10

La présence de Finn rafraîchit nettement l’atmosphère à la maison. Je l’apercevais toujours du coin de l’œil, avachie par ici, à traîner les pieds par là. Au cours de toutes les discussions que nous avions eues au sujet de sa sécurité ou de mon statut dans cet engagement, jamais il n’avait été question de ce qu’elle était censée faire chez moi, de la manière dont elle devait passer le temps d’heure en heure. Les premiers jours, elle se réveilla de bonne heure. J’entendais parfois le frottement de ses pieds nus sur les lattes du couloir. Au petit déjeuner, j’allais frapper à sa porte pour lui demander si elle voulait quelque chose. Elle ne répondait pas. Elle demeurait invisible jusqu’au moment où je revenais d’avoir conduit Elsie à l’école. Je la trouvais alors assise sur le canapé à regarder les programmes du matin à la télévision, les émissions de jeu, les talk-shows, les bulletins d’information, les feuilletons australiens mièvres. Elle restait impassible, presque immobile, à part sa main qui n’arrêtait pas de traficoter le plâtre autour de son cou. Tripotis, tripotis, tripotis. Je lui apportais une tasse de café noir sans sucre qu’elle prenait en l’entourant de ses mains comme pour s’imprégner de sa chaleur. Ce geste entre nous était ce qui s’approchait le plus d’un contact humain de toute la journée. Je lui apportais des toasts, mais une demi-heure après elle n’y avait toujours pas touché, et le beurre s’était figé en une pellicule rigide sur les tranches.

Quand je croisais Finn, je lui parlais tranquillement de choses et d’autres, un peu comme on le ferait avec un patient plongé dans un coma profond, sans savoir si c’est à lui ou à soi-même qu’on s’adresse. Voilà du café. Attention à tes mains. Il fait beau. Pousse-toi un peu. Qu’est-ce que tu regardes ? Les questions occasionnelles survenaient par erreur et provoquaient des silences gênés. J’étais embarrassée et furieuse après moi d’éprouver ce sentiment. Je me trouvais en pleine déconfiture, aussi bien sur le plan professionnel que personnel. J’étais censée me trouver là dans mon domaine et je me comportais de façon absurde autant qu’inefficace. Mais c’était toute la situation en elle-même qui était un désastre, pas simplement la façon dont je m’en débrouillais. Admettre une jeune femme sévèrement traumatisée chez moi, l’installer dans mon propre contexte familial, ce contexte bancal, tout cela était contraire aux procédures les plus normales. Et Danny me manquait avec une force qui me surprenait.

Un après-midi, au troisième jour de la présence muette de Finn, je pris la voiture pour aller chercher Elsie. En chemin, je passai intérieurement en revue un certain nombre de projets. Quand j’entrai dans la classe d’Elsie, je la trouvai penchée sur un dessin presque aussi grand qu’elle. Elle avait les yeux rivés sur sa feuille avec une concentration féroce et appliquait quelques touches finales au crayon noir. Je m’agenouillai près d’elle pour regarder par-dessus son épaule. Je sentis l’odeur de sa peau douce, et ses cheveux duveteux me caressèrent la joue.

« Il est très joli, ton éléphant.

— C’est un cheval, me répondit-elle d’une voix ferme.

— Pourtant ça ressemble à un éléphant, protestai-je. Il a une trompe.

— Ça ressemble peut-être à un éléphant, mais c’est un cheval. » Je n’allais pas m’avouer vaincue aussi facilement.

« Moi, je ressemble à une femme normale. Est-ce que je pourrais moi aussi être un cheval ? »

Elsie leva les yeux vers moi avec un intérêt renouvelé.

« Parce que tu en es un ? »

J’éprouvai des remords en songeant aux complications que j’infligeais à ce petit lutin courroucé aux cheveux de lin. Il me fallait faire quelque chose pour elle. Il fallait même que je le fasse maintenant. Tout de suite. Je jetai un coup d’œil autour de moi.

« Avec qui tu as joué, Elsie ?

— Avec personne.

— Allez, dis-le-moi, avec qui ?

— Avec Mungo.

— Et à part Mungo ?

— Avec personne d’autre.

