CHAPITRE 14
Ce n’est pas grave d’avoir peur. Vous ne devez jamais en avoir honte, tant qu’elle ne vous empêche pas de fonctionner. La peur est un système naturel d’avertissement. Elle vous garde en vie pour que vous puissiez vous battre. Montrez-moi un homme qui n’a pas peur, et je vous montrerai un imbécile qui est un danger pour tout son vaisseau. Et je n’accepte pas d’imbéciles dans ma flotte.
Amiral Adar Talion, s’adressant aux nouveaux arrivants d’une académie de la République
Hokan était sur la véranda de la villa d’Ankkit et regardait le matin d’automne étincelant. Il y avait toujours trop de feuilles sur les arbres, à son goût.
Ils étaient là, quelque part. Les forces de la République. Une poignée.
Pas une armée.
Il alla jusqu’au laboratoire d’Uthan, une marche aisée de quinze minutes. Il lui vint à l’idée qu’il était une bonne cible pour un sniper, si un sniper avait pu perforer une armure mandalorienne. Il décida quand même de passer par un taillis qui menait au mur de pierre sèche entourant les bâtiments. Il en fit le tour complet avant d’entrer par la porte unique, sur le devant.
La rangée de droïdes devant la porte était impressionnante. Hokan les inspecta un par un, puis engagea la conversation avec eux au sujet de leurs canons. Si quelqu’un regardait – soldat, espion ou fermier bavard – il comprendrait le message et mordrait à l’hameçon.
À l’intérieur, le docteur Uthan avait perdu son calme.
— Est-ce la dernière fois que vous me déménagez ? demanda-t-elle, frappant des ongles la surface polie de son bureau.
Ses dossiers et son équipement étaient toujours dans des caisses.
— Les membres de mon équipe trouvent ça très stressant, et moi aussi.
Hokan sortit son databloc et projeta une holocarte de l’installation au-dessus de la surface du bureau. L’endroit était un cube dans un cube. Sous le niveau du sol, les pièces d’habitation, les salles de stockage et les bureaux faisaient un cercle autour d’un noyau central, qui contenait huit petits laboratoires, et le dernier, le labo de sécurité, niché au milieu. Le reste du complexe avait des cloisons qu’on pouvait faire descendre pour isoler une fuite de matériau dangereux. C’était un endroit défendable.
Mais ça n’en arriverait pas à ça. Il avait soigneusement laissé une piste menant à la villa d’Ankkit, avec cinquante droïdes pour jouer le comité d’accueil, des canons et des explosifs puissants.
Il avait hâte d’en avoir terminé.
— Oui, docteur, c’est la dernière fois que je vous déplace, dit-il. Essayez de comprendre pourquoi j’ai fait ça. Je pense avoir affaire à une petite force de commandos. Plutôt que la pourchasser, ce qui pourrait prendre du temps, j’ai décidé de les amener à moi. Ceci signifie qu’ils seront confrontés à une bataille d’artillerie et d’infanterie classique, et je ne pense pas qu’ils soient équipés pour la mener à bien. Ce sont des batailles où le nombre seul compte.
— Je ne suis pas sûre de comprendre ce que vous voulez dire.
— Nous pouvons défendre cette installation. Nous avons le nombre et la puissance de feu. Tôt ou tard, ils auront des pertes.
— Vous en êtes certain ?
— Certain, non, mais tout ce que je vois suggère que la force qui a atterri comporte un nombre minimal de soldats. Par exemple, nous n’avons vu aucune trace de grands transporteurs de troupes. Ils ont pris des explosifs dans une carrière pour faire sauter la station de Teklet. S’ils avaient le matériel nécessaire, ils n’auraient pas fait ça.
— Et ça pourrait aussi être une tactique de diversion, non ?
Hokan leva la tête.
— Personne ne possède la science infuse dans les batailles. Aucun plan ne survit au contact avec l’ennemi. Je fais des prévisions, comme tous les commandants de toutes les guerres ont toujours fait.
Uthan le regarda de ses yeux noirs glacés.
— Vous auriez dû évacuer mon projet de cette planète.
Hokan croisa les bras.
— En déplacement, vous êtes vulnérable. Vous êtes vulnérable quand vous traverser le pays, entre ici et le spatioport. Vous l’êtes encore plus en essayant de quitter Qiilura alors qu’il y a un vaisseau d’assaut de la République en orbite. Et maintenant, nous n’avons plus de communications, excepté des coursiers et un tas de droïdes qui relaient les messages. Non, nous restons ici.
