CHAPITRE IX
Daros de Jellisi m’avait donné le pouvoir de choisir mes hommes de main pour cette seconde expédition, et j’en usai le jour même en réclamant Gersan. Je fis la demande en présence du délégué Firius qui, à ma grande satisfaction, devint vert de rage mais n’osa dire mot et ordonna sa libération sur l’heure.
Le malheureux arriva dans les locaux de la direction porté par deux Astris, incapable du moindre mouvement, ne fût-ce que celui des lèvres, et dans un tel état de délabrement physique que je crus un moment qu’il ne survivrait pas.
Il fut lavé, pansé, soigné, nourri avec une attention toute particularité – Firius savait son poste en jeu – et je lui annonçai moi-même son extinction de peine. Sur le coup, il ne parut pas comprendre. Je dus lui conter ce qui avait suivi notre tentative d’évasion échouée : Ma mémoire retrouvée, Jallisi, mon passé, ma proche libération. Alors je vis, sur ce visage dur et marqué de batailleur, de baroudeur des mers, couler des larmes de joie, qui se perdaient dans la broussaille épaisse de sa moustache tandis que ses lèvres tuméfiées balbutiaient le mot banni, le mot qu’il avait espéré bien plus longtemps que moi : « Libre… »
Nous quittâmes Totarra dès que Gersan fut remis, soit environ une dizaine de jours plus tard.
L’instant où nous franchîmes le porche du bagne pour retrouver l’extérieur fut extraordinaire. Nous étions comme deux aveugles à qui l’on venait de rendre la vue. Tout nous étonnait, tout nous charmait. Nous contemplâmes longtemps le soleil, les yeux brillant d’émotion, puis le ciel, les toits rouges de Nonis, les arbres au feuillage frissonnant, les oiseaux qui s’ébrouaient dans leurs branches, comme un tableau merveilleux dont nous ne pouvions nous détacher. Nous redécouvrîmes les parfums chaleureux de la nature, celui des buissons, des feuilles, du vent, celui – incomparable – des rayons solaires chauds sur la terre humide, avec une passion et une intensité d’autant plus grandes que Totarra nous en avait totalement privés des années durant.
Nonis, la plus grande cité d’Amon, s’étendait devant nous, étirée le long du fleuve Ary comme un reptile immobile, avec ses rumeurs, son agitation, ses couleurs, et je ressentis soudain un sentiment proche de la peur à l’idée d’y pénétrer après tant d’absence.
Saurais-je me réadapter à sa vie frénétique et egocentrique, à ses lois, ses rixes, sa folie ?
Gersan posa sa main large et rude sur mon épaule.
— Une seconde vie commence pour nous, dit-il d’une voix troublée. Tâchons de saisir la chance qui nous est offerte.
— Il faudra jouer serré, ajoutai-je tout bas afin que n’entende pas l’attaché du Conseil, qui nous rejoignait en tirant sa monture par la bride.
Celui-ci fouilla la sacoche accrochée à sa selle et me tendit un rouleau cacheté par une goutte de cire.
— Ceci est un laissez-passer, que tu donneras aux gardes du palais gouvernemental pour qu’ils te laissent entrer.
Il parlait sèchement, ignorant superbement Gersan.
— Tu as trois jours pour trouver cinq hommes dociles capables d’affronter Terre du Sud. Trois jours, pas un de plus. Je t’attendrai au palais.
Je hochai la tête et fit mine de m’en aller. Il me retint par le bras, qu’il pressa sans ménagement de ses doigts noueux.
— Ne tente pas de disparaître, et n’essaie pas de duper la Corporation, car elle est partout, et parfois même où tu t’y attends le moins.
— Comment pourrais-je l’oublier ! crachai-je, hargneux, en m’arrachant brusquement à son étreinte.
Jellisi enfourcha sa monture sans autre commentaire et la fit détaler à grands coups de talons.
Nous le regardâmes disparaître sur une des voies qui menaient aux portes de la ville, déjà encombrées par les marchands ambulants, les mendiants de tous poils et les pèlerins encapuchonnés aux pieds nus.
