7

Le lendemain, je m'éveillai à la volée des cloches de l'église. Le soleil dorait les doubles rideaux qui occultaient mes fenêtres. En dépit de ma grande modération de la veille, je me sentais un peu la gueule de bois. Je traînassai au lit, m'endormis à nouveau pour rêver de Mark.

Lorsque, enfin, je décidai de me lever, des arômes de vanille et d'orange me parvinrent de la cuisine. Lucy moulait du café.

- Tu vas finir par me pourrir à force de me gâter, déclarai-je. Et qu'est-ce que je deviendrai lorsque tu seras repartie ? Joyeux Noël !

Je l'embrassai sur le front et remarquai une inhabituelle boîte de céréales posée sur le plan de travail.

- Et qu'est-ce que c'est ? m'enquis-je.

- Du muesli du Cheshire. Une gâterie exceptionnelle. Je l'ai apportée de Miami. C'est encore meilleur avec du yaourt nature, enfin si tu en avais, ce qui n'est pas le cas. Nous devrons donc nous contenter de lait écrémé et de rondelles de banane. Le chef vous propose également du jus d'orange et du décaféiné français à la vanille. Je crois que nous devrions appeler maman et mamie.

Pendant que je composais le numéro sur le poste de téléphone de la cuisine, Lucy rejoignit mon bureau afin de suivre la conversation du combiné qui y était installé. Ma sœur était déjà arrivée chez ma mère, et bientôt nous discutâmes toutes ensemble, ma mère s'étendant sur les intempéries de Floride. Des pluies torrentielles s'abattaient sur Miami, soutenues par un vent violent depuis la veille au soir. Ce matin même, d'inquiétants éclairs avaient zébré le ciel.

- En ce cas, il vaudrait mieux que vous vous absteniez de téléphoner, leur conseillai-je. Je vous rappellerai un peu plus tard.

- Tu es tellement parano, Kay, me reprocha ma sœur. Il faut toujours que tu imagines le pire, si possible avec un cadavre à la fin.

- Lucy, qu'as-tu eu à Noël ? interrompit ma mère.

- Je n'ai pas encore ouvert les paquets, mamie.

- Hou là... Il n'est pas passé loin, celui-là, commenta ma sœur, sa voix déformée par les parasites qui crachotaient sur la ligne. La lumière a vacillé.

- J'espère que tu as sauvegardé tous tes fichiers, maman, intervint Lucy. Sans cela, tu peux dire adieu à celui sur lequel tu travaillais.

- Dorothy, tu n'as pas oublié le beurre, n'est-ce pas ? interrogea ma mère.

- Mince... Je savais bien qu'il y avait un truc...

- Ah, non, vraiment... je t'ai demandé à trois reprises hier soir d'en ramener.

- Maman, je t'ai déjà expliqué que je ne me souviens jamais de rien lorsque je suis plongée dans la rédaction d'un roman.

- C'est invraisemblable ! C'était le réveillon, tu aurais pu m'accompagner à la messe de minuit, mais non, au lieu de cela tu restes chez toi, scotchée devant ton livre, et, en plus, tu oublies d'apporter du beurre.

- Je vais aller en chercher.

- Parce que tu crois vraiment que tu vas trouver un magasin ouvert aujourd'hui ?

- Tout à fait.

Je levai les yeux lorsque Lucy me rejoignit dans la cuisine.

- J'hallucine..., murmura-t-elle pendant que ma mère et ma sœur continuaient à se chamailler à l'autre bout de la ligne.

Après que j'eus raccroché, Lucy et moi nous installâmes au salon, pour profiter à nouveau d'une paisible matinée d'hiver virginien, de l'immobilité tranquille des arbres dépouillés et de la pureté étincelante des plaques de neige qui persistaient dans leurs ombres. Au fond, je doutais de pouvoir un jour revivre à Miami. La ronde des saisons, aussi obstinée que les cycles de la lune, était devenue fondamentale pour moi. Cette force me poussait vers l'avant, modifiant à bon escient mon opinion des choses et des êtres. J'avais besoin de la pleine lune, de la nouvelle lune et de toutes ses métamorphoses intermédiaires. Il fallait que les jours raccourcissent, qu'ils apportent le froid, afin que je profite pleinement des premiers matins de printemps.

Ma mère avait offert un chèque de cinquante dollars à sa petite-fille. Dorothy, elle aussi, avait opté pour un cadeau en argent. Un pincement de honte me vint lorsque ma nièce ouvrit l'enveloppe que je lui avais préparée pour en tirer un chèque qui rejoignit les deux précédents.

- J'avoue que ce n'est pas très personnel, commentai-je en manière d'excuse.

- C'est tout à fait personnel à mes yeux puisque c'est ce que je souhaitais. Vous venez juste de m'offrir un méga de mémoire supplémentaire pour mon ordinateur.

Elle me tendit un petit paquet, assez lourd, enveloppé dans un papier rouge et argent. J'ouvris la boîte, dépliai les feuilles de papier de soie, et ma nièce ne put retenir sa satisfaction joyeuse lorsqu'elle constata l'expression qui se peignait sur mon visage.

- J'ai pensé que cela te permettrait de noter toutes tes comparutions au tribunal. Ça va avec ton blouson de moto.

- Lucy, c'est magnifique.

Je caressai la couverture en agneau de l'agenda, puis l'ouvris avec soin, écartant ses jolies feuilles crème. Je repensai au dimanche de son arrivée à Richmond. Je lui avais prêté ma voiture pour se rendre au club de sport et elle était rentrée si tard à la maison. La finaude avait dû mettre sa balade à profit pour foncer dans les magasins.

- Et cet autre cadeau... eh bien, c'est juste un répertoire de rechange et l'agenda de l'année prochaine. Elle déposait le mince paquet sur mes genoux au moment où résonna la sonnerie du téléphone.

Marino tenait à me souhaiter un excellent Noël et demandait à passer afin de m'offrir « mon cadeau ».

- Et dites à Lucy qu'elle a intérêt à se passer un truc super-chaud sur le dos et rien de moulant, ajouta-t-il d'un ton agacé.

- Mais de quoi me parlez-vous ? demandai-je en pleine incompréhension.

- Genre : pas de jean serré parce que, sans ça, elle arrivera jamais à tirer les balles de sa poche. Vous m'avez bien dit qu'elle voulait apprendre à tirer, non ? Ben, la première leçon a lieu ce matin, juste avant le déjeuner. Si elle sèche son cours, c'est pas mon problème. À quelle heure qu'on mange ?

- Entre 13 h 30 et 14 heures. Je croyais que vous étiez pris.

- Ouais, ben, maintenant je suis « dépris ». J'arriverai chez vous dans une vingtaine de minutes. Dites à la sale gamine qu'on se les pèle méga dehors. Vous voulez nous accompagner ?

- Une autre fois. Je vais en profiter pour faire la popote.

