OCTOBRE
Retrouvé dans un placard un disque des improvisations au piano de Freddy Thall à l’hôtel Dolder de Zurich. Ce vieux palace somptueux, luxueux et sombre domine le lac de Zurich. Je ne l’ai jamais habité, mais j’y suis allé par curiosité. Le pianiste de la salle de thé est toujours là et improvise obligatoirement chaque jour de 16 heures à 18 heures et de 21 heures à 23 heures, enchaînant des vieux succès nostalgiques et sentimentaux – Parlez-moi d’amour, Nono, Nanette, Tea for two, etc. Freddy Thall apparaît sur la pochette conforme à sa fonction, vieux charmeur gras et calamistré, au regard langoureux, filtrant au-dessus de poches qu’on imagine gonflées de larmes.
Voyage éclair à Marseille sur l’invitation de Gaston Deferre et Edmonde Charles-Roux. Nos voitures à cocarde s’arrêtent devant l’Ancienne Charité récemment restaurée par les soins de Gaston Deferre. Le quartier est, comme on dit, « sensible ». Un groupe d’adolescents observe notre petit cortège. Soudain l’un d’eux s’en détache, s’approche de nous, s’arrête en face de moi, braque un révolver sur mon nez et tire. Le révolver est chargé… à blanc. Puis il fait demi-tour en riant et regagne le groupe de ses copains. Je dis au journaliste du Provençal qui est à côté de moi : « S’il m’avait tué, quel beau fait divers pour vous ! » J’ajoute que mourir assassiné me semble une fin enviable, prestigieuse, moins bête à coup sûr que l’accident d’auto (Nimier, Camus, Barthes), moins discutable que le suicide (Hemingway, Montherlant, Gary, Deleuze), moins sale que la maladie (Malraux, Sartre, Yourcenar).
Déjeuner avec Julien Green. Nous parlons de l’humour noir. Il cite ce fait divers relevé dans un quotidien américain : on a trouvé à Central Park le cadavre d’une jeune fille qui avait été violée et assassinée. Dans son sac se trouvait son journal intime. La veille elle se plaignait d’avoir une vie fade où il ne se passait jamais rien.
Jorge Semprun a vu dans un jeu télévisé l’un des participants réfléchir longuement à la question : « Quel est le philosophe français qui a écrit Je pense, donc je suis ? ».
Soudain son visage s’éclaire. Il a trouvé ! « La Palice ! », s’écrie-t-il.
Je tombe une fois de plus sous le charme noir de ces vers de Baudelaire :
La diane chantait dans les cours des casernes
Et le vent du matin soufflait sur les lanternes.
C’était l’heure où l’essaim des rêves malfaisants
Tord sur leur oreiller les bruns adolescents.
Je me retrouve pensionnaire de quatorze ans dans l’immense et glacial dortoir du collège Saint-François d’Alençon. La caserne du Premier Chasseur à cheval se trouvait à proximité. Quand nous entendions la sonnerie plaintive du clairon donner l’éveil, nous savions que trente minutes plus tard ce serait notre tour.
Tempête. Le vent ne disperse pas les feuilles mortes. Au contraire, il les rassemble en petits tas bien propres. Vent violent, mais soigneux. Le désordre dans la nature est toujours le fait de l’homme.
Nomade ou sédentaire ? Distinction fondamentale de l’humanité. Le berger nomade Abel en perpétuel conflit avec l’agriculteur sédentaire Caïn. Ou l’arbre et la pirogue. Il faut choisir, car en fabriquant la pirogue, on détruit l’arbre.