— Je lui couperai la gorge, affirmai-je entre mes dents serrées.
La grande artère de Nonis grouillait d’une foule bigarrée aux accents divers, qui se mouvait lentement comme une pâte épaisse.
Nous nous y insérâmes par la force des choses, d’abord avec crainte, puis avec volupté, nous gavant de visages inconnus et de scènes banales, nous arrêtant à chaque échoppe ou étal pour observer, les yeux écarquillés d’émerveillement, victuailles appétissantes et autres nourritures judicieusement exposées à l’œil affamé.
De suaves odeurs excitaient nos narines et nous faisaient saliver, aussi décidai-je de dépenser en mangeaille les premiers yonis d’une bourse gonflée fournie par Jellisi.
Nous déambulâmes longuement à travers la cité, béats d’extase, savourant sans aucune propreté une volaille rôtie dont la graisse tiède nous coulait sur le menton et barbouillait nos mains d’une pellicule luisante.
Des porteurs d’eau à la voix criarde nous proposaient leurs services, des mendiants nous tiraient par la manche, affichant une malformation, une mutilation quelconque mais nous n’y prenions pas garde, plongés dans un bonheur neuf – celui de vivre à nouveau – dont nous goûtions à peine les premiers délices.
La chaleur, cependant, nous épuisait rapidement – peu habitués que nous étions à l’extérieur – brûlant nos peaux trop blanches, desséchant notre gosier, et nous fûmes forcés de chercher l’abri d’une taverne et le secours de pintes de vin frais.
Si le premier pichet nous rafraîchit, le second nous rendit gais, et le troisième nous soûla d’un bloc, sans qu’on s’en aperçoive le moins du monde. L’alcool n’avait pas cours à Totarra.
Nous bûmes une bonne partie de l’après-midi, vautrés à une table sale où s’agglutinaient les mouches, puis bâfrâmes encore, sans plus de retenue, et lorsque les désirs de la panse furent assouvis, nous nous mîmes en quête d’une auberge plus spécialisée pour satisfaire ceux, exacerbés, de la chair.
La nuit tombait sur Nonis, et la ville se métamorphosait, chassant marchands forains, pèlerins, ouvriers, et roturiers honnêtes, pour faire place nette aux prostituées, marins, rostirs, joueurs et autres personnages de même acabit.
Gersan, ivre à tomber, avançait en aveugle dans une ruelle où se croisaient sans se voir toutes catégories de nocturnes, et je le poussais devant moi comme une bête de somme pour guider ses pas, qu’il ne contrôlait plus.
Nous rencontrâmes bientôt un groupe de filles vêtues de quelques voiles légers qui ne cachaient qu’à peine des corps aux courbes pleines, aux formes mûres dues à la débauche. Elles nous interpellèrent, susurrant des mots d’invite et nous les suivîmes en riant, promenant nos mains nerveuses sur leur croupe arrondie.
Une des trois hésita, puisque nous n’étions que deux, mais je l’enlaçai par la taille, lui signifiant ainsi qu’elle ne serait pas de trop. Lorsque nous les abandonnâmes, quelques heures plus tard, nos esprits étaient plus clairs, mais ma bourse moins pleine et nos têtes alourdies, douloureuses.
— Je crois qu’il nous faudrait un bon bain, grogna Gersan, en pressant ses tempes de ses doigts calleux.
L’auberge en question proposait un baquet d’eau bouillante pour deux yonis. Le savon et la servante coûtaient encore deux yonis supplémentaires. Peu soucieux des dépenses, nous prîmes le tout et redécouvrîmes avec délices les vertus de l’eau chaude, le parfum suave du savon moussant et les massages experts des chambrières.
Il devait être plus de la mi-nuit quand nous sortîmes de la buanderie, propres, détendus, pour rejoindre la grande salle, bondée, enfumée, de la taverne des Rois Rouges où nous avions forniqué. Les premiers moments d’euphorie étaient passés.
Il nous fallait à présent trouver cinq hommes pour tenter l’aventure en Terre du Sud.
