19
— Je suis désolé, maîtresse Padmé, mais le directeur des Industries Bagrila ne peut pas répondre à votre com.
En soupirant, Padmé se pinça la base du nez. Encore un. Et à présent je commence à être à court de noms et de renvois d’ascenseur.
— Très bien, C-3PO. Quel est le suivant sur la liste ?
— L’entreprise Yylti, maîtresse, dit le droïde. Mais il faut une demi-heure standard avant de pouvoir les joindre.
— Très bien. Tu n’as qu’à m’apporter un autre caf pendant que j’attends.
— Oh, dit C-3PO. Maîtresse Padmé, êtes-vous sûre que c’est raisonnable ?
À cet instant, il y avait sûrement plus de caf que de sang coulant dans ses veines. Elle devrait se raviser, mais…
— Apporte-le-moi, C-3PO.
Comme le droïde se retirait, elle se tourna vers la baie vitrée du salon pour regarder le rideau de pluie battante qui s’abattait sur la ville. Des lambeaux de nuages gris dérivaient entre les tours. Aussi haut au-dessus de la rue, il était aisé de s’imaginer qu’il n’y avait pas de rue, quelle flottait dans un luxueux ballon libre de toute attache avec le sol – et avec la réalité.
Je me demande s’il pleut, sur Lanteeb.
Sa peur pour Anakin la poignarda brusquement. La dernière com de Yoda n’était pas encourageante. Brisé le siège n’est pas encore, sénatrice. Tout en essayant de se faire rendre la pareille pour tous les services qu’elle avait rendus, elle suppliait régulièrement Palpatine de revenir sur sa décision et d’envoyer davantage de vaisseaux de la CAR pour aider l’amiral Yularen et Maître Windu.
Mais Palpatine demeurait inflexible. La situation était délicate, proclamait-il. Il y avait des mécanismes sensibles, des engrenages fragiles… Pour la première fois de sa vie, elle lui en voulait. Elle était furieuse contre lui. Déçue. Oui, pour la première fois depuis le début de leur longue amitié, elle avait le sentiment qu’il la laissait tomber.
Nous devons à Anakin et à Obi-Wan de les ramener chez nous. Comment pourrions-nous encore marcher la tête haute si nous refusons de rembourser cette dette ?
Bien qu’ils n’aient toujours pas d’antidote contre l’arme biologique, la Reine Jamillia avait courageusement promis deux escadrons de pilotes. Etant donné que Naboo n’était pas une société militarisée, elle ne pouvait pas faire plus. Mais Palpatine, lui, était le Chancelier Suprême, le plus haut commandant de la GAR.
Il ne peut pas placer la politique avant la vie de nos amis. Il ne peut pas.
Et pourtant, quelle autre interprétation donner à son attitude ?
— Tenez, dit Bail en arrivant derrière elle.
Afin de gagner du temps et de réduire les complications, ils travaillaient tous les deux chez elle.
— Votre caf – que j’aurais toutes les raisons de vider dans l’évier. Combien en avez-vous bu depuis le déjeuner ? Quatre ?
— Cinq, admit Padmé avec un sourire contrit en levant la tête vers lui. Mais qui s’amuse à compter ?
Il lui tendit la tasse brûlante.
— Votre droïde protocolaire. Il est en train de s’agiter dans la cuisine, prêt à se faire sauter un circuit à cause de vous.
— Je vais très bien.
Bail lui adressa un coup d’œil sévère.
— Faux.
C’est vrai. Je ne vais pas bien du tout. Mais à quoi bon s’étendre là-dessus ?
— Alors ? Où en sommes-nous ?
Parce qu’il la connaissait si bien, il savait qu’il était inutile d’insister.
— J’ai laissé deux messages et j’attends qu’on me rappelle, dit-il en s’asseyant sur le bras du plus proche fauteuil. Mais je ne compte pas franchement là-dessus non plus.
— Et Brentaal ?
— Brentaal nous promet trois cuirassés lourdement armés… si nous pouvons leur garantir une protection contre l’arme biologique.
Bail fronça les sourcils.
— Brentaal, Anaxes, le Conglomérat Ch’zimi-kho – ils nous chantent tous la même chanson, Padmé. Bien sûr que nous vous aiderons… une fois que nous aurons l’antidote.
— On ne peut pas vraiment le leur reprocher. Bail, dit-elle en avalant une gorgée de son caf pour dissimuler sa détresse. Après Chandrila, tout le monde est terrifié à l’idée d’une nouvelle attaque.
— Ce qui, cela va de soi, était le but.
Il marqua un temps.