Comme chaque année, début octobre, la presse fait des pronostics sur le prochain prix Nobel de littérature. Et comme chaque année mon nom est cité. C’est vrai que je suis « nobélisable », mais il est également vrai que le prix Nobel ne va jamais à un nobélisable. Le cas le plus typique fut celui de Graham Greene si longtemps « nobélisable » que certains dictionnaires lui attribuent – comme à l’ancienneté – un prix Nobel qu’il n’a jamais eu. Il y a longtemps que l’Académie de Stockholm a pris le parti de surprendre et de déjouer les pronostics en donnant son prix au plus obscur. Il doit être d’ailleurs redoutable de l’avoir, ce fameux prix. On porte alors un masque. Ce que je dis dès lors, ce n’est pas moi qui le dis, c’est le Prix Nobel. La plume légère que j’ai à la main et avec laquelle je m’amuse et j’amuse la galerie se transformerait en lourde massue avec laquelle je ferais malgré moi des moulinets patauds et meurtriers. Je me souviens de la colère de Sartre : dans une interview il avait vertement critiqué les programmes de France Musique. Aussitôt le responsable avait été mis à la porte. Je pense que si, contre toute probabilité, j’avais le Nobel, je changerais le presbytère en musée où trônerait le mannequin de cire dudit Tournier, et je déménagerais. Je vivrais et j’écrirais sous un pseudonyme, et je commencerais une nouvelle carrière. Ce serait pour moi le début d’une complète métamorphose. Il est bien vrai que je suis hanté par celle si magnifiquement amorcée et si tragiquement interrompue de Romain Gary en Émile Ajar. La formidable énergie d’un prix Nobel m’aiderait peut-être à réussir là où Gary a échoué.
Visite au Louvre. Je remarque dans ce public cosmopolite de ravissants visages qui me détournent des chefs-d’œuvre exposés. Puis je me fais la réflexion suivante : il est bien évident que ces « visages ravissants » sont ici plus nombreux et plus évidents que partout ailleurs. Ne serait-ce pas justement les chefs-d’œuvre qui les révèlent et en quelque sorte les « allument » ? Je m’amuse des réflexions suscitées par les tableaux. Plusieurs touristes s’avouent déçus par les dimensions de La Joconde. Comment un tableau aussi célèbre peut-il être aussi petit ? « Ach, ich hatte es mir grösser vorgestellt ! », s’exclame une Allemande. On a eu la malignité de placer côte à côte le François 1er de Clouet et celui du Titien. Quelqu’un déclare : « Je trouve celui du Titien plus ressemblant ! »
Les voyages me pèsent de plus en plus. Certes ils me font du bien physiquement et moralement, mais à quel prix ! C’est ce qu’on appelle une médecine de cheval. Quand je pars, je m’accroche à la joie anticipée du retour. Je me redis ce mot de Talleyrand à Louis XVIII. Napoléon venait de débarquer en France et remontait irrésistiblement vers Paris. Talleyrand dit au roi : « Sire, si vous voulez revenir, il faut partir ! »
Visite à la médiathèque d’Issy-les-Moulineaux. Un petit homme m’aborde et se présente comme le maire de la commune. Il me remercie des belles pages que j’ai consacrées dans Les Météores à l’usine d’incinération des ordures ménagères de la ville. Cette usine lui vaut de dures attaques, mais la commune en a grand besoin pour ses finances. Je lui dis que je continue à l’admirer et que je regrette que l’on n’ait pas confié à son architecte la construction du Centre Pompidou.
Une berce du Caucase apporte une note mystérieuse à mon jardin. Cette plante gigantesque – facilement trois mètres de haut, des fleurs en ombelles d’un diamètre imposant – n’apparaît que tous les quatre ans et chaque fois dans des lieux différents du jardin. Toutes mes tentatives pour récolter et replanter les graines ont échoué. Cette année elle se dresse majestueusement le long du mur de l’église.
Grief : motif de plainte que l’on estime avoir contre quelqu’un. Grièvement gravement (au physique seulement). Cette nuit, nuit « griève ». Insomnie. Je trouve un « motif de plainte » contre quelqu’un de mon entourage. Je m’en empare. Fiévreusement, je l’aiguise, je le hérisse de pointes. Puis je m’en larde de coups. L’aube pâlit quand je m’endors enfin d’un mauvais sommeil, couvert de blessures que je me suis infligées avec cette arme imaginaire.
