Je dus montrer, muettement, une certaine surprise. Le fait est que je ne m’attendais pas à une réception de ce genre. Comme dit l’autre, tu vas te faire tutoyer. Le type m’avait pris la main dans la sienne et me pompait le bras comme si j’avais été un distributeur d’essence. Je laissais faire.
— Et alors ? poursuivit Baurénot, Entreprise Baurénot, commerce de bois, scierie et le toutime. (Des dents aurifiées brillaient dans sa mâchoire.) Et alors ? On ne reconnaît plus les copains ? Lorsque ce brave Coudérat m’a téléphoné, me disant qu’il y avait une espèce de cinglé nommé Nestor Burma qui désirait me voir au sujet d’un chiffonnier de ma connaissance, j’ai répondu que je te recevrais avec plaisir, mais je ne pouvais pas tout lui raconter, à ce bon docteur, n’est-ce pas ? Alors, est-ce que ça vient ?... (Il me rendit la libre disposition de mon bras. Ça ne me stimula pas l’intellect.) ... Voyons... Un détective !... ah ! c’est le nom qui te fait perdre les pédales. Oui, je ne m’appelais pas Baurénot, quand nous nous sommes connus.
Bon Dieu ! m’écriai-je.
Bernis ! Camille Bernis !
Il posa un doigt sur ses lèvres :
Chut. Pas si fort. Camille
Bernis est mort et enterré. Ne le réveillons pas. En fait, il n’a
jamais existé.
Vous me rendrez cinglé,
grognai-je, en frappant du poing droit dans ma paume gauche. Vous
changez tous de nom comme de chemise, alors ?
Il ricana ;
Oh ! minute ! Bernis
n’a jamais été mon vrai nom. Mon vrai nom, c’est celui que je porte
actuellement... et honorablement : Charles Baurénot. Chez les
anars, où on n’est pas exagérément curieux, où, en tout cas, on ne
réclame pas de pièces justificatives, je me faisais appeler Bernis.
Un peu à cause de ma famille, un peu pour autre chose. Lorsque je
me suis... rangé, je n’ai eu qu’à reprendre mon véritable nom.
Très astucieux,
opinai-je.
Oui...
Il soupira, alla à la fenêtre et plongea son regard dans la cour. Ses ouvriers, en bas, tenaient un vague meeting.
L’astuce ! poursuivit-il.
Il m’en faudrait une bonne dose pour discuter victorieusement avec
ces gars-là... (Il volta et me fit face.) ... Je suis devenu un
capitaliste, mon vieux. J’ai hérité cette boîte, je l’ai
développée, fait prospérer. On ne fait pas d’omelette...
Sans casser d’œufs, je
sais.
Il serra les mâchoires. Son menton pointa, agressivement :
Et l’optique se modifie. Ça
ne te plaît peut-être pas, ce que je te dis là, hein ?
Oh ! moi, tu sais...
D’un geste désinvolte de la main par-dessus l’épaule, j’envoyai à la gare un appréciable nombre de contingences.
Il sourit :
Et toi-même... tu es devenu
flic.
Flic privé. Il y a une
nuance.
Si tu veux. Bon sang !
asseyons-nous. A notre âge, on ne peut plus grandir.
Il prit place derrière son bureau. J’attirai un fauteuil à moi et je m’y installai. Il alluma une gitane et entreprit de jouer avec un coupe-papier. Dans la pièce voisine, le téléphone retentit longuement.
J’ai souvent vu ton nom
dans les journaux, fit-il.
On frappa à la porte.
Entrez ! aboya-t-il.
La dactylo briseuse de grève insinua son gentil museau par l’entrebâillement :
C’est au sujet des
nouvelles machines que nous attendons, monsieur, et qui doivent
arriver par cargo. La société du port d’Austerlitz...
Je suis occupé. Voyez ça
vous-même.
Il y a aussi le délégué
de...
Je le recevrai plus
tard.
Oui, monsieur.
Elle s’éclipsa. Baurénot grognonna pour lui seul, puis reprit :
Je me demandais parfois :
est-ce le type que j’ai connu dans le temps, ou n’est-ce pas lui
?