Une forte odeur de gyrr et de tabac noir régnait là, épaisse, presque étouffante, coulant entre les tables où des groupes d’hommes s’affrontaient aux dés, au bras de fer, pariant bruyamment et buvant de longs traits à même les pichets fournis par les filles de salle. Ces dernières, promptes à leur tâche, leur œil exercé sachant déceler sans tarder le client assoiffé, circulaient avec aisance entre les consommateurs, les bras chargés de plateaux débordants de cruches et de victuailles fumantes, et souriaient facilement, d’humeur toujours égale, acceptant sans réticence les mains curieuses, effrontées, sur leurs cuisses, leurs fesses rondes, ou leurs seins fermes lorsque le pourboire suivait, bien sonnant et trébuchant.
— La meilleure solution pour éveiller l’intérêt chez ces ivrognes, me dit Gersan, un sourire malicieux errant sur ses lèvres, c’est la provocation.
Et avant que j’aie pu esquisser le moindre geste, il était campé sur une table vide, jambes écartées, et hurlait, pour dominer le brouhaha ambiant :
— Y a-t-il ici un lourdaud capable d’un peu de courage ?
La milice aurait fait irruption dans la taverne que le résultat n’eût pas été différent. Un silence stupéfait s’abattit sur les hommes. Fort de l’effet produit, Gersan insista :
— N’y a-t-il donc que des poltrons, parmi les voyageurs ?
Les routiers de mer et de terre sont des êtres susceptibles, à sang très chaud, or ceux-ci composaient la grande majorité de l’assistance. Les réactions ne se firent pas attendre. Trois ou quatre brutes se levèrent d’un bond, renversant chaises et tables, tandis que des injures grossières fusaient de toutes parts à l’adresse du marin qui attendait, bras croisés, visiblement ravi.
— Descends ! beugla un des colosses, qui faisait craquer les jointures de ses doigts, nous allons voir qui est le lourdaud !
Gersan, ignorant le défi, poursuivit.
— C’est tout ? Il m’en faut cinq !
— Tu es bien prétentieux ! brailla un autre dont la joue droite, déchirée par une vilaine balafre, lui donnait un air épouvantablement mauvais.
— Je propose de l’argent, beaucoup d’argent, à cinq hommes loyaux qui ont suffisamment d’entrailles pour affronter des périls nombreux et inconnus.
Les consommateurs, médusés, se taisaient à nouveau.
— Ceux qui acceptent de travailler dans mon équipe deviendront riches, j’en fais le serment.
— Qui es-tu pour parler ainsi ?
— Mon nom est Gersan Maudavuis. Mais vous ne…
— Maudavuis ? l’interrompit un marin accoudé au comptoir. N’est-ce point toi, il y a plusieurs années de cela, qui a tué un capitaine de milice à Anola, dans la taverne du Grand Navire ?
Gersan, surpris, eut un instant d’hésitation. Il se tourna vers l’autre, qui approchait à présent.
— Oui, c’est bien moi.
Un murmure d’admiration parcourut la salle.
— Quelle offre as-tu à me faire ? s’enquit encore le marin.
— L’avenir d’un homme riche contre une expédition en Terre du Sud.
La rumeur se répandit en vagues déferlantes sur l’auditoire et les brutes refluèrent lentement à leurs tables, comme terrifiées par une vision abominable. Terre du Sud ? Les visages se détournèrent, les conversations, jeux et beuveries reprirent, comme si la scène ne s’était jamais déroulée.
Deux hommes restaient là, immobiles, silencieux.
Gersan descendit de son piédestal. Le marin fit un pas vers lui.
— Mon nom est Jox Émeris. J’ai confiance en toi. J’accepte ta proposition.
— Moi aussi, fit l’autre qui approchait à son tour. Je suis rostir, sans travail depuis peu, et j’étouffe de ne pas bouger.
Gersan saisit les deux mains tendues.
Je sortis de ma zone d’ombre et les rejoignis.
— Voici Janyl Alban, mon associé, qui a déjà foulé le sol de la jungle en Terre du Sud.
Des regards brillants se posèrent sur moi. J’esquissai un sourire gêné et dis :
— Sortons d’ici. Nous allons vous expliquer.
