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J’entendis le bruit de pas qui s’approchaient de la porte, puis je distinguai une silhouette derrière la vitre dépolie. Je me redressai dans le porche aux proportions intimidantes et me composai une expression courtoise et engageante. Je réalisai soudain combien j’étais dépenaillée. La porte s’ouvrit de quelques centimètres et le visage d’une femme se glissa dans l’entrebâillement. Je remarquai qu’elle était encore en peignoir et qu’elle n’avait pas terminé de se maquiller. Un œil était prêt pour la journée, souligné d’un trait de crayon et de mascara ; l’autre, vulnérable, ne portait rien.
« Laura ? m’enquis-je par la fente. Je suis terriblement désolée de vous déranger. Je me demandais si je pourrais vous parler quelques minutes. » Sur son visage, l’expression de politesse irritée envers un inconnu qui sonnait à un moment importun laissa progressivement la place à la surprise et, me sembla-t-il, à une identification un brin consternée. « Je suis Sam Laschen », ajoutai-je. La porte s’ouvrit plus grande sur le vaste hall au parquet ciré qui dégageait une impression discrète de richesse et de goût entretenue par les services quotidiens d’une femme de ménage.
« Chère Sam, bien sûr, vous êtes venue à une soirée, n’est-ce pas, en compagnie de… » L’alarme le disputait à l’intérêt sur son visage.
« En compagnie de Michael Daley. En effet. Je suis désolée de me présenter ainsi à l’improviste. Je suis à la recherche d’un élément et je me demandais si vous ne pourriez pas m’aider. Je peux revenir plus tard si ça vous convient mieux. » Elle me dévisageait, les yeux plissés. Étais-je le sujet brûlant de l’année ou une dangereuse cinglée ? C’est la première solution qui l’emporta.
« Mais non, c’est-à-dire, j’ai encore quelques heures devant moi avant d’aller à l’hôpital, et justement hier je disais à Gordon… Mais entrez donc. » Je suivis sa silhouette drapée de tissu éponge jusqu’à la pièce où quelques mois plus tôt j’avais mangé des tiges d’asperges et bu du vin blanc. « Je vais juste m’habiller. Que diriez-vous d’un café ? Ou d’un thé ?
— Un café.
— Je ne serai pas longue », promit-elle, et tandis qu’elle montait les escaliers je l’entendis appeler d’une voix pressante : « Gordon. Gordon ! »
Pendant qu’elle était sortie de la pièce, je m’emparai du téléphone mobile que l’hôpital m’avait fourni et que j’étais encore un peu gênée d’utiliser en public, et composai un numéro.
« Allô, oui, pourriez-vous me passer Philip Kale ? Non, j’attendrai. »
Je laissai mon nom ; quelques secondes plus tard il prit l’appareil.
« Docteur Laschen ? » À l’évidence, il était surpris de m’entendre et, comme les fois précédentes, pressé.
« Oui. Voilà, je me demandais simplement si vous pourriez me donner le groupe sanguin de Finn – de Fiona Mackenzie. Celui que vous avez inscrit sur son rapport d’autopsie.
— Son groupe sanguin ? Oui, bien sûr. Je vous rappellerai. »
Je tiquai à la perspective d’entendre mon téléphone mobile se mettre à sonner au fond de ma poche.
« Non. J’ai beaucoup de déplacements aujourd’hui. Moi je vous rappellerai. Disons, dans une heure. Merci beaucoup. »
Le vrombissement d’un moulin à café me parvint de la cuisine, puis le bruit de vaisselle qu’on remue. Je composai un second numéro.
« Allô, je suis bien à l’hôpital ? Pourriez-vous me passer Margaret Lessing au bureau du personnel ? Maggie ? Bonjour, ici Sam.
— Sam ! s’exclama sa voix à l’autre bout du fil. Salut, qu’est-ce que tu fabriques ?
— Rien de précis. Dis, pourrais-tu faire quelque chose pour moi ? Je voudrais jeter un œil sur le dossier de Fiona Mackenzie, celui qu’on lui a établi quand elle s’est retrouvée à l’hôpital après son agression. Tu pourrais mettre la main dessus ? »
Il y eut un moment d’hésitation.