— Je viens de parler à Tryn.
— Il tient le coup ?
Il secoua la tête.
— Non. D’après lui, il est dans l’impasse totale. Je ne l’ai jamais connu aussi perturbé, Padmé. Si seulement je…
— Vous n’aviez pas le choix, le coupa-t-elle gentiment. C’est un des meilleurs dans son domaine et le seul homme en qui vous pouviez vous fier aveuglément. C’était à lui et à personne d’autre que vous deviez vous adresser.
— Je sais, dit-il en se passant une main sur ses traits tirés. Mais cette histoire le détruit.
Il était si déprimé… Cela ne lui ressemblait pas.
— N’y pensez pas, Bail. Nous devons nous concentrer sur l’organisation de la flotte civile.
— Oui… C’est très beau en théorie, dit-il, soudain proche de la colère. Sauf que sans antidote nous pouvons faire une croix dessus ! Les trente chasseurs stellaires de Naboo constituent une escorte, pas une flotte !
— Je sais, dit-elle après un instant. Je suis désolée, Bail. Je vous en prie, ne nous disputons pas. J’ai encore des gens à contacter. Et vous ?
Glissant du fauteuil, il opina du chef.
— Ne vous inquiétez pas. Je ne baisse pas les bras.
— Bien sûr que non. Et moi non plus. Bail, nous y arriverons.
Il avait envie de la croire. Stang, j’ai envie d’y croire, moi aussi. Mais avec neuf heures non-stop de faux-fuyants et de francs refus, la croyance était une denrée qui semblait fondre comme neige au soleil.
— Allez-y, dit-elle. Retournez à votre liste, et laissez-moi reprendre la mienne.
De nouveau seule, elle s’absorba encore quelque temps dans la contemplation de la pluie.
Je fais de mon mieux, Anakin. Ne perds pas encore espoir.
Bant’ena, debout devant sa paillasse, s’efforçait de ne pas penser à la douleur cuisante de son visage après que Durd l’avait frappée par trois fois parce qu’il n’avait pas aimé ce quelle lui avait dit. Elle avait du sang dans la bouche, chaud et métallique. Plusieurs dents se déchaussaient aussi. Aucune importance. Tout ce qui comptait, désormais, était de contrecarrer ses plans. De le faire trébucher et tomber.
L’appel du colonel Barev était venu à point nommé pour le distraire de la correction qu’il lui flanquait, et il arpentait désormais furieusement le labo, son comlink presque écrasé dans sa grosse main glissante de sueur.
— Comment ça, un atterrissage forcé ? Qu’est-ce que ça veut dire, un corps carbonisé, et rien d’autre ? Vous m’avez dit que cet agent avait des informations urgentes pour moi et qu’il avait franchi les forces de la GAR ! Et maintenant vous me dites que cet agent est mort et que je n’aurai pas le message ? Barev…
Rien ne pouvait de toute évidence apaiser la fureur de Durd, qui montait crescendo. Il ne pouvait obtenir ce qu’il voulait et c’était un affront qu’il jugeait totalement intolérable.
— Barev, la ferme ! cria-t-il. Vos excuses ne m’intéressent pas ! Parlez-moi plutôt des Jedi. Est-ce que ce siège tient toujours ? Où est-ce qu’ils sont en route pour venir me chercher ?
De nouveau, la réponse de Barev provoqua un hurlement incohérent de Durd.
— Ce n’est plus mon problème, imbécile d’humain ! Cette ineptie dure depuis trop longtemps. Videz-moi tous les magasins de munitions de la planète et envoyez-les sur ce village avec tous les droïdes qu’il vous reste, même les SDC ! Je veux ces Jedi ici même dans mon enceinte dans les vingt-quatre heures ! Vous m’entendez, Barev ? Faites ce que je vous dis ou je vous étripe de mes propres mains !
Bant’ena en aurait pleuré. Anakin et Maître Kenobi étaient toujours en vie et Grievous n’était pas venu à bout de la flotte Jedi.
Il faut juste que je gagne du temps – et que je détruise la précieuse arme biologique de Durd, pour le cas où les Jedi échoueraient.
Durd jeta son comlink sur une autre paillasse et, menaçant, se tourna vers elle.
— Alors ?
Elle n’avait aucune difficulté à avoir l’air effrayée – elle l’était, même s’il n’avait plus le pouvoir de lui faire réellement mal. Elle avait renoncé à combattre ses larmes parce qu’il aimait la voir pleurer, et laissa ses mains trembler alors qu’elle saisissait son datapad.
