans article « Épopée » des Questions sur l’Encyclopédie (1772) : « Je n’avais pas osé autrefois le [l’Arioste] compter parmi les poètes épiques ; je ne l’avais regardé que comme le premier des grotesques ; mais en le relisant je l’ai trouvé aussi sublime que plaisant ; et je lui fais très humblement réparation » (Œuvres complètes de Voltaire, éd. N. Cronk et C. Mervaud, Oxford, Voltaire Foundation, t. 41, 2010, p. 173). Il l’a en effet réhabilité dans son Essai sur les mœurs (éd. de 1761) : « Si l’on veut mettre sans préjugé dans la balance l’Odyssée d’Homère avec le Roland de l’Arioste, l’Italien l’emporte à tous égards, tous deux ayant le même défaut, l’intempérance de l’imagination, et le romanesque incroyable. L’Arioste a racheté ce défaut par des allégories si vraies, par des satires si fines, par une connaissance si approfondie du cœur humain, par les grâces du comique, qui succèdent sans cesse à des traits terribles, enfin par des beautés si innombrables, en tout genre, qu’il a trouvé le secret de faire un monstre admirable » (éd. R. Pomeau, Paris, Classiques Garnier, 1990, t. II, chap. CXXI, p. 169-170).
17. Cette plaisanterie figure à la suite du même article « Épopée » des Questions : « Il est très vrai que le pape Léon X publia une bulle en faveur de l’Orlando furioso, et déclara excommuniés ceux qui diraient du mal de ce poème. Je ne veux pas encourir l’excommunication » (ibid.).
18. Les chants 34 et 35 du Roland furieux racontent le voyage d’Astolphe (paladin anglais, cousin de Roland et de Renaud) au paradis où il est accueilli par l’évangéliste Jean. Ils vont tous deux sur la Lune récupérer la fiole contenant le bon sens de Roland devenu fou.
19. Par moi-même (italianisme).
20. Le vers suivant dit : « les pactes et conventions sont si fragiles » (Arioste, Roland furieux, chant XLIV, str. 2, v. 1, t. IV, p. 241).
21. Cette adaptation (Voltaire parle d’une « imitation ») figure dans l’article « Épopée » des Questions sur l’Encyclopédie.
22. Possible italianisme forgé sur recitazione (interprétation d’un acteur), mais le sens de narration de hauts faits convient aussi dans ce contexte épique.
23. Fille de la sœur de Voltaire, Marie Louise Mignot (1712-1790) avait reçu une éducation musicienne et lettrée. Elle épousa en 1738 le commissaire de la guerre Denis et reçut de Voltaire une dot de 30 000 livres. Devenue veuve, Mme Denis partagea la vie de son oncle à partir de 1745, devenant ainsi « la compagne de [s]a retraite et de [s]a vie heureuse » (Lettre de Voltaire de 1757). Les deux amants s’échangeaient des billets en italien, la lingua dell’amore, comme l’appelait l’heureux oncle.
24. Mme Denis feint de ne retenir que le sens théologique du mot « apothéose » (déification, réinterprétée en termes chrétiens), et non l’expression « faire l’apothéose » au sens moderne de « faire un puissant éloge » (c’est dans ce sens que l’emploie Casanova, p. 1062). L’Académie ne donne pas ce sens en 1762, et dans son Dictionnaire de 1798, cet emploi est présenté comme une hyperbole. L’interlocutrice puriste (tout comme son oncle) relève par son mot d’esprit faussement naïf que cet emploi figuré de « faire l’apothéose » n’est pas admis dans la langue et tourne en ridicule l’expression. Le cadre mondain révèle ainsi, sous les « plaisanteries » de bon ton, la constante affirmation d’une « culture dominante » sur les peuples « dominés », au nom d’une idéologie de la « pureté » de la langue française. Voir notre introduction.
25. L’édition définitive du Roland furieux de 1532 contient quarante-six chants. Une édition posthume en cinquante et un chants paraît en 1545 chez Manutius, à Venise, dirigée par Virgilio Ariosto, fils de l’auteur. Les cinq chants supplémentaires sont des fragments d’une nouvelle épopée restée inachevée. Andrea Barotti publia à Venise en 1772 cette édition augmentée, précédée d’une vie de l’Arioste.
26. Dans une version antérieure de l’épisode, écrite vers 1785, c’était Voltaire, et non le Vénitien, qui récitait d’une traite toutes les strophes (Essai de critique sur les mœurs, § XXVI, reproduit dans le Répertoire des noms, voir ici).
