Chapitre vingt

— Nous sommes ici pour voir Otis Crump.

Olivia montra son insigne du Bureau fédéral d’investigation au gardien de Leavenworth.

— Cette visite a été autorisée par le directeur de la prison.

Le gardien examina son insigne et celui de J.L.

— Veuillez signer le registre, je vous prie.

Il fit glisser un porte-bloc sur le comptoir.

Olivia signa le registre et remarqua qu’il ne comptait que la feuille pour ce lundi.

— La dernière fois que je suis venue ici, j’ai signé dans le livre.

Le gardien hocha la tête.

— Il y a eu un changement dans la procédure. Nous ajouterons cette feuille au livre ce soir. Nous avons plusieurs types de visiteurs. Des épouses, des petites amies. Ça protège la vie privée des prisonniers, si leurs visiteurs ne savent pas qui peut aussi venir les voir.

— Je vois.

Il disait la vérité. Olivia tendit le porte-bloc à J.L.

Le gardien recula de quelques pas et cria dans une pièce attenante.

— Hé, Joe, tu vas devoir emmener Crump dans la pièce des visites. Des agents du Bureau fédéral d’investigation veulent le voir.

— Encore Harrison ? cria Joe en guise de réponse.

Olivia échangea un regard avec J.L. Ce dernier lui avait dit le mois dernier que son enquête avait lavé Harrison de tout soupçon.

— Non, répondit le gardien.

Il regarda la feuille du registre.

— J.L. Wang et Olivia Sotiris.

Joe, le second gardien, jeta un coup d’œil vers eux depuis la pièce attenante. Il conserva un visage impassible, mais Olivia put tout de même ressentir un frisson d’inquiétude grésiller en lui.

— Y a-t-il un problème ? demanda-t-elle.

— Non, dit Joe en vitesse. Je vais aller préparer Crump.

Il retourna dans la pièce attenante, et ils entendirent le bruit d’une porte de métal qui se fermait.

— Ça prendra quelques minutes, leur dit le gardien.

— Nous comprenons.

J.L. traîna Olivia de l’autre côté de la salle d’attente.

— Tu t’es raidie, chuchota-t-il.

— L’autre gardien a menti, lui répondit-elle en chuchotant. Et il a sérieusement paniqué en nous sachant ici.

— C’est… intéressant.

Les yeux de J.L. se plissèrent.

Olivia pouvait sentir son inquiétude grandir.

— Tu es certain qu’Harrison est lavé de tout soupçon ?

— Ouais. Je suis venu ici il y a un mois et j’ai demandé à voir les enregistrements vidéo de tous les entretiens qu’il avait eus avec Crump. La dernière fois qu’il est venu, il a menacé de faire des choses désagréables à Crump, s’il ne te laissait pas tranquille.

— C’est tout ?

J.L. hocha la tête, et elle poursuivit.

— Alors pourquoi Harrison a-t-il menti à propos de ses visites ici ?

J.L. haussa les épaules.

— Ses menaces n’étaient pas exactement correctes selon le code déontologique d’un agent spécial. Et je ne pense pas qu’il voulait que tu saches qu’il te défendait.

Olivia soupira.

— Pourquoi ce gardien a-t-il été contrarié de nous voir ici ? Je suis déjà venue ici, auparavant. Ce n’est donc pas si étrange.

— Ça fait toutefois longtemps que tu n’es pas venue.

J.L. se frotta le menton en réfléchissant.

— J’ai peut-être fait une erreur en demandant uniquement de voir les vidéos d’Harrison. J’aurais aussi dû demander de voir les tiens.

— Les miens ? Crois-moi, tu ne veux pas les voir.

J.L. retourna au comptoir du gardien.

— Je dois voir toutes les bandes vidéo des interviews de Madame Sotiris avec Otis Crump.

— Une petite minute.

Le gardien sortit le registre qui était sous le comptoir et le déposa sur ce dernier. Il feuilleta quelques pages à l’arrière du cartable muni de trois anneaux, puis secoua la tête.

— Mme Sotiris a refusé que sa dernière interview soit enregistrée.