— Donne-moi le nom d’un enfant avec qui tu as joué.

— Penelope. »

J’allai voir l’institutrice, Miss Karlin, l’incarnation parfaite de l’enseignante idéale avec sa longue robe à fleurs, ses lunettes cerclées de fer, et ses cheveux attachés avec soin, et je lui demandai de me désigner Penelope. Elle me répondit qu’elle ne connaissait aucun élève de ce nom dans la classe, ni même dans l’école tout entière. Dans ce cas, lui était-il possible de me montrer un élève avec qui Elsie aurait joué, auprès de qui elle se serait trouvée ne serait-ce que deux minutes ? Miss Karlin me désigna du doigt une petite fille châtain nommée Kirsty. Je me faufilai alors dans un coin de la classe à la manière d’un détective privé, et, quand une femme s’approcha de Kirsty pour essayer de lui enfiler un petit duffle-coat, je l’abordai.

« Bonjour, lançai-je sans plus de préambules. Je suis ravie d’apprendre que Kirsty et Elsie – c’est ma fille, celle qui est accroupie là-bas – sont devenues de si bonnes amies.

— Ah oui ? Je n’étais pas…

— Il faut que Kirsty vienne jouer avec Elsie à la maison.

— Euh, peut-être…

— Et pourquoi pas demain ?

— Mais, Kirsty n’a pas vraiment l’habitude…

— Tout ira bien. Miss Karlin m’a dit qu’elles étaient absolument inséparables. Linda viendra les chercher et je reconduirai Kirsty. Vous voulez bien me laisser votre adresse ? À moins que vous ne préfériez venir la chercher ? »

Et voilà, j’avais réglé le problème d’Elsie. Le reste de la journée ne se passa pas au mieux. Après notre retour à la maison, je tentai d’éloigner le plus possible Elsie de la présence de Finn. Nous mangeâmes en tête à tête toutes les deux, puis j’emmenai Elsie dans sa chambre. Elle prit un bain, et je restai assise sur son lit pour lui lire des histoires.

« Elle est là, Fing ?

— Finn.

— Fing.

— Finn.

— Fing.

— Fin-n-n-n-n-n.

— Fing-ng-ng-ng. »

Je laissai tomber.

« Oui.

— Où elle est ?

— Je crois qu’elle dort, mentis-je.

— Pourquoi ?

— Elle est fatiguée.

— Elle est malade ?

— Non, elle a juste besoin de repos. »

Cette réponse l’occupa suffisamment longtemps pour me permettre de passer à autre chose.

Le lendemain matin, j’essayai de me retirer dans mon bureau et de m’installer devant l’écran de mon ordinateur. Cette nouvelle tentative s’avéra aussi piteuse que les précédentes. Je fis un double clic sur le logiciel d’échecs, en me disant qu’au train où allaient les choses je pouvais bien me faire une petite partie. Après une ouverture au roi, le programme m’entraîna dans une version compliquée de la « défense sicilienne ». Sans beaucoup réfléchir, je déployai mes pions dans une position favorable, puis je simplifiai la configuration de l’échiquier au moyen d’une suite de déplacements. L’ordinateur perdait, mais il me fallut une longue série de manœuvres compliquées pour damer un pion. C’était bien fait pour la machine, et j’y avais passé une heure entière. Bon sang de bonsoir. Il était temps de me mettre au travail.

Je sortis de ma poche une carte de visite professionnelle et la fis glisser entre les interstices de mon clavier. Je réussis à faire sortir une quantité impressionnante de poussière, de poils de chat et de cheveux qui s’étaient retrouvés coincés sous les touches, de sorte que je décidai d’attaquer le problème de manière systématique. Je fis passer la carte entre la rangée des nombres et la rangée AZERTY, puis entre les rangées AZERTY et QSDFG, et enfin entre les rangées QSDFG et WXCVB. Au bout du compte, je me retrouvai avec un petit monticule crasseux qui aurait pu servir d’oreiller à une souris. Je soufflai dessus un grand coup et il alla disparaître derrière mon bureau.