L'humeur de Marino n'avait pas évolué vers l'embellie lorsqu'il débarqua à la maison. Il nous fit son grand numéro, vérifiant le fonctionnement d'un de mes revolvers, un Ruger 38 à crosse équipée de patins de caoutchouc. Abaissant le chien, il fit basculer le barillet, inspectant une à une toutes les chambres vides. Puis il rabattit le chien et fit jouer la détente. Lucy le fixait, muette de curiosité. J'eus ensuite droit à une leçon, au cours de laquelle il pontifia sur le résidu qu'avait déposé le solvant de nettoyage dont je me servais, et diagnostiqua que mon arme devait avoir des « éperons » qu'il faudrait limer. Puis il partit au volant de sa Ford en compagnie de Lucy.

Lorsqu'ils revinrent, quelques heures plus tard, le visage rosi par le froid vif, Lucy arborait - non sans fierté - une magnifique ampoule à l'index.

- Comment s'en est-elle tirée ? m'enquis-je en m'essuyant les mains à mon tablier.

- Pas mal, répondit Marino dont le regard s'évadait en direction de la cuisine. Ça sent comme du poulet frit, non ?

- Tout faux, répliquai-je en récupérant leurs manteaux, j'ai préparé des cotolettas di tacchino alla bolognese.

- J'ai fait bien mieux que « pas mal », rectifia Lucy. Je n'ai raté la cible que deux fois.

- Tu dois continuer à tirer à blanc, jusqu'à ce que tu arrêtes de crisper le doigt sur la détente. Et n'oublie pas d'accompagner doucement le chien vers l'arrière.

- Je suis plus couverte de suie que le Père Noël après sa descente dans les conduits de cheminée, déclara une Lucy euphorique. Je vais prendre une douche.

De retour dans la cuisine, je nous servis du café pendant que Marino passait en revue le plan de travail sur lequel s'alignaient du marsala, du parmesan fraîchement râpé, du jambon cru en fines tranches, des truffes blanches, des filets de dinde revenus à la poêle et divers autres ingrédients destinés à la préparation de notre repas. Nous rejoignîmes ensuite le salon où ronronnait un bon feu de bois.

- C'est vraiment très gentil de votre part, Marino. J'apprécie votre geste à un point que vous n'imaginez pas.

- Une seule leçon, ça suffit pas. Peut-être qu'on aura le temps de remettre ça une ou deux fois avant qu'elle rentre en Floride.

- Merci. J'espère juste que cela ne vous a pas trop embêté ou que vous n'avez pas bouleversé vos plans pour nous.

- Y a pas de quoi en faire un plat, répondit-il d'un ton assez cassant.

- Si je comprends bien, vous n'allez plus dîner au Sheraton, insistai-je. Votre amie aurait pu se joindre à nous.

- Y a eu un changement de dernière minute.

- Peut-on connaître son prénom ?

- Tanda.

- C'est un nom peu usuel. Le visage de Marino s'empourpra.

- Et comment est-elle ? persistai-je.

- Ben, si vous voulez tout savoir, elle vaut même pas qu'on se donne la peine de l'expliquer. Il se leva brutalement et fonça vers les toilettes situées au bout du couloir.

J'avais toujours mis un point d'honneur à ne pas interroger Marino au sujet de sa vie privée, à moins qu'il ne m'y invite. Pourtant, cette fois-ci, la tentation avait été trop forte.

- Et comment avez-vous rencontré Tanda ? m'obstinai-je dès qu'il fut de retour.

- Au bal de l'amicale des policiers.

- Je trouve cela très bien que vous sortiez un peu pour rencontrer des gens.

- Ouais ? Ben, c'est merdeux si vous voulez tout savoir. J'ai pas filé de rencard à une femme depuis plus de trente ans. C'est comme si je sortais d'hibernation pour me réveiller aujourd'hui. Les femmes sont plus ce qu'elles étaient.

- Que voulez-vous dire ?

Je fournissais un gros effort pour ne pas sourire car, de toute évidence, Marino ne goûtait pas l'humour de la situation.

- Elles sont plus aussi simples qu'avant.

- Simples ?

- Ouais, comme Doris. Je veux dire, ce qu'on partageait avait rien de compliqué. Au bout de trente ans de vie commune, elle me laisse choir et il faut que je recommence tout à zéro. Du coup, je me rends à ce foutu bal parce que les copains arrivent à me persuader. Je demandais rien à personne et voilà que cette Tanda débarque devant ma table. Deux bières plus tard, elle veut que je lui file mon numéro de téléphone. C'est dingue, non ?

- Et vous le lui avez donné ?

- Je lui ai répondu : « Si tu veux qu'on se revoie, c'est toi qui me files ton numéro. Je suis assez grand pour appeler. » À ce moment-là, elle me demande de quel zoo je me suis échappé et puis elle m'invite pour une partie de bowling. C'est comme ça que c'a commencé. Ça s'est terminé quand elle m'a expliqué qu'elle avait percuté un mec en bagnole par l'arrière quelques semaines plus tôt et qu'elle avait écopé d'une super-amende pour conduite irresponsable. Elle voulait que j'arrange le coup.

- Oh, je suis désolée pour vous. (Je m'accroupis près de l'arbre pour lui tendre le paquet-cadeau qui lui était destiné.) J'ignore si cela facilitera votre vie sociale. Il déballa la paire de bretelles rouge vif et la cravate en soie assortie.

- C'est vachement chouette de votre part, Doc. (Il se leva et marmonna d'un air dégoûté :) Foutus diurétiques.

Il prit à nouveau la direction des toilettes. Lorsqu'il réapparut, je demandai :

- De quand date votre dernier contrôle ?

- Y a deux semaines de ça.

- Et?

- Et qu'est-ce que vous supposez ?

- Que vous avez de l'hypertension.

- Sans blague !

- Que vous a dit au juste le médecin ?

- Seize-dix. Et ma foutue prostate est gonflée. C'est pour ça que je dois prendre ces pilules à flotte. J'ai pas le temps de me rasseoir qu'il faut que je me relève. J'ai envie, mais les trois quarts du temps j' y arrive pas. Si ça s'améliore pas, il m'a dit qu'il faudrait me « rétuper ».

«Rétup» est l'acronyme désignant une résection transurétrale de la prostate. Bien que désagréable, l'intervention est assez bénigne. En revanche, l'hypertension de Marino me tracassait. Il devenait un candidat de choix pour l'hémiplégie ou la crise cardiaque.

- En plus, j'ai les chevilles qui enflent, poursuivit-il. Mes pieds me font mal et j'ai ces foutues migraines. Faudrait que j'arrête la clope, que je renonce au café, que je perde une petite vingtaine de kilos et que je stresse moins.

- En effet, ce programme me paraît adéquat, approuvai-je d'un ton ferme. Pourtant, je n'ai pas remarqué que vous l'appliquiez, même partiellement.

- Parce que, en fait, ça signifierait tout changer dans ma façon de vivre. Et puis ça vous va bien de dire ça !

- Je ne souffre pas d'hypertension, de surcroît j'ai cessé de fumer il y a exactement deux mois et cinq jours. Quant au régime alimentaire, si je perdais vingt kilos, on ne me verrait plus.

Il fixa le feu sans répondre.

- Écoutez, Marino, pourquoi ne pas prendre les problèmes à bras-le-corps, tous les deux ? On pourrait réduire notre dose quotidienne de café et pratiquer un sport de façon régulière.

- Ouais, j'vous vois vachement bien faire de l'aérobic, bougonna-t-il d'un ton amer.

