CHAPITRE 10

NOTIFICATION AUX CITOYENS QIILURIENS

Toute personne qui héberge du personnel de la République sur ses terres se verra confisquer cette propriété et perdra sa liberté. Avec leur famille et leurs employés, ils seront livrés au représentant trandoshien de Teklet pour devenir esclaves. Quiconque aide ou abrite activement du personnel de la République encourt la peine de mort. Une récompense est offerte à toute personne donnant des informations menant à la capture de personnel de la République ou de déserteurs de l’ancienne milice ou des forces armées séparatistes, en particulier le lieutenant Guta-Nay ou le lieutenant Pir Cuvin.

Par ordre du major Ghez Hokan,
officier commandant, garnison de Teklet

Une pluie fine et froide commença à tomber dès que le soleil se leva. On aurait dit Kamino. Ça ressemblait à son foyer, et c’était à la fois rassurant et déplaisant.

L’humidité s’accumulait sur le manteau de Darman, et il le secoua. La laine de merlie était pleine d’huiles naturelles qui la rendaient désagréablement moite au contact de la peau. Il avait hâte de remettre sa combinaison noire, et pas seulement en raison de ses propriétés balistiques.

Etain poussait l’arrière de la brouette. Darman la tirait, marchant entre ses montants. Par moments, sur la piste défoncée, elle avait la partie la plus difficile, mais, comme elle le lui répétait, les Jedi pouvaient faire appel à la Force.

— Je pourrais vous aider, dit-il.

— Je peux me débrouiller, dit-elle entre ses dents. Si ça, c’est un équipement léger, je préfère ne pas savoir ce qu’est la variété normale.

— Je voulais dire que je pouvais vous aider aux arts martiaux. Si vous voulez vous entraîner au sabre laser.

— Je finirais sans doute par vous couper quelque chose d’important.

Non, elle n’était pas du tout comme il s’y attendait. Ils avançaient obstinément, essayant d’avoir l’air opprimé et rural, ce qui n’était pas trop difficile quand on avait faim et qu’on était mouillé et fatigué. Le chemin de terre était désert. À cette époque de l’année, il aurait dû y avoir des signes d’activité dès les premières lueurs du jour. Devant eux se dressait le premier lieu sûr, une maison à un seul étage couverte d’un toit de chaume et de plaques de métal rouillées.

— Je vais frapper, dit Etain. Ils s’enfuiront probablement s’ils vous voient d’abord.

Darman considéra que c’était une remarque raisonnable et pas une insulte. Il tira le manteau sur sa bouche et poussa la charrette hors de vue derrière la maison, regardant soigneusement autour de lui en essayant d’avoir l’air discret. Il n’y avait pas de fenêtres à l’arrière, juste une porte et un chemin menant à une fosse d’où montait un arôme intéressant, couverte d’une planche. Ce n’était pas l’endroit idéal pour une embuscade, mais il ne voulait pas courir de risque. S’arrêter à découvert comme ça vous rendait vulnérable.

Il n’aimait pas ça du tout. Il aurait voulu pouvoir se rendre quasi invisible, comme le sergent Skirata, un petit homme noueux qui pouvait passer complètement inaperçu jusqu’à ce qu’il décide de s’arrêter et de se battre. Et Skirata savait se battre de tas de façons qui n’étaient pas dans les manuels. Darman se rappelaient de chacune d’elles.

Il appuya son coude contre son flanc pour vérifier que son fusil était accessible. Puis il plongea la main sous son manteau et chercha une des sondes à sa ceinture.

Il fit le tour de la maison, et quand il revint vers l’avant de nouveau, Etain était toujours en train de cogner à la porte d’entrée. Pas de réponse. Elle recula et regarda la porte comme si elle pouvait la forcer à s’ouvrir seule.

— Ils sont partis, dit-elle. Je ne perçois personne.

Darman se redressa et partit vers l’arrière de la maison.

— Je vais vérifier de la manière traditionnelle.

Il lui fit signe de le suivre. Arrivé à l’arrière, il sortit une sonde et glissa le détecteur plat dans la fente sous la porte arrière. L’affichage de la partie de la sonde qu’il avait en main disait qu’il n’y avait ni explosifs ni agents pathogènes. Si l’endroit était piégé, ce serait par de la technologie de bas niveau. C’était le moment de vérifier.

Il poussa sur la porte avec la main gauche, le fusil dans la droite.

La maison est vide, murmura Etain.

— Pouvez-vous détecter un fil piégé qui déclencherait une volée de fléchettes en métal ?

— Je vois ce que vous voulez dire.

La porte s’ouvrit lentement. Rien. Darman prit un observateur à sa ceinture et l’envoya à l’intérieur, regardant les images peu lumineuses qu’il transmettait. Il n’y avait aucun mouvement. La pièce semblait sans danger. Il laissa la porte s’ouvrir, rappela l’observateur et se tint le dos vers l’entrée pour une dernière vérification autour de lui.

— J’entre, je vérifie de nouveau, puis vous me suivez si vous m’entendez dire entrez, entrez, entrez, d’accord ?

Et tenez votre sabre laser prêt.

Dès qu’il fut à l’intérieur, il se cala dans un coin et vérifia tout. La pièce était vide. Il restait un repas à demi mangé sur la table. Il y avait une porte, qui n’ouvrait pas vers l’extérieur. Un placard – peut-être une menace. Il dirigea son fusil dessus.