Il fallut cependant longuement discuter pour les garder lorsqu’ils surent quels seraient nos accompagnateurs obligatoires durant la totalité du périple. La Corporation était farouchement haïe en Amon, et plus particulièrement chez les voyageurs puisqu’elle leur interdisait d’exercer leur métier comme ils l’entendaient.
Nous parvînmes finalement à un accord qui reposait sur la passé de Gersan et nos années d’incarcération à Totarra.
Un accord basé sur la confiance.
Nous louâmes une chambre commune pour le reste de la nuit, et, dès le lendemain matin, quadrillâmes les quartiers commerçants de Nonis, scindés en deux groupes, à la quête de trois autres équipiers.
La journée ne fut pas fructueuse.
Une simple évocation de Terre du Sud suffisait à fermer les visages et éloigner les curieux. Trop d’hommes y étaient morts pour l’avoir voulu conquérir.
À la tombée de la nuit, Jox et moi regagnâmes l’auberge où devaient nous attendre Oleüs et Gersan.
Nous mangeâmes sans souci d’économie et bûmes à satiété le vin fruité de Nonis en devisant. Chacun conta son passé, afin de se faire mieux connaître aux yeux des autres, puisque nous étions destinés à travailler et risquer notre vie ensemble.
Lorsque les esprits furent embrumés par l’alcool et les estomacs satisfaits, nous quittâmes la grande salle, accompagnés de quelques belles filles, et partîmes conclure la soirée dans nos chambres.
La nuit était bien avancée quand je descendis l’escalier grinçant de l’auberge. Le repas, trop lourd, la chaleur étouffante, me tenaient éveillé depuis une bonne heure et il me fallait l’air extérieur pour éclaircir mes idées confuses.
Je fis une promenade dans la rue déserte, sombre, à peine éclairée par un noyau de lune orangé, m’efforçant d’inspirer profondément.
Une grappe de gollans, qui picoraient fébrilement un quelconque quignon de pain, perçurent mon approche et s’ébattirent en piaillant.
Je renversai la tête en arrière pour observer les étoiles, points immuables dans le ciel d’encre, et songeait à Totarra, dont nous venions à peine de sortir, et qui déjà me semblait lointaine. Le visage d’Arkon, ce vieux serpent prêt à toutes les délations et autres ignominies pour une ration supplémentaire, me revint en mémoire et je me surpris à ressentir une certaine pitié pour lui, qui finirait sans doute ses jours là-bas, sans jamais revoir la surface.
Garce de vie.
Aurais-je imaginé, il y a seulement une dizaine de jours, alors que je me morfondais, enchaîné aux parois grasses et moisies d’un des cachots spéciaux de Totarra, aurais-je imaginé que le propre Conseil de la Corporation ordonnerait ma libération, même au prix de ce qui m’était demandé ! Certes non. Et je me réjouis en silence, tâtant mes poignets où subsistait encore la cicatrice sensible des fers.
Une douce lassitude me gagnait à présent et je commençai de retourner sur mes pas.
Je n’avais guère fait plus de quatre ou cinq enjambées qu’une mains se plaquait sur ma gorge tandis que la lame glacée d’un poignard piquait mon menton sans ménagement.
Je voulus ouvrir la bouche, mais la poigne lâcha mon cou pour écraser mes lèvres.
— Ne crie pas, ne bouge pas, ou ce couteau pénétrera dans ta chair aussi facilement que dans un morceau de pain.
— Que me veux-tu ? soufflai-je dès que les doigts se furent écartés.
— Ta bourse ! Et sans faux geste !
Je m’exhortai au calme pour répondre :
— Je n’ai nul argent sur moi. Tu peux vérifier.
Je sentis soudain l’adversaire indécis quant à l’attitude à adopter et profitai de ce très court instant pour m’emparer de la main armée et m’en libérer d’une forte torsion sur celle-ci, pendant que mon coude se logeait brutalement au creux de l’estomac imprudent à sa portée. Mais l’homme fut plus prompt à réagir que je n’aurais pu le penser et me faucha d’un coup aux jambes avant que j’aie pu l’empoigner à nouveau.