- J'opte pour le tennis et je vous laisse l'aérobic.

- Si y en a un qui me tend une paire de collants, je me l'explosé.

- Vous n'êtes pas très coopératif. Agacé, il changea de conversation de but en blanc :

- Vous avez une photocopie du fax dont vous m'avez parlé ?

Je passai dans mon bureau pour y récupérer ma serviette. J'en tirai la sortie papier du message que Vander était parvenu à matérialiser à l'aide du processeur d'images.

- Et ça, ça se trouvait sur la feuille vierge qu'on a dénichée sur le lit de Jennifer Deighton, c'est bien ça ? demanda-t-il.

- Tout à fait.

- Bon, j'arrive toujours pas à comprendre pourquoi y avait cette feuille sur son lit, coincée sous un cristal. Qu'est-ce qu'ils foutaient là ?

- Je l'ignore. Avez-vous du nouveau concernant les messages enregistrés sur son répondeur? N'importe quoi ?

- On est toujours en train de les passer au crible. Ça fait une flopée de gens à interroger...

Il tira un paquet de Marlboro de sa poche de poitrine, puis exhala un profond soupir avant de jeter ses cigarettes sur la table basse.

- ... Merde ! Est-ce que vous allez me prendre la tête à chaque fois que j'en grille une ?

- Non. Je me contenterai de la dévorer du regard, mais je ne dirai rien.

- Vous vous souvenez de l'interview que vous avez donnée sur PBS, y a de ça à peu près deux mois ?

- Vaguement.

- Jennifer Deighton l'avait enregistrée et la bande était dans son magnétoscope. On a constaté que c'était bien vous dès qu'on l'a fait défiler.

- Pardon ? demandai-je, ahurie.

- C'est certain qu'y avait pas que vous dans cette émission. Y avait aussi un machin au sujet de fouilles archéologiques et à propos d'un film que les gars d'Hollywood avaient réalisé ici.

- Pour quelle raison m'aurait-elle enregistrée ?

- Pour l'instant, c'est encore un de ces morceaux du puzzle qui s'emboîte dans rien d'autre. Sauf, bien sûr, les appels passés depuis son téléphone, quand elle raccrochait systématiquement. On dirait bien que Deighton pensait à vous lorsqu'elle s'est fait dégommer.

- Qu'avez-vous découvert d'autre à son sujet ?

- Il me faut une clope, là. Vous préférez que je sorte ?

- Bien sûr que non.

- C'est là que les choses deviennent encore plus déjantées. On a découvert un jugement de divorce en fouillant dans son bureau. Elle s'était mariée en 1961. Deux ans plus tard, elle divorçait et reprenait son nom de jeune fille, Deighton. Elle a déménagé de Floride à

Richmond. Son ex s'appelle Willie Travers, c'est un de ces choucroutes de la forme, du bien-être, voyez le genre, la santé intégrale. Bordel, j'arrive plus à me souvenir du nom.

- La médecine holistique ?

- Voilà. Lui, il vit toujours en Floride, à Fort Myers Beach. Je lui ai causé au téléphone. C'était pas de la tarte de lui tirer quelque chose, mais j'ai quand même appris des petits trucs. Il m'a raconté que Miss Deighton et lui étaient parvenus à maintenir des relations amicales après leur séparation et qu'ils se voyaient toujours.

- Il lui a rendu visite à Richmond ?

- D'après Travers, c'était elle qui descendait en Floride pour le voir. Ça leur rappelait le « bon vieux temps », c'est les mots exacts. La dernière fois qu'elle a fait le voyage, c'était en novembre dernier, aux alentours de Thanksgiving. J'ai aussi réussi à lui tirer les vers du nez au sujet du frère et de la sœur de Jennifer Deighton. La sœur est beaucoup plus jeune qu'elle. Elle vit dans l'Ouest avec son mari. L'aîné, c'est le frère. Il a dans les cinquante-cinq ans et il tient une épicerie. Il a été atteint d'un cancer de la gorge il y a quelques années et on lui a enlevé le larynx.

- Attendez...

- Ouais... et donc vous auriez reconnu le genre de voix que ça donne si c'était bien lui qui vous avait téléphoné. En d'autres termes, y a aucune chance que le mec qui vous a appelé à la morgue soit John Deighton. C'était quelqu'un d'autre avec des raisons toutes personnelles de s'intéresser aux résultats de l'autopsie de la victime. Il en savait assez pour se présenter sous le nom du frère. Même qu'il savait qu'il devait prétendre résider à Columbia, en Caroline du Sud. Le hic, c'est qu'il ignorait tout des problèmes de santé du vrai John

Deighton et qu'il aurait dû transformer sa voix pour faire comme s'il parlait avec une machine.

- Travers est-il au courant que la mort de son ex-femme est un meurtre ? demandai-je.

- Je lui ai dit que le médecin expert n'avait pas reçu tous les résultats des tests.

- Se trouvait-il en Floride lorsqu'elle est morte ?

- C'est ce qu'il prétend. Ce que j'aimerais savoir, c'est où qu'était votre bon pote Nicholas Grueman à ce moment-là.

- Il n'a jamais été mon ami. Comment comptez-vous l'approcher ?

- Pour l'instant, je me tiens tranquille. Y a jamais de deuxième essai avec des types comme Grueman. Quel âge qu'il a ?

- Dans les soixante ans.

- C'est un mec baraqué ? Je me levai pour tisonner le feu et expliquai :

- Je ne l'ai pas revu depuis mes années de droit. À l'époque il était plutôt mince, pour ne pas dire chétif. De taille moyenne. Marino garda le silence.

- Jennifer Deighton pesait dans les quatre-vingts kilos, lui rappelai-je. Or, selon toute vraisemblance, son assassin est parvenu à la transporter jusqu'au garage après l'avoir étranglée.

- D'accord. Mais peut-être que Grueman était pas tout seul. Tiens, je vais vous expliquer mon scénario, et j'admets qu'il est pas mal tiré par les cheveux. Allez, on y va. Grueman défendait Ronnie Waddell, qu'était pas vraiment le genre mauviette. Ou peut-être qu'on devrait plutôt dire qu'est pas une mauviette puisque son empreinte a été découverte chez Jennifer Deighton. Alors, peut-être que Grueman est allé rendre une petite visite à la victime, sauf qu'il était accompagné.

Je contemplai les braises. Marino poursuivit :

- À ce propos, y a rien chez Jennifer Deighton qui explique la présence de la plume que vous avez retrouvée. Vous m'aviez demandé de vérifier.

La sonnerie de son pager se déclencha à cet instant précis. Il saisit l'appareil pendu à sa ceinture et consulta le numéro qui s'affichait sur le mince écran.

- Ah merde, geignit-il en se levant pour se diriger vers la cuisine. Je l'entendis hurler au téléphone :

- Mais qu'est-ce qui... Quoi? Oh, bordel... Vous êtes sûr ?

Il se tut quelques instants et, lorsqu'il reprit, sa voix était étonnamment tendue.

- Vous inquiétez pas. Elle est dans la pièce à côté.

