JE TE BOUFFE LE CON ! JE RESTE CHEZ MOI ! TA GUEULE ! TA

GUEULE !

Il portait les cheveux longs, et se renversa le contenu du

seau sur le front. Un liquide poisseux se déversa sur lui. Il était

couvert de sang séché, de lambeaux de peau, voilà ce qui lui

donnait cet aspect ignoble. Mathilde s’écrasa contre la jambe

d’Emma, terrorisée.

Emma profita de ce qu’il avait toujours la tête rejetée en

arrière, à savourer sa douche, pour déplier la crosse du SPAS-12,

et caler son bras dans le crochet comme Tim le lui avait appris.

— C’EST ÇA LE SECRET ! LES AUTRES NE ME CROIENT PAS ! MAIS

C’EST ÇA ! LE SANG ! L’IMMORTALITE ! JE SUIS IMMORTEL !

Emma

ajusta

sa

cible.

Un

grand

psychotique,

diagnostiqua-t-elle.

Soudain, comme s’il était doté d’un troisième œil, il tourna

la tête vers eux et contracta ses cuisses.

Emma ne lui laissa pas le temps d’attaquer. Le canon cracha

une flamme si longue qu’elle brûla l’homme en même temps

que son abdomen explosait. Il fût soulevé du sol sur plus d’un

mètre et s’écrasa dans une pile de cartons. Emma fit des

moulinets avec son poignet malmené par le tir, avant

d’entraîner les enfants en avant. En passant devant le

psychotique tressautant, Olivier le dévora du regard, fasciné par

la vengeance qui venait de s’abattre sur lui.

Ils bifurquèrent une fois, puis une autre, avant de tomber

sur un cul-de-sac.

L’alarme beuglait, le clignotement des ampoules hypnotisait

Emma et elle se sentit brusquement abattue. Ils ne sortiraient

jamais vivants d’ici.

Elle ralentit sa course sans s’en rendre compte et Mathilde

lui rentra dedans. Sa présence ranima toute sa hargne.

Je n’ai pas le droit de baisser les bras ! Je n’ai pas le droit

de leur faire ça !

Elle rebroussa chemin pour emprunter un autre passage,

haletante, couverte de sueur. Tous les couloirs se ressemblaient

sous cette lumière sinistre.

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Pourtant elle fut prise d’un doute. Celui de gauche lui

rappelait quelque chose. Fusil devant, elle s’y enfonça. Un

mouvement au loin. Emma visa. Rien.

Ce sont ces foutus flashes rouges !

Elle pressentait que l’urgence allait tôt ou tard se révéler.

Chaque seconde comptait et ils avaient déjà largement entamé

leur marge de sécurité.

Et puis l’escalier apparut.

Ses marches métalliques pleines de promesses.

Emma fonça dessus, talonnée par ses protégés. Ils

traversèrent le hall des cellules, franchirent le sas, déjà l’air

semblait plus respirable.

Emma poussa la porte de la sortie et la tempête les gifla en

plein visage.

Mais que c’était bon. Cet oxygène sain, cette fraîcheur !

Dehors aussi la voix s’époumonait dans le rugissement du

vent, elle ordonnait la fuite sans délai depuis des haut-parleurs

installés aux sommets des mâts. Emma cala d’une main son

fusil sur l’épaule et de l’autre attrapa Mathilde. Elle fit courir les

enfants en direction du petit sentier, celui qui se perdait dans

les rochers jusqu’au quai.

Tout à coup, l’alarme se tut.

— Pourquoi ça s’arrête ? s’écria Mathilde sous la pluie

battante. Emma ne vit qu’une possibilité : il était trop tard.

Quelle que soit la menace qu’elle annonçait, celle-ci allait

émerger d’une seconde à l’autre. Elle passa la sangle du fusil sur

sa poitrine et commanda :

— Il faut aller plus vite ! Le plus vite que vous pouvez !