Tu n’en as pas discuté avec
Lenantais ? Pour lui, il n’y avait pas d’erreur.
Si, comme ci comme ça ?
Bref, je n’ai jamais essayé de te joindre. Tu sais comment j’étais,
à l’époque, hein ?... et sous ce rapport, je n’ai pas changé... Je
n’aime pas emmerder les autres. Je n’aime pas non plus qu’on
m’emmerde.
Ça pouvait sonner comme une menace. Mais peut- être pas pour moi. Tout en pariant, il tendait l’oreille aux bruits de la cour. Ces histoires de grèves n’étaient pas marrantes. Je dis :
Ce qu’il y a d’emmerdant,
avec les emmerdeurs, c’est qu’on ne peut pas toujours les empêcher
de vous emmerder.
Il me bigla par en dessous :
Ce qui signifie ?
Qu’un de ces quatre, un de
ces emmerdeurs va te rendre visite. Non, non, il ne s’agit pas de
moi, quoi que tu puisses penser.
II secoua la tête :
Je ne comprends pas.
Moi non plus, mais
j’essaie... (Je sortis ma pipe, la bourrai et l’allumai. Ma parole
! Je l’avais presque oubliée, cette bonne vieille bouffarde. Je
gambergeais trop, peut-être.) ... Lenantais, puisque c’est un peu
pour parler de lui que je suis ici, Lenantais n’a pas été attaqué
par des Norafs, comme l’a imprimé la presse, et comme tout le monde
en est convaincu, flics compris. C’est “ un salaud qui mijote
des saloperies ”, selon l’expression même de notre ancien
copain, qui lui a balancé deux coups de rallonge. Et ce
salaud...
Je le mis au fait du message de Lenantais,
Il a d’abord, ajoutai-je,
voulu t’informer de l’événement par l’intermédiaire du docteur
Coudérat. Mais le docteur Coudérat n’était plus à la Salpêtrière.
Alors, il a pensé à moi, parce qu’il se doutait qu’on pouvait me
faire confiance, et aussi peut-être parce que j’étais plus apte
qu’un autre à contrecarrer les projets du salaud en question. Il a
délibérément laissé la gitane, sa petite protégée, en dehors du
micmac. Il l’a seulement chargée de m’envoyer sa lettre. J’ai
répondu à son appel, sans savoir qui m’appelait, d’ailleurs, ne
connaissant aucun Abel Benoit... Pourquoi avait-il changé de nom
?
Sous l’occupation, il
craignait des ennuis, à cause de son activité révolutionnaire
passée. Il n’était pas chiffonnier, à ce moment. Je ne sais pas ce
qu’il faisait. Il a eu l’occasion de s’appeler Abel Benoit. Il a
sauté sur l’occasion. Ensuite, il a conservé cette nouvelle
identité... Alors, quand tu es arrivé à l’hôpital, il était mort
?
Oui.
Nous restâmes un instant silencieux. Baurénot réfléchissait. Il passait dans ses yeux des lueurs sombres me rappelant celles que je leur avais connues, à l’époque du Club des Insurgés et des discussions nocturnes au dortoir du Foyer végétalien. De la cour, montait une rumeur de réunion publique. On était en pleine sociale.
Résumons, fit-il, adoptant
le ton du chef d’entreprise recevant une délégation du Comité de
Grève. (Une corvée de ce genre lui pendait au nez, sous peu, et il
procédait à une espèce de répétition.) Résumons. Un salopard
quelconque assassine Lenantais. Ce salopard mijote du louche contre
des copains auxquels Lenantais te demande de sauver la mise. C’est
bien ça, hein ? Bon. Et tu as tout de suite pensé qu’il s’agissait
de moi, que celui qui avait poignardé Lenantais me menaçait ?
De toi ou d’un autre, de
plusieurs autres. Je n’en sais rien. Je suis venu à toi par la
filière logique du docteur Coudérat. Mais il peut s’agir d’autres
copains.
Il s’agit d’autres copains.
