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Macao est un minuscule pays composé de trois îles reliées par des ponts. La plus au nord est Macao, qui abrite les bâtiments gouvernementaux ; celle du milieu, Taipa, possède une extension artificielle pour l’aéroport et les pistes, et elle est reliée au corps de l’île par deux ponts ; l’île la plus au sud est celle de Coloane. Au nord et à l’est du pays s’étend le continent chinois, et à l’ouest, de l’autre côté du bras de mer nommé Zhujiang Kou, se trouve Hong Kong.
Cette ancienne colonie portugaise avait été restituée à la Chine en 1999 et était administrée comme une région spéciale, de même que Hong Kong. La surface de Macao est à peine supérieure à vingt-trois kilomètres carrés, c’est-à-dire un sixième de la taille de Washington DC. La population est estimée à 430 000 habitants.
L’Oregon mouillait au large de Coloane, au plus près des eaux internationales.
— Dick, fit Cabrillo en atteignant le dernier barreau de l’échelle qui menait de l’annexe à la jetée, comment ça va ?
— Monsieur le président, fit Truitt, je crois que tout est en ordre.
Il était suivi de Bob Meadows et Pete Jones, des anciens Navy SEAL[5] spécialistes de tous types d’interventions, ainsi que de l’experte de la sécurité et surveillance Linda Ross. Une fois qu’ils furent tous sur la jetée, Truitt les conduisit vers le minibus.
— Je vais vous montrer les environs, dit Truitt d’une voix calme en les faisant entrer dans le véhicule.
Il les conduisit à l’entrée du pont qui les mènerait à Taipa. L’ambiance était calme et le seul bruit venait des pneus lorsqu’ils passaient sur les joints de dilatation.
— Voici Taipa, déclara Truitt lorsqu’ils atteignirent l’île. Deux ponts la relient à Macao. Nous prendrons le plus court, qui fait un peu plus de deux kilomètres.
Tandis que Truitt se dirigeait vers le deuxième pont, Cabrillo regardait vers l’ouest en direction de l’autre pont et de Hong Kong au loin. La circulation était saturée par les camions qui transportaient leur chargement depuis les ports et les aéroports, mais elle restait rapide.
— Est-ce que les autorités peuvent fermer un pont ? demanda-t-il.
— Il n’y a pas de grilles prévues pour ça, fit Truitt, mais elles pourraient facilement stationner de gros camions sur la chaussée à l’entrée d’un pont, et là, on serait dans le pétrin.
On apercevait de mieux en mieux les gratte-ciel de Macao par le pare-brise avant.
— Est-ce que par chance sa résidence se situe sur le front de mer ? demanda Linda Ross.
— Désolé, Linda, dit Truitt en jetant un coup d’œil dans le rétroviseur, sa maison est sur la colline.
Cabrillo regardait droit devant cette masse d’individus et d’immeubles tandis que le van parcourait les derniers mètres du pont.
— Donc si jamais on se fait choper et qu’on doit fuir…
Il ne finit pas sa phrase.
Truitt ralentit et tourna dans une petite rue.
— C’est ça, patron, dit-il tout simplement.
— Et pourquoi on ne vole jamais des trucs cachés au milieu de nulle part ? demanda Meadows.
— Parce qu’on est payés pour faire des trucs qui ne se passent jamais au milieu de nulle part, répondit Jones en souriant.
Langston Overholt avait eu besoin de passer plus de temps avec le dalaï-lama pour lui expliquer sa proposition, et après avoir prévenu Washington par un rapide coup de fil, il avait embarqué avec lui à bord du Falcon. La course derrière le soleil avait fait durer la nuit et il faisait encore sombre lorsqu’ils firent escale à Manille pour reprendre du carburant. Décollant du tarmac de l’aéroport international de Manille, le pilote avait prévu une trajectoire qui contournerait le Viêt Nam et survolerait la péninsule à l’extrême sud de la Thaïlande au-dessus de Hat Yai. Une fois qu’il aurait passé la Thaïlande, il virerait vers le nord au-dessus de la mer d’Andaman, ferait escale à Rangoon pour reprendre du carburant et il pourrait ensuite se diriger vers le Pendjab, où le dalaï-lama reprendrait un petit avion pour terminer son voyage jusqu’à Little Lhassa, son foyer d’exil dans le nord de l’Inde.
Lorsque le jet atteignit son altitude de croisière, Overholt poursuivit la conversation.
— Votre père était un ami, dit le dalaï-lama d’une voix douce, c’est pourquoi j’ai écouté attentivement votre proposition. Mais il faut encore que vous m’expliquiez comment vous comptez sur les Chinois pour nous rendre tout simplement mon pays. Vous savez que je ne peux pas donner mon accord s’il doit y avoir effusion de sang.
— D’après le Président, si nous obtenons l’aide des Russes, la menace d’une guerre pourrait faire reculer les Chinois. Leur économie est désastreuse en ce moment et le coût pour occuper votre pays ne cesse d’augmenter.
— Et vous croyez que le motif financier est suffisant ? demanda le dalaï-lama.
— Si vous leur offriez le Bouddha d’or, cela pourrait peut-être aider, dit Overholt qui avait gardé le meilleur pour la fin.
Le dalaï-lama sourit.
— Comme votre père, vous êtes un fin tacticien, Langston, mais dans ce cas précis vous faites erreur. Le Bouddha d’or a été volé lorsque je suis parti en exil. Nous ne saurions l’offrir à quiconque.
Le soleil apparut enfin à l’horizon et il nimba d’une lumière dorée les ailes du Falcon. À l’arrière de l’appareil, un steward préparait un petit déjeuner léger composé de jus de fruits et de muffins. L’heure était venue pour Overholt d’abattre ses cartes.
— Les États-Unis ont un plan pour libérer le Bouddha d’or, dit-il. Nous devrions le récupérer d’ici quelques jours.
Le sourire du dalaï-lama s’élargit.
— Je dois dire que ce sont des nouvelles tout à fait inattendues. Maintenant je comprends pourquoi vous avez parcouru la moitié du globe avec moi.
Overholt sourit et hocha la tête.
— Alors vous pensez que les Chinois accepteront la statue comme paiement si elle est combinée avec la menace d’une guerre ?
Le dalaï-lama secoua la tête.
— Non, mon cher ami de la CIA, je ne crois pas. Le véritable secret du Bouddha d’or se trouve à l’intérieur et c’est ce secret que les Chinois seraient prêts à payer cher.