— Quoi ?

Olivia marcha à grands pas jusqu’au comptoir. Ses interviews avaient toujours été enregistrées, et elle pouvait dire que le gardien disait la vérité.

— À quand remonte cette dernière interview ?

— À lundi dernier.

Elle eut le souffle coupé.

— Laissez-moi voir ça.

Elle retourna le cartable et vit que son nom était inscrit sur la feuille du registre de lundi dernier. La signature ressemblait à la sienne.

— Ce n’était pas moi.

La surprise et la confusion du gardien étaient véritables.

— Nous vérifions toujours les pièces d’identité des gens, avant de leur faire signer le registre.

— Lorsque cette femme a signé le registre, étiez-vous au comptoir ? demanda J.L.

Le gardien fronça les sourcils et examina la feuille du registre.

— Elle a signé après 11 h. J’étais en pause déjeuner. Joe était donc ici.

Le rythme cardiaque d’Olivia s’accéléra.

— Nous devons lui parler.

Le gardien hocha la tête et appuya sur un bouton de son émetteur-récepteur portatif.

— Joe Kitchner est demandé à la réception.

— Regarde un peu ça.

J.L. avait reculé de quelques pages dans le registre. Une personne se faisant passer pour Olivia Sotiris avait signé le registre quatre semaines plus tôt. Il continua à tourner les pages. Olivia avait prétendument visité Crump toutes les quatre semaines.

— Vérifie le mois de novembre, dit-elle.

J.L. trouva une signature le 18 novembre.

— Tu n’étais même pas au pays. Harrison aurait dû remarquer ça. Cet idiot a passé plus de temps à menacer Otis qu’à mener son enquête.

Olivia désigna du doigt une caméra de surveillance dans le coin de la pièce.

— La personne qui s’est fait passer pour moi a été filmée, quand elle a signé le registre.

Le gardien gémit.

— Ça prendra du temps pour trouver le bon enregistrement.

— Nous avons toute la journée, murmura J.L.

L’émetteur-récepteur portatif du gardien fit un clic.

— Crump est prêt, dit une voix. Il est dans la salle de visite numéro 3.

— C’est toi, Chip ? demanda le gardien sur son émetteur-récepteur portatif. Où est Joe ?

— Je ne sais pas, répondit Chip. Il m’a demandé de préparer Crump avec Bob. As-tu besoin de moi pour escorter sa visite ?

— Je connais le chemin, dit Olivia.

J.L. leva les yeux du registre.

— Tu veux que je vienne avec toi ?

— Ça ira, dit-elle. Occupe-toi de trouver qui s’est fait passer pour moi.

— Je pense que je le sais déjà.

Il grimaça.

— J’espère que j’ai tort.

Olivia espéra aussi avoir tort. Ils soupçonnaient sans doute la même personne. Il n’y avait qu’une seule femme au bureau qui avait accès à sa pièce d’identité et à sa signature.

Elle marcha à grands pas vers la porte des visiteurs et attendit le bip qui indiquait qu’elle était déverrouillée. Elle marcha ensuite dans le sombre corridor, et le bruit de ses pas se répercuta sur le brillant plancher de linoléum. Elle s’arrêta à l’extérieur de la porte qui portait la mention SALLE DE VISITE NUMÉRO 3 et respira à fond.

Otis Crump était un maître, pour déceler les faiblesses et les exploiter pour son propre plaisir maladif. Elle se devait d’être calme et de demeurer en contrôle d’elle-même. Si tout se passait bien, elle n’aurait plus jamais à revoir ce bâtard.

Il était debout dans la petite pièce entourée de quatre murs sobres. Une vitre de plexiglas fortifié séparait sa moitié de la pièce de la sienne. Il y avait une porte de métal derrière lui, et une chaise de métal tout ce qu’il y a de plus ordinaire à côté de lui, solidement fixée au plancher.

Les gardiens avaient commencé l’enregistrement et avaient accepté d’attendre à l’extérieur. Ils pouvaient observer ce qui se passait dans la pièce sur un moniteur dans le corridor.