Je n’ai pas que des amis... .(II regarda vers la fenêtre en
grimaçant.) ... mais je ne vois personne qui me veuille vraiment du
mal.
Eh bien, tant mieux. Il
importe maintenant de trouver ces copains pour les affranchir. Ils
doivent être dignes d’intérêt. Lenantais était un chic type.
Oui. Un chic type un peu
naïf, fit-il, avec un sourire méprisant. Je continuais à le voir,
comme ça, de temps en temps. On se rencontrait par hasard, aussi.
II m’amusait. Il avait conservé pas mal d’idées de l’autre monde.
Je l’aurais bien aidé, mais il n’a jamais voulu rien accepter. Sa
petite vie peinarde, libre et indépendante, lui suffisait. Lorsque
je lui ai envoyé Coudérat, un jour où je le savais malade, il a
insisté pour payer la visite. Il ne ressemblait pas à ces copains
que nous avons connus, jadis, qui se débinaient le matin en
emportant le réveil ou les draps de celui qui les avait
hébergés.
Non, il n’était pas comme
ça. Est-ce qu’il voyait d’autres copains que toi ? Des copains de
l’ancien temps ? De l’autre monde ?
Certainement pas.
Et toi ?
Oh ! moi, il y a longtemps
que j’ai rompu les ponts. Pourquoi cette question ?
Parce que, les copains qui
sont menacés de je ne sais quelle entourloupe de la part de
l’assassin de Lenantais, tu pourrais peut-être les connaître, les
fréquenter. Lenantais aurait pu ne te choisir que comme
intermédiaire. Te faire informer par le toubib de sa présence à la
Salpêtrière et te charger d’avertir les copains du danger.
Non, fit Baurénot. Je ne
suis pas en danger et je ne connais personne qui puisse l’être. Et
puis, tu sais... (Il avança une moue de quatre centimètres.)...
Lenantais... veux-tu que je te dise ? Je me demande s’il n’était
pas un peu cinglé. Merde ! Est-ce normal, de vivre comme il vivait
? Il était cinglé, et ce message et tout ce qui s’ensuit...
Non ! coupai-je,
fermement.
Ah ?
Il n’était pas cinglé. J’en
suis sûr.
Eh bien, alors... (Il
haussa les épaules.) ... que veux-tu que je te dise d’autre ?
Pourquoi vous continuiez à
vous voir, par exemple. Il me semble qu’un tas de choses devaient
vous séparer, maintenant.
Il parut se tasser. Il baissa la tête, la releva. Ses yeux se braquèrent sur les miens. Un nuage les ternissait d’une brume qui me parut refléter quelque douleur.
Je ne sais pas... (Son
poing se crispa sur le manche du coupe-papier.)... Peut-être parce
qu’il faut qu’il y ait un cinglé dans le scénario, et que le cinglé
c’est moi, puisque ce n’est pas Lenantais. Tu veux que je te parle
franchement, à son sujet ? Eh bien, je me demande si, parfois, je
ne me suis pas surpris à l’envier. Oh ! je sais ! tous les richards
racontent ces boniments. Moi, c’est différent. Il y avait quelque
chose de pur, en lui, qui faisait du bien. C’est pourquoi je n’ai
jamais cessé mes relations avec lui. On restait plusieurs mois sans
se voir, mais nous n’avions pas rompu. C’est encore pourquoi, le
soir même du jour où je l’ai rencontré et qu’il m’a dit qu’il se
sentait mal foutu et qu’il allait s’aliter, je lui ai envoyé
Coudérat, un toubib de mes amis, un type serviable, mais à qui
j’infligeais tout de même une drôle de corvée. Je me foutais
royalement de ce que pouvait penser Coudérat des relations amicales
qu’entretenait Baurénot, des Etablissements Baurénot, avec un
chiffonnier. Ce con de toubib a simplement pensé que j’étais
éminemment charitable. Ce n’était pas de la charité...
C’est un attachement au
passé, dis-je. Et c’est la faute de notre formation. Quoi que l’on
devienne par la suite, on ne s’en dégage jamais totalement.