27. Le texte originel porte : Poi ch’allargare il freno al dolor puote, / (Che reste solo senza altrui rispetto).
28. Arioste, Roland furieux, chant XXIII, str. 122, v. 1-4, t. III, p. 56.
29. Roland vient d’apprendre que Médor, simple soldat blessé et soigné par Angélique, princesse chinoise aux pouvoirs magiques, fut aimé d’elle et l’épousa.
30. Giovanni de’ Medici (1475-1521) fut nommé pape en 1513 sous le nom de Léon X. Il fut un protecteur des poètes et des artistes (Michel-Ange, Raphaël)… et la cible de Luther.
31. Le vers de l’Arioste dit : ch’ebbe già buono odore, or putia forte (Roland furieux, chant XXXIV, str. 80, v. 6, t. III, p. 360). L’image de la montagne parsemée jadis de fleurs odorantes (buono odore) exhalant à présent une forte puanteur est une métaphore de la donation constantinienne, origine de la puissance temporelle des papes. D’après ce faux document datant du VIIIe siècle, l’empereur Constantin Ier dit « le Grand »(286/287-337) aurait cédé la ville de Rome à Sylvestre II (pape de 314 à 335).
32. Rodomont, roi d’Alger, découvre dans une petite chapelle Isabelle, princesse de Galice, accompagnée d’un ermite, tous deux conduisant la dépouille de son amant Zerbin. Le sarrasin s’irrite de la décision d’Isabelle de se retirer du monde et des remontrances du « loquace ermite » : il finit par lui arracher la barbe et le lancer dans les airs (chants XXVIII et XXIX du Roland furieux). L’Arioste donne ensuite plusieurs versions de la fin de l’ermite.
33. C’est-à-dire le jour du jugement dernier. Ce vers ne se trouve pas au chant XXIX mais au chant XXIV (str. 6, v. 4, t. III, p. 61), à propos des bergers tués par Roland devenu fou (le texte originel porte : Ch’al). Le mot forse (« peut-être ») est choquant selon la doxa catholique : la Résurrection, le jour du jugement, sont alors ramenés à de simples hypothèses.
34. On n’a pas conservé de lettres de Voltaire à Chavigny. Son opinion sur le diplomate suisse était assez négative à cette époque, d’après ses lettres à Ferriol (Correspondance, éd. cit., t. V, p. 138 et t. VI, p. 904).
35. Depuis le XIIIe siècle, il y avait à Genève quatre syndics élus annuellement qui présidaient à tous les autres collèges, en qualité de surintendants des biens et des intérêts de la commune. Selon Haldenwang, il s’agirait ici de Michel Lullin de Châteauvieux (1695-1781), agronome suisse qui exerçait les fonctions de « seigneur scolarque » (commis à la police des livres) en 1759. Voltaire lui écrivit en septembre 1760 (Correspondance, éd. cit., t. V, p. 1092 et 1099) pour désavouer le violent libelle Dialogues chrétiens, ou préservatif contre l’Encyclopédie par M. V. Le patriarche de Ferney y montre la stratégie convergente des prêtres catholiques et protestants, tout en soutenant la position des encyclopédistes.
36. De mise. Le quinze est un jeu de cartes « où celui des joueurs qui le premier a quinze par les points de ses cartes, ou qui en approche le plus près en dessous, gagne » (Acad. 1762).
37. Probable mot d’esprit sur le double sens d’« artifice », typique de l’humour noir de Casanova : Tronchin fait vivre artificiellement son patient et use pour cela de son art (son industrie, son habileté, voire sa ruse). Voir plus bas le descriptif de la cure. Le duc Honoré-Armand de Villars (1702-1770), « indigne fils » du célèbre maréchal (selon Marmontel), fit quatre séjours chez Voltaire entre 1756 et 1762. Tronchin disait de son patient : « Le duc de Villars est plus vieux que moi, quoique plus jeune. Il a des convulsions de Saint-Médard, à le faire canoniser par les Jansénistes. Il souffre héroïquement : il a dans les maux plus de courage que son père. Il y a bien des sortes de courage » (J. Hervez, La Cour et la ville sous Louis XV d’après les mémoires de Casanova, Paris, A. Michel, 1910, p. 259).