Marino grilla un feu rouge à l'angle de West Cary et de Windsor Way, puis obliqua vers l'est. Les puissants phares de la Ford blanche étaient allumés et les témoins lumineux du scanneur dansaient en clignotant. Les codes 10 crachotaient à la radio. Je revoyais Susan, lovée dans son fauteuil, serrant contre elle son peignoir pour se défaire d'un frisson qui ne devait rien à la température ambiante. Je me souvenais de l'expression mouvante de son visage, de ses yeux qui me dissimulaient tant de secrets.

Je tremblais sans parvenir à récupérer mon souffle. Mon cœur me remontait dans la gorge. La police avait retrouvé la voiture de Susan abandonnée dans une contre-allée donnant dans Strawberry Street. Elle était au volant, morte. Nul ne savait ce qu'elle venait faire dans ce quartier, et encore moins les motivations de son agresseur.

- Qu'est-ce qu'elle vous a raconté d'autre lorsque vous avez discuté avec elle hier soir ? demanda Marino.

Rien de très révélateur ne me revint en mémoire.

- Elle était si tendue. Quelque chose la tracassait.

- Mais quoi ? Vous pensez à un truc en particulier ?

- Non.

J'inspectai à nouveau le contenu de ma mallette d'une main tremblante. L'appareil photo, les gants, rien n'y manquait. Je me souvins qu'un jour Susan m'avait confié que si quelqu'un tentait de l'enlever ou de la violer, il devrait d'abord la tuer.

Nous avions passé tant de débuts de soirée, seules à la morgue, à terminer de nettoyer ou à remplir la paperasse habituelle. Nous avions, à maintes reprises, échangé des conversations assez personnelles, évoqué, par exemple, ce que signifiait être une femme et, qui plus est, une femme amoureuse d'un homme. Nous nous étions interrogées sur la maternité. Une fois, nous avions même abordé le sujet de notre mort, et Susan m'avait confessé en avoir peur.

- Il ne s'agit même pas de ces histoires d'enfer ou de vapeurs de soufre qui émaillaient les prêches de mon père... Non, cela, ça ne me fait pas peur, avait-elle déclaré d'un ton péremptoire. Ce qui me terrorise en revanche, c'est qu'il n'y a rien derrière.

- Il y a quelque chose, avais-je contré.

- Comment pouvez-vous en être certaine ?

- Parce que quelque chose est parti. Il suffit de regarder leurs visages pour s'en convaincre. Leur énergie s'en est allée. L'esprit ne meurt pas, au contraire de la chair.

- Mais comment le savez-vous ? avait-elle insisté.

Marino relâcha la pédale d'accélérateur et obliqua dans Strawberry Street. Je jetai un regard dans le rétroviseur latéral. Une autre voiture de police nous suivait, les gyrophares rouge et bleu de son toit lançant des pulsations lumineuses. Nous dépassâmes des restaurants et une petite épicerie. Tout était fermé, et les seuls automobilistes qui s'étaient aventurés dehors se rabattaient afin de nous laisser le passage. La rue était encombrée de voitures de patrouille ou de véhicules banalisés aux abords du Strawberry Street Café, et une ambulance garée en épi bouchait l'accès à la contre-allée. Deux fourgonnettes de télévision stationnaient un peu plus loin. Des journalistes arpentaient nerveusement le périmètre délimité par un ruban jaune. Marino s'arrêta et nous ouvrîmes nos portières. Aussitôt une jungle de caméras se braqua dans notre direction.

Je suivis Marino, presque collée à son dos. Les obturateurs claquèrent, les pellicules s'enroulèrent en ronronnant et les micros se levèrent vers nous. Marino avançait à grandes enjambées, indifférent, sans se donner la peine de répondre à qui que ce soit. Je détournai le visage. Nous contournâmes l'ambulance et plongeâmes sous le ruban. La vieille Toyota bordeaux était garée à mi-chemin, au milieu de la ruelle dont les pavés étaient grisâtres d'une neige piétinée et boueuse. Des murs de brique sinistres s'élevaient de chaque côté de la contre-allée, refoulant le peu de lumière dispensée par un soleil rasant. Des policiers mitraillaient l'endroit de leurs appareils photo, discutaient, fouillaient du regard les alentours. De l'eau dégoulinait mollement des toits, des échelles d'incendie rouillées. Des bouffées d'air alourdies par l'odeur des détritus nous parvenaient par intermittence.

Il me fallut quelques instants pour me souvenir que j'avais récemment rencontré le jeune officier de police à l'allure latino qui parlait, la bouche collée contre sa radio portative. Nous remarquant, Tom Lucero marmonna encore quelques mots avant de mettre fin à sa conversation. D'où je me tenais, je n'apercevais par la portière ouverte de la voiture qu'une hanche et un bras gauches. L'émotion me tétanisa une fraction de seconde lorsque je reconnus le manteau de laine noire, l'alliance en plaqué or brossé et le bracelet de montre en plastique noir. La plaque rouge de l'institut médicolégal était coincée entre le pare-brise et le tableau de bord.

- D'après le service d'immatriculation, le véhicule appartient à un certain Jason Story. Je suppose qu'il s'agit du mari, déclara Lucero à Marino. On a retrouvé ses papiers d'identité dans son sac. Le permis est établi au nom d'une Susan Dawson Story, sexe féminin, race blanche, vingt-huit ans.

- Et l'argent ?

- Il y avait onze dollars dans son portefeuille et quelques cartes de crédit. Pour l'instant rien n'indique le vol. Vous la reconnaissez ?

Marino se pencha vers le véhicule et les muscles de ses mâchoires se contractèrent.

- Ouais, j'la reconnais. Vous avez trouvé la bagnole comme ça ?

- On a juste ouvert la portière côté conducteur, rectifia Lucero en fourrant sa radio dans une poche.

- Le moteur était coupé, les portières déverrouillées ?

- Tout juste. Comme je vous l'ai expliqué au téléphone, Fritz a repéré la voiture lors d'une patrouille de routine. Euh... aux environs de 15 heures. Il a tout de suite remarqué la plaque de l'institut médico-légal apposée contre le pare-brise. (Il me jeta un bref coup d'œil.) Si vous regardez par la vitre côté passager, vous verrez une coulure de sang au niveau de l'oreille droite. Le mec a fait du boulot soigné.

Marino recula de quelques pas et scruta la neige maculée.

- Ben, pour relever des empreintes de pas, ça va être coton.

- Vous avez raison. Ça a fondu, c'était comme ça lorsqu'on est arrivé sur les lieux.

- Des douilles ?

- Que dalle.

- La famille est prévenue ?

- Pas encore, répondit Lucero. Je me suis dit que vous voudriez vous en charger.

- Je compte sur vous pour éviter les fuites. Je veux pas que les médias apprennent qui c'était ni où elle bossait avant qu'on appelle la famille. Mon Dieu... (Puis Marino s'adressa à moi :) Qu'est-ce que vous voulez voir ?

- Je ne veux pas intervenir dans l'habitacle, marmonnai-je. Je jetai un regard circulaire tout en récupérant mon appareil photo. J'étais sur le qui-vive, en pleine possession de mes moyens intellectuels, l'esprit clair, et pourtant je ne parvenais toujours pas à contrôler le tremblement qui agitait mes mains. Je poursuivis :

- Laissez-moi une minute. Je veux jeter un coup d'œil, ensuite nous la transférerons sur une civière.

