– Je suis fatiguée, dit Régine.
– Nous pouvons nous asseoir, dit Fosca.
Ils avaient marché très longtemps ; ils s'étaient enfoncés dans la forêt ; la nuit était tiède sous le couvert des arbres. Régine avait envie de se coucher dans les fougères et de s'endormir pour toujours. Elle s'assit et dit :
– Ne continuez pas ; c'est inutile. Ce sera jusqu'au bout la même histoire, je le sais.
– La même histoire, et chaque jour différente, dit Fosca... Il faut que vous l'entendiez.
– Tout à l'heure, vous ne vouliez pas la raconter.
Fosca se coucha sur le sol à côté de Régine ; un moment il regarda en silence le feuillage sombre des marronniers.
– Pouvez-vous imaginer cette voile qui disparaît à l'horizon et moi debout sur la grève, la regardant disparaître ?
– Je peux, dit-elle.
C'était vrai : à présent, elle pouvait.
– Quand l'histoire sera finie, je vous verrai disparaître au bord de la route. Vous savez bien qu'il faudra que vous disparaissiez.
Elle cacha son visage dans ses mains :
– Je ne sais pas. Je ne sais plus rien, dit-elle.
– Moi je sais. Et tant que je peux encore parler, je parlerai.
– Et après ? dit-elle.
– Ne pensons pas à après. Je parle et vous écoutez. Pour l'instant, nous n'avons pas de questions à nous poser.
– C'est bon. Continuez, dit-elle.