Uthan indiqua les pièces derrière elle.
— Si nous en venons à une bataille rangée, qu’en est-il de mon projet ? Et de mon équipe ? Ces cinq scientifiques représentent ce qu’il y a de mieux en microbiologistes et en généticiens dans tout le CIS. De plusieurs façons, ils sont plus importants que le biomatériel que nous détenons. Nous pouvons recommencer à zéro, même si le travail fait jusqu’ici est perdu.
— Ce serait aussi dangereux pour eux de partir que pour vous.
— Je vois.
— Vous avez spécifié un plan très sécurisé quand vous avez fait construire cette installation. Vous devez savoir qu’elle est défendable.
Uthan regarda fixement la holocarte devant elle. Elle montrait les cloisons d’urgence hydrauliques et les salles dans les salles. Elle montrait les systèmes de ventilations à triples filtres. Le laboratoire pouvait être scellé aussi étroitement qu’une bouteille.
— Elle n’est pas assez sécurisée pour empêcher quelque chose d’entrer, dit-elle. Elle est prévue pour empêcher les choses de sortir.
— Vous avez dit que le nanovirus était seulement mortel pour les soldats clones.
Il y eut une pause, le genre que Hokan n’aimait pas. Il la regarda, déçu de constater que, pour la première fois, elle était nerveuse. Il attendit qu’elle continue. Il attendrait toute la journée si nécessaire.
— Il le sera, dit-elle enfin.
— Vous avez dit qu’il rendrait les autres organismes simplement… malades ?
— Oui.
— Malades à quel point, si vous avez fait tout ça pour l’empêcher de sortir ?
— Très malades.
— Morts ?
— Peut-être. Si les sujets exposés ont un certain ensemble de gènes…
Hokan éprouva un rare moment d’incertitude. Pas parce qu’il était plus près qu’il le pensait d’un dangereux virus. Mais parce que quelqu’un lui avait menti, et son instinct, dans ce cas, était de réagir par la violence. Le fait qu’il s’agissait d’une femme était la seule chose qui le fit hésiter.
Mais ce fut seulement une hésitation. Il se pencha, la saisit par son col élégant et la sortit de son siège, la propulsant sur son bureau.
— Ne me mentez jamais, dit-il.
Ils étaient visage contre visage. Elle tremblait, mais elle continua à le regarder sans ciller.
— Lâchez-moi.
— Que m’avez-vous caché d’autre ?
— Rien. Vous n’aviez pas besoin de connaître les détails du projet.
— C’est votre dernière chance de me dire s’il y a autre chose que je devrais savoir.
Elle secoua la tête.
— Il n’y a rien. Nous avons quelques problèmes à isoler les parties du virus qui attaqueront seulement les clones. Ils sont humains. Toutes les races humaines ont en commun la majorité des gènes. Même vous.
Il la tint encore quelques instants, puis il la lâcha. Elle retomba dans sa chaise. Il aurait dû la descendre ! Il le savait. Ça aurait rendu son équipe plus coopérative. Mais elle faisait partie des atouts du projet. Il ne s’était pas ramolli parce qu’elle était une femme, il en était certain.
— Comprenez une chose, dit-il, se sentant soudain très mal à l’aise. Ça signifie que nous avons dans ces locaux une arme qui peut nous détruire aussi aisément qu’elle peut détruire l’ennemi. Cela met des contraintes sur notre façon de nous battre. (Il montra différents endroits de l’installation sur la holocarte.) Vous êtes sûre qu’il ne peut pas s’échapper dans l’environnement ?
Uthan regardait son visage, pas la carte. On aurait dit qu’elle ne le reconnaissait pas. Il claqua des doigts et montra la carte.
— Allons, docteur, faites attention.
— C’est… c’est la zone de sécurité du matériel biologique dangereux. Imprenable, pour des raisons évidentes. Je pensais que nous pourrions nous y réfugier pour le moment.
— J’aimerais mieux vous garder séparés, vous et le matériel biologique. J’aimerais mieux vous garder séparée de votre équipe, aussi. Je déteste avoir tous mes œufs dans le même panier. Comme ça, si l’ennemi entre ici, il ne pourra pas détruire tout le projet en une seule fois. S’ils éliminent une partie, nous pourrons quand même sauver l’autre, personnel ou matériel.
