ÉPILOGUE
Il ne restait sans doute que quelques minutes avant la cérémonie de la Présentation. De nouveaux invités n’avaient cessé d’arriver durant le récit du Commodore. Le jeune Forrester l’avait écouté sans l’interrompre.
Le major Krauser devait avoir entendu souvent la même histoire car il ne lui avait accordé qu’une attention distraite, plus attentif aux évolutions d’un groupe de Martiennes ravissantes qu’à la narration de son chef.
Les douze filles, si parfaitement semblables qu’il était difficile de les distinguer entre elles, exécutaient un numéro de voltige en apesanteur artificielle. Leurs corps nus, enduits de paillettes qui se coloraient à chaque pulsation de la lumière, se mouvaient avec une harmonie fluide évoquant un ballet de dauphins. On murmurait que Shang-Ho avait acheté les Martiennes exprès pour cette soirée sur les fonds de l’Ambassade, et que les bureaucrates de la Section Financière allaient hurler à la lune, ce qui réjouissait tous les fonctionnaires présents, Vénusiens ou non.
La réception ferait date dans les annales diplomatiques.
Le Commodore reposa son verre vide :
— Voyez-vous, mon garçon, le rôle du Corps de Contrôle n’est pas simple. Nous avons la certitude que le système du Servage devra disparaître et nous travaillons de notre mieux pour hâter cette disparition. Mais des révoltes locales, menées par des ambitieux sans scrupule, ne doivent pas remettre en cause notre action et celle de la Guilde. De plus, nous devons agir presque dans la clandestinité. Le maintien du Servage est le Credo officiel, la garantie de stabilité qui tient lieu d’évangile à quatre-vingt-quinze pour cent de nos aristocrates. Je vous ai maintenant mis dans la confidence. Avez-vous toujours envie d’être des nôtres ?
Le jeune officier du Corps Naval Spatial n’eut qu’une imperceptible hésitation :
— Oui, monsieur. J’en suis sûr et je crois que j’ai compris.
— Très bien. Dans ce cas, cela devrait s’arranger.
Le chef suprême du Corps de Contrôle se tourna vers son aide de camp :
— Krauser, voyez demain avec la Marine si nous pouvons obtenir ce garçon.
Le major eut un signe d’acquiescement puis désigna d’un discret mouvement de tête l’entrée où venait d’apparaître une femme encore jeune et svelte qui souriait. L’officier général se leva et lui fit un signe de la main.
— Excusez-moi, messieurs. Comme d’habitude, ma femme est rigoureusement exacte.
Forrester et le major se figèrent en un garde-à-vous courtois.
Droit comme un i dans son strict uniforme gris, le Commodore Général Brinner se dirigea vers Sophie.