— Entrez, entrez, entrez.

Etain entra. Il lui fit signe d’aller dans le coin opposé au sien, puis gesticula. Moi, cette porte, vous, la porte arrière. Etain hocha la tête et tira son sabre laser. Darman marcha vers le placard et essaya d’ouvrir le loquet. Il ne céda pas. Il recula de deux pas et flanqua un coup de pied dans la porte.

Les bâtisses du coin n’étaient pas très solides. La porte se fracassa et resta accrochée par une charnière rouillée. Derrière, il y avait une pièce de stockage. Oui, c’était normal : dans un pays pauvre, on met les provisions de nourriture sous clé.

— Ils sont partis en hâte, dit Darman.

— Vous portez vos bottes blindées ? demanda Etain.

— Je n’aurais pas pu démolir cette porte sans elles.

Il les avait recouvertes de toile de sac étroitement nouée.

— Sans bottes, pas de soldat, dit-il, entrant dans la pièce et étudiant les étagères. Vous venez d’apprendre les premières étapes quand on entre quelque part.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-elle, montrant une boîte de conserve en métal.

— Qui surveille la porte ? Qui surveille notre équipement ?

— Désolée.

— Pas de problème. Je suppose que ça ne vous vient pas à l’idée quand on a des perceptions Jedi auxquelles se fier.

Ah. Il n’avait même pas tenté de l’appeler Madame, cette fois.

— Si nous savions pourquoi les habitants sont partis ni telle hâte, cet endroit pourrait faire une cachette convenable. Mais nous l’ignorons. Prenons quelques provisions et partons.

Il prit des fruits séchés et ce qui ressemblait à de la viande séchée caoutchouteuse, faisant une note mentale de tester le tout avec une bande d’analyse de son medpac. C’était trop gentil de leur avoir laissé tout ça ! Mais il y avait toutes les chances que les natifs aient fui devant le type de violence dont il avait été témoin peu après son atterrissage.

Etain remplissait deux bouteilles à la pompe.

— J’ai un filtre pour ça, dit Darman.

— Vous êtes sûr que vous n’avez pas été formé par un Néimoïdien ?

— Vous êtes en territoire ennemi.

— Et tous les soldats ne portent pas d’uniforme, je sais…

Elle s’y ferait. Elle devait s’y faire. L’idée qu’une Jedi soit incapable d’être le chef qu’il attendait était insupportable. Ses émotions n’avaient pas de nom. Mais c’étaient des sentiments qui avaient des souvenirs associés – finir une course de cinquante kilomètres en trente-deux secondes de trop, et devoir recommencer la course. Voir un soldat clone tomber lors d’un exercice de débarquement, et se noyer sous le poids de son équipement, sans que personne de l’équipe dirigeante ne s’arrête pour l’aider. Un commando dont le score au tir était seulement de 95 pour cent, et dont l’escouade entière disparaissait des exercices…

Ces choses lui restaient sur l’estomac…

— Ça va ? demanda Etain. C’est votre jambe ?

— Ma jambe va bien maintenant, merci.

Darman voulait retrouver sa confiance en elle, et vite !

Ils reprirent leur chemin, qui devenait de plus en plus boueux. Quand ils arrivèrent à la ferme suivante, la pluie semblait partie pour durer toute la journée. Darman pensa à son escouade traversant une campagne trempée, parfaitement au sec dans leurs armures, et il sourit. Mais la pluie avait du bon : elle rendait plus difficile de les suivre.

Une femme aux lèvres pincées les regarda à l’entrée de la ferme suivante. Le bâtiment était plus grand que le précédent, il était en pierre et il y avait un abri sur un côté. Darman attendit, conscient qu’il y avait sur la droite des toilettes extérieures qui étaient peut-être une menace. Il observa du coin de l’œil un groupe de jeunes occupés autour d’une grande machine.

Ils avaient tous l’air différent. Tout le monde était différent.

Après un moment de conversation, Etain lui fit signe et indiqua l’abri. Jusque-là, ça allait. Darman n’avait pas l’intention d’abandonner son équipement. Il tendit la main dans le barq et sortit son comlink de son casque, au cas où Neuf essaierait de le contacter.

— Vous venez ? demanda Etain.

— Un moment.

Darman sortit une bande de micromines et les installa devant la maison, aussi loin que le ruban allait. Il les régla pour envoyer un signal à distance et rangea la partie émettrice du détonateur à sa ceinture. Etain le regarda faire, son air interrogateur en disant long.

— Au cas où quelqu’un ait des idées, dit Darman.

— Vous avez déjà joué à ce petit jeu.

C’était le cas. La première chose qu’il vérifia en entrant dans la ferme, une main posée sur son fusil, avait été de repérer le meilleur point d’observation. C’était une brique d’aération perforée qui donnait une bonne vue de la route. Il y avait une grande fenêtre sur le mur opposé, couverte d’un sac de toile noué en travers. Un peu rassuré, il s’assit à la table qui dominait la pièce de devant.

La famille qui les avait accueillis consistait en la femme aux lèvres minces de gdan, sa sœur, son mari, encore plus maigre qu’elle, et six enfants allant d’un marmot accroché à un vieux morceau de couverture aux jeunes gens presque adultes qui travaillaient dehors. Ils ne voulurent pas donner leurs noms. Ils ne voulaient pas de visite, dirent-ils, comme si une visite était bien plus que ça ne pouvait le sembler.

