— Est-ce que quelqu’un habiterait là-haut ? lança-t-il dans le vide.
Et il continua sa route.
16
18 heures.
Le père de Susan, Bill Norton, premier représentant au conseil de la ville, était surpris de se rendre compte qu’il avait de la sympathie pour Ben Mears, beaucoup de sympathie. Bill était un homme de haute taille, aux cheveux noirs, qui donnait une impression de puissance et de solidité bien qu’il fût resté étonnamment svelte pour ses cinquante ans. Avec la permission de son père, il avait quitté le lycée avant la fin de ses études secondaires pour entrer dans la marine et il avait fait son chemin à force de volonté et d’énergie depuis ce moment-là, réussissant même à obtenir à l’âge de vingt-quatre ans son diplôme de fin d’études en passant un test d’équivalence. Il n’était pas un de ces êtres bornés qui, sous prétexte qu’ils n’ont pas fait les études qu’ils auraient pu faire par suite de circonstances défavorables ou par choix personnel, passent leur temps à dire du mal des intellectuels, mais il n’avait aucune patience avec les « artistes », ces jeunes gens aux longs cheveux et aux yeux de biche que Susan ramenait de ses cours d’art plastique. Ce n’était pas leur façon de s’habiller ou leurs coupes qui l’irritaient, mais c’était des types sur lesquels on ne pouvait compter, des « bras cassés » comme il disait. Bill ne partageait pas l’empathie de sa femme pour Floyd Tibbits, le garçon avec qui Susan était sortie le plus depuis qu’elle avait obtenu son diplôme, mais il ne le détestait pas non plus. Floyd avait une bonne situation dans une compagnie bancaire de Falmouth et, lui au moins, avait un tant soit peu les pieds sur terre. Et puis il était de Salem. Mais Mears aussi, d’une certaine manière...
— Et par pitié, papa, abstiens-toi de lui dire que tous les artistes sont des bras cassés ! lança Susan qui s’était levée en entendant le coup de sonnette.
Elle portait une robe d’été vert clair et avait attaché ses cheveux, coiffés l’après-midi même par Babs, avec un large ruban du même vert.
Bill rit.
— Il faut bien appeler un chat un chat, Susie chérie. Mais, rassure-toi, je ne te ferai pas honte... T’ai-je déjà mise mal à l’aise, chérie ?
Susan lui adressa un sourire un peu crispé et alla ouvrir la porte.
L’homme qui revint avec elle était grand et mince. Il avait une démarche souple, des traits volontaires et une masse de cheveux noirs et brillants. Son apparence était soignée et Bill fut favorablement impressionné par la façon dont il était habillé : un blue-jean impeccable et une chemise blanche dont il avait relevé les manches.
— Ben, voilà papa et maman - Bill et Ann Norton.Maman, papa, c’est Ben Mears.
— Bonjour. Content de vous connaître.
Ben sourit à Mrs. Norton avec un peu de réserve et elle dit :