Otis devait avoir utilisé la salle de mise en forme de la prison, car il avait ajouté du muscle à sa charpente. Sa combinaison de prisonnier était propre, ses cheveux étaient peignés et son visage était rasé. Sa nature narcissique faisait qu’il s’était toujours considéré comme étant exceptionnellement beau.

Olivia avait toujours trouvé que ses traits étaient trop doux. C’était sans doute son apparence suave qui avait incité ses victimes à avoir confiance en lui. Il avait les cheveux châtains, les yeux bruns, une taille moyenne et une bonne structure osseuse, mais il n’y avait rien de frappant chez lui. Rien de typiquement masculin et mémorable.

Il compensait cela avec sa personnalité.

Il sourit en la voyant entrer dans la pièce divisée en deux, et elle sentait qu’il était vraiment heureux de la voir.

— Entre, Olivia. Assieds-toi.

Il s’installa sur la chaise de métal.

— Je t’attendais.

C’était prévisible. Il avait entamé la discussion en lui donnant des directives dans le but d’établir sa domination.

— Je serai brève.

Elle entra dans la salle en marchant à grands pas et s’arrêta à côté de la chaise de métal dans sa moitié de la pièce.

— J’ai quelques questions…

— Et j’ai toutes les réponses, l’interrompit-il avec un petit sourire satisfait.

— Je m’attends à obtenir votre entière coopération.

— Vraiment ?

Il se frotta la cuisse.

— Que peux-tu me donner pour que ça en vaille la peine ?

— Je peux m’assurer que vous restiez en vie.

Il sourit.

— Oh, une menace. J’aime ça. Les femmes fortes sont tellement plus amusantes. Elles résistent et luttent jusqu’à leur dernier souffle, ce qui rend la victoire beaucoup plus satisfaisante.

Il souleva une main.

— Ne t’en fais pas, chérie. Je ne te ferais jamais de mal. Nous sommes destinés à être ensemble.

Elle pourrait en profiter pour lui rappeler qu’il purgeait trois sentences d’emprisonnement consécutives, mais il ne semblait jamais comprendre ce concept.

— Puisque vous m’aimez autant, je m’attends à ce que vous répondiez à mes questions honnêtement.

— Et je m’attends à quelque chose en échange. Un signe de ton affection pour moi.

Il posa sa main sur son entrejambe.

— Je veux une photo glacée de toi en format 8 X 10 afin que je puisse me masturber en la regardant.

— Vous me faites perdre mon temps.

Elle marcha à grands pas vers la porte.

— Attends.

Il se leva d’un bond et la suivit de son côté de la vitre.

— Ne pars pas, Olivia. Ça fait si longtemps depuis la dernière fois.

Elle fit une pause près de la porte et ressentit son désespoir. Son attachement émotionnel envers elle lui avait toujours donné la nausée.

— Êtes-vous prêt à répondre à mes questions ?

Il sourit lentement.

— Tu as bien appris à jouer le jeu. Je suis un bon enseignant, tu ne trouves pas ?

Il était tellement narcissique. Il s’attribuait le crédit, même quand elle prenait le contrôle de la situation. Elle revint au centre de la pièce d’un pas nonchalant, pour l’obliger à la suivre.

Il le fit.

— As-tu aimé tes vacances à Patmos ?

— C’est moi qui pose les questions.

Elle appuya ses mains sur le dossier de sa chaise de métal.

— Qui est votre complice ? Qui envoie les pommes ?

Il s’avachit sur sa chaise.

— Tu n’aimes pas les pommes ? Tu as eu tant de plaisir à les peler pour moi. Tu pouvais en peler une en formant une seule longue spirale.

Il fit tourner un doigt dans les airs.

— J’ai dû me faire la main sur plusieurs femmes, avant de pouvoir maîtriser cette technique.

Elle fit attention de ne pas laisser transparaître ses émotions, mais elle sentait qu’il était excité.

— Qui est votre complice ?

Il sourit.

— Quid pro quo(15), Clarice(16).

— Nous ne sommes pas dans un film.

— Ça devrait pourtant être le cas.

Il se leva et marcha vers la vitre.