L’idée même d’accomplir le moindre travail était absurde. Je déteste les araignées. C’est une aversion ridicule, parce que je sais que ce sont des insectes fascinants, et j’en passe, mais je ne peux pas les supporter. Il me semblait en avoir aperçu une dans la pièce, et l’avoir vue se carapater dans un coin. Je savais qu’elle se trouvait quelque part et je n’arrivais pas à penser à autre chose. Finn était dans la maison et j’avais l’impression qu’elle me tournait en rond dans la tête. Je regardai la carte de visite dont les coins étaient à présent sales et cornés. C’était la carte que Michael Daley m’avait laissée. Je composai son numéro professionnel. Il n’était pas joignable, et je laissai mon nom. Moins d’une minute plus tard, il me rappela.

« Comment va-t-elle ? » me demanda-t-il immédiatement.

Je lui décrivis le comportement de Finn et exprimai les doutes que je nourrissais quant à la tournure que prenaient les événements. Mon intervention fut suivie d’un long silence.

« Vous êtes toujours là ?

— Oui. » Daley commença à dire quelque chose, puis il s’interrompit. « Je ne sais vraiment pas quoi dire. À mon avis, on vous a mise dans une situation impossible. Et je m’inquiète aussi pour Finn. Laissez-moi y réfléchir.

— Pour être franche, Michael, tout ça a l’air d’une farce. Je ne crois pas que ça arrange qui que ce soit.

— Vous avez sans doute raison. Il faudrait que nous parlions.

— Mais c’est bien ce que nous sommes en train de faire.

— Pardon, c’est vrai. Je peux venir la voir ?

— Quand ?

— Tout de suite.

— Vous n’êtes pas en consultation ?

— J’ai terminé, et j’ai une heure devant moi.

— Alors c’est parfait. Eh bien, un médecin qui accepte de faire des visites à domicile ! Vous mériteriez qu’on vous empaille pour la postérité. »

Daley arriva à peine un quart d’heure plus tard. Il était en tenue de travail, c’est-à-dire qu’il portait un costume sombre, une cravate de couleur vive, et un parka. Il s’était rasé et peigné les cheveux, mais tout cela lui conférait une apparence à la fois incongrue et agréable. Il avait l’air inquiet, voire perturbé.

« Est-ce que je peux la voir ?

— Bien sûr, elle est devant la télévision. Prenez tout votre temps. Vous voulez quelque chose à boire, un thé ?

— Plus tard. Accordez-moi quelques minutes. J’aimerais pouvoir l’examiner. »

Daley disparut dans le salon et ferma la porte. Je ramassai un journal et j’attendis. Après un certain laps de temps il réapparut, l’air toujours aussi préoccupé. Il vint me trouver dans la cuisine.

« Je boirais bien ce thé que vous m’avez promis à présent. » Il se passa la main dans les cheveux.

Je remplis la bouilloire électrique avant de la brancher.

« Alors ?

— Elle ne m’a rien dit à moi non plus. Je l’ai bien regardée. Physiquement, elle est en bonne santé. Mais ça, vous le savez déjà.

— Ce n’est pas la question, il me semble.

— Non. »

En attendant que l’eau bouille, je déplaçai les tasses, dénichai des sachets de thé et tripotai des cuillères dans un tintement métallique.

« Une bouilloire qu’on surveille met environ trois minutes à bouillir », remarquai-je.

Michael ne répondit pas. Je finis par déposer deux tasses de thé devant lui et j’allai m’asseoir en face.

« Je ne peux pas vous prêter mon entière attention très longtemps, annonçai-je. Linda va arriver d’une minute à l’autre avec Elsie et sa nouvelle amie, ou du moins son ersatz d’amie.

— De toute façon il faut que j’y aille. Écoutez, Sam, je suis désolé qu’on vous ait mis ça sur les bras. Cette situation ne mène nulle part. Et ce n’est pas votre faute. Ne prenez aucune initiative. Laissez-moi un jour ou deux : je vais appeler Baird et nous allons vous débarrasser d’elle.

— Ce n’est pas ce que je voulais dire, répliquai-je, mal à l’aise. Le problème n’est pas de me débarrasser de qui que ce soit.