« Je ne vois pas ce qui m’en empêcherait.
— Merci, Maggie. Je peux venir un peu plus tard dans la journée ?
— Passe-moi un coup de fil avant.
— D’accord. À bientôt. »
Laura se sentait mieux, cela se voyait. Son visage était moins hésitant sous les boucles grises laquées. Elle avait mis un tailleur vert-de-gris qui descendait aux genoux et mettait en valeur deux yeux maquillés et un sourire souligné de rouge. Elle déposa sur la table qui nous séparait un plateau garni d’une cafetière droite, de deux tasses en porcelaine dont les soucoupes contenaient une petite cuillère d’argent, d’un délicat récipient à moitié rempli de lait, et de morceaux de sucre brun pâle ou blanc éclatant. Je pensai à la bouteille de lait et au pot de confiture posés sur la table de ma cuisine, aux cartons que je n’avais toujours pas vidés sur le sol nu de mon bureau. Je n’avais jamais eu ce genre de style. Dieu merci.
« Comment allez-vous ? Nous vous avons tous beaucoup admirée. » Laura me versa d’une main preste une tasse de café fumant, à laquelle j’ajoutai une goutte de lait.
« Très bien, merci. » Je bus une gorgée. « Je souhaitais parler à quelqu’un qui a connu Finn. »
Laura eut l’air flattée. Elle posa une main ferme et soignée sur mon jean.
« Vous avez vécu des événements épouvantables. Même pour des gens comme nous, qui n’étions qu’à la lisière de cette histoire, tout cela a été un grand choc, et…
— Parlez-moi de Finn. »
Elle avala une gorgée de café et s’adossa à son fauteuil, visiblement troublée. C’est moi qu’elle avait souhaité entendre parler.
« Je ne la connaissais pas très bien. C’était une enfant très gentille, très douce, qui avait sans doute souffert à l’école, comme n’importe quelle fille de son âge, à cause de son poids. » Laura leva les sourcils et me regarda. « Puis elle est tombée très malade et s’est éloignée de nous, de tous ceux qui fréquentaient ses parents. Ça a été très difficile pour Léo et Liz. Mais elle s’en est remise. Liz m’a dit que Finn était plus heureuse que jamais. Elle était complètement transformée, d’après eux. Je crois qu’ils considéraient son voyage en Amérique du Sud comme un nouveau départ, une preuve qu’elle avait grandi. »
Tout ça ne menait nulle part. Les diagnostics amateurs de Laura ne m’intéressaient pas. Je voulais des informations, des faits que je pourrais ensuite interpréter moi-même.
« Vous n’auriez pas une photo d’elle, par hasard ? Toutes celles qui se trouvaient chez elle ont été détruites.
— Je ne crois pas. En vérité, c’étaient ses parents que nous voyions de temps en temps. Ne bougez pas. » Elle quitta la pièce. Quand elle réapparut, elle tenait à la main un gros album rouge de format carré. Elle se mit à tourner rapidement les pages remplies de photos en couleur derrière leurs feuillets transparents. Çà et là, elle remuait la tête et émettait un petit claquement de langue discret. Des visages inconnus défilaient devant mes yeux, ainsi que des maisons sans caractère, des collines, des plages, et des groupes de gens qui posaient devant l’objectif. « Voilà une garden-party à laquelle nous sommes allés en compagnie de Liz et de Léo. Fiona y était peut-être aussi. Mais je ne la vois pas. »
Les parents de Fiona, dont les visages flous avaient occupé la première page des journaux quelques mois plus tôt, se tenaient sur une belle pelouse et souriaient au photographe. Elle était maigre sous un chapeau de paille à large bord ; lui paraissait avoir trop chaud et souffrir dans son costume cravate. Sur la gauche de la photo, fuyant le champ, on apercevait un bras nu, le bout d’une robe à fleurs et une mèche de cheveux noirs.
Je mis le doigt sur le bras, comme pour en presser la chair. « Voilà Finn, à coup sûr. »
Je m’assis sur un banc dans un square. Une mère poussait son fils à l’unique balançoire qu’on avait installée sur le carré d’herbe.
« Le docteur Kale, s’il vous plaît », demandai-je dans mon téléphone.