— Ces pièces ne sont pas aussi sûres en terme de matériau dangereux.
— Mais elles le sont en termes d’empêcher quelqu’un d’entrer. Le matériau dangereux peut rester dans la pièce centrale spéciale.
— Oui, je vous l’accorde.
— Alors, dites à vos gens de se bouger.
— Vous pensez que ça en viendra à ça ? Une bataille ?
— Non. Pas ici. Mais si ça arrivait, c’est notre meilleure chance de succès.
— Vous êtes prêt à vous battre alors que vous êtes assis sur une bombe, effectivement.
— Oui. Votre bombe. Et si nous sommes tous les deux assis dessus, ça nous motivera pour éviter qu’elle explose, non ?
— Je pense que vous êtes un homme dangereux et irréfléchi.
— Et je pense que vous êtes une femme qui a de la chance d’avoir une relative immunité à cause de sa valeur pour la cause séparatiste.
Hokan se redressa. Elle voulait peut-être des excuses. Il ne voyait aucune raison de lui en faire. Une scientifique, s’attendant à ce que la moitié des faits soit acceptable dans la solution d’un problème ? C’était négligent, impardonnablement négligent.
— Je peux envoyer un droïde vous aider si vous voulez.
— Nous ferons tout nous-mêmes. Je sais comment les droïdes prennent soin des objets fragiles.
Hokan désactiva l’holocarte et alla dans le corridor.
Un droïde approcha de lui.
— Le capitaine Hurati amène un prisonnier et un visiteur. Il dit qu’il a désobéi aux ordres dans les deux cas.
Peut-être que ça n’avait pas été une bonne idée de le promouvoir. Mais Hurati était intelligent. Il les avait pris vivants alors qu’il aurait pu les prendre morts. C’était significatif. Le jeune officier n’était pas une fleur bleue.
Hokan décida de lui laisser le bénéfice du doute. Quand les droïdes de l’entrée se poussèrent pour lui faire le passage, Hurati était là, et il y avait deux personnes avec lui.
L’une d’elles était un mercenaire trandoshien. Il portait l’outil reconnaissable de son emploi, un blaster à répétition APC.
L’autre n’était pas un étranger. C’était Guta-Nay, son ancien lieutenant weequay.
— J’ai des informations, dit le Weequay, en reculant.
— Tu as intérêt, fit Hokan.
Avec une paire d’épaules en moins, Neuf eut du mal à choisir l’équipement qu’ils emmèneraient avec eux. Il regarda les armes et les explosifs posés sur le sol et s’étonna de tout ce qu’ils avaient charrié jusque-là. Et il réfléchit à ce qu’ils pourraient emporter ou pas.
— Nous pourrions dissimuler des trucs près de la cible, dit Fi.
— Deux voyages. Ça double les risques.
Atin souleva un des fusils à concussion LJ-50. Il avait insisté pour les emmener.
— Moi, je prends ce fusil à concussion et le blaster APC si je dois entrer dans ce laboratoire.
— Tu ne fais pas confiance aux armes de la République, alors ? demanda Fi.
— Inutile d’être snob au sujet de l’équipement.
— Ne te fais pas coincer dans un espace confiné.
C’était bien vu. Avec un sac à dos, un DC, les annexes du fusil, et des sections de canon, il ne restait pas grand place pour charger autre chose. Neuf ne voulait pas le dire à haute voix, mais ils essayaient de faire le boulot de deux escouades. Quelque chose devait être sacrifié.
— Dites, vous savez que je peux porter de l’équipement, dit Etain. Demandez à Darman.
Elle n’en avait pas l’air. Maigre, débraillée et le teint gris, elle semblait à peine capable de pouvoir se porter elle-même.
— C’est vrai, Dar ? demanda Neuf sur le comlink du casque.
Darman les regarda, toujours perché dans son arbre.
— Elle est plus solide qu’un bantha, sergent. Vous pouvez la charger.
Ils se partageraient le E-réseau à eux cinq. Ça signifiait qu’ils pourraient prendre une autre arme et des cellules d’alimentation et des explosifs en plus.