— Qui devrait interpréter mon rôle, tu crois ? Brad Pitt, peut-être ?

— Qui est votre complice ?

Il appuya ses mains contre la vitre.

— Personne. Elle ne signifie rien pour moi. Elle me permet seulement d’avoir des nouvelles de toi. C’est toi que j’aime.

— Qui est-elle ?

Il s’éloigna de la vitre.

— J’ai répondu. Quid pro quo, maintenant. À mon tour de te poser une question.

Son regard se glissa sur elle et s’attarda sur ses pantalons de lin.

— La première fois que tu es venue me voir, tu portais une jupe noire serrée et tes jambes étaient nues. Tu t’assoyais sur cette chaise et tu croisais tes jambes, et moi je pensais que j’étais parti au ciel. Je t’aurais dit n’importe quoi pour que tu reviennes me voir avec ces petites jupes serrées qui moulaient ton petit cul d’enfer.

Son mal de cœur s’intensifia. Elle avait senti dès le début qu’il éprouvait du désir pour elle, et elle s’était servie de cela pour l’inciter à développer un lien de confiance avec elle. Il avait offert de tout lui dire, si elle pelait une pomme pour lui, et elle avait accepté. Il avait alors avoué avoir torturé et tué dix autres femmes.

Otis planta ses mains sur le mur de vitre et se pencha vers elle.

— Ça m’a presque achevé, quand tu as cessé de porter des jupes. Tu sais à quel point j’aime tes jambes.

Elle avait commencé à porter des pantalons quand il lui avait dit ce qu’il aimait faire aux jambes de ses victimes.

— J’ai su que tu étais la femme pour moi, quand tu as pelé cette pomme, continua-t-il. Personne ne me comprend comme toi. Tu sais quand je mens ou que j’ai de vilaines pensées, mais tu continues à venir me voir. Reconnais-le, Olivia. Tu me trouves fascinant. C’est à moi que tu penses, quand tu baises avec d’autres hommes.

Elle avala difficilement la bile qui venait de remonter dans sa gorge.

— Vous ne m’avez pas posé de question.

Il rit sous cape.

— Très bien. Dis-moi, as-tu pelé les pommes que je t’ai envoyées ? As-tu fait glisser une lame de couteau sous la pelure ? As-tu entendu le petit bruit sec, lorsque la lame a traversé la pelure ? As-tu glissé le couteau autour de…

— Non. J’ai jeté les pommes.

Elle marcha vers la vitre.

— C’est mon tour. Le nom de votre complice.

— Je crains que tu ne doives reformuler ça sous forme de question.

— Qui est votre complice ?

Il haussa les épaules.

— Chérie, tu le sais déjà. Si tu voulais bien admettre que nous sommes faits l’un pour l’autre, je n’aurais pas à profiter de ces pauvres connasses qui m’offrent leur aide quand j’en ai besoin.

— La partie est terminée, Otis. Vous ne manipulerez plus personne. Je vais demander au procureur de district du Texas de vous poursuivre pour le meurtre que vous avez commis là-bas.

— Fais cela, ma chérie. J’aimerais bien faire un voyage au Texas. Je pourrais me servir de cette occasion pour m’évader, afin que nous puissions être réunis.

— Vous serez reconnu coupable, là-bas, et je viendrai vous voir.

Il sourit.

— Là, tu parles.

— Quand ils inséreront une aiguille dans votre bras, je serai là.

Son sourire s’effaça.

— La peine de mort, Otis. Comment aimez-vous manger vos pommes ?

Son visage se durcit, et il lui lança un regard froid.

— Mes complices s’échappent pendant que tu es ici à me faire des menaces.

— Nous les arrêterons.

Elle marcha à grands pas vers la porte. Elle avait envie d’aller se doucher immédiatement comme d’habitude.

— Olivia ! cria Otis.

Elle jeta un coup d’œil derrière elle, et il tira quelque chose de la poche fixée sur la poitrine de sa combinaison. C’était rouge et en dentelle. Son slip manquant.

Il le frotta contre sa joue.