— Général, je suis désolée, murmura-t-elle. J’essaie. Mais ce que vous me demandez de faire, qui est pratiquement de repenser la formule, est… difficile. Vous savez combien de temps il a fallu pour la perfectionner, et maintenant vous souhaitez que je recommence. Cela exige de rééquilibrer la matrice centrale, de…
Il la frappa une fois de plus, si violemment cette fois qu’elle faillit en perdre conscience.
— Ça m’est égal ! rugit-il. Faites ce que je vous dis ou je fais venir ces deux petites larves puantes ici et je les écorche vivantes sous vos yeux !
Il fallait qu’il la croie terrifiée. À aucun prix il ne devait la soupçonner de savoir que ses neveux étaient en sécurité. Aussi se laissa-t-elle glisser à ses pieds en sanglotant pour le supplier d’épargner leurs vies.
Elle eut droit à un coup de pied.
— Levez-vous, levez-vous, vos promesses ne valent rien, je veux des résultats. Je veux tester ma nouvelle formule ce soir.
Ce soir était bien trop tôt. Elle était encore loin de pouvoir reconsidérer l’arme de sorte qu’elle tuerait sitôt déclenchée – avant de devenir inactive après trois minutes de contact avec l’oxygène. Il fallait que ce soit trois minutes, même si c’était déjà suffisant pour faire beaucoup de victimes. Mais elle ne pouvait pas permettre qu’il découvre sa duplicité.
En grimaçant afin de laisser Durd se délecter de sa souffrance, elle se remit sur ses pieds.
— Général, je ferai ce que vous voudrez, je vous le jure. Mais d’ici ce soir ? Je ne crois pas que…
Il colla presque son visage plat et moite sur le sien.
— Je me fiche de ce que vous croyez. Je veux ma nouvelle formule et je vous enferme ici jusqu’à ce que je l’aie.
Il recula d’un pas.
— Étant donné que je ne peux pas me fier à Barev, je retourne au spatioport. Vous avez jusqu’au matin, docteur. Et si vous n’avez rien pour moi à ce moment-là, alors…
— Vous ne pouvez pas partir ! protesta-t-elle. Et s’il y a un problème ? Si j’ai besoin de vous pour…
Il la poussa sans ménagement.
— La seule chose dont vous ayez besoin est un miracle. Je suggère donc que vous vous mettiez tout de suite au travail. N’oubliez pas… La vie de ces petits gorets dépend de vous.
Il verrouilla la porte derrière lui. Bant’ena la regarda en crachant un filet de sang avant de s’essuyer la bouche sur sa manche. Puis elle se força à oublier sa douleur et se remit au travail.
Des heures passèrent. La nuit succéda au jour. Durd ne revenait pas – et loin d’elle l’idée de s’en plaindre. Ses protestations n’avaient été destinées qu’à l’induire en erreur. Il lui était bien plus facile de se concentrer sans sa constante agitation, ses braillements et ses coups. Elle n’eut droit à aucun repas, mais là aussi, elle s’en moquait. Elle n’avait pas le temps de manger de toute façon. Elle avait besoin de chaque minute, de chaque seconde, pour saboter son propre travail.
Lorsqu’elle entendit les raclements dans le conduit d’aération, au-dessus de sa tête, elle crut un instant avoir des hallucinations. Puis la grille sauta et atterrit bruyamment sur le sol du labo avant qu’une humaine au corps mince et musclé, vêtue d’une combinaison noire poussiéreuse, atterrisse tout en légèreté devant elle.
— Bant’ena Fhernan ? Je suis Taria Damsin.
Un sabre-laser à la poignée argentée était suspendu à sa ceinture, Bant’ena recula jusqu’à ce que ses jambes heurtent son tabouret, où elle s’assit.
— Vous êtes une Jedi.
— Exactement, confirma la femme en repoussant la longue tresse bleu-vert de son épaule. Docteur, je comprends que vous soyez surprise mais j’ai besoin de toute votre attention.
Plus facile à dire qu’à faire, bien sûr…
— Comment m’avez-vous trouvée ? Comment avez-vous pu entrer ici ?
— Comme vous l’avez remarqué… je suis une Jedi.
La femme sourit. Elle avait du sang séché sur la joue et sur une main.
— Nous avons le don de nous glisser partout…
— Je vous en prie, ne…
— D’accord. Pour faire très court, votre mère nous a transmis votre message, et grâce au code intégré dans l’enregistrement, nous avons pu repérer avec précision l’endroit d’où vous appeliez. Et en raison de mon… expérience passée, j’ai été choisie pour infiltrer la planète et cette enceinte.
Un peu hébétée, Bant’ena secoua la tête.