Mon attitude au sol devait être cocasse puisque, au lieu de se ruer sur moi pour me maîtriser comme je l’aurais très certainement fait à sa place, il éclata de rire, et ce fut mon tour d’être dérouté.
Je me relevai lentement, brossai rageusement mes vêtements empoussiérés, sans lâcher des yeux mon agresseur hilare.
C’était un grand escogriffe aux cheveux roux dont le corps suffisamment mince pouvait faire croire à une maigreur mais qui débordait malgré tout d’une vitalité dont je venais de subir les effets.
— Pourquoi ris-tu ? aboyai-je, hargneux, prêt à me battre encore pour effacer ma honte.
— Je ris parce que je fais un bien piètre détrousseur, étranger. Il y a moins d’une heure on m’a volé ma bourse, pleine de yonis gagnés honnêtement au jeu, et j’ai cru – de loin, il est vrai – retrouver en toi mon voleur.
— Tu aurais pu mieux t’en assurer, maugréai-je en approchant.
L’homme se défendit :
— Ce qui m’a été dérobé représente deux semaines d’un dur labeur d’artiste, plein de risques de toutes sortes. Je ne pouvais pas me permettre d’hésiter et, au reste, la rage me pinçait trop les tripes.
L’idée me jaillit subitement dans l’esprit.
— Quel est ton nom ? demandai-je, m’ingéniant à trouver une manière d’aborder le sujet.
— Naryo de Taongi, je ne fais que passer à Nonis, en quête de la fortune.
— Eh bien, Naryo, dis-je en m’éclaircissant la voix, tu es né sous une bonne étoile, celle de la Chance, car si tu veux la richesse j’ai quelque chose à te proposer.
Le grand rouquin sourit, découvrant des dents pointues de carnassier.
— Toi, tu veux m’amadouer pour mieux me piéger !
— Certainement pas, répliquai-je en affichant mon air le plus candide. Je suis rostir, et je cherche trois hommes valables pour compléter mon équipe, en vue d’un long périple dont la finalité est la richesse pour nous tous.
— Très bien, ponctua-t-il, toujours souriant, programme alléchant, mais pourrais-je connaître à présent l’envers du décor ?
Je haussai les épaules, désabusé.
— Soit.
Et j’annonçai, me traitant intérieurement de piètre démarcheur :
— Il y a deux raisons pour décliner cette offre. C’est un voyage en Terre du Sud, et, en dehors des cinq équipiers prévus, il y aura une dizaine de gardes à la solde de l’État, entraînés pour la circonstance, qui surveilleront en permanence nos faits et gestes. Car ceci est une expédition préparée par la Corporation.
Comme l’homme restait silencieux, je continuai :
— Ce voyage, j’en suis la clef bien involontaire en détenant une information qui fait saliver le gouvernement.
— Et la Corporation a fait pression sur toi pour que tu acceptes de conduire cette expédition, n’est-ce pas ? poursuivit-il.
— Pression ? Le mot est faible. Il m’ont enfermé deux années et demie au dernier étage de Totarra. J’y étais en sursis. Ce voyage est la condition de ma liberté !
Naryo de Taongi hocha la tête, compatissant.
— L’enjeu doit être de taille, conclut-il, simplement. Plus que tu ne peux l’imaginer.
L’homme fourragea dans sa chevelure désordonnée en dansant d’un pied sur l’autre, mal à l’aise, ouvrit la bouche pour parler, la referma, puis tendit sa main, paume offerte.
— Je crois que l’air de Nonis et d’Amon ne me conviennent plus. Il y a ici des gens qui n’apprécient pas mes méthodes de jeu à leur juste valeur. En finale, quitter les Terres Centrales me fera le plus grand bien, même pour le monde hostile que tu me proposes. Et puis l’aventure risque fort d’être instructive.
J’empoignai la main avec chaleur.
— Merci, Naryo. Merci d’accepter, viens donc à l’auberge où je loge, nous allons discuter plus en détails devant une bonne chopine.