38. La « dent blanche » est l’ancien nom du mont Blanc.
39. Voltaire ouvre l’article « Dante » des Questions par ce jugement lapidaire : « Vous voulez connaître le Dante. Les Italiens l’appellent divin ; mais c’est une divinité cachée ; peu de gens entendent ses oracles ; il a des commentateurs, c’est peut-être encore une raison de plus pour n’être pas compris. Sa réputation s’affermira toujours, parce qu’on ne le lit guère. Il y a de lui une vingtaine de traits qu’on sait par cœur : cela suffit pour s’épargner la peine d’examiner le reste. » Il affirme pourtant son admiration pour le « monstrueux poème » de La Divine Comédie dans sa lettre à Bettinelli de 1759 (voir ici). Voltaire conclut les deux pages qu’il consacre à Pétrarque dans son Essai sur les mœurs en déclarant que « son génie a été surpassé depuis par l’Arioste et par le Tasse » (t. I, chap. 82, p. 765). Il apprécie tout aussi peu Homère : « Ses dieux sont ridicules aux yeux de la raison, mais ils ne l’étaient pas à ceux du préjugé ; et c’était pour le préjugé qu’il écrivait », écrit-il au sujet de l’Illiade (art. « Épopée » des Questions, Œuvres complètes de Voltaire, éd. cit., t. 41, p. 155).
40. Membre d’une importante famille patricienne de Genève, Théodore Tronchin (1709-1781) obtint son grade de docteur à Leyde en 1730 et exerça à Amsterdam jusqu’en 1754. Il fut appelé en 1766 à Paris comme premier médecin de la famille du duc d’Orléans. Il s’y fit le courageux propagandiste de l’inoculation et eut une clientèle très étendue dans la haute société. Trois Tronchin de la branche cadette firent carrière dans la banque, conseillèrent Voltaire pour ses placements et furent souvent invités chez lui.
41. Forme ancienne de « pulmonaire ».
42. Un crocheteur est « un Portefaix qui transporte des fardeaux sur des crochets » (Trévoux).
43. Casanova rapporte la même anecdote sur les cures de Tronchin dans la Confutazione (t. II, p. 182).
44. Le duc de Villars n’avait alors que cinquante-huit ans.
45. Les plaies non soignées se seraient infectées.
46. La Somme théologique que Thomas d’Aquin (1226 ?-1274) écrivit à la fin de sa vie.
47. Le Seau enlevé, poème comique de Tassoni (1565-1635) publié en 1624 (voir vol. I de la présente édition, p. 148, n. 1). Il est cité dans le témoignage probable de Voltaire sur la visite de Casanova, sa lettre à Nicolas-Claude Thieriot du 7 juillet 1760 : « Nous avons ici un espèce de plaisant, qui serait très capable de faire une façon de Secchia rapita, et de peindre les ennemis de la raison, dans tout l’excès de son impertinence. Peut-être mon plaisant fera-t-il un poème gai et amusant, sur un sujet qui ne le paraît guère » (Correspondance, éd. cit., t. V, p. 985).
48. Casanova écrit « ecclipser », par analogie avec la graphie italienne ecclissi. Il ne s’agit vraisemblablement pas ici d’un infinitif substantivé, mais plutôt d’une coquille pour « éclipses ».
49. Tassoni réfute le système copernicien dans ses Dieci libri di pensieri diversi (1620).
50. Dans les Considerazioni sopra le rime del Petrarca, Modène, 1609-1611.
51. Lodovico Antonio Muratori (1672-1750). Voir vol. I de la présente édition, p. 148, n. 1.
52. Horace, Épîtres, II, 1, v. 63 (« Parfois la foule voit juste ; il est des cas où elle a tort »), p. 154.
53. La poésie macaronique mêle les langues latine et moderne. Elle tire son nom du poème Macaronea de Tifi degli Odasi (mort en 1492). Le représentant le plus illustre de ce genre poétique est Girolamo Folengo (1491-1544) sous le nom de Merlin Cocai. Voir vol. I, p. 184.
54. Plus de 1 million d’euros. Sa longévité exceptionnelle et son habileté financière ont permis à Voltaire (qui s’était fait toute une clientèle de grands seigneurs) d’amasser une considérable fortune. D’après les comptes de son banquier Jean Robert Tronchin, il possédait 456 000 livres d’actifs en 1758. L’année de sa mort, il touchait 230 000 livres de rentes (environ 2,5 millions d’euros, mais les équivalences à ce niveau de revenus sont hasardeuses).