— Non, bien sûr que non. Je vous parle en tant que médecin. Je ne crois pas que ce lui soit très profitable. En plus, ce qui n’arrange rien, ça ne vous aide pas beaucoup non plus. Je vous passerai un coup de fil demain après-midi et je vous ferai savoir ce que nous avons décidé. »

Il posa le menton dans une main et me sourit. « D’accord ?

— Je suis désolée que les choses se passent ainsi. Je déteste me sentir incapable de faire quelque chose, mais cette histoire… » Je haussai les épaules.

« Ne vous en faites pas », rétorqua-t-il.

L’entrée de Kirsty dans la maison ne se fit pas sous les meilleurs auspices. Elsie me passa droit devant en courant. Linda apparut ensuite, tenant à la main une petite fille à la mine renfrognée.

« Bonjour, Kirsty, commençai-je.

— Je veux ma maman.

— Est-ce que tu veux une pomme ?

— Non… Je veux rentrer chez moi. » Elle se mit à pleurer de vraies grosses larmes qui coulaient sur ses joues rouges.

Je la pris dans mes bras et l’emmenai dans le salon. Finn n’y était pas, Dieu merci. Sans lâcher Kirsty que je portai toujours de mon bras gauche, je tirai une boîte de jouets de derrière le canapé et criai à Linda de faire descendre Elsie, par la force s’il le fallait. Il y avait là des poupées sans habits et des habits sans poupées.

« Et si tu habillais les poupées, Kirsty ? proposai-je.

— Non. »

Une Elsie tout aussi butée entra dans la pièce, tirée par Linda.

« Elsie, tu ne voudrais pas aider Kirsty à habiller les poupées ?

— Non. »

Le téléphone sonna dans l’entrée.

« Réponds, Linda, s’il te plaît. Tu les aimes bien, tes poupées, Elsie, non ? Pourquoi tu ne les montrerais pas à Kirsty ?

— J’ai pas envie.

— Mais merde à la fin, vous êtes censées être copines, non ? »

Elles étaient toutes les deux en pleurs quand Linda réapparut dans la pièce.

« C’est une certaine Thelma qui veut vous parler, annonça-t-elle.

— Zut, dis-lui de… et puis non, il vaudrait mieux que je la prenne dans mon bureau. Fais en sorte que personne ne quitte cette pièce. »

Thelma appelait pour savoir comment se déroulaient les événements et je lui décrivis la situation le plus rapidement possible. Malgré cela, il s’écoula plus de vingt minutes avant que je puisse raccrocher. Quand je quittai mon bureau, je m’attendais à devoir affronter des hurlements, du sang sur les murs, des poursuites judiciaires lancées par la mère de Kirsty et une enquête des services sociaux de l’Essex, le tout culminant par mon renvoi de Stamford. Au lieu de cela, le premier son qui me parvint fut un minuscule rire cristallin. Je me dis que Linda devait avoir l’étoffe d’une fée, mais en arrivant dans le couloir je la trouvais debout à côté de la porte entrouverte du salon.

« Qu’est-ce… ? » commençai-je, mais elle me fit signe de me taire et d’avancer, un sourire aux lèvres.

Je m’approchai sur la pointe des pieds et jetai un œil dans la pièce. Il y eut un cri de joie qui se transforma en une cascade de rires.

« Où il est passé ?

— Je ne sais pas. »

À qui était cette voix ? Était-il possible que… ?

« Si tu sais, si tu sais, insistèrent deux petites voix.

— Oh, oh, je crois qu’il est peut-être dans l’oreille de Kirsty. Et si on regardait ? Eh oui, le voilà. »

Ce qui fut suivi de deux nouveaux petits cris de joie.

« Encore, Fing, encore. »

Elsie et Kirsty étaient agenouillées sur le tapis. Très lentement je passai la tête dans l’entrebâillement de la porte. Finn était assise en face d’elles. Elle tenait entre le pouce et l’index de sa main gauche une petite balle jaune trouvée dans la boîte à jouets.

« Je ne suis pas sûre d’y arriver une fois encore », dit-elle en se frottant doucement les mains, faisant passer la balle de l’une à l’autre. Elle avança la main gauche. « Vous pouvez souffler ? »

Le front plissé et les joues gonflées, Elsie et Kirsty lui soufflèrent sur la main.