— D’accord, plan A, dit Neuf. (Il projeta une holocarte depuis son databloc.) La prochaine planque convenable est à moins d’un kilomètre du laboratoire, dans ce taillis, ici. Nous nous installons là et nous déployons deux observateurs pour avoir une bonne vue du laboratoire et de la villa. Suivant la situation, nous essaierons de revenir chercher notre équipement supplémentaire pendant la journée. C’est un trajet de deux klicks dans chaque sens. Pas beaucoup, mais ce sera le jour, et si Guta-Nay a bien fait son boulot, nous aurons attiré pas mal d’attention.
— Je suis prêt à le faire, dit Atin. Nous en aurons besoin.
— Continuez avec le plan A, dit Etain.
— Comme convenu, on fait entrer un observateur chargé de ruban thermal dans la villa, on fait le plus de dégâts possibles pendant que Fi tire depuis l’arrière du laboratoire, Darman fait sauter les portes principales, et je rentre avec Atin. Si nous ne pouvons pas faire entrer l’observateur dans la villa – plan B.
— Ça semble presque impossible, dit Etain, se mordillant la lèvre.
— Je n’ai pas dit que les chances étaient excellentes.
— Et je ne sers pas à grand-chose contre les droïdes.
— Vous seriez utile avec un de ces trucs, dit Atin, lui tendant son blaster trandoshien. Les sabres lasers sont parfaits, mais nous ne voulons pas devenir trop proches de nos ennemis, non ? Il éparpille bien à courte portée. On n’a pas besoin d’être un tireur d’élite pour s’en servir.
Elle prit l’arme et l’examina soigneusement, puis elle l’épaula comme une professionnelle.
— Je ne me suis jamais servie d’un de ces fusils. Mais je me débrouillerai.
— C’est l’esprit de la chose, Madame.
— Vous savez, je peux aussi déplacer des choses, pas seulement les porter.
— Les déplacer ?
— Avec la Force.
— Pratique, dit Fi.
— Nous aurons peut-être besoin de vous pour garder le docteur Uthan coopérative. Au pire, nous avons de quoi la sédater, mais j’aimerais mieux qu’elle soit mobile, plutôt qu’un poids mort.
— Y a-t-il un plan C ?
— Ce qui est bien avec l’alphabet, Madame, c’est qu’il vous donne le choix entre plein de plans.
— La ferme, Fi, dit Neuf.
— Il n’a pas tort, dit Etain. (Elle se tourna et fit face aux broussailles.) Jinart ?
La Gurlanin sortit des buissons et marcha au milieu des armes, devenue de nouveau un prédateur à la fourrure noire brillante. Elle renifla l’armement.
— Montrez-moi ce que je dois porter.
— Pouvez-vous vous débrouiller avec trois observateurs ? demanda Atin.
— Tous des bombes ?
— Non. Deux holo-caméras, une bombe.
— Très bien. Vous m’expliquerez ce que vous voulez en faire quand vous arriverez à votre…
— PA, dit Neuf. Planque d’attente.
— Vous aimez qu’on ne vous comprenne pas, non ?
— C’est une partie de notre charme, dit Fi.
Ils suivirent la ligne des bois, un chemin qui les rallongeait de deux kilomètres, mais qui était le plus court en terrain découvert. Etain – Neuf avait toujours du mal à l’appeler comme ça, même mentalement – restait près de Darman. Elle semblait apprécier Darman. Elle était polie et sympathique avec eux tous, mais elle appréciait Darman. Il le voyait à son visage. Elle exsudait la sympathie pour lui. Il entendit des bribes de conversation.
— Comment avez-vous porté toutes les sections de l’E-réseau seul ?
— Je ne sais pas. Je l’ai fait, c’est tout.
Elle était une Jedi. Skirata disait que c’étaient des gens bien, mais ils ne pouvaient pas s’intéresser aux individus. Ils n’en avaient pas le droit. Pourtant, on se rapprochait facilement sous le feu de l’ennemi. Il ne demanderait pas à Darman à quoi il jouait. Pas encore.
Arrivés en lisière du bois, ils débouchèrent dans une plaine herbeuse d’une centaine de mètres de large. Fi prit la tête. Sprinter et se laisser tomber n’étaient plus possible pour eux, mais il n’y avait personne alentour qui puisse repérer leur armure grise. Ils avancèrent, courbés. Le dos de Neuf lui faisait un mal de chien. Peu importait qu’on soit en forme, quand on se poussait aussi dur, ça faisait mal.