- Bon, les gars, la Doc va commencer, déclara Marino au profit de Lucero.

- Nous sommes prêts.

Susan portait un jean délavé et une paire de bottes lacées au cuir éraflé. Elle avait boutonné son manteau noir jusque sous le menton. Une douleur aiguë m'électrisa lorsque j'aperçus un coin du foulard de soie rouge qui dépassait de son col. Elle avait chaussé ses lunettes de soleil et reposait adossée contre le siège, comme si elle avait souhaité se détendre un peu avant de sombrer dans le sommeil. Une tache rouge s'était élargie juste derrière son cou, assombrissant la garniture gris clair. Je contournai le véhicule et distinguai la trace sanglante que Lucero avait mentionnée un peu plus tôt. Je pris quelques photos, puis me penchai vers son visage. Les effluves légers d'une eau de Cologne masculine étaient encore perceptibles. Sa ceinture de sécurité n'était pas bouclée.

Je ne palpai son crâne qu'après que l'équipe d'intervention eut poussé la civière alourdie du corps de Susan au fond de l'ambulance. J'y grimpai à mon tour, puis inspectai pendant quelques minutes sa tête, à la recherche d'orifices d'entrée de balles. Le premier était localisé à la tempe droite et le second au niveau de la nuque, juste sous la ligne d'implantation. Je passai mes doigts protégés de gants dans ses cheveux châtains, vérifiant l'éventuelle présence d'effusions de sang sans en découvrir d'autres.

Marino me rejoignit à l'arrière de l'ambulance.

- Combien de projectiles ?

- J'ai trouvé deux points d'entrée, mais les balles ne sont pas ressorties. D'ailleurs, je sens nettement les contours d'une d'entre elles bloquée sous la peau, dans la zone temporale gauche.

Il jeta un coup d'œil nerveux à sa montre.

- Les Dawson habitent pas très loin d'ici. À Glenburnie. Je retirai mes gants et demandai :

- Les Dawson ?

- Ouais, ses parents. Va falloir que j'aille leur parler. Je veux dire maintenant. Avant qu'un débile bavasse et qu'ils finissent par l'apprendre à la radio ou à la télé. Je vais demander à une voiture de patrouille de vous raccompagner chez vous.

- Non. Je viens avec vous. Je dois le faire.

Les réverbères s'allumaient lorsque nous abandonnâmes la contre-allée. Marino fixait la route devant lui d'un air mauvais, le visage écarlate.

- Merde ! éructa-t-il soudain en assenant un coup de poing au volant. Bordel de merde ! Lui tirer une balle en pleine tête. Tirer sur une femme enceinte !

Le visage tourné vers la vitre de ma portière, je ne parvenais plus à ordonner le chaos de mes pensées hachées. Je m'éclaircis la gorge avant de m'enquérir :

- A-t-on localisé le mari ?

- Personne répond à leur domicile. Il est peut-être chez ses beaux-parents. Bordel, je déteste ce boulot. Seigneur... Pas envie d'aller chez eux. Putain de joyeux Noël. Je frappe à votre porte et vous êtes baisé parce que ce que je m'apprête à vous annoncer va bousiller votre vie.

- Vous n'avez jamais démoli la vie de personne.

- Ah, ouais ? Ben, préparez-vous parce que ça commence dans deux minutes.

Il tourna dans Albemarle. Les grosses poubelles étaient alignées au bord du trottoir, débordant d'énormes sacs à feuilles gonflés de déchets de Noël. Une lumière douce éclairait la plupart des fenêtres, derrière lesquelles on devinait parfois la silhouette illuminée et multicolore d'un sapin. Un jeune père tirait son petit garçon installé dans une luge. Ils nous sourirent et nous adressèrent un signe de la main lorsque nous les dépassâmes. Glenburnie était un de ces quartiers prisés par les familles de la classe moyenne et les jeunes cadres, qu'ils soient célibataires, mariés ou gays. Les gens s'installaient dehors sous leur porche ou fourbissaient leur barbecue dès la belle saison revenue. Ils organisaient des petites soirées de voisinage et se saluaient d'un jardinet ou d'un trottoir à l'autre.

La modeste demeure qu'occupaient les Dawson était de style Tudor. Elle avait agréablement vieilli, subissant les intempéries avec coquetterie. De beaux conifères soigneusement taillés se dressaient dans le jardin qui la précédait. Les fenêtres du rez-de-chaussée et de l'étage étaient éclairées, et un vieux break était stationné le long du trottoir. Quelques secondes après notre coup de sonnette, une voix de femme nous parvint de derrière la porte :

- Qui est là ?

- Mrs Dawson ?

- Oui?

- Lieutenant Marino, de la police de Richmond. Il faut que je vous parle, fit-il d'une voix puissante en exhibant son badge à hauteur d'œilleton.

Un bruit de verrous que l'on repousse et mon cœur s'emballa. J'avais bien souvent été confrontée à des patients hurlant de douleur, suppliant que je les garde en vie, au cours de mes multiples stages hospitaliers. Je les avais calmés de réconfortants mensonges : « Mais non, vous allez vous en sortir », alors qu'ils glissaient dans la mort, toujours agrippés à ma main. J'avais exprimé mes regrets et mes condoléances à des proches dévastés, figés dans de petites pièces étouffantes, où même les aumôniers se sentaient déplacés. Pourtant, jamais encore je n'avais été messagère de mort un jour de Noël, l'apportant jusqu'au seuil d'une maison.

Lorsque Mrs Dawson nous ouvrit, la seule ressemblance que je lui trouvai avec sa fille était cette ligne ferme des mâchoires. Mrs Dawson était anguleuse et des cheveux gris coupés court encadraient son visage maigre. Elle ne devait guère peser plus de quarante-cinq kilos et m'évoquait un fragile oiseau. Lorsque Marino me présenta, la panique envahit son regard.

- Que se passe-t-il ? parvint-elle à articuler avec difficulté. Marino se décida :

- Je suis porteur d'une très mauvaise nouvelle, madame Dawson. Il s'agit de votre fille Susan. Elle a été tuée.

Un écho de pas menus résonna dans la pièce voisine et une fillette apparut à notre droite. Elle pila et nous dévisagea d'un grand regard bleu.

- Hailey... où est papy ?

La voix de Mrs Dawson tremblait et le sang avait déserté son visage, laissant place à une couleur de cendres.

- En haut.

Hailey ressemblait à un petit garçon manqué avec son jean et ses mocassins de cuir qui semblaient tout juste sortis de leur boîte. Elle devait avoir à peine huit ans. Ses cheveux blonds brillaient de santé et elle portait des lunettes pour corriger un léger strabisme.

- Demande-lui de descendre, dit Mrs Dawson. Quant à toi, reste avec Charlie à l'étage. Je viendrai vous chercher plus tard.

La petite fille hésita quelques instants sur le pas de la porte, deux doigts fourrés dans sa bouche. Elle nous fixait avec circonspection.

- Hailey, tu m'as entendue ? Elle pirouetta et fonça. Nous nous installâmes dans la cuisine en compagnie de la mère de Susan. Elle resta assise bien droite sur sa chaise, son dos ne frôlant pas le dossier. Elle ne pleura pas, du moins pas avant l'arrivée de son mari quelques minutes plus tard.