55. Installés à Genève, les frères Gabriel et Philibert Cramer furent à partir de 1754 les principaux imprimeurs de Voltaire, dont ils publièrent trois éditions d’« œuvres complètes » (la dernière en 40 vol. en 1775), et tous les ouvrages récents (à l’exception de certains pamphlets, comme La Guerre civile de Genève). Selon les termes du contrat passé avec les Cramer, Voltaire renonçait à ses droits d’auteur mais pouvait disposer d’autant d’exemplaires qu’il désirait. On a conservé une correspondance de près de neuf cents lettres et billets, principalement adressés à « caro Gabriele ».
56. Probable italianisme sur tanto, « très ».
57. Orth. Babilone. Autre intervention dans la chronologie : La Princesse de Babylone fut écrit et publié en 1768, et non en 1760.
58. Selon Haldenwang (Casanova à Genève, op. cit., p. 103), il s’agit de Pemette-Élisabeth de Fernex (née en 1730), de Marie, sa sœur (née en 1732), et de Jeanne-Christine de Fernex, leur cousine (née en 1735), descendantes d’une maison noble ruinée qui tirait son nom de la terre de Fernex (ou Ferney) que Voltaire acheta en 1758.
59. Poème érotique de Jean-Baptiste-Joseph Villaret de Grécourt (1683-1743), chanoine de Saint-Martin à Tours (Œuvres, Paris, 1747) : « Marc une béquille avait / Faite en fourche, et de manière / Qu’à la fois elle trouvait / L’œillet et la boutonnière. / D’une indulgence plénière / Il crut devoir se munir, / Et courut, pour l’obtenir, / Conter le cas au Saint-Père, / Qui s’écria : Vierge Mère, / Que ne suis-je ainsi bâti ! / Va, mon fils, baise, prospère, / Gaudeant bene nati. »
60. Girolamo Folengo est aussi connu avec le prénom de Teofilo.
61. Doblon de a ocho, monnaie d’or espagnole valant environ 20 livres françaises (plus de 200 euros). Voir vol. I de la présente édition, p. 297.
62. Agostino, comte Paradisi (1736-1783), érudit et poète, fut secrétaire perpétuel de l’Académie de Mantoue, préfet des études et ministre de la Justice à Reggio.
63. Le marquis Francesco Albergati Capacelli (1728-1804), érudit bolonais, traducteur de Voltaire, fut en correspondance suivie avec lui à partir de 1758. Comme son père avant lui, Albergati était quaranta (sénateur héréditaire) de Bologne. Nommé en 1738, à dix ans, il fut investi de l’office en 1751 et devint gonfaloniere di giustizia en 1753. Le mot quaranta désignait le Sénat bolonais et le titre de ses membres (qui étaient en effet cinquante).
64. Enigma est masculin en italien.
65. Albergati écrivait des comédies en collaboration avec Goldoni (1707-1793), qu’il fit découvrir à Voltaire en 1760. Voir les extraits des Mémoires de Goldoni et des lettres de Voltaire dans le Répertoire des noms, p. ici.
66. Les mortadelli de Bologne étaient considérés comme les meilleurs saucissons d’Italie.
67. Tragédie de Voltaire créée chez l’auteur en 1759, puis à la Comédie-Française en 1760, éditée l’année suivante à Paris et Genève. Dans l’édition Cramer de Tancrède, il y a une Lettre de Voltaire au marquis Albergati Capacelli, sénateur de Bologne, datée du 23 décembre 1760.
68. Albergati fit construire un théâtre dans sa villa à Zola Predosa, à mi-chemin entre Bologne et Bazzano.
69. Albergati a surtout traduit avec Agostino Paradisi (1736-1783) des pièces françaises, publiées sous le titre Scelta di alcune eccellenti tragédie francesi (Liège [Modène], 1764-1768). Il ne publia ses propres comédies qu’à partir de 1768.
70. À Bâle, les horloges avançaient de une heure jusqu’en 1791. L’origine en serait un événement historique (pour empêcher une trahison, un magistrat informé à temps aurait fait avancer les horloges) ou une coutume remontant au concile de Bâle (1431).
71. Le Conseil des Dix comprenait les dix sénateurs du Grand Conseil, le doge et ses six conseillers (voir vol. I, p. 108, n. 3).
72. Vide. L’adjectif s’emploie habituellement au sens figuré pour parler d’une bouche édentée.
73. Voltaire trouvait dans les comédies morales, comiques et réalistes du dramaturge italien une confirmation de ses propres théories sur la nécessaire modernisation du répertoire théâtral.