La prochaine parution de mon Roi des Aulnes en hébreu me vaut la visite d’un journaliste et d’un photographe israéliens. Le journaliste se place à côté de moi devant l’église de Choisel et dit au photographe : « Alors tu nous prends ensemble et tu t’arranges pour qu’on voit bien la synagogue derrière nous. » Je bondis : « Mais Monsieur, ce n’est pas une synagogue, c’est une mosquée ! »
Mon neveu Éric m’emmène à quelques kilomètres dans la forêt de Rambouillet. Il y a là une réserve de huit mille hectares où la nuit tombée on peut voir (vaguement) et entendre (distinctement) les cerfs qui sont en plein rut. Leur excitation les détourne de prendre garde à nous et nous pouvons les approcher à moins de trente mètres. Pour les retenir, les gardes-chasse entretiennent un champ de maïs et un carré de luzerne. Ils n’en demandent pas davantage. Le garde qui nous accompagne raconte qu’au Canada on piège les renards et les lynx en détournant leur attention du piège à l’aide d’un simple bouquet de plumes attaché en évidence à une branche d’arbre. L’animal hypnotisé par cet objet ne prend pas garde où il met les pieds.
Visite au Grand Palais de l’exposition « L’âme au corps ». Ce qui me surprend, c’est l’interprétation donnée ici de la sculpture de Degas Petite Danseuse de quatorze ans. Je n’y voyais à ce jour qu’une gamine amusante – plutôt de onze ans que de quatorze – avec une frimousse naïvement offerte. Le commentaire qui en est proposé en fait un petit monstre bestial, primitif et totalement dépravé. Citation à vérifier de Zola à propos de Nana, elle aussi incarnation de la pourriture sociale et sexuelle aux yeux du puritain qu’il était, avec en plus son hérédité alcoolique, étant la fille du couple de L’Assommoir, Coupeau et Gervaise. Idée intéressante : l’enfant est d’abord le produit de l’hérédité avant que le milieu intervienne pour le modeler.
Mon vieil ami L.G. m’a demandé d’être témoin à son mariage. Salle de mairie somptueuse et lugubre. L’employé de service appuie sur un bouton et on entend un enregistrement de la marche nuptiale d’un Songe d’une nuit d’été de F. Mendelssohn. Personne ne semble savoir qu’il s’agit dans la pièce de l’accouplement grotesque d’une femme démente et d’un âne. Je songe au mot de F. Mauriac : « Combien de fois lorsque nous serrons sur notre cœur la tête d’un être aimé ne nous apercevons-nous pas qu’il s’agit de celle d’un âne ! »
À 3 heures de la nuit, je suis réveillé par la violence de la tempête. Les bourrasques font trembler les murs de la maison. Je souffre pour mes arbres que j’entends râler puissamment au dehors. Je me demande lequel va succomber, l’un des mes trois pins parasols, l’un des tilleuls, le marronnier ? À l’aube, c’est le calme de la mort. Je sors inspecter les lieux. Point de catastrophe, mais le jardin a un air hagard, comme un visage sur lequel serait passé un immense chagrin.
On dit : « dormir à poings fermés ». C’est vrai des bébés qui en effet ferment leurs petites mains quand ils dorment. Mais bien au contraire, cherchant le sommeil, je m’applique à ouvrir mes deux mains et à les poser bien à plat, position de détente et d’abandon.
Visite de la TV allemande qui veut me faire parler des Niebelungen. Siegfried a vaincu le dragon et a acquis une peau invulnérable en se baignant dans son sang. Mais une feuille d’arbre est tombée sur son épaule et à cet emplacement sa peau est demeurée vulnérable. C’est là que le visera son assassin.
Je dis que tout homme surmonte des épreuves, gagne et devient par son expérience invulnérable. Mais il conserve souvent une wunde Stelle, un point faible, qui le perdra, drogue, alcool, argent, sexe, etc. La politique nous donne de ces exemples chaque année. Le journaliste me demande : « Et vous, Monsieur Tournier, quelle est votre wunde Stelle ? » Je lui réponds que je ne me suis pas baigné dans le sang du dragon et que je suis tout entier une wunde Stelle, vulnérable par tous les points de mon corps.