Quand ils arrivèrent au taillis, c’était le moment des antalgiques. Neuf enleva sa plaque de bras et retira une section de sa combinaison. Il ne chercha pas une veine.
Il enfonça l’aiguille directement dans le muscle.
— Je sais ce que c’est, dit Darman.
Il s’assit, les jambes allongées.
— Quelqu’un a pris des stims jusque-là ?
— Pas encore, dit Neuf. Je pense qu’on devrait tous en prendre une dose une heure avant l’assaut, pour être sûrs d’être cent pour cent efficaces. (Il regarda Etain, se demandant à quoi elle ressemblerait après une semaine de repas normaux, de bon sommeil et de vêtements propres. Elle avait l’air bien frêle pour le moment, même si elle tenait vaillamment le coup.) Vous aussi. Surtout vous. Les Jedi peuvent-ils prendre des stimulants ?
— Que font-ils, exactement ?
— L’équivalent de dix heures de sommeil et de quatre bons repas. Jusqu’à ce que l’effet cesse.
— Je devrais me servir de la Force pour conserver mon énergie, dit-elle, mais la Force pourrait supporter d’être un peu aidée. J’en prendrai aussi.
Elle s’assit et posa la tête sur ses bras croisés. Peut-être méditait-elle. Neuf passa sur la communication intercasques.
— Dar, elle ne va pas s’effondrer, dis-moi ? Nous ne pouvons rien transporter de plus.
— Si elle s’écroule, c’est qu’elle sera morte. Crois-moi, elle est plus résistante qu’elle n’en a l’air. Physiquement, en tout cas.
— Je l’espère. Bon, déployons ces observateurs.
Jinart avait trouvé deux endroits élevés où placer les observateurs à caméras. Un était la gouttière d’une ferme qui surplombait l’entrée du laboratoire. L’autre, un arbre dont les frondaisons donnaient une vue à 270° de la villa. Le troisième observateur – celui qui portait les charges en ruban – devrait être placé plus soigneusement. Jinart s’assit sur ses pattes arrière et une poche se forma sur son ventre, comme un tablier de cuisinier.
— Normalement, je transporterais mes petits dans cette poche, dit-elle. (Elle mit les trois sphères dedans, ce qui lui donna l’air d’avoir avalé une proie de forme irrégulière.) Mais si je ne vous aide pas, mes chances d’élever une autre portée sont réduites. Je considère donc que c’est un acte approprié.
Neuf était toujours autant fasciné par les Gurlanin. Plus il en voyait à leur sujet, moins il en savait. Il espéra qu’il aurait un jour l’occasion d’en apprendre plus.
Dans une heure, il serait midi. Atin sortit son paquetage de rations et sa gamelle, une feuille plate qui s’encliqueta pour prendre la forme convenable. Il mit ses cubes de rations dedans.
— Combien avons-nous en tout ?
— Il me reste une demi-journée de rations, dit Fi.
— Moi aussi, dit Neuf.
Darman mit la main dans son paquetage et en sortit un paquet de la taille d’une brique.
— Un jour de cubes, ce kuvara et cette viande séchée. Mettons tout ensemble et prenons deux repas avant d’y aller. Si nous nous en tirons, nous devrons courir trop vite pour penser à manger. Et si nous y restons, ce serait dommage de mourir affamés.
— Je suis pour, dit Atin.
Neuf voulait demander son avis à Etain, mais elle était assise, les jambes croisées, les yeux fermés et les mains dans son giron. Darman mit un doigt sur ses lèvres et secoua la tête.
— Elle médite, murmura-t-il.
Neuf espéra qu’elle sortirait de sa transe transformée. Il lui manquait toujours une escouade pour pouvoir faire un boulot correct…
— Tu as dix secondes à vivre, dit Ghez Hokan. Parle.
Il sortit le sabre laser de Fulier, et la lame d’énergie bleue crépita en s’activant. Il se demanda comment la lame avait à chaque fois une longueur déterminée.
Guta-Nay, l’air plus abruti qu’il se souvenait, ignora le sabre laser.
— J’ai été capturé par des soldats. Je me suis échappé.
— Des troupes de la République ? Des humains ?
— Oui. Ils m’ont pris, m’ont obligé à porter des choses.
— Ils ont repéré tes talents, de toute évidence. Comment t’es-tu enfui ?