74. Invité par l’infant duc de Parme en 1756 à écrire des drames pour le théâtre ducal, Goldoni reçut le titre de « poète du duc de Parme », assorti d’une pension annuelle de 700 livres jusqu’à sa mort (E. Bocchia, La Drammatica a Parma, Parme, 1913, p. 152). Voltaire écrit à Albergati le 1er mai 1761 : « Je vois avec peine en ouvrant le livre, qu’il s’intitule, poète du duc de Parme ; il me semble que Térence ne s’appelait point le poète de Scipion ; on ne doit être le poète de personne, surtout, quand on est celui du public. Il me paraît que le génie n’est point une charge de cour, et que les beaux-arts ne sont pas faits pour être dépendants » (Correspondance, éd. cit., t. VI, p. 367-368).
75. Puissance, « en termes de Philosophie, se dit quelquefois de ce qui est opposé à Acte, et qui peut se réduire en acte. Un gland est un chêne en puissance » (Acad. 1762). Goldoni avait étudié le droit romain à Pavie, Udine et Modène. Nommé docteur utriusque juris au barreau de Venise en 1731, il exerça à Venise les fonctions de consul de Gênes de 1741 à 1743.
76. Selon le De Patria Homeri d’Allatius (1640), Kymae, ville natale d’Homère, aurait refusé de lui accorder une pension.
77. Trait d’esprit récurrent chaque fois que Voltaire présentait le jésuite Antoine Adam (1705-apr. 1786). Le mot est rapporté par Bachaumont et il est cité par Casanova dans le Scrutinio del libro Éloges de M. de Voltaire par différens auteurs et la Confutazione (voir le Répertoire des noms).
78. Trictrac, « jeu fort commun en France, qui se joue avec deux dés, suivant le jet desquels chaque joueur ayant quinze dames les dispose artistement sur des pointes marquées dans le tablier, et selon les rencontres, gagne ou perd plusieurs points, dont douze font gagner une partie, et les douze parties le tour ou le jeu » (Trévoux).
79. On trouve une phrase semblable dans des traductions de l’époque du Paedagogus, traité écrit en grec par Titus Flavius Clemens (IIe-IIIe siècle) dit Clément d’Alexandrie, traduit en latin en 1551 à Florence. Dans le chapitre intitulé « Avec quelle bienséance il faut se comporter dans le bain », il tonne contre les bains mixtes, car les hommes et les femmes doivent se mettre nus les uns devant les autres : « ils semblent qu’en quittant leurs habits, ils se dépouillent de tous les sentiments de la pudeur » (Livre III, chap. V). Ce trait remonte à Hérodote : le prince Candaule veut convaincre Gygès de la beauté de sa femme et lui dit d’essayer de la voir nue. Gygès lui répond qu’un esclave ne doit pas voir sa souveraine nue, et qu’une femme se dépouille de sa pudeur quand elle enlève sa chemise (Histoires, Livre I, partie VIII, éd. P.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, 1993, t. I, p. 18).
80. Ce sens de « conflit » (choc, combat) qui porte la métaphore érotique est donné comme vieilli par l’Académie (1762) et par Féraud.
81. Elle ne le montra pas.
82. Dans le Scrutinio del libro Éloges de M. de Voltaire, cet échange est rapporté très différemment.
83. Retentissant échec de Jean Chapelain (1595-1674), qui publia son épopée La Pucelle en 1656, après vingt ans de gestation. Maître des pensions littéraires et médiocre poète, Chapelain devint la cible de satiristes comme Boileau (Chapelain décoiffé, 1665).
84. Voltaire s’occupa pendant trente ans de sa Pucelle d’Orléans avant d’en publier en 1762 une version officielle en vingt chants. Cette vaste épopée parodique de plus de 8 000 vers est typique de la veine voltairienne héroï-comique : détournement du merveilleux chrétien, dénonciation du pouvoir de l’Église à travers la peinture de moines fanatiques et lubriques, beau héros providentiel, etc. En 1735, à Cirey, il avait fait présent d’un chant à Algarotti. Les éditions clandestines, désavouées par Voltaire qui craignait l’utilisation que ses ennemis pouvaient faire de sa Pucelle, furent brûlées en place de Grève à Paris en 1757. Casanova écrit dans le Scrutinio que « le poème de la Pucelle est une cochonnerie » (voir ici).