Colloque religieux au temple protestant du boulevard Arago (18) devant un vaste public. J’occupe dans le chœur la place du pasteur. Je prends la parole très intimidé et j’articule : « Ne voulant pas venir à vous les mains vides, je vous offre d’abord cette exhortation du théologien Angelus Choiselus : Entreprends gaiement et le cœur en fête le voyage aventureux de la vie, de l’amour et de la mort, et rassure-toi, si tu trébuches, tu ne tomberas jamais plus bas que la main de Dieu. »
J’ai à peine terminé ma citation que du public monte un hurlement qui glace le sang. Je le reconnais pour l’avoir déjà entendu, c’est le cri qui annonce une crise d’épilepsie. Un homme assez corpulent se tord sur son banc. Ses voisins épouvantés cherchent à le maîtriser. Il faut l’évacuer, le charger dans l’ambulance du Samu, etc. Je reprends la parole un quart d’heure plus tard, mais je n’ose pas répéter la citation d’Angelus Choiselus.
Je disais à L.F. que je rencontrais chaque jour à la Sorbonne : « Explique-moi donc ce mystère. Tu n’es plus jeune. Tu es laid comme un pou, ventru, bossu, habillé de bric et de broc. Tu n’as pas un sou. Et pourtant je te vois toujours entouré de filles ravissantes qui visiblement raffolent de toi. » Il m’a répondu que sa force de séduction irrésistible venait de ce qu’il aimait les femmes. « La plupart des hommes ont envie de les baiser et ne souhaitent ensuite que de s’en débarrasser. Moi, j’aime leur compagnie. J’aime vivre avec elles, j’aime leurs odeurs, leur désordre et même leurs règles. Elles le sentent, elles le savent, et elles me récompensent de ce goût en vérité très rare. »
Invité au lycée Montaigne à dialoguer avec plusieurs classes, j’emmène avec moi un journaliste espagnol venu m’interviewer. Au sortir de la séance, je lui demande ce qui l’a frappé le plus devant ces enfants en comparaison de l’équivalent à Madrid ou à Barcelone. « La variété des visages, me répond-t-il. Chez nous il n’y a que des Espagnols. Ici on voit côte à côte des Asiatiques, des Noirs africains, des blondinets du Nord, des rouquins, des Arabes, etc. »
Antoine Blondin : Je me suis habitué à vivre au seuil de moi-même, parce qu’à l’intérieur il fait trop sombre.
Vent chaud, pluie tiède qui courbe jusqu’au sol les asters, les tournesols et les verges d’or. Je ramasse les premiers marrons tombés.
Souvenir d’enfance. Bligny-sur-Ouche. Le moulin Rouyer. Une sorte d’usine tout en bois actionnée par la rivière qui la traversait et destinée à broyer le grain : bois + rivière + blé = odeurs substantielles.
Le journal rapporte qu’à Aigreville (Seine-et-Marne), on vient de plusieurs kilomètres à la ronde acheter des billets de loto au bistrot. Chaque jour on fait la queue. C’est qu’un billet ayant gagné dix-sept millions y a été vendu. Le plus amusant, c’est que personne ne sait qui a acheté ce billet gagnant. L’heureux acheteur se cache. Les hypothèses vont bon train. On surveille les dépenses des uns et des autres.
Dans le fouet, il y a le manche qui est un bâton sublimé par la lanière et par la mèche. Alors que le bâton écrase purement et simplement (arme « contondante »), la lanière embrasse. La lanière du fouet est un petit bras qui enveloppe de son étreinte le corps fouetté. Étreinte affectueuse, mais qui blesse jusqu’au sang. Comparer le fouet de Jésus et le baiser de Judas. Le claquement du fouet : la mèche n’a pas trouvé de corps à embrasser.