Darman était fasciné. Ces gens étaient humains comme lui, et pourtant, ils étaient tous différents. Ils avaient quand même des points de ressemblances. Ils n’étaient pas identiques, mais similaires à d’autres du groupe. Et ils avaient des tailles et des âges différents, aussi.

Il avait vu la diversité dans les manuels d’entraînement. Il savait quel aspect avaient différentes espèces. Mais ces images lui venaient toujours à l’esprit avec des données sur les armes transportées, et où viser pour obtenir l’effet d’arrêt maximal. C’était la première fois de sa vie qu’il était en contact avec des humains divers qui étaient la majorité.

Peut-être que pour eux, il avait l’air unique.

Ils s’assirent autour de la table en bois brut. Darman essaya de ne pas penser à ce que pouvaient être les taches sur le bois, parce qu’elles ressemblaient à du sang. Etain lui poussa le coude.

— Ils découpent les carcasses de merlie ici, murmura-t-elle.

Il se demanda si elle pouvait lire dans son esprit.

Il testa le pain et la soupe qu’on posa devant lui pour les toxines. Quand il eut vérifié que la nourriture était saine, il s’y attaqua de bon cœur. Après un moment, il s’aperçut que la femme et le petit garçon le regardaient. Quand il leva les yeux, l’enfant s’enfuit.

— Il n’aime pas beaucoup les soldats, dit la femme. La République vient-elle pour nous aider ?

— Je ne peux pas répondre à ça, Madame, dit Darman.

Il voulait dire qu’il ne pouvait pas discuter des procédures opérationnelles. C’était une réponse automatique en cas d’interrogation. Ne dites jamais oui, ne dites jamais non, et ne donnez aucune information excepté votre numéro d’identité. Etain répondit pour lui, ce qui était sa prérogative en tant que commandant.

— Voulez-vous de l’aide de la République ?

— Vous êtes mieux que les Néimies ?

— J’aime à le croire.

Le silence tomba autour de la table. Darman termina sa soupe. La politique ne le concernait pas. Il était plus intéressé par se remplir le ventre de quelque chose de chaud qui avait du goût et de la texture. Si tout se passait selon les plans, dans quelques semaines il serait loin d’ici et parti pour une autre mission, et si ça se passait mal, il serait mort. L’avenir de Qiilura était réellement sans intérêt pour lui.

La femme continua à remplir son bol de soupe jusqu’à ce qu’il ralentisse et ne puisse pas en avaler davantage. C’était la première nourriture chaude qu’il avait eue depuis des jours, et c’était agréable. Des petits plaisirs comme ça dopaient le moral. Etain ne semblait pas si enthousiasmée par sa nourriture. Elle déplaçait chaque morceau avec sa cuillère, comme si le liquide contenait des mines.

— Vous devez reconstituer vos forces, dit-il.

— Je sais.

— Vous pouvez avoir mon pain.

— Merci.

La pièce était si calme que Darman entendait la mastication de chaque personne, et le léger grattement des couverts contre les bols. Il entendait aussi le bruit étouffé de merlies non loin de là, une sorte de gargouillis intermittent. Mais il n’entendit pas quelque chose qu’Etain entendit.

Elle se redressa sur sa chaise et tourna la tête, les yeux dans le vague.

— Quelqu’un arrive, et ce n’est pas Jinart.

Darman repoussa son manteau et saisit son fusil. La femme et sa famille se levèrent si vite que la table bascula malgré son poids, envoyant les bols rouler sur le sol. Etain sortit son sabre laser et l’activa. Ils regardèrent l’entrée tous les deux. La famille sortit par la porte arrière, la femme s’arrêtant pour saisir un grand saladier en métal et un sac de nourriture sur une étagère.

Darman éteignit les lampes et regarda par le trou de la brique d’aération. Sans sa visière, il dépendait de son DC pour la vision à longue distance. Il ne vit rien. Il retint son souffle et écouta.

Etain avança vers lui, montra le mur opposé, puis indiqua sept, une main complète puis deux doigts.

— Où ? murmura-t-il.

Elle dessinait quelque chose sur le sol de terre battue. Les quatre murs de la maison, puis elle marqua des taches à l’extérieur, la dernière devant la porte d’entrée.

— Six là-bas, un ici, murmura-t-elle à son oreille, si près qu’il sursauta.

Darman indiqua le mur du fond et se désigna du doigt. Etain montra la porte. Moi ? Il hocha la tête, puis fit un, deux, trois avec sa main et leva le pouce. Je compterai jusqu’à trois. Elle hocha aussi la tête.

Ceux qui étaient dehors n’avaient pas frappé. Ça n’était pas bon signe.

Il fixa le lance-grenades sur son fusil et visa le côté opposé. Etain était debout près de la porte, son sabre laser levé au-dessus de sa tête, prête à frapper.

Darman espérait que son agressivité triompherait de ses doutes sur elle-même.

Il fit un signe de la main gauche, le fusil tenu dans la droite. Un, deux…

Trois. Il lança une grenade. Elle passa à travers la fenêtre couverte d’un sac et fit un trou dans le mur au moment où il lançait la deuxième grenade. Le contrecoup le projeta en arrière, pendant que la porte avant s’ouvrait à la volée et qu’Etain abaissait son sabre laser en un brillant arc bleu.