D'une voix presque inaudible, elle murmura alors :

- Mack... Oh, Mac t.. Les sanglots noyèrent le reste. Il entoura les épaules de sa femme de son bras, la serrant contre lui. Il était livide et garda les lèvres serrées tout le temps de l'explication de Marino. Enfin, il desserra les mâchoires :

- Oui, je sais où se trouve Strawberry Street. Cela étant, j'ignore pour quelle raison Susan s'y est rendue. Je ne crois pas qu'elle connaissait ce quartier. Aucune boutique ne devait être ouverte aujourd'hui. Je ne sais pas...

- Savez-vous où nous pourrions contacter son mari, Jason Story ?

- Il est ici.

- Ici ? répéta Marino en jetant un regard autour de lui.

- À l'étage. Il s'est endormi. Il se sentait un peu patraque.

- A qui sont les enfants ?

- À Tom et Marie. Tom est notre fils. Ils sont venus passer les fêtes chez nous, mais ils se sont absentés en début d'après-midi. Ils comptaient rendre visite à des amis, à Tidewater. Ils ne devraient plus tarder maintenant. (Il serra la main de sa femme.) Millie, je crois que ces gens ont des tas de questions à nous poser. Tu devrais réveiller Jason. Marino intervint :

- C'est-à-dire que je préférerais lui parler seul à seul une petite minute. Vous pourriez peut-être me conduire jusqu'à lui ?

Le visage enfoui dans les mains, Mrs Dawson acquiesça d'un hochement de tête.

- Millie, ce serait bien que tu montes t'occuper de Charlie et d'Hailey, reprit son mari. Essaie t'appeler ta sœur, peut-être qu'elle peut venir.

Le regard bleu pâle de Mr Dawson escorta le départ de sa femme et de Marino. Le père de Susan était un homme de belle taille, aux traits fins. Son abondante chevelure châtain foncé était parsemée de quelques rares cheveux blancs. L'économie de ses gestes, son parfait contrôle me firent penser que Susan tenait beaucoup de lui, jusqu'à son caractère sans doute.

Il me dévisagea, cherchant à lire sur mon visage, avant de déclarer :

- Elle conduisait une vieille voiture, et je doute qu'elle ait eu quelque chose d'une quelconque valeur sur elle. Rien qui puisse tenter un voleur. D'autre part, je suis certain qu'elle n'avait aucune fréquentation douteuse. Quant à la drogue, ce genre de choses, c'est exclu.

- Nous ignorons ce qui a pu se produire, révérend Dawson.

- Elle était enceinte, déclara-t-il, les mots s'étranglant au fond de sa gorge. Comment peut-on faire une chose pareille ?

- Je ne sais pas. Je ne sais pas comment une telle chose est possible. Il toussota.

- Elle ne possédait pas d'arme.

Sur le moment, je ne compris pas où il voulait en venir. Puis le sens de sa remarque s'éclaircit et je le rassurai :

- Non. La police n'a rien retrouvé de tel. Rien ne peut permettre de supposer qu'elle se soit donné la mort.

- La police ? Parce que vous n'en faites pas partie ?

- Je suis le médecin expert général de Virginie. Kay

Scarpetta. Il me regarda, assommé.

- Votre fille travaillait pour moi.

- Oh... Oh, oui, bien sûr, je suis confus.

- Je ne sais pas quoi vous dire, articulai-je avec peine. Je n'arrive pas moi-même à y croire. Mais je puis vous assurer que je ferai tout mon possible pour comprendre ce qui a pu se passer. Il est important pour moi que vous en soyez convaincu.

- Susan parlait de vous. Elle avait toujours souhaité devenir médecin. Il détourna le regard, luttant contre les larmes.

- Je l'ai vue hier soir. En coup de vent. Je suis allée lui rendre visite à son domicile...

J'hésitai, redoutant de les blesser davantage. Pourtant je poursuivis :

- ... Elle semblait très tendue. Pour tout vous dire, elle n'était plus la même au travail.

Il déglutit, les doigts croisés si fermement contre le rebord de la table que ses jointures avaient blanchi.

- Nous devons prier. Voulez-vous prier avec moi, docteur Scarpetta ? (Il me tendit la main.) S'il vous plaît.

Ses doigts se refermèrent sur les miens, et je ne pus m'empêcher de penser à l'indifférence de Susan vis-à-vis de son père, à sa méfiance pour les idées qu'il professait. Les fondamentalistes m'effrayaient, moi aussi. Une certaine appréhension m'envahit lorsque je fermai les paupières, mes mains jointes à celles du révérend qui remerciait Dieu pour une miséricorde que j'avais peine à distinguer, et des bienfaits promis qu'il était trop tard pour distribuer. J'ouvris les yeux en retirant ma main des siennes. Durant un embarrassant moment, je craignis que le père de Susan ne perçoive mon scepticisme et ne s'interroge sur l'intensité de ma foi. Néanmoins, le salut de mon âme n'était pas sa priorité.

Une voix forte claqua à l'étage, suivie par une protestation étouffée dont je ne saisis pas le sens. Les pieds d'une chaise raclèrent le sol. Le téléphone sonna encore et encore, et la voix s'éleva à nouveau pour finir en hurlement de rage et de douleur. Le pasteur Dawson ferma les yeux, marmonnant de façon inaudible une phrase dont l'étrangeté me frappa. Je crus en effet entendre : « Reste dans ta chambre. »

- Jason n'a pas quitté la maison, lâcha-t-il soudain, une grosse veine battant contre sa tempe. Certes, il est assez grand pour vous le dire lui-même, mais je tenais à vous le certifier.

- Il ne se sentait pas très bien, avez-vous dit.

- Il s'est réveillé avec un rhume, enfin un début de rhume. Susan lui a pris la température et elle est parvenue à le convaincre de se coucher un peu. Il ne ferait jamais de mal à... Enfin... (Il toussota à nouveau.) Je n'ignore pas que la police doit poser des questions, s'interroger sur des mobiles d'ordre domestique, mais ce n'est pas le cas.

- Révérend Dawson, à quelle heure Susan a-t-elle quitté votre domicile ? A-t-elle dit où elle se rendait ?

- Elle est sortie après le déjeuner, juste quand Jason est allé se coucher. Il devait être 13 h 30, 14 heures peut-être. Elle a dit qu'elle avait envie de rendre une petite visite à une amie.

- A-t-elle précisé son nom ?

Son regard s'évada vers un point situé dans mon dos.

- Une ancienne amie de collège. Dianne Lee.

- Savez-vous où habite cette personne ?

- Dans le Northside, juste à côté du séminaire.

- La voiture de Susan a été retrouvée non loin de Strawberry Street, pas dans le Northside.

- Mais si quelqu'un... enfin, je veux dire, on pouvait la retrouver n'importe où.

- Cela nous aiderait si nous étions certains qu'elle s'est bien rendue chez son amie et si nous savions qui a proposé cette visite, insistai-je.

Il se leva et fouilla le contenu des tiroirs de la cuisine. Il découvrit l'annuaire dans le troisième. Ses mains tremblaient en feuilletant les pages et il dut faire un effort pour composer le numéro. Il se racla la gorge à plusieurs reprises avant de parvenir à demander à parler à Dianne.