Le passé, oui. La
jeunesse... (il se secoua, son ton se fit agressif.) ... Eh bien,
le passé, c’est le passé, justement, et nous n’allons pas
recommencer à couper des cheveux en quatre, comme dans le temps,
non ? Le passé, je l’emmerde, tu m’entends ?
A ce moment, la porte s’ouvrit en trombe et un type pénétra dans la pièce en jurant et disant :
Alors, tu as vu.
II m’aperçut et stoppa pile. C’était un personnage aux traits anguleux, élégant et bien fringué, avec des lunettes cerclées d’or derrière lesquelles des yeux bruns lançaient des regards traqués et fiévreux. Il semblait malade et plutôt pâle des genoux. Baurénot éclata d’un rire désagréable :
Formidable !
s’exclama-t-il. Maintenant, nous sommes assez nombreux pour fonder
un groupe d’études sociales et expliquer à ces corniauds... (Il eut
un geste en direction de la cour, via la fenêtre.) ... comment
réaliser la révolution. Tu ne reconnais pas Deslandes, Burma ?
Je ne l’ai connu que sous
le nom de Jean, ricanai- je, en me levant, mais je crois bien qu’à
présent, après un tel plongeon dans mes souvenirs, je reconnaîtrais
d’emblée n’importe quel familier du Foyer végétalien ou lieux
circonvoisins.
Burma ! s’écria l’insoumis.
(Enfin, l’ancien insoumis. Il paraissait avoir fait sa soumission
et s’être fort bien accommodé de la société, lui aussi. II avait
parcouru du chemin. Tout le monde en avait parcouru.) ... Burma !
Eh bien, merde ! Je ne t’aurais pas reconnu, moi. Il faut dire
que tu étais un môme, à l’époque.
Nous nous serrâmes la main.
La sienne était moite.
Nous sommes ses aînés, nota
Baurénot. Il nous doit le respect.
Jean Deslandes se tourna vers lui :
Pour un peu, le concierge
ne m’ouvrait pas la porte. Alors, ils se foutent en grève ?
Oui, c’est la saison...
Qu’est-ce que tu as ? Tu es malade ?
J’ai bouffé quelque chose
qui n’a pas passé, répondit l’autre, en se comprimant l’estomac.
Des huîtres, je crois.
Il rafla une chaise et s’assit. Dans la cour, les gars discutaient toujours. On frappa à la porte. Sur invitation hurlée, la dactylo-secrétaire entra :
Ils s’impatientent,
monsieur, dit-elle.
Bon. Je vais aller les
voir, fit Baurénot d’un ton las. Je vous laisse, braves gens. Vous
devez avoir un tas de trucs à vous dire.
Il sortit. Nous n’avions pas tellement à nous dire. Un silence tomba entre nous. Deslandes le rompit enfin :
Marrant, fit-il. Qui aurait
dit qu’un jour une grève serait dirigée contre l’un d’entre nous.
Tu ne trouves pas ça marrant ?
Pas des masses, dis-je.
Je me sentais triste et
fatigué. Un peu gêné, aussi.
Ça y est, les amis !
claironna Baurénot, en revenant. Ecoutez ça, les gars... (Il pencha
la tête vers la fenêtre, la main en cornet à son oreille.) ...
Ecoutez ça... La noble et mâle chanson du travail...
Comme obéissant à son signal, la scie électrique repartit à entamer le bois avec un sifflement joyeux.
C’est arrangé ? demanda
Deslandes.
Tout s’arrange. Toujours.
II ne faut jamais désespérer. J’ai satisfait à leurs
revendications. Elles étaient d’ailleurs légitimes et je ne suis
pas un mauvais cheval.
Et autant se mettre bien
avec le Bon Dieu, ricana l’autre, amèrement.
Le Bon Dieu ? Paraît qu’il
y en a un pour les ivrognes. On va voir ça. Nous allons arroser
toutes ces reprises. Reprise de boulot et reprise de contact. Je
reviens..."
Il revint avec trois verres et une bouteille de Champagne.
Et à la santé du Foyer
végétalien, fit-il.