Darman passa son fusil sur le réglage explosion et dirigea son viseur sur la silhouette. C’était un Umbarien, et il était mort, coupé en deux de la clavicule au sternum.

— Deux, dit Etain, indiquant la fenêtre – ou plutôt, l’endroit où elle avait été quelques secondes avant. Darman fonça dans la pièce, évita la table et tira en arrivant au trou dans le mur. Quand il sortit du trou, il vit deux Trandoshiens avancer vers lui avec un blaster, leurs visages des amas d’écailles et de bosses, la bouche ouverte. Il ouvrit le feu. Un tir en retour lui brûla l’épaule gauche. Puis il y eut un moment de silence, vite troublé par les cris de douleur de quelqu’un, dehors.

Pas lui, et pas Etain. C’était tout ce qui comptait. Il avança dans la pièce, conscient de la douleur croissante dans son épaule. Mais elle devrait attendre.

— Tout est dégagé, dit Etain d’une voix tremblante. Reste cet homme…

— Oubliez-le, dit Darman. Chargez l’équipement, on s’en va.

Mais il ne pouvait pas l’oublier, car le soldat faisait trop de bruit. Les hurlements finiraient par attirer l’attention.

Malgré l’assurance d’Etain qu’il ne restait personne dehors, Darman approcha avec précaution de la porte, gardant le dos au mur. Le soldat blessé était un Umbarien. Darman lui tira une balle dans la tête. Il ne pouvait rien faire d’autre, et la mission passait en premier.

Il se demanda si les Jedi percevaient aussi les droïdes. Il faudrait qu’il demande à Etain, plus tard. On lui avait dit que les Jedi pouvaient faire des choses extraordinaires, mais c’était une chose de le savoir, et une autre de le voir en action. Ça leur avait probablement sauvé la vie.

— Qu’est-ce que c’était, ce coup de feu ? demanda-t-elle quand il revint dans l’abri.

Elle avait mis le paquetage supplémentaire sur son dos, et il vit qu’elle avait déplacé les micromines alors qu’elles étaient toujours amorcées. Ravalant son angoisse, il désactiva le détonateur et ajouta ce fait à la liste des choses qu’il devait lui apprendre.

— J’ai fini le boulot, dit-il, remettant sa combinaison par sections.

Elle détourna le regard.

— Vous l’avez tué.

— Oui.

— Il était blessé ?

— Je ne suis pas un médic.

— Oh, Darman…

— Madame, nous sommes en guerre. Les gens essaient de vous tuer, vous essayez de les tuer avant. Il n’y a pas de deuxième chance. Tout ce qui vous reste à apprendre sur la guerre est une variante de cette réalité.

Elle était horrifiée, et il aurait préféré ne pas l’avoir perturbée comme ça. Lui avait-on donné un sabre laser mortel sans lui apprendre ce que ça signifiait vraiment d’en porter un ?

— Je suis désolé. Il était gravement blessé, de toute façon.

La mort semblait la choquer.

— J’ai tué cet Umbarien.

— C’était l’idée générale. Et vous vous êtes bien débrouillée.

Elle ne dit rien de plus. Elle le regarda remettre son armure, et quand il rajusta son casque, elle comprit que peu lui importait d’avoir l’air voyant dans son armure, parce qu’il ne l’enlèverait pas de sitôt. Il avait besoin de cette protection supplémentaire.

— Plus de « lieu sûr », dit Darman. Ça n’existe pas.

Etain le suivit dans les bois derrière la maison, mais elle était distraite.

— Je n’avais jamais tué quelqu’un avant, dit-elle.

— Vous vous en êtes bien tirée, dit Darman, dont l’épaule pulsait et le déconcentrait. Vous avez fait un boulot propre.

— Mais c’est quelque chose que je n’aimerais pas devoir recommencer.

— Les Jedi sont entraînés au combat, n’est-ce pas ?

— Oui, mais nous n’avons jamais tué personne pendant les exercices.

— Nous, oui, dit Darman, haussant les épaules, ce qui lui fit mal.

Il espérait qu’elle se remettrait vite de ce qu’elle avait fait. Non, tuer n’était pas agréable. Mais il fallait le faire. Et tuer avec un sabre laser ou un blaster était relativement propre. Il se demanda comment elle s’en sortirait si elle devait enfoncer une lame dans un être vivant et regarder ce qui en sortait. Mais elle était une Jedi. Avec un peu de chance, elle n’aurait jamais à faire ça…

— C’est eux ou nous, dit-il.

— Vous souffrez.

— Rien de majeur. J’utiliserai le bacta quand nous serons au point de RV.

— Je suppose qu’ils nous ont dénoncés.

— Les fermiers ? Oui. Ce ne sont que des civils…

Etain grogna et continua silencieusement à le suivre.

Ils s’enfoncèrent dans les bois. Darman calcula combien de cartouches il avait dépensées. S’il continuait à ce rythme, il ne lui resterait plus que son pistolet à la tombée de la nuit.

— C’est surprenant, la manière dont vous percevez les gens. Pouvez-vous aussi détecter les droïdes ?