Sa voix me parvint bientôt.
« Rebonjour, docteur Laschen. Oui, j’ai ce que vous m’avez demandé sous les yeux. Voyons voir. Nous y voilà : Fiona Mackenzie était de type O, comme la moitié de la population en Europe occidentale et aux États-Unis. C’est tout ce que vous vouliez savoir ? »
À l’hôpital, Maggie avait l’air en plein stress.
« Désolée, Sam, il me faudra un peu plus de temps pour trouver le dossier. Ces saloperies d’ordinateurs, quelqu’un a dû faire une fausse manœuvre et bloquer le système. Ça t’irait, sa fiche d’admission aux urgences ?
— Très bien.
— Rappelle-moi plus tard. »
« Donald Helman ? Bonjour, j’espère que je ne vous dérange pas. Je suis Samantha Laschen. Nous nous sommes rencontrés à une soirée chez Laura et Gor… Oui, c’est ça. Laura m’a donné votre numéro. Vous avez dit que votre fille était amie avec Finn, et je me demandais si je pourrais lui parler de… Oh. Quand sera-t-elle de retour ? Dans ce cas, il y avait aussi une amie d’école de Finn avec qui j’ai un peu discuté. Je crois qu’elle s’appelait Jenny. Vous ne connaîtriez pas son nom de famille par hasard ? Glaister. Merci beaucoup. »
Jenny Glaister était rentrée pour les vacances de Pâques. Ses parents habitaient une grande maison à une trentaine de kilomètres de Stamford, entourée d’un grand jardin. Elle vint à ma rencontre sur l’allée de gravier au moment où j’arrivais. C’était une journée grise et assez froide, mais elle portait une minuscule jupe de soie bariolée et une chemise légère. Je me souvenais de son assurance et de son aisance à s’exprimer que j’avais remarquées aux funérailles. Ma requête la déroutait, mais je l’intéressais. Les gens étaient suffisamment intrigués par la femme dont ils avaient entendu parler dans les journaux pour me laisser entrer chez eux quelques minutes. Elle nous prépara du thé, puis s’assit en face de moi et posa son visage ovale entre ses mains qui ne portaient pas de bagues.
« En fait, dit-elle, Finn ne faisait pas vraiment partie de notre groupe. Enfin, oui et non. » Elle se mordit la lèvre inférieure avant d’ajouter : « Elle était timide à l’école. Un peu maladroite. Ce qui a été pénible quand elle… enfin, vous savez… quand elle est tombée malade et qu’elle est partie, c’est que quelques-unes d’entre nous se sont senties un peu coupables. Nous nous sommes dit que nous ne l’avions peut-être pas assez intégrée à notre groupe. C’est-à-dire, peut-être qu’elle était devenue anorexique parce qu’elle voulait être comme nous, vous voyez ce que je veux dire ? Je l’ai entrevue après son retour d’Amérique du Sud et je l’ai à peine reconnue. Nous avons toutes été impressionnées. Elle était si mince, si bronzée, elle portait toutes ces fringues fabuleuses et elle semblait tellement plus confiante, elle cherchait beaucoup moins à nous plaire. Toutes nous l’avons un peu admirée, comme si elle était soudain devenue quelqu’un d’autre. Elle était tout à fait différente de la Finn boulotte qui nous suivait partout. »
Je tentai de lui arracher quelque chose de plus précis. Elle fit un effort évident.
« Il y a quelques semaines, j’aurais dit d’elle que c’était une fille intelligente, gentille. Ce genre de chose. Et loyale, ajouta-t-elle. Oui, j’aurais dit que Finn était loyale. On pouvait lui faire confiance, s’appuyer sur elle. Elle faisait toujours ses devoirs, elle arrivait toujours à l’heure, enfin, on pouvait se fier à elle. Elle voulait plaire. Vous avez passé tout ce temps avec elle avant sa mort. Ça vous paraît cadrer ?
— Vous auriez une photo d’elle ? »
Nous avons farfouillé dans une boîte remplie de clichés, dont la plupart montraient Jenny, toujours charmante, à cheval, à la plage, avec sa famille, au violoncelle, en train de recevoir son prix à l’école, occupée à descendre avec grâce une piste de ski. Pas la moindre trace de Finn.