— Oh. Je vois.
— J’aime bien votre mère, à propos, ajouta la femme en frottant sa combinaison pour en ôter la poussière. Elle a beaucoup de… détermination.
Vraiment… ? Et soudain, elle eut une brusque intuition.
— C’est vous qui l’avez secourue.
Un autre sourire.
— Nous étions deux, en fait.
L’espace de quelques secondes, Bant’ena en oublia presque de respirer.
— Merci, dit-elle enfin d’une voix rauque. Mais… vous n’êtes pas ici pour me secourir, n’est-ce pas ?
— Oh, je serai plus qu’heureuse de vous sortir d’ici, docteur, dit la Jedi. Mais d’abord je dois faire sauter cette enceinte et jusqu’à la dernière particule de cette arme que vous avez créée.
— Vous êtes sérieuse ? dit-elle, ahurie.
— Après Chandrila ? répondit la Jedi en grimaçant. Absolument.
Oh. Chandrila.
— Je regrette tellement pour ça, murmura-t-elle. Tellement.
Taria Damsin la dévisagea en silence de son regard mordoré très froid.
— Vraiment ? Et si vous le prouviez en répondant à mes questions… ? Où est stockée l’arme biologique ? Combien de droïdes et d’officiers seps devrai-je affronter pour y parvenir ? Où est notre cher ami Lok Durd ? Et enfin – et surtout : où sont Obi-Wan et Anakin ? Je me suis dit que je pourrais les secourir, eux aussi, pendant que j’y étais.
Le cœur battant, Bant’ena regarda la femme exotique devant elle.
— Vous êtes sérieuse ? Vous pourrez leur venir en aide ?
— Je ne dis jamais rien que je ne pense pas, docteur, répondit la Jedi qui leva les yeux vers le plafond. Loin au-dessus de nos têtes, il y a un groupe de combat de la République qui attend mon signal. Une fois que j’aurai accompli ce que je suis venue faire ici, j’irai chercher Maîtres Kenobi et Skywalker. D’après ce que j’ai cru comprendre, ils ont de sérieux ennuis.
Anakin. Si raisonnable, si confiant, si plein de compassion. La vie l’avait mûri prématurément ; elle l’avait fait souffrir, aussi. Elle l’avait vu en lui. Elle l’avait ressenti. Et elle l’avait trahi – elle l’aurait condamné à mort si Durd avait réussi son coup.
— Comment allez-vous faire sauter l’enceinte ?
La Jedi tapota le petit sac fixé sur sa poitrine.
— J’ai des explosifs là-dedans qui vont s’en charger. J’en ai déjà semé une bonne partie dans les conduits. Maintenant, il faut juste que je m’occupe de votre labo et du stock de l’arme.
Et c’est tout ? Très… efficace.
— Je vois, dit-elle, la bouche sèche. Pour Anakin et Maître Kenobi… Ils sont dans un village minier appelé Torbel. C’est quelque part au sud-ouest de Lantibba. À des heures d’ici. Mais Durd les a trouvés et ils ne vont plus tenir très longtemps. Il envoie encore d’autres droïdes et des stocks de munitions. Maître Damsin, il est déterminé à les remettre entre les mains du Comte Dooku.
— Vraiment ? dit Taria Damsin d’une voix douce. Bien. Nous verrons cela plus tard.
Bant’ena l’observa. De même qu’Anakin et que Maître Kenobi, cette femme avait une aura… vraiment différente. Une particularité qui la distinguait des êtres normaux. On ressentait le pouvoir en elle, lové comme un puissant ressort. En sa présence, l’atmosphère chimique du labo semblait vibrer. Et de même qu’Anakin ou Maître Kenobi, elle inspirait une confiance instinctive.
Si elle dit qu’elle peut les secourir, alors je la crois. Elle le peut. Mais seulement si elle part d’ici tout de suite.
— Maître Damsin…
Qu’est-ce que je fais ? Mais qu’est-ce que je fais ?
— Vous devez savoir que ma vie est finie. J’ai créé une arme qui a tué des milliers d’innocents. Je suis l’auteur d’un massacre.
— Oui, d’une certaine façon, c’est vrai, dit lentement Taria. Mais ce n’était pas votre choix.
Bant’ena secoua la tête.
— C’est faux. C’est ce dont les gens comme moi veulent se convaincre quand ils refusent d’assumer le rôle du méchant. J’avais le choix, et j’ai préféré la vie de ma famille et de mes amis à celles d’étrangers.
Une lueur plus douce apparut dans le regard de Taria.
— C’est le choix que feraient la plupart des gens.