— Normalement, seulement les êtres vivants. Mais je peux peut-être…

Un faible bourdonnement poussa Darman à se tourner à temps pour voir un rayon de lumière bleue se diriger sur lui. Il l’évita, et le rayon d’énergie pulvérisa un arbre devant lui.

— Non, je ne peux pas, dit Etain.

Ce serait encore une longue et dure journée.

Une sirène d’avertissement résonna, trois hurlements longs répétés deux fois. Puis les champs paisibles au nord-ouest d’Imbraani furent secoués par une explosion massive. Des merlies terrifiés plongèrent à l’abri des haies.

— C’est jour d’explosion, dit Fi. Bonne idée de faire ça aujourd’hui !

Neuf voyait seulement des droïdes industriels dans la carrière. Il passa son gant sur sa visière pour enlever les gouttes de pluie et essaya plusieurs agrandissements, passant d’un réglage à l’autre d’un mouvement des yeux. S’il y avait des travailleurs organiques dans les environs, il n’en voyait aucun.

La carrière était un trou énorme et étonnant dans le paysage, un amphithéâtre aux côtés abrupts qui permettait aux droïdes excavateurs de creuser le rocher pour le traiter. La dépression descendait en pente douce d’un côté, et était une falaise impressionnante de l’autre. En haut de la pente se trouvait une petite cabane de chantier sans fenêtres faite de cloisons en alliage, à côté d’une large piste. À part la procession de droïdes portant des rochers à l’usine de tri, la zone était déserte. Mais quelqu’un – ou quelque chose – commandait les détonations. Situé dans la cabane de chantier, sûrement. Les structures avec des murs en alliage épais comme celle-là avaient généralement un contenu assez intéressant…

La sirène de fin d’alerte sonna. Les droïdes avancèrent pour collecter les rochers bruts, faisant voler de la boue en grimpant les pentes.

— D’accord, voyons ce que nous pouvons nous procurer dans la cabane, dit Neuf. Atin, avec moi. Fi, reste ici et couvre-nous.

Ils coururent sur une centaine de mètres en terrain découvert, jusqu’au bord de la carrière, passant entre des droïdes géants qui ne firent pas attention à eux. Un droïde dont les roues étaient aussi hautes que Neuf balança son récipient de manière inattendue et flanqua un bon coup sur l’épaule de Neuf. Il trébucha, mais Atin le rattrapa et le stabilisa. Ils s’arrêtèrent, attendirent que le droïde suivant revienne sur la pente, puis coururent à côté de lui jusqu’à l’emplacement de la cabane de chantier.

Ils étaient exposés, proches de la paroi avant. Le bâtiment faisait à peine dix mètres de large. Atin s’agenouilla devant la porte et étudia le verrou.

— Bien faiblard, ce verrou, si c’est là qu’ils stockent les explosifs.

— Jetons un coup d’œil.

Atin se leva lentement et plaça un scope sur la porte pour écouter d’éventuels mouvements. Il secoua la tête. Puis il glissa un endoscope plat comme une feuille autour du montant, le poussant doucement d’avant en arrière.

— Je n’arrive pas à le faire passer, dit-il.

— On pourrait se contenter d’ouvrir la porte et d’entrer.

— Souviens-toi que ce truc est sans doute plein d’explosifs. Si je pouvais faire passer une sonde de l’autre côté, je pourrais au moins tester l’air et voir s’il contient des produits chimiques.

— D’accord. Alors, entrons avec précaution.

Il n’y avait pas de poignée. Neuf se tint du côté charnière, le DC à la main, et poussa silencieusement sur la plaque formant la porte. Elle ne bougea pas.

Atin hocha la tête. Il sortit le bélier à main, dix kilos qui avaient jusque-là paru un poids mort inutile dans leurs paquetages. Il le posa sur la serrure.

Neuf leva un doigt.

— Trois… Deux…

Il appliquait une force de deux tonnes.

— Vas-y.

La porte s’ouvrit. Ils bondirent en arrière quand un jet de blaster en sortit, puis s’arrêta abruptement. Ils s’accroupirent de chaque côté de l’entrée. Normalement, c’était facile de faire sortir quelqu’un : une grenade, et le tour était joué. Mais avec un magasin plein d’explosifs, c’était une méthode un peu trop hardie. Neuf secoua la tête.

Atin fit avancer soigneusement l’endoscope dans l’entrée, attirant encore un feu nourri.

— Ils sont deux, annonça-t-il. Les lumières sont éteintes, et la sonde a détecté des explosifs.

— On allume nos projecteurs et on fonce ?

Atin secoua la tête. Il sortit une grenade et la verrouilla en position de sécurité.

— À quel point serais-tu nerveux si tu devais garder un magasin avec assez de trucs pour envoyer la carrière en orbite ?

— J’aurais plus que la tremblote, à mon avis.

— Oui, c’est bien ce que je pense aussi.

Il soupesa plusieurs fois la grenade.

Puis il la lança dans l’entrée. Trois secondes après, deux Weequays détalèrent comme des lapins. Neuf et Atin tirèrent en même temps. Un Weequay tomba aussitôt, et l’élan de l’autre le porta sur quelques mètres. Il tomba sur le chemin en haut de la rampe. Les droïdes ouvriers continuèrent leur travail sans s’occuper d’autre chose. Si le coup de feu ne l’avait pas tué, les droïdes finiraient le boulot.

— Sergent, vous avez besoin d’aide en bas ?