85. En 1750, à Paris, Casanova avait récité devant Crébillon sa traduction du Rhadamiste et Zénobie en vers blancs (voir vol. I de la présente édition, p. 730-731).
86. Pier Jacopo Martelli ou Martello (1665-1727) avait créé le vers de quatorze syllabes imitant l’alexandrin français, repris ensuite par Goldoni et Chiari (voir vol. I, p. 1121). Ses Opere en sept volumes ont été publiées à Bologne en 1729-1733.
87. Martello expose cette théorie, qu’il applique surtout à la tragédie, dans son traité Del verso tragico (1709).
88. Le e que nous appelons « muet » se prononçait effectivement dans la diction ancienne.
89. Tancrède, tragédie politique dédiée à la marquise de Pompadour, créée le 3 septembre 1760 au Théâtre-Français par Mlle Clairon et Lekain. Des amours contrariées d’Ariodant et de Ginevra, racontées au cinquième chant du Roland furieux, Mme de Fontaines avait fait le sujet de sa nouvelle historique Histoire de la comtesse de Savoie (1726), pour laquelle Voltaire avait écrit une épître en vers. L’intrigue, pathétique à souhait (l’amant combat pour sauver l’honneur et la vie de sa maîtresse qu’il croit en même temps coupable d’infidélité), est située dans la Sicile du XIe siècle, les « Républicains » de Syracuse (une oligarchie, comme celle qui gouverne Venise) s’opposent à un sénat despotique qui opprime le peuple.
90. Horace, Satires, I, 10, v. 74, p. 112-113.
91. Cette phrase est une citation textuelle de l’Examen important de Milord Bolingbroke, ou le Tombeau du fanatisme (1767), violent pamphlet contre les religions révélées, dont Casanova reprend d’amples passages dans ses Dialogues entre le philosophe et le théologien (Archives de Prague, Marr 1-3). L’édition Kehl des Œuvres de Voltaire était entrée dans la bibliothèque du comte de Waldstein en 1790.
92. On connaît la méfiance de Voltaire pour la démocratie : « Le pire des états, c’est l’état populaire » (incipit de l’article « Démocratie » des Questions, 1771). Il écrit dans l’Essai sur les mœurs en 1756 : « La beauté du gouvernement d’Angleterre, depuis que la chambre des Communes a part à la législation, consiste dans ce contrepoids [à l’aristocratie], et dans ce chemin toujours ouvert aux honneurs, pour quiconque en est digne […]. » Et il ajoute après 1775 : « mais aussi le peuple étant toujours tenu dans la sujétion, le gouvernement des nobles en est mieux affermi, et les discordes civiles plus éloignées. On n’y craint point la démocratie, qui ne convient qu’à un petit canton suisse, ou à Genève » (éd. cit., t. II, p. 75).
93. Sans doute une allusion aux leçons de vertu politique que Joseph Addison, partisan des opinions libérales des whigs, place dans son Caton en 1713. Le vertueux républicain y dénonce jusqu’à la mort la tyrannie du dictateur César, vainqueur de la bataille de Pharsale.
94. Cette phrase figure dans le De Cive (1647) de Hobbes (1588-1679), paru sous le titre Du Citoyen dans la traduction française de Sorbière en 1649. On peut douter si le Vénitien se réfère à cet ouvrage fondateur de la pensée politique du philosophe anglais : il ne convoque que des philosophèmes hobbesiens ou des lieux communs en forme de dictons sur le rôle du tyran (contenir le déchaînement de violence du peuple). Dans le texte du De Cive, Hobbes oppose l’état de nature à l’état de droit : « Dans un état civil, où le droit de vie et de mort et le droit d’infliger toutes les peines physiques sont entre les mains de l’État, on ne saurait accorder ce droit de tuer un particulier. Et l’État n’a pas besoin, pour punir quelqu’un, d’exiger qu’il s’engage à faire preuve de patience, mais seulement que d’autres ne le défendent pas. […] Enfin, un pacte de non-résistance nous oblige à choisir de deux maux présents celui qui semble le plus grand. Car une mort certaine est un plus grand mal que le combat. Or il est impossible de ne pas choisir de deux maux le moindre. Donc, par ce pacte, nous serions tenus à l’impossible, ce qui est impossible avec la nature des pactes » (chap. II, § 18, éd. Ph. Crignon, Paris, GF-Flammarion, 2010, p. 119).