Quand je passe la nuit dans une grande ville étrangère, je choisis de préférence un hôtel près de la gare principale parce que je suis assuré d’y trouver à toute heure du jour et de la nuit un décor et une faune humaine que j’aime. Je rêve parfois de m’installer à proximité de la gare de Lyon (la gare des départs vers le Sud) et d’y vivre avec bonheur. Les restaurants et brasseries n’y manquent pas, et surtout je connaîtrais par cœur les heures d’arrivée et de départ des trains de grande ligne. J’accueillerais les voyageurs étrangers et je partirais moi-même pour de vastes périples pendant lesquels je ne quitterais pas les gares étrangères. Maurice Dekobra qui avait le génie des titres a écrit La Madonne des sleepings. Je rêve de devenir le madon des express.
Comme chaque année, le premier dimanche d’octobre, a lieu à Médan le pèlerinage Zola. Les descendants des deux enfants de Zola – Jacques et Denise – sont comme il convient très entourés. J’avais fait l’an dernier une communication sur Zola photographe. Cette année, c’est Pierre Schöndorfer qui est l’invité d’honneur. Il parle surtout du roman La Débâcle et fait un rapprochement entre Sedan et Diên Biên Phu qu’il a vécu de près. On avait reproché à Zola d’avoir noté que se rendant à Sedan pour y signer sa capitulation devant Bismarck, Napoléon III s’était maquillé pour masquer le délabrement de sa santé inscrit sur son visage. Schöndorfer rappelle qu’à Diên Biên Phu le général Delattre de Tassigny se maquillait lui aussi pour les mêmes raisons. (Il devait mourir quelques semaines plus tard.)
P.R. vient déjeuner. Il me dit que le refroidissement irrémédiable de son amour physique et sentimental pour sa femme lui cause un chagrin dont il ne peut se consoler. Il serait curieux que la réciproque (Madame) ne soit pas vraie.
Invité dans un collège à m’entretenir avec des grands élèves, nous parlons des chefs politiques. Je dis : « Tous des assassins de par leurs fonctions mêmes. » – Je lève ma main droite et je dis : « Vous voyez cette main ? Elle a serré celle de neuf chefs d’État ou de gouvernement. Eh bien, si j’avais pour deux sous de moralité, je la couperais et je la jetterais dans les chiottes. Heureusement je n’ai pas ces deux sous de moralité ! »
Voyage à Rome. Nombre étonnant des palmiers. Où que l’on soit à Rome, on voit toujours au moins un palmier.
Entendu Claude Autant-Lara raconter que lorsqu’il tournait Le Diable au corps, Gérard Philipe – qui avait alors vingt-cinq ans – avait les oreilles tellement décollées qu’il les lui avait fait coller par la maquilleuse. Parfois l’une ou l’autre se libérait, et il fallait retourner la scène.
Je reçois ce matin le Catéchisme de l’Église catholique (1992) dont la publication fait grand bruit. Est-ce le hasard ou le doigt de Dieu ? Le livre s’ouvre tout de suite entre mes mains aux pages 462-463. Il s’agit du Cinquième Commandement. Page 462 on le cite : Tu ne tueras pas. Page 463 on le commente : la peine de mort est justifiée « dans les cas d’extrême gravité ». Staline, Hitler et Pol Pot auraient applaudi, persuadés qu’ils n’avaient jamais donné la mort que dans ces cas-là. Reste à les définir. On nous en laisse le soin. Le plus grave de tous me paraît être celui des prélats catholiques qui bafouent le Christ. Les soldats romains qui lui crachaient au visage « ne savaient pas ce qu’ils faisaient ». Les prélats auteurs de ce livre savent ce qu’ils font. Qu’on les mette donc contre un mur et qu’on les fusille.
Alors pas de catéchisme ? Je n’en connais qu’un à ce jour, la musique de J.S. Bach qui rayonne de lumière et de joie. La foi ardente du cantor de Saint-Thomas nous console de notre impiété et de l’abjection de nos pasteurs.
Entendu Edmond Michelet raconter sa captivité à Buchenwald. Pour survivre, il fallait le soutien moral d’une idéologie. Les pures victimes – déportées sans raison – tombaient comme des mouches. Un petit trafiquant de marché noir pleurnichait : « Mais pourquoi on m’a mis ici, moi, je n’ai rien fait ! » Et Michelet lui expliquait : « C’est justement parce que tu n’as rien fait que tu es en train de crever ! »