Neuf fit signe à Atin d’entrer.

— Non, Fi, tout va bien. Ouvre l’œil, au cas où on ait de la compagnie.

Le bâtiment puait la nourriture et le Weequay sale. Près d’une console se tenait un petit droïde couvert de boue, ses lumières clignotantes. Le reste de l’espace – trois salles – était plein d’explosifs, de détonateurs, de pièces détachées et de caisses étiquetées.

— Voilà un spécialiste de la démolition, dit Atin en tapotant le droïde sur la tête.

Il récupéra sa grenade et la rangea à sa ceinture.

— J’aimerais mieux avoir Darman, dit Neuf.

Le droïde s’anima soudain, alla à une caisse, souleva le couvercle de sécurité et en sortit plusieurs bâtons d’explosif. Puis il se tourna vers la salle des détonateurs. Neuf tendit la main et ouvrit le panneau de commande pour désactiver le droïde.

— Prends un peu de repos, mon gars, dit-il. Fin des explosions pour aujourd’hui !

Les Weequays n’avaient pas été des employés. Le droïde se chargeait de tout et supervisait les explosions. Sur une caisse retournée, ils virent les restes d’un repas, sur des assiettes de fortune faites avec des couvercles de boîtes. Les Weequays devaient se cacher, et Neuf était sûr de savoir à qui ils voulaient échapper…

Atin vérifia les différentes charges et les détonateurs, choisissant ce qui lui plaisait et l’empilant sur le sol boueux. Il était un expert en technologie, surtout tout ce qui comportait des circuits complexes.

— Délicieux, dit-il, l’air ravi. Il y a ici des détonateurs qu’on peut déclencher à cinquante klicks ! C’est ça qu’il nous faut ! Un peu de pyrotechnique…

— Pourrons-nous porter tout ce dont nous aurons besoin ?

— Oh, il y a de vraies beautés, ici ! Darman les trouveraient basiques, mais elles feront une excellente diversion. (Atin souleva une petite sphère) Et ce bébé-là…

Quelque chose tomba dans une des pièces secondaires. Atin pointa son fusil sur l’entrée et Neuf sortit son blaster. Il avançait vers la porte quand une voix faillit le faire appuyer sur la détente.

— Ap-xmai keepuna ! Ne tuez pas ! Je vous aide !

La voix tremblait, et d’après l’accent, c’était celle d’un Weequay.

— Sortez. Tout de suite !

La voix d’Atin, projetée par son casque, était impressionnante, même sans le fusil qu’il brandissait. Un Weequay sortit en titubant de derrière une pile de caisses et se laissa tomber à genoux, les mains en l’air. Atin le poussa à plat ventre avec sa botte, le DC dirigé vers sa tête.

— Les bras derrière le dos, et ne respire même plus, d’accord ?

Le Weequay se figea pendant que Neuf lui attachait les poignets avec un morceau de câble. Neuf revérifia la pièce, se disant que s’ils avaient raté un type, ils pouvaient en avoir raté deux. Mais il n’y avait plus personne. Il revint près du Weequay allongé.

— Nous n’avons pas besoin d’un prisonnier pour nous ralentir. Donne-moi une bonne raison de ne pas te tuer.

— Je vous en prie, je connais Hokan.

— Oui, tu dois bien le connaître, si tu es venu te cacher ici. Ton nom ?

— Guta-Nay. J’étais son bras droit.

 Mais c’est du passé, hein ?

— Je connais des endroits.

— Oui, nous aussi.

— J’ai des codes.

— On a des explosifs.

— J’ai les codes de la station de communication de Teklet.

— Tu n’oserais pas te moquer de nous, Guta-Nay ? Je n’ai pas de temps à perdre.

— Hokan me tuera. Vous me prenez avec vous ? Vous autres de la République êtes des gens bien…

— Doucement, Guta-Nay. Tous ces mots vont te fatiguer le cerveau.

Neuf regarda Atin. Il haussa les épaules.

— Il va nous ralentir, sergent.

— Alors, on le laisse ici ou on le tue.

Ils n’avaient pas dit ça pour effrayer Guta-Nay, mais ça marcha quand même. C’était un vrai problème : Neuf n’avait pas envie de traîner un prisonnier avec eux, et rien ne garantissait qu’il n’essaierait pas de se remettre en faveur auprès de Hokan en monnayant ce qu’il savait sur eux. Atin alluma son DC.

— Je vous donne aussi le patron néimie !

— Nous n’avons pas besoin de lui.

— Le Néimie est furieux contre Hokan. Il a mis des droïdes dans sa belle villa toute neuve. Ils salissent le sol.

Neuf réfléchit. Il évalua les inconvénients et les avantages d’avoir des renseignements contre Uthan.

— Où est Uthan ?

— Toujours à la villa. Nulle part où se cacher, ailleurs.

— Tu en sais beaucoup sur Hokan, non ?

— Tout, dit Guta-Nay, soumis. Trop !

— D’accord, dit Neuf. Tu as un répit.

Atin attendit quelques secondes et désactiva son fusil.

Il avait l’air peu convaincu.

— Il laissera des traces qu’un worrt pourrait suivre.

— Des idées ?

— Oui.

Atin se pencha sur Guta-Nay, et le Weequay tourna la tête, l’air plus terrifié par le casque que par le fusil.

— Où les droïdes emportent-ils le rocher brut ?