95. Le mémorialiste donne sa réponse à des questions posées par l’article « Superstition » du Dictionnaire philosophique : « Jusqu’à quel point la politique permet-elle qu’on ruine la superstition ? Cette question est très épineuse ; c’est demander jusqu’à quel point on doit faire la ponction à un hydropique, qui peut mourir dans l’opération. Cela dépend de la prudence du médecin. Peut-il exister un peuple libre de tous préjugés superstitieux ? C’est demander : Peut-il exister un peuple de philosophes ? » (éd. O. Ferret, Paris, Classiques Garnier, 2008, p. 372). Ces dernières répliques opposant liberté et superstitions sont nourries de réminiscences voltairiennes : on se reportera aux articles « Fanatisme » ou « Gouvernement » : « S’étant toujours plaints de la cour de Rome, ils [les Anglais] en ont entièrement secoué le joug honteux, tandis qu’un peuple plus léger l’a porté en affectant d’en rire, et en dansant avec ses chaînes » (« Gouvernement », Questions sur l’Encyclopédie, Œuvres complètes de Voltaire, éd. cit., t. 42A, p. 132-133).
96. Adaptation du vers d’Horace cité plus haut (p. 497).
97. Référence au chapitre intitulé « De la liberté que Don Quichotte donna à des malheureux que l’on emmenait contre leur gré où ils ne voulaient pas aller » (Cervantès, Don Quichotte, I, XXII, trad. A. Schulman, Points-Seuil, 1997, t. I, p. 231).
98. « VENISE. Et, par occasion, de la liberté. Nulle puissance ne peut reprocher aux Vénitiens d’avoir acquis leur liberté par la révolte ; nulle ne peut leur dire : Je vous ai affranchis, voilà le diplôme de votre manumission. Ils n’ont point usurpé leurs droits comme les Césars usurpèrent l’empire, comme tant d’évêques, à commencer par celui de Rome, ont usurpé les droits régaliens ; ils sont seigneurs de Venise (si l’on ose se servir de cette audacieuse comparaison) comme Dieu est seigneur de la terre, parce qu’il l’a fondée » : ainsi commence l’article « Venise » des Questions sur l’Encyclopédie, qui est une apologie de « l’indépendance soutenue par la force ». Toutefois, dans son Essai sur les mœurs de 1756, Voltaire avait relevé le défaut de l’oligarchie vénitienne : « De tous les gouvernements de l’Europe [au XVe siècle], celui de Venise était le seul réglé, stable et uniforme. Il n’avait qu’un vice radical qui n’en était pas un aux yeux du Sénat : c’est qu’il manquait un contrepoids à la puissance patricienne, et un encouragement aux plébéiens. Le mérite ne put jamais dans Venise élever un simple citoyen comme dans l’ancienne Rome » (Essai sur les mœurs, chap. LVI, éd. cit., t. II, p. 75). Dans sa Confutazione (t. II, p. 208), Casanova reproche à Voltaire d’avoir résumé l’histoire du gouvernement vénitien en six mots : tutto per noi, nulla per voi (« tout pour nous, rien pour vous »). La même citation est reprise dans le Scrutinio (éd. B. Rosada, Venise, Ed. Univ., 1999, p. 41).
99. « On dit Demeurer sur la bonne bouche pour dire : demeurer sur ce qu’il y a de meilleur et de plus exquis dans un repas » (Acad. 1762).
100. Ce bon mot de Voltaire a été rapporté dans la Correspondance littéraire (mars 1773), l’interlocuteur étant présenté comme un Anglais. Dans les papiers de Dux figure cette note : « Dans le volume 60, p. 81 des œuvres de Voltaire, on lit la réponse que Voltaire me donna lorsque je lui ai dit que Haller ne le regardait pas comme un grand homme. On ne me nomme pas. On me désigne comme un étranger. Cela m’a fait plaisir » (Marr 17A 50). Casanova se réfère à l’édition de Gotha, où on peut lire au volume 59 (consacré à la correspondance), à la suite d’un échange épistolaire entre Haller et Voltaire daté de 1755, la notice suivante : « Un étranger se présente chez M. de Voltaire, et lui raconte qu’il a vu à Berne M. de Haller. M. de Voltaire le félicite sur le bonheur qu’il a eu de voir un grand homme. Vous m’étonnez, dit l’étranger, M. de Haller ne parle certainement pas de vous de la même manière. Eh bien, répliqua M. de Voltaire, il est possible que nous nous trompions tous les deux » (Gotha, 1789, t. 59, p. 81).