— Ils dormaient. Ils n’ont pas fait attention. Je suis parti.
— Combien de soldats ?
— Quatre. Et fifille.
— Fifille ?
Guta-Nay montra le sabre laser.
— Elle a un truc comme celui-là.
Donc, la femme qui était avec les soldats était bien une Jedi.
— Seulement quatre ?
— Ils ont un autre… une autre escouade, dit-il, luttant pour se souvenir du mot nouveau.
— Très bien, deux escouades. Huit hommes. Ça correspond. (Hokan se tourna vers Hurati.) Et notre ami trandoshien ?
— Il dit qu’il est très irrité que son travail soit interrompu, Monsieur, et il nous propose de nous aider à régler ces problèmes, avec trois collègues à lui.
— Remerciez-le et acceptez son offre. (Hokan revint vers Guta-Nay.) Je veux que tu réfléchisses bien. Ont-ils dit ce qu’ils allaient faire ? Où ils allaient ?
— La villa.
Comme les gens étaient prévisibles ! Les natifs auraient fait n’importe quoi pour de l’argent, ils auraient vendu leurs filles, donné leurs voisins. Hokan s’était attendu à ce que la ruse soit presque trop évidente.
— Tu t’en sors bien. Dis-moi quel équipement ils ont.
— Des blasters. Des explosifs. (Le Weequay montra quelque chose de grand avec ses mains.) Un gros canon. Ils ont des armures avec des couteaux dans les gants.
— Décris-la.
— Comme la vôtre.
— Qu’est-ce que tu veux dire, comme la mienne ?
Guta-Nay montra sa tête et fit une forme de T avec ses doigts.
— Votre casque.
Hokan eut du mal à en croire ses oreilles. Guta-Nay était une brute sans cervelle, mais sa description n’était pas ambiguë.
— Tu dis qu’ils portent des armures mandaloriennes ?
— Oui. C’est ça.
— Tu en es sûr ?
— Sûr.
— Autre chose ? Quelque chose d’inhabituel ?
Guta-Nay se concentra sur la question comme si sa vie en dépendait, ce qui n’était pas le cas. Hokan le tuerait, de toute façon.
— Ils ont tous le même air.
— Ils portent des uniformes ?
— Non. Ils ont le même visage. Les hommes.
Les enfants, comme les adultes stupides, peuvent être d’excellents observateurs. Guta-Nay décrivait quelque chose dont le docteur Uthan lui avait parlé : des soldats identiques, obéissants, sans âme. Des soldats clones.
Hokan avait du mal à croire que des soldats clones puissent opérer ainsi. Et la seule arme qui marcherait contre eux n’était pas disponible, parce qu’à son stade présent, elle tuerait tout le monde, y compris Uthan et son équipe.
Mais ils étaient probablement seulement huit. Il avait près d’une centaine de droïdes. Il avait des armes.
— Hurati ? Hurati !
Le jeune capitaine arriva en courant et salua.
— Monsieur ?
— Je crois que nous aurons affaire à une attaque double. Il y a deux escouades, et j’ai du mal à croire qu’ils n’attaqueraient pas la villa avec une escouade, pendant que l’autre s’occuperait de la cible plus évidente. Divisez le contingent de droïdes entre les deux endroits.
— C’est ce que vous feriez avec deux escouades, Monsieur ? Vous ne concentreriez pas vos forces ?
— Non, si je n’étais pas sûr que mon objectif soit bien à un seul endroit. Ils ne peuvent pas savoir qui ou quoi se trouve dans quel bâtiment. Et ils attaqueront de nuit, parce qu’ils sont peut-être hardis, mais pas stupides. Qui aurait cru que des clones puissent mener à bien ce type d’opération ? Uthan a dit qu’ils étaient simplement de la chair à canons.
— Commandés par une Jedi, Monsieur. Le tacticien est peut-être la femme.
C’était une idée intéressante. Hokan y réfléchit un moment, puis il s’aperçut que Guta-Nay attendait, droit et apparemment pas effrayé.
— Alors ? demanda Hokan.
— Je vous ai dit des trucs. Vous me laissez vivre ?
Hokan activa de nouveau le sabre laser et le brandit au-dessus de son épaule droite.
— Bien sûr que non, dit-il en abattant le sabre. Ce serait mauvais pour le moral des troupes.