« Et il faut dire le mot magique.

— Abracadabra. »

Finn ouvrit la main gauche. La balle avait disparu, bien évidemment. C’était un très mauvais tour de magie mais les deux petites filles en restèrent bouche bée d’étonnement, avant de pousser un cri et d’éclater de rire. Aucune des trois ne me vit me retirer dans le couloir.

« N’allons pas les interrompre », murmurai-je, et nous nous éloignâmes sur la pointe des pieds.

 

« Je n’en reviens pas. » La mère de Kirsty attendait sa fille sur le pas de la porte. « Je n’ai jamais vu Kirsty aussi à l’aise chez quelqu’un.

— Oh, ce n’est rien de bien extraordinaire, rétorquai-je, pleine de modestie. Nous avons seulement tenté de la mettre à l’aise.

— Je me demande comment vous vous y êtes prise. Allez, viens, Kirsty. Au revoir. Elsie, ça te dirait de venir jouer chez Kirsty un de ces jours ?

— Je veux pas m’en aller, pleurnicha à nouveau Kirsty. Je veux rester avec Fing.

— De qui parles-tu ? » La mère de Kirsty m’adressa un regard interrogateur. « C’est vous qu’elle appelle comme ça ?

— Non, admis-je. Il s’agit de Fiona – une jeune fille qui demeure chez moi en ce moment.

— Je veux pas m’en aller ! » hurla Kirsty.

Sa mère la prit dans ses bras et se dirigea vers sa voiture. Je fermai la porte derrière elles. Les cris s’éloignèrent dans la nuit. Il y eut un claquement de portière et le silence se fit. Je m’agenouillai tout près d’Elsie.

« Ça t’a plu ? » lui demandai-je tout bas à l’oreille.

Elle hocha la tête. Elle rayonnait.

« Bien, repris-je. Alors maintenant tu vas monter à toute vitesse te déshabiller. Je te rejoins dans une minute et tu prendras ton bain.

— Elle peut venir, Fing ? Elle peut me raconter une histoire ?

— Je vais voir ça. Allez, ouste. »

Je la regardai s’éloigner de dos, admirant ce petit corps robuste qui montait les escaliers. Puis je fis demi-tour et pénétrai dans le salon. La télévision était allumée ; assise sur le canapé, Finn regardait l’écran. Je m’installai à côté d’elle et elle ne fit pas le moindre geste pour signifier qu’elle avait remarqué ma présence. Je fixai le poste pour tenter de deviner quel programme elle regardait. Tout à coup je sentis sa main se poser sur la mienne. Je tournai la tête et rencontrai son regard.

« J’ai été pénible, déclara-t-elle.

— Ce n’est pas grave.

— Elsie m’a fait un cadeau. »

Je ne pus m’empêcher de rire.

« Et qu’est-ce que ça peut bien être ?

— Regardez. » Finn avança un poing fermé. Elle ouvrit lentement les doigts et je vis apparaître, perché bien droit sur la paume de sa main, un des oiseaux de Danny.

 

Cette nuit-là, j’appelai Danny. J’essayai à dix heures, à onze heures, puis à minuit. Quand il décrocha à ce troisième essai, il avait la voix épaisse, comme si je l’avais réveillé.

« Tu m’as manqué », avouai-je.

Il émit un grognement.

« Je n’ai pas arrêté de penser à toi, poursuivis-je. Et tu avais raison. Je suis désolée.

— Ah, Sammy. Toi aussi tu m’as manqué. C’est à croire que je n’arrive pas à te sortir de ma tête.

— Quand est-ce que tu viens ?

— Je suis en train de refaire une cuisine chez un couple qui a l’air de penser que dormir est un luxe et que le week-end ça n’existe pas. Laisse-moi une semaine et j’arrive.

— Tu crois que je peux tenir une semaine ?

— Mais quand je serai là, il va falloir qu’on parle.

— Je sais.

— Tu es impossible, mais je t’aime. »

Je ne répondis pas. Quelques instants plus tard, il reprit d’une voix sombre : « Ça t’est si difficile à dire ? »