« Vous pourriez essayer l’école, suggéra-t-elle. Il doit bien y avoir une photo de classe et les vacances n’ont pas encore commencé. La secrétaire, Ruth Plomer, vous aidera dans vos recherches. Elle est adorable. »
Pourquoi n’y avais-je pas songé ?
Du coup, je me rendis à Grey Hall. Contrairement à ce qu’indiquait son nom, l’école n’était pas grise mais rouge, resplendissante, installée en retrait de la route au milieu de jolies pelouses bien vertes. Sur le terrain de sport j’aperçus un groupe de jeunes filles vêtues de shorts gris et de chemisettes blanches en synthétique qui agitaient des crosses de hockey en suivant les aboiements d’une grande femme. À l’intérieur, une odeur de cire, de légumes verts, d’huile de lin et de féminité m’accueillit. Derrière les portes fermées je distinguai le murmure des cours qui s’y déroulaient. Ce n’était pas le souvenir que je gardais de mon collège d’Elmore Hill. Une femme vêtue d’un tablier m’indiqua le bureau de la secrétaire, au fond d’un couloir.
L’œil aussi rond et le nez aussi fin que celui d’un oiseau, Ruth Plomer trônait au milieu d’un nid de dossiers, de corbeilles en osier et de piles de formulaires. Elle écouta ma requête avec attention, puis hocha la tête.
« Pour être franche, docteur Laschen, la presse est venue ici nous demander des photos, des commentaires ou des interviews, et nous avons eu pour règle de n’accéder à aucune demande. » Elle marqua une pause et je gardai le silence. Elle se pencha légèrement en avant. « Vous voulez juste voir une photo, c’est bien cela ? Vous n’avez pas l’intention de l’emporter ? Vous ne désirez parler à personne ?
— C’est exact. J’ai besoin de savoir à quoi elle ressemblait avant de venir vivre chez moi. »
Elle parut troublée ; apparemment, elle débattait intérieurement de la question et finit par céder.
« Je ne vois pas quel mal il y aurait à cela. Nous n’avons pas de portraits individuels, mais nous faisons toujours des photographies de groupes. Quelle a été sa dernière année ici ?
— Je crois qu’elle a officiellement quitté votre établissement à l’été 1995, mais elle a été malade presque toute l’année. Peut-être pourrais-je consulter la photographie de l’année précédente ?
— Laissez-moi une seconde ; je vais voir ce que je peux faire. »
Elle quitta la pièce ; j’entendis le bruit de ses pas s’éloigner puis se rapprocher. Miss Plomer tenait à la main un rouleau de papier qu’elle déroula sur son bureau surchargé. Je m’avançai pour examiner les rangées de visages à la recherche de Finn. Elle chaussa ses lunettes.
« C’est la photo de 1994. Voilà la liste de leurs noms. Voyons, oui, elle se trouve au troisième rang. La voilà. » Un ongle soigné se posa sur une silhouette située dans la partie gauche de la photo. Des cheveux noirs, des traits un peu flous : elle avait dû se retourner au moment où le volet s’était ouvert, exactement comme elle l’avait fait quand je l’avais prise en photo. Je pris la feuille pour la tenir à la lumière et la fixai avec intensité, mais l’image semblait s’éloigner de mon regard. Je n’aurais pas reconnu Finn. Ce visage était illisible.
« Maggie. Salut, c’est encore Sam. Tu as trouvé le dossier ?
— Non. Il y a un trou dans le fichier des urgences. Quelqu’un a dû le sortir et j’essaie de trouver qui. Rappelle-moi plus tard. » Elle croulait sous le travail, elle était énervée et impatiente de raccrocher.
Tout avait disparu. Que faire maintenant ?