— Une grande usine au sud de Teklet.

— Combien au sud ?

— Peut-être cinq klicks.

Atin se releva et indiqua du doigt qu’il sortait.

— Une solution technique. Attend une minute.

Sa prédilection pour les gadgets devenait une excellente chose. Neuf eut tendance à renier les pensées peu charitables qu’il avait eues pour son sergent formateur. Il sortit. Atin courait à côté d’un droïde d’excavation, puis il sauta sur le plateau. La machine grimpait la pente comme si rien au monde ne pouvait la détourner de son but. Puis elle s’arrêta brusquement, ratant de peu le droïde qui la suivait, à deux mètres de Neuf. Atin, agenouillé sur le plateau, montra deux câbles.

— On ne peut pas lui apprendre à faire des trucs compliqués, mais on peut maintenant le faire démarrer, stopper et tourner.

— Un by-pass ?

— J’ai vu des gens avec des machines comme ça…

— Donc, on entre en ville sur cet engin ?

— Sinon, comment emmènerons-nous tous ces explosifs ?

Ils ne pouvaient pas laisser passer cette occasion. Neuf avait des plans pour les charges explosives et une idée de où les installer dans la campagne d’Imbraani. Ils avaient aussi la possibilité de faire sauter la station de communication de Teklet. Rendre les troupes de Hokan sourdes à tout ce qui arriverait autour d’elles doublerait leurs chances de réussir la mission. Et ils pourraient utiliser enfin leurs comlinks à longue portée.

— Voilà ce qu’on va faire. Je vais avec ce truc à Teklet. Tu en bricoles un autre et tu emmènes notre ami ici présent et Fi aussi loin que tu peux sur la route d’Imbraani, avec autant d’explosifs que tu peux en charger dessus. (Il sortit son databloc et vérifia la carte.) Puis arrête-toi ici, où Jinart l’a suggéré, avec le droïde si tu peux, sans lui sinon.

Un bulldozer droïde sur le chemin d’une usine de tri n’attirerait pas l’attention. Il lui suffirait de la dépasser de quelques kilomètres. Le crépuscule approchait, et l’obscurité serait leur meilleur atout quand il s’agirait de se déplacer.

Neuf tira Guta-Nay du bâtiment.

— La station de communication est-elle défendue ?

Guta-Nay avait la tête enfoncée dans les épaules, comme si les questions étaient toujours accompagnées de coups.

— Juste des barricades pour arrêter les merlies et les voleurs. Seulement des fermiers dans le coin, et ils ont peur.

— Si tu me mens, je m’assurerai de te rendre vivant à Hokan, d’accord ?

— D’accord. C’est la vérité, je le jure.

Neuf rappela Fi et ils chargèrent deux droïdes. L’un portait assez d’explosifs pour mettre plusieurs fois la station de communication en miettes, et l’autre emporta tout ce qu’ils purent prendre, à l’exception de quelques charges et détonateurs pour que les droïdes soient encore occupés quelques heures. Inutile qu’une carrière silencieuse prévienne tout le monde qu’ils s’étaient emparés de quelques explosifs… Ça gâterait la surprise finale.

Ils chargèrent Guta-Nay en dernier, le mettant dans le grand panier de ramassage, les bras toujours liés. Il protesta qu’on le mette au-dessus d’une réserve de sphères explosives.

— Ne t’en fait pas, dit Atin. J’ai tous les détonateurs ici. (Il les fit sauter joyeusement dans sa main. Guta-Nay sursauta.) Tout ira bien.

— Jinart est une bonne alliée pour nous, dit Fi. Il enleva son casque pour boire, et Guta-Nay glapit.

— Elle pourrait être derrière nous en ce moment même et nous n’en saurions rien. J’espère qu’elle et les siens resteront de notre côté.

Neuf retira aussi son casque, et ils se partagèrent la bouteille avant de la tendre à Atin pour une dernière gorgée.

— Pourquoi ce Weequay gémit-il, maintenant ?

— J’en sais rien, dit Atin, enlevant aussi son casque. Il s’arrêta, la bouteille à la main, et ils se tournèrent tous vers Guta-Nay.

Il avait la bouche ouverte et ses yeux allaient d’un commando à l’autre. Il émettait un son étranglé, comme s’il avait voulu hurler sans y parvenir.

— C’est le visage d’Atin, dit Fi. Ne reste pas comme ça à être si laid, mon gars, tu lui fais peur.

Neuf donna une bourrade au Weequay pour le faire taire.

— C’est quoi ton problème ? Tu n’as jamais vu de commandos avant ?

Ils étaient là.

L’occasion que Ghez Hokan attendait était arrivée. Un fermier s’était précipité pour rapporter aux autorités que des soldats de la République – un homme, une femme, tous les deux très jeunes – étaient dans une maison de la route Imbraani-Teklet.

Hokan étudia le feuillage dégoulinant sur le côté de la ferme. Le labyrinthe de traces de pas et de tiges écrasées n’était pas différent de ceux de n’importe quelle ferme, et il disparaissait à toute allure à cause de la pluie. Derrière la série de cabanes et d’abris en pierre, la terre descendait en direction de la rivière Braan.

— C’est un carnage, là-dedans, Monsieur, dit Hurati. Un mur a presque été soufflé. Tout le monde est mort. Et il y avait seulement deux commandos ennemis.