Nous bûmes,
L’ami Burma était venu me
voir au sujet de Lenantais...
Je remis ça avec Lenantais, pour le bénéfice de Deslandes. Ce dernier ne put rien m’apprendre d’utile. Là-dessus, nous engageâmes une conversation à bâtons rompus. Je n’avais pas l’impression de perdre mon temps. J’avais une question à poser, mais j’attendais le moment favorable. J’appris que mes deux gars étaient mariés, que Baurénot avait une fille déjà grande, et que, évidemment, ils faisaient aux yeux de tous, jouissant de la considération de leurs concierges et de leurs voisins, figure d’honorables citoyens. Ce qu’ils étaient, d’ailleurs. Nul ne les soupçonnait d’avoir jadis professé des opinions subversives. Deslandes était lui aussi dans les affaires. Il s’était bien débrouillé. En somme, il n’y avait que ce pauvre Lenantais pour avoir conservé des idées de l’autre monde.
Chacun a évolué, changé,
constatai-je. C’est la vie. Je me demande ce qu’est devenu celui
que nous appelions le Poète et dont je n’ai jamais su le nom...
Il est peut-être de
l’Académie, suggéra Baurénot.
Pourquoi pas ? En tout
cas, je ne suis pas méchant, mais je souhaite que ce cinoque de
Barbapoux, le briseur de pipes qui préconisait la station à quatre
pattes pour bouffer l’herbe, soit en train de la bouffer par les
racines, à cette heure. D’ailleurs, il était déjà pas mal vioquard.
Et j’ai autant de vœux du même ordre au service de Lacorre. Il m’a
assez emmerdé, ce pommadé.
Lacorre ! sursauta Deslandes, comme si on lut avait enfoncé une aiguille dans les fesses.
Qu’est-ce qui se
passe ? demandai-je, surpris.
Jean a des préjugés, ricana
lourdement Baurénot. Des préjugés anarchistes. Il admet bien qu’on
évolue, voire qu’on change, qu’on retourne sa veste même... Bon
sang ! n’ayons pas peur des mots... mais il estime que Lacorre
y est allé un peu fort.
Comment ça ?
S’il t’a emmerdé, il ne
t’emmerdera plus, il n’est pas mort, encore que je n’en sache rien,
mais c’est tout comme. Un jury de province Fa envoyé se laver les
pieds...
Sans blagues ?
Il s’est laissé prendre à ses propres vantardises, et il a enfin
attaqué un garçon de recettes ?
Non. C’est plus drôle ou,
plutôt, plus sinistre que ça. Nous avons appris le truc par les
journaux. Lacorre, ce n’était pas un type que nous fréquentions
beaucoup. Fin 36, il a tué sa compagne parce qu’elle le
trompait...
Au nom de l’amour libre,
sans doute ? Je ne parle pas de la conduite de la femme. Je
parle de sa conduite, à lui.
Exactement,
Ça ne m’étonne pas de
lui.
Les jurés ont fait montre
d’un sens inattendu de l’humour.
L’humour libre,
quoi !
Ouais. Ah ! vous dites
qu’il faut combattre la jalousie, vous prônez la liberté sexuelle,
et dès que votre femme vous trompe, vous l’abattez ? Eh bien,
pour nous, ce n’est pas un crime passionnel ordinaire. Vous irez au
bagne pour dix et quelques années. Enlevé, c’est pesé ! On lui
a fait payer, non seulement la mort de la femme, mais aussi les
idées qu’il affichait, plus les quelques peccadilles qu’il avait à
se reprocher. Il faut dire aussi qu’il avait reçu à coups de pétard
les flics venus l’arrêter.
Quel con ! gronda
Deslandes, en s’épongeant.
Le moment était venu de lancer ma bombe, plus ou moins au cri de : “ Vive l’anarchie ! ”
A propos de 1936 et de
garçon de banque, dis-je doucement, si vous me parliez un peu de
l’affaire du pont de Tolbiac ? C’est vous qui avez mis en
l’air l’employé des Frigos, n’est-ce pas ?