101. Allusion à la Confutazione (1769) et au Scrutinio del libro Éloges de M. de Voltaire (Venise, 1779).
102. Zoïle d’Amphipolis, rhéteur et critique du IVe siècle av. J.-C., jaloux de la réputation d’Homère. Par antonomase, « ce nom a passé comme en proverbe parmi les Savants, qui appellent ainsi un mauvais critique, un envieux » (Trévoux).
103. Casanova resserre la chronologie de son séjour à Genève.
104. Elle boit à ma santé.
105. Neuf cent soixante livres, soit plus d’un millier d’euros. L’argent blanc désigne les pièces d’argent par opposition aux pièces d’or (les écus d’argent, par exemple). La pistola di Savoia, dite aussi doppia di Piemonte, était une monnaie d’or valant 24 lires de Piémont (jusqu’en 1786), soit environ la valeur de 1 louis d’or français (autour de 250 euros).
106. Plus grande que (italianisme).
107. La source.
108. Les biographes ont identifié un Charles, comte des Armoises, mort le 9 décembre 1778 sans enfants, qui fut conseiller d’État du duc Léopold de Lorraine et précepteur de ses fils. Il eut pour successeur Antoine-Bernard des Armoises, officier supérieur au service impérial, marié depuis 1727 à Anne de Beauveau. Il mourut également sans enfants vers 1762. Cette absence de descendance laisse supposer une part d’invention chez Casanova, qui pose à cet endroit de l’Histoire de ma vie un jalon essentiel dans la représentation de l’inceste.
1. Le courrier est « celui qui court la poste pour porter les dépêches » (Acad. 1762).
2. Tous les jeux de cartes où il y a un banquier.
3. Giovanni Antonio I Turinetti, marquis de Priero et Pancalieri (1687-1753), fut ambassadeur impérial à Venise de 1747 à sa mort. Son fils Gian-Antonio II, marquis de Prié et Pancalieri (1717-1781), passait pour un des plus riches et des plus magnifiques seigneurs du royaume de Savoie. Son train de vie dispendieux et ses désordres le ruinèrent dès la fin des années 1760. Il entretint une correspondance suivie avec Casanova entre 1762 et 1772 (Archives de Prague, 14F 1 à 14), publiée dans les Casanova Gleanings (I, 1958, p. 1-18). Voir G. Gugitz, Giacomo Casanova und sein Lebensroman…, p. 323 sq.
4. Le comte Joseph Scarnafigi fit une carrière de diplomate au service du royaume de Sardaigne. Il fut ambassadeur à Lisbonne en 1765, à Londres, à Vienne, puis de 1777 à 1782 à Paris où il meurt en 1788.
5. Allusion au défi de Mme Z, lancé p. 514 : « Gageons le souper ; mais je veux voir. » Casanova est gai à table et soupe en effet : il est normal qu’elle s’acquitte de la gageure.
6. Trois cents sequins vaudraient plus de 30 000 euros, 1 000 sequins plus de 100 000 euros.
7. Nom donné en Italie à une monnaie d’or portugaise frappée depuis 1722 valant 4 escudos, ou un demi-doublon, soit 1 pistole d’or d’Espagne (environ 10 livres, une centaine d’euros).
8. Qu’il s’engagera à payer pour la banque pour un montant de 200 louis (4 800 livres, plus de 50 000 euros). « Dans les Jeux où on joue de l’argent, on dit, Faire bon, pour dire : S’engager à payer toute la somme qu’on pourra perdre » (Acad. 1762).
9. Voir vol. I de la présente édition, p. 1160-1161.
10. Le couvent de M. M. à Murano appartenait à l’ordre des Augustines de l’Annonciade céleste.
11. La locution « en contenance », inusitée en français, est probablement influencée par l’italien (andare in contegno, stare in contegno).
12. Le piquet est un jeu qui se joue à deux avec trente-deux cartes (voir les règles). On dit plutôt Jouer un cent de piquet pour dire : « jouer une partie de cent points au piquet » (Acad. 1762).
13. Le couvent des Dames Annonciades à Chambéry se trouvait au faubourg Montmélian, d’après Y. du Parc (« Une thébaïde savoyarde pour Casanova », Casanova Gleanings, XV, p. 18-28).
14. « Enflure causée en quelque partie du corps par les eaux qui se forment et qui s’épanchent » (Acad. 1762)
15. Dépensés en vain, dilapidés. Possible influence de l’italien gettare pour cet emploi.