— Un, dit Hokan.

— Un ?

— Il n’y a que des clones mâles en première ligne. L’autre doit être une Jedi.

Il tourna le cadavre d’un Umbarien avec sa botte.

— Cette blessure a été faite par un sabre laser, je le vois. Deux personnes. Je n’aurais même pas cette information sans nos informateurs. Dois-je me fier à des fermiers couverts de bouse pour avoir des renseignements ? Je le dois vraiment ? À votre avis ?

Il regrettait de devoir crier, mais ça semblait nécessaire.

— Pourquoi personne ne s’avise de nous prévenir quand ils ont un contact avec l’ennemi ? Réfléchissez ! Utilisez vos têtes de di’kutla, ou sinon je vous montrerai comment reconnaître une blessure de sabre laser en la démontrant sur vous !

Deux droïdes commencèrent à mettre le corps de l’Umbarien sur un speeder.

— Laissez ce truc où il est. Suivez vos camarades, et dégotez-moi des ennemis !

Hurati posa une main sur le côté de sa tête.

— Les droïdes ont trouvé autre chose dans une maison, sur la route. (Il écouta le comlink puis se tourna vers Hokan.) Je pense que vous devriez voir ça par vous-même, Monsieur.

De l’avis de Hokan, Hurati ne lui ferait pas perdre de temps. Ils remontèrent sur le speeder et revinrent à un petit abri minable au milieu des arbres. Hokan suivit Hurati dans la ferme, où deux droïdes éclairaient les pièces avec leurs projecteurs.

Pour une raison qu’il ne comprit jamais, Hokan aperçut d’abord la soupière renversée sur le sol crasseux. Il vit les cadavres seulement quand il tourna la tête.

— Ah, dit-il.

Les soldats tuaient au blaster, au couteau ou avec des objets contondants. Mais il n’avait jamais connu quelqu’un en uniforme, même dans sa milice minable, qui tuait avec ses dents. Les trois adultes étaient déchiquetés comme si un gros carnivore les avait attaqués. Tous portaient des blessures à la gorge. Une femme avait été si déchirée que sa tête faisait un angle de quatre-vingt-dix degrés avec son corps.

Hokan regarda sans pouvoir détourner les yeux.

— Il y en a d’autres dehors, dans l’appentis.

Hokan ne s’était jamais considéré facile à perturber, mais cette tuerie le dérangeait. Ceux qui avaient fait ça étaient au-delà de sa compréhension, au-delà de ce que ferait un être pensant pour se venger. C’était peut-être une coïncidence, une attaque d’animal contre des gens qui étaient aussi des informateurs, mais il ne voyait aucune espèce animale sur Qiilura capable de tuer ainsi des humains.

Hurati étudia les corps.

— Je ne pensais pas que les commandos de la République tuaient des civils.

— Ils ne l’ont pas fait. Des commandos ne perdraient pas de temps sur un travail qui ne les aiderait en rien, dit Hokan.

— En tout cas, ceux qui les ont tués n’avaient pas le vol pour mobile.

Hurati ramassa un grand plat en métal sur le sol, l’épousseta et le posa sur une étagère.

— C’est probablement notre informateur. Je ne compterai pas sur de l’aide, à partir de maintenant. Ça se saura rapidement…

— Vous êtes sûr qu’il n’y a pas de blessure de blaster ?

Hokan savait instinctivement que ce n’était pas là le travail d’un prédateur ordinaire. Mais qui – ou quoi – avait fait ça ?

— Aucune, dit Hurati.

Hokan n’aimait pas du tout ça. Il fit signe à Hurati de le suivre et appela deux droïdes.

— Faites un cercle autour d’Imbraani. Ramenez tous les droïdes. Je préfère perdre Teklet que mettre le projet d’Uthan en danger.

— Nous pourrions évacuer le docteur Uthan.

— La déplacer avec tout son entourage sera long et visible. Nous nous en tirerons mieux en défendant une position qu’en la déplaçant. Je veux que la moitié des droïdes s’installe bien en évidence au laboratoire – et l’autre moitié à la villa, mais discrètement.

Il y eut un bruit métallique au loin. Hokan se tourna et vit des droïdes revenir vers la rive.

— Ont-ils trouvé quelque chose ?

Hurati écouta son comlink.

— Deux ennemis ont été vus à cinq klicks d’ici, Monsieur. Les droïdes les combattent.

— Parfait, dit Hokan. J’en veux au moins un vivant, les deux de préférence, surtout si la fille est une Jedi.

Il grimpa sur la moto speeder et fit signe à Hurati de prendre la place du conducteur. Le speeder fonça vers l’ouest pendant qu’Hurati confirmait les coordonnées auprès des droïdes.

Hokan espéra que les droïdes étaient capables de répondre à une instruction simple comme prenez-les vivants. Il aurait eu besoin de vraies troupes pour ce boulot, des gens qui pouvaient aller dans les endroits bizarres et voir des choses subtiles. Il lui restait seulement trente officiers organiques et un peu moins de cent droïdes. Efficaces pour une bataille rangée, mais presque sans utilité contre une force de commando repartie sur un terrain où elle pouvait trouver pas mal d’endroits à couvert.

Il faudrait qu’ils viennent le chercher. Mais pour cette fois, il leur ferait plaisir et se lancerait à leur poursuite.