Où l’avais-je mis, mais qu’est-ce que j’avais bien pu en faire ? Je fis voler le couvercle de la malle. Les dessins d’Elsie, des dizaines et des dizaines de gouaches, s’y trouvaient empilés. Certains étaient collés par la peinture. D’autres avaient conservé des bouts de scotch aux coins, du temps où ils étaient accrochés au mur. Des monstres à trois pattes gris et verts, des pâquerettes jaunes, la tige bien droite complétée de deux feuilles retombantes, de farouches barbouillages violets, des visages aux yeux de guingois, des animaux incertains, des tas de paysages marins sur lesquels des lignes ondulées bleues traversaient l’épaisse feuille de papier blanc. Des arcs-en-ciel dont les couleurs coulaient. La lune et les étoiles dont le jaune saignait dans des traînées de nuits noires. Je prenais chaque dessin, le regardais, puis le retournais. Il ne pouvait pas ne pas être dans le lot. Je retrouvais des traces de la présence de Finn à la maison : des titres ici et là, tracés d’une écriture nette et agrémentés de la date, un modèle de chien réalisé par un adulte reproduit à côté par un enfant ; à plusieurs reprises des dessins entiers exécutés à la va-vite, des chevaux, des arbres et des bateaux, à l’évidence de la main de Finn. Mais je ne trouvais pas ce que je cherchais. J’étais arrivée dans un cul-de-sac.
J’entrai dans la chambre d’Elsie et ouvris ses tiroirs. Des poupées aux membres roses, habillées de robes voyantes, me fixèrent, au milieu d’animaux en tricot, de petites boîtes vides, de perles aux franches couleurs primaires, de rubans satinés et d’armées entières de ces minuscules babioles en plastique qu’on récolte dans les pochettes-surprises. Dans son cahier il y avait plusieurs dessins mais pas celui que je cherchais. Sous le lit je trouvai un chausson, trois chaussettes dépareillées, et Anatoly qui dormait. Je grimpai sur une chaise et j’attrapai au-dessus de l’armoire un tas de vieux papiers pliés en deux. Sur le haut de la pile se trouvait le nom d’Elsie, répété des dizaines de fois, au crayon, en grosses lettres tremblotantes. Au-dessous, la carte au trésor. Je l’avais trouvée.
Je sautai de la chaise puis j’étalai la feuille sur le sol avec tendresse, regardant les taches de couleur et les lettres rouges craquelées. Un S et un E. Et là, un F, signé de son sang.
Je soulevai le papier avec beaucoup de précaution, comme s’il s’agissait d’un de ces rêves qui s’envolent dès que l’on cherche à les attraper. Dans mon bureau, au rez-de-chaussée, se trouvait une pile de grandes enveloppes brunes. J’en pris une dans laquelle je glissai la carte et sa signature de sang avant de la sceller. Puis je m’emparai de mes clés de voiture et me précipitai dehors. Je tenais mon indice.
« C’est encore vous. »
Je m’étais assise mais Chris restait debout, les mains sur les hanches, à me regarder.
« Je l’ai retrouvé. Ce que je cherchais.
— Et qu’est-ce que c’est ? »
Je pris l’enveloppe, toujours fermée, et la posai sur son bureau. « À l’intérieur, commençai-je d’une voix très lente, comme si je parlais à un fou, ou comme si je l’étais moi-même, à l’intérieur il y a un dessin.
— Un dessin. Comme c’est gentil.
— Un dessin, continuai-je, d’Elsie.
— Ecoutez, Sam. » Chris se pencha en avant et je remarquai que son visage avait pris une teinte très rouge. « Je n’ai rien contre vous, au contraire, mais rentrez chez vous, allez retrouver votre fille, fichez-moi la paix.
— C’est la relique d’un jeu d’enfant. Finn et moi l’avons signée de nos initiales, avec notre sang. » Il ouvrit la bouche et je crus qu’il allait se mettre à me hurler dessus, mais aucun son n’en sortit. « Donnez-le à Kale. Faites-le tester. »
Il se laissa tomber sur une chaise. « Vous êtes folle. Vous avez complètement perdu la tête.
— Et j’exige un reçu. Je ne veux pas que ce dessin disparaisse. »
Angeloglou me fixa de longues secondes.
« Vous voulez que nous gardions une trace écrite de votre comportement, c’est ça ? D’accord », cria-t-il. Il se mit à fouiller son bureau avec frénésie. Comme il ne trouvait pas ce qu’il cherchait, il sortit en trombe de la pièce et revint un formulaire à la main. Il l’abattit sur le bureau et s’empara d’un stylo avec détermination.
« Nom ? » aboya-t-il.