- Je vois. Je vous demande pardon ? (Il écouta en silence durant quelques instants.) Non... Non, nous n'allons pas bien, précisa-t-il, sa voix mourant dans un souffle.

Je demeurai assise, sans un mot, l'écoutant. Quelques années plus tôt, il avait déjà prié, déjà téléphoné, après le décès de son autre jumelle, Judy. Lorsqu'il me rejoignit à la table, il ne fit que confirmer mes soupçons. Susan ne s'était jamais rendue chez son amie, au demeurant nulle visite n'était prévue puisque Dianne s'était absentée.

- Elle est chez ses beaux-parents, en Caroline du Nord. Ils sont arrivés là-bas il y a déjà plusieurs jours. Mais pourquoi Susan a-t-elle menti ? Elle n'en avait nul besoin. Je lui ai toujours répété que quoi qu'il se passe, elle n'avait pas à nous mentir.

- Sans doute n'avait-elle pas envie que l'on sache où elle allait ni qui elle comptait rencontrer, révérend Dawson. Il est certain que cela suscite des interrogations douloureuses, mais il nous faut les affronter, ajoutai-je d'un ton doux.

Il baissa la tête, s'absorbant dans la contemplation de ses doigts.

- Le couple qu'elle formait avec Jason marchait-il bien? L'espace d'un instant, je sentis qu'il luttait pour se ressaisir.

- Je l'ignore, docteur Scarpetta. Doux Jésus, pas à nouveau. (Il murmura à nouveau de manière déroutante :) « Va dans ta chambre. S'il te plaît, va dans ta chambre. » (Il leva vers moi ses yeux injectés de sang.) Elle avait une sœur jumelle. Judy est morte lorsqu'elles étaient encore au collège.

- Dans un accident de voiture, je sais. Susan me l'avait confié. Je suis désolée.

- Susan ne s'en est jamais remise. Elle en voulait à Dieu. Elle m'en voulait.

- Ce n'est pas le sentiment que j'ai eu. Selon elle, la coupable était une certaine Doreen.

Dawson tira un mouchoir de sa poche et se moucha discrètement avant de demander :

- Qui cela ?

- Une des filles de leur collège qui prétendait être sorcière. Il secoua la tête comme je poursuivais :

- Elle aurait jeté un sort à Judy.

Je compris qu'il était superflu d'insister. Le révérend n'avait pas la moindre idée de cette histoire. Nous tournâmes la tête en direction de la porte lorsque Hailey pénétra dans la cuisine. Elle serrait contre elle un gros gant de base-ball, les yeux agrandis d'effroi.

- Qu'est-ce que tu as là, ma chérie ? demandai-je en forçant un sourire.

Elle s'approcha de moi et l'odeur du cuir neuf me parvint. Le gant était cousu grâce à une cordelette et sur la paume reposait une de ces balles d'entraînement, comme une grosse perle au creux d'une huître.

- C'est tante Susan qui me l'a donné, expliqua-t-elle d'une petite voix. Il faut que le cuir se fasse. C'est pour ça que je dois le fourrer sous mon matelas tous les soirs. Tante Susan dit qu'il sera prêt dans une semaine.

Son grand-père la souleva et l'installa sur ses genoux, la serrant contre lui en enfouissant son visage dans ses jolis cheveux blonds.

- Mon ange, je voudrais que tu retournes un peu dans ta chambre, juste encore un peu. Est-ce que tu veux bien faire cela pour moi ? Je dois m'occuper de certaines choses. Juste un court moment, d'accord ?

Elle hocha la tête, le regard toujours rivé sur moi.

- Tu sais ce que font mamie et Charlie ?

- Non, je sais pas.

Elle se laissa glisser de ses genoux et nous quitta sans enthousiasme.

- Vous avez déjà dit cela, soulignai-je.

Il semblait perdu.

- Vous lui avez déjà demandé d'aller dans sa chambre. Il y a quelques minutes, je vous ai entendu le murmurer... j'ai cru comprendre : «Va dans ta chambre. » À qui vous adressiez-vous ? Ses yeux rejoignirent ses mains.

- L'enfant, c'est nous-mêmes, c'est ce qu'il existe de plus profond, c'est le soi. Le soi ressent avec une effroyable intensité, le soi pleure, le soi ne parvient pas à contrôler ses émotions. Parfois, il est préférable de renvoyer le soi dans sa chambre, comme je viens de le faire pour Hailey. Ainsi, le soi peut se reprendre. C'est un petit truc que j'ai appris il y a fort longtemps. Lorsque j'étais encore un garçonnet. Il le fallait. Mon père ne supportait pas que je pleure.

- Les larmes sont un processus normal, révérend Dawson.

Ses yeux devinrent liquides. J'entendis le pas lourd de Marino descendre les marches de l'escalier. Il nous rejoignit à la cuisine, et le pasteur Dawson répéta sa phrase dans un souffle, un soupir d'angoisse.

Marino le considéra, de toute évidence déconcerté.

- Je crois que votre fils vient de rentrer, annonça-t-il.

Des portières claquèrent dans la nuit glaciale et des rires s'élevèrent, se rapprochant du porche. Le père de Susan éclata en sanglots.

Le repas de Noël partit à la poubelle. Je passai la soirée à aller et venir dans la maison, pendue au téléphone. Lucy s'était enfermée dans mon bureau. Il fallait parer au plus pressé, tout organiser. Le meurtre de Susan bouleversait de fond en comble mes services. On devrait conserver son dossier sous scellés, dissimuler les clichés pris du corps à ceux qui avaient fréquenté la jeune femme. La police fouillerait son bureau et son vestiaire. Ils interrogeraient les membres de mon personnel.

- Je ne peux pas venir, me répondit Fielding, mon adjoint, lorsque je l'appelai à son domicile.

- Je comprends, fis-je en sentant une boule se former au creux de ma gorge. Je n'espère ni ne veux voir personne à la morgue.

- Et vous ?

- Il le faut.

- Seigneur... Je n'arrive pas à croire qu'une telle chose se soit produite. Je n'y arrive pas.

Le Dr Wright, un de mes légistes adjoints de Norfolk, accepta avec beaucoup de gentillesse de se déplacer à Richmond dès les premières heures, le lendemain. Nous étions dimanche. Personne d'autre ne se trouvait à l'institut médico-légal, à l'exception de Vander, venu nous assister à l'aide de sa Luma-Lite. Même si j'avais été émotionnellement capable de procéder à l'autopsie de Susan, j'en aurais confié le soin à un confrère. Il ne fallait sous aucun prétexte qu'un avocat de la défense puisse mettre en doute l'objectivité et la fiabilité d'un témoin expert qui se trouvait être également la patronne de la jeune femme. Je devais cela à mon ancienne assistante. Je m'installai donc derrière le bureau de la salle d'autopsie pendant que Wright officiait. Il me destinait de temps en temps un commentaire, couvrant quelques instants le cliquetis métallique des instruments de chirurgie et l'incessant tambourinement de l'eau dans les éviers. Je l’écoutais, le regard rivé aux murs de béton. Je ne remplis aucun formulaire, n'étiquetai aucun tube de prélèvement. Je ne tournai pas une fois la tête vers la table en inox. Pourtant, à un moment, je demandai :

- Avez-vous senti une sorte de parfum sur elle ou sur ses vêtements ? Cela évoque une eau de Cologne.