— À notre prochaine rencontre, ma chérie.

Son estomac se retourna, et elle quitta rapidement la pièce. Elle fonça ensuite vers la réception.

J.L. était derrière le comptoir avec le gardien.

— Nous l’avons, Olivia.

Il tourna le moniteur, afin qu’elle puisse le voir.

La femme semblait être de la même taille et du même poids qu’Olivia. Elle portait des lunettes de soleil sombres et ses cheveux bruns étaient couverts par une casquette de base-ball. Joe était le gardien. Elle lui montra une pièce d’identité et elle signa le registre.

Yasmine. Le cœur d’Olivia se serra. Elle avait espéré que ce ne soit pas elle, mais c’était un peu trop logique pour qu’il en soit autrement.

— Elle a fait une copie de mon insigne.

J.L. hocha la tête.

— Et elle sait où tu caches ton sac à main. Elle a probablement fait une empreinte de cire de ta clé de maison. Ça ne prendrait que quelques secondes.

Olivia appuya une main contre son estomac. C’était déjà assez grave comme ça de devoir traiter avec Otis, mais de découvrir que Yasmine avait trahi leur amitié la rendait physiquement malade.

— As-tu appelé Barker ?

— Oui. Ils ont lancé un avis de recherche sur elle.

— Elle n’était pas au bureau ? demanda Olivia en comprenant ensuite ce qui s’était passé. Joe a dû l’avertir.

— On dirait bien que oui. Il manque aussi à l’appel.

J.L. contourna le comptoir.

— Comment a été ta rencontre avec Otis ?

— Il ne m’a pas divulgué son nom, mais il a reconnu qu’il se servait d’elle.

Olivia fit une grimace.

— Comment Yasmine a-t-elle pu faire ça ? Ne sait-elle pas qu’il est un monstre ?

— Tu n’as jamais ressenti de duplicité chez elle ? demanda J.L.

— Non ! Elle n’a jamais menti. Elle a toujours été curieuse, mais à ce que je sache, son amitié était réelle.

— Elle était au courant de ton don. J’imagine donc qu’elle a toujours été prudente avec toi.

Olivia gémit. Comment avait-elle pu ne pas s’en rendre compte ? La détection de la duplicité était censée être sa spécialité.

J.L. l’escorta vers la porte. Il jeta un coup d’œil au gardien par-dessus son épaule.

— Vous pouvez vous attendre à ce que quelques agents spéciaux viennent ici cet après-midi pour interviewer tous les gardiens. En attendant, si vous entendez quoi que ce soit sur Joe, appelez au numéro qui se trouve sur la carte que je vous ai donnée.

— Je le ferai.

Le gardien sembla inquiet en les regardant partir.

J.L. la guida à travers le parc de stationnement jusqu’à sa voiture.

— Ça va ? Tu es vraiment pâle.

— J’avais confiance en elle, chuchota Olivia.

Ses pensées se tournèrent vers Robby et ses yeux rougeoyants. Si elle avait été dupée par Yasmine, elle avait donc pu être dupée par Robby.

— Je me sens malade.

— Je vais te reconduire à la maison, offrit J.L.

— Non. Je veux continuer à travailler.

Elle aurait trop de temps pour réfléchir, si elle passait la journée à la maison. Trop de temps à nourrir d’épouvantables soupçons sur les secrets que Robby protégeait. Avait-elle eu tort de tomber amoureuse de lui ?

Ce soir-là, comme la plupart des soirs, Robby installa son ordinateur portable et sa cybercaméra dans la salle de conférences de l’autre côté du bureau de la sécurité. Il vit le visage d’Olivia apparaître à l’écran et sut aussitôt que quelque chose n’allait pas. Il y avait de la tristesse dans ses yeux, et elle affichait une mine abattue.

— Mon ange, qu’est-ce qui ne va pas ?

Elle lui parla de son voyage à Leavenworth et comment J.L. avait découvert que la directrice de leur bureau, Yasmine Hernandez, s’était fait passer pour elle afin d’aller visiter Otis Crump. Elle avait été aidée dans sa duperie par un gardien à la prison.