Il s'interrompit et je l'entendis faire quelques pas.

- Ah oui... en effet. C'est tout à fait perceptible sur le col de son manteau et sur son foulard.

- Pourrait-il s'agir d'une eau de Cologne masculine, selon vous ?

- Hum... c'est possible. Oui, il est très possible qu'il s'agisse d'essences plutôt masculines. Son mari se parfume peut-être ? Le Dr Wright était proche de la retraite. C'était un homme bedonnant, à la calvitie galopante, qui s'exprimait avec l'accent de la Virginie occidentale. Excellent anatomo-pathologiste, il savait exactement où je voulais en venir.

- Bonne question, commentai-je. Je vais demander à Marino de vérifier ce point. Toutefois, son mari était un peu souffrant hier et il est allé s'allonger sitôt après le déjeuner. Cela étant, ça ne signifie pas qu'il n'utilise pas d'eau de Cologne. Cela ne signifie pas que son père ou son frère n'en portaient pas lorsqu'ils ont embrassé la jeune femme.

- Ça m'a tout l'air d'un petit calibre. Pas de point de sortie. Je fermai les yeux, l'écoutant avec attention.

- La blessure à la tempe fait quatre millimètres soixante, avec une zone de tatouage de treize millimètres - d'ailleurs incomplète - due à la suie et aux gaz. Je distingue un peu de grenure et de la poudre, mais je suppose que la majeure partie a dû se perdre dans sa chevelure. Également un résidu de poudre adhérant au muscle temporal. Pas grand-chose dans l'os ou la dure-mère.

- Et la trajectoire ?

- La balle pénètre par la face postérieure du lobe frontal droit, chemine au travers de la face antérieure et rejoint le ganglion sphéno-palatin du nerf vidien, puis percute l'os temporal gauche avant d'être immobilisée par le tissu musculaire, juste sous la peau. Nous avons affaire à une balle de plomb, chemisée de cuivre, sans blindage.

- Elle ne s'est pas fragmentée ? demandai-je alors.

- Non. Et puis, il y a ce second orifice, à la base de la nuque. Noirâtre, berges de plaie carbonisées avec abrasions, marque de la gueule du canon. Une petite lacération d'environ un millimètre et demi sur le bord. Dépôt important de poudre sur les muscles occipitaux.

- Bout touchant ?

- Sans aucun doute. J'ai l'impression que le meurtrier a appuyé fermement le canon contre sa nuque. La balle a pénétré à la réunion du foramen ovale de Pacchioni et de la première cervicale. Elle a détruit la jonction cervico-médullaire et terminé sa course dans la protubérance cérébrale.

- Quel angle de trajectoire ?

- Ascendant, pas mal. Selon moi, si elle a reçu cette balle alors qu'elle se trouvait installée derrière son volant, cela implique qu'elle était affaissée vers l'avant ou alors qu'elle avait la tête inclinée.

- Lorsque la police l'a découverte, elle était, au contraire, adossée contre son siège, tête relevée.

- En ce cas, il a dû la redresser après l'avoir abattue, conclut Wright. À première vue, je dirais que ce coup de feu a été tiré après celui qu'elle a reçu à la tempe. La jeune femme devait déjà être dans l'incapacité de réagir, peut-être avachie vers l'avant.

Je parvenais le plus souvent à supporter les commentaires de mon confrère, comme si nous discutions d'une totale inconnue. Pourtant, parfois, une effroyable peine me prenait d'assaut, et il me fallait lutter pied à pied contre des larmes tenaces. À deux reprises, je dus sortir de la salle d'autopsie, rester quelques minutes dans le froid glaçant du parking. Lorsque Wright en arriva au fœtus de dix semaines - une fille -, je battis en retraite vers mon bureau situé à l'étage. La loi virginienne était formelle sur ce point : un enfant non né n'était pas considéré comme une personne, en conséquence de quoi un fœtus ne pouvait pas être assassiné.

Lorsque je le joignis un peu plus tard, Marino résuma d'un ton amer :

- Et donc, on en a deux pour le prix d'une.

- Je sais, dis-je en fouillant mon sac à main à la recherche d'un flacon d'aspirine.

- Parce que ces fichus jurés sauront même pas qu'elle était enceinte. Ce sera irrecevable. Ça compte pas qu'il se soit explosé une femme qui attendait un bébé.

- Je sais, Marino, répétai-je. Wright a presque terminé. L'examen clinique n'a rien donné jusque-là, aucune trace, aucun indice, rien qui ressorte. Et de votre côté ?

- Susan traversait une passe difficile.

- Des problèmes avec son mari ?

- Ben, à l'en croire, c'était plutôt avec vous qu'elle en avait. Il prétend que votre attitude vis-à-vis de sa femme était inacceptable, que vous n'arrêtiez pas de l'appeler à son domicile, genre que vous la harceliez moralement et que vous faisiez des tas d'histoires. Il raconte que parfois Susan rentrait du boulot à moitié dingue, qu'elle avait une trouille bleue de quelque chose.

- Je n'avais aucun problème avec Susan.

J'avalai trois cachets d'aspirine d'un coup, les faisant passer à l'aide d'une gorgée de café froid.

- Je me contente de vous rapporter ce que le mari m'a affirmé. Ah, autre chose - et je suis sûr que ça devrait vous intéresser -, on a dégoté une autre plume.

Attention, Doc, c'est pas que ça établit un lien à coup sûr entre le meurtre de Jennifer Deighton et celui de Susan, et je dis pas non plus que c'est ma nouvelle hypothèse d'enquête... Mais merde, c'est quand même un peu fort ! Peut-être qu'on a affaire à un tordu qui porte des gants ou un anorak fourrés en duvet. J'sais pas. Ce que je veux dire, c'est que ce genre d'indices se découvre pas tous les jours. La seule autre occasion où ça m'est arrivé, c'est quand ce glandu avait pénétré dans une baraque qu'il comptait cambrioler en cassant une fenêtre. Un éclat de verre avait déchiré sa doudoune...

Ma migraine empirait, me donnant la nausée.

- ... Ce qu'on a retrouvé dans la bagnole de Susan est vachement petit, genre une minuscule plume blanche de duvet. Elle s'était accrochée à la garniture de la portière côté passager, paroi intérieure, à quatre ou cinq centimètres de l'accoudoir.

- Pourriez-vous me la confier ?

- Pas de problème. Qu'est-ce que vous comptez faire ?

Appeler Benton.

- Ouais, ben, j'ai déjà essayé. Bordel ! Il a dû partir avec sa femme pour les fêtes.

- Il faut que je lui demande si Minor Eider peut collaborer avec nous.

- Vous parlez d'une personne ou d'une marque d'assouplissant ?

- Minor Eider, un analyste des fibres et des poils qui travaille pour le FBI. Sa grande spécialité, ce sont les plumes.

- Attendez, là, et son nom c'est vraiment Eider ? C'est pas des blagues ? insista Marino d'un ton incrédule.

- C'est tout à fait sérieux.