— Ont-ils été arrêtés ? demanda Robby.

Olivia secoua la tête.

— Nous les cherchons, mais ils ont disparu tous les deux.

— Vous savez enfin qui vous envoyait les pommes, dit Robby. Vous devriez vous sentir mieux à cet égard.

Un air affligé s’afficha sur son visage.

— Je pensais que Yasmine était une amie. J’avais confiance en elle. J’ai grossi les rangs du Bureau fédéral d’investigation afin de pouvoir utiliser mes capacités à détecter les mensonges pour arrêter les méchants, et elle était là sous mon nez pendant tout ce temps, et je n’ai jamais rien vu.

Robby se pencha vers l’avant.

— Vous ne devriez pas douter de vous. Vous avez toujours pensé qu’il avait un complice et vous aviez raison. N’avez-vous pas utilisé vos capacités pour faire avouer d’autres meurtres à Crump ?

Ses yeux devinrent légèrement humides.

— J’aurais dû le savoir. J’aurais dû détecter la duplicité chez elle.

— Vous ne pouvez pas vous blâmer. C’est normal de ne pas se sentir bien, en ce moment. Quelqu’un dont vous vous souciez vous a trahi.

Elle le regarda d’un air circonspect.

— Venez-vous toujours vendredi ?

— Oui. Je devrais être là peu avant 21 h.

Elle cligna des yeux, comme si elle se retenait de se mettre à pleurer.

— Je regrette que nous ayons quitté Patmos. C’était si… magique, là-bas.

— Nous y retournerons un jour. Seulement vous et moi.

Si elle pouvait l’accepter en tant que vampire.

Elle ferma brièvement les yeux.

— Soyez honnête avec moi. M’avez-vous dupée ?

Il inhala brusquement. Le fait de prétendre être un homme normal était de la duperie.

— Olivia…

— Oubliez ça.

Elle leva une main pour le faire taire, puis secoua la tête d’un air désabusé.

— Pourquoi donc admettriez-vous maintenant de m’avoir déjà menti ? Je ne veux même pas en entendre parler. Une trahison par jour est plus qu’assez.

Doutait-elle encore de lui ? Maudit enfer. Pourrait-il toutefois la blâmer ? Il avait déjà admis qu’il y avait des choses qu’il ne lui avait pas dites.

— Olivia, écoutez-moi. Quand je dis que je vous aime, c’est la vérité. Quand je dis que je pense à vous pendant chaque minute où je suis réveillé, c’est la vérité. Quand je dis que vous avez changé ma vie, que mon cœur était auparavant rempli de vengeance, et qu’il est maintenant rempli d’amour, c’est la fichue vérité.

Une larme roula sur sa joue.

— Je vous aime tellement, Robby. Ça me tuera, si vous me trahissez.

Il avala sa salive avec difficulté. Il pouvait seulement prier qu’elle n’interprète pas le fait qu’il lui ait dissimulé la vérité comme un acte de trahison.

— Hé, Robby !

Phineas fit irruption dans la salle de conférences.

— Ce n’est pas un bon moment, lui dit Robby.

— Ouais, tu l’as dit, répondit Phineas. Nous venons de passer en mode alerte rouge.

Robby se tendit en se tournant de nouveau vers l’écran.

— Olivia, je dois y aller. Je vous parlerai demain.

Elle fronça les sourcils.

— Qu’est-ce qui ne va pas ?

— Je vous en reparle plus tard. Je vous aime, mon ange.

Il se déconnecta et se leva.

— Que se passe-t-il ?

Phineas le guida de l’autre côté du corridor vers le bureau de la sécurité.

— Angus et Emma viennent tout juste de se téléporter ici. Je viens de recevoir un message urgent de Stanislav, il y a environ cinq minutes. Casimir et sa petite bande de joyeuses sangsues sont en mouvement.

— Sais-tu où ils se dirigent ? demanda Robby en entrant dans le bureau de la sécurité. Angus, Emma et Connor étaient là.

Angus le regarda d’un air inquiet.

— Selon Stanislav, ils sont quelque part en Amérique du Nord.