— Je ne peux pas parler pour les autres, dit-elle.
Son cœur battait fort. Elle se sentait glacée, nauséeuse. Mais je dois le faire. Je le dois.
— Je ne peux parler que pour moi. Laissez-moi les explosifs. Je ferai ce qu’il faut dans ce labo, dans l’atelier de production de l’arme et dans les réserves, je vous en fais le serment. Cette enceinte sera réduite en cendres, ce ne sera plus qu’un cratère fumant. Allez retrouver Anakin et Maître Kenobi. Sortez-les de cette planète abandonnée. Et s’il vous plaît, dites-leur que je regrette.
— Bant’ena…
Taria fronça les sourcils.
— Nous pouvons toutes les deux sortir d’ici une fois que les explosifs seront mis en place.
— Non. Nous ne le pouvons pas.
Elle posa la main sur le collier autour de son cou.
— Sortir de l’enceinte me tuerait de toute façon.
— Alors je vais vous l’ôter.
Bant’ena sourit.
— Le temps presse. Et puis… Vous croyez qu’on a si souvent l’occasion de réparer nos pires erreurs ?
Un long silence, puis Taria fit passer le sac par-dessus sa tête, l’ouvrit et en sortit une petite boule noire.
— Chaque charge est autonome, avec prise multi-liaison, expliqua-t-elle rapidement.
Son visage contusionné était un masque derrière lequel elle cachait toute émotion.
— Elles se colleront à n’importe quoi. Utilisez-en deux ici, et le reste sera pour l’arme. La charge vaporisera les toxines.
Elle ouvrit une poche de sa combinaison et en sortit une télécommande.
— C’est le détonateur. Vous voyez la touche, ici ? Vous la pressez une fois, puis de nouveau en maintenant le doigt dessus. L’explosion survient cinq secondes après.
Le masque glissa et elle retint son souffle.
— Bant’ena…
Bant’ena tendit la main – et vit avec fierté qu’elle ne tremblait pas.
— C’est très simple, Maître Damsin. Je suis certaine d’y arriver.
Taria laissa retomber la charge dans le sac qu’elle lui tendit avec le détonateur.
— Durd est-il dans l’enceinte ?
Le sac était plutôt lourd et le détonateur étonnamment léger.
— Non. Il est parti harceler le colonel Barev – l’officier de liaison séparatiste. Ils ne sont pas très d’accord depuis quelque temps, toujours à se disputer pour une chose ou une autre.
Taria grimaça.
— Stang. J’avais espéré que…
— C’est mieux ainsi. Son absence me rendra les choses bien plus faciles. Sans lui, l’enceinte est pratiquement déserte. Il a envoyé tous les droïdes de combat à Torbel pour combattre Anakin et Maître Kenobi.
— D’accord, dit Taria dont les yeux fauves s’étaient assombris. Y a-t-il autre chose que j’ai besoin de savoir ?
— Vous n’arriverez pas à temps à Torbel sans un speeder rapide. Vous en trouverez un sur la droite de l’enceinte. Si vous attendez jusqu’à l’explosion, vous devriez pouvoir l’emprunter sans attirer l’attention.
Taria sourit.
— J’ai l’impression que la détermination est la marque de fabrique des femmes Fhernan.
Mère.
— Taria.
— Ne vous inquiétez pas, dit la Jedi d’une voix presque tremblante. Mata Fhernan saura quel genre de fille elle avait.
Des larmes brouillèrent fugacement la vue de Bant’ena.
— J’ai encore une dernière chose à vous demander. Durd m’a enfermée ici. Pouvez-vous…
— Bien sûr, dit Taria qui, d’un geste de la main, ouvrit la porte du labo. Voilà.
Bant’ena lui prit le bras.
— Merci. Maintenant, allez-y. Allez sauver Anakin et Maître Kenobi.
Après un bref hochement de tête et un léger sourire, Taria sauta pour attraper le conduit d’aération, se glissa par la grille… et disparut.
Bant’ena plaça deux charges dans le labo, cacha le reste sous son T-shirt, boutonna sa blouse afin de dissimuler la bosse et glissa le détonateur dans sa poche. Puis elle sortit du labo et remonta rapidement le couloir désert en direction de la salle de production de l’arme et de l’unité de stockage.
Pour la première fois depuis longtemps, elle se sentait incroyablement… libre.
Lok Durd se pencha en avant et s’accrocha au siège du conducteur pour assener une claque sur le bras métallique de KD-77.
— Ce n’est pas le moment de traînasser, espèce de machine bornée… Plus vite ! Je veux voir où en est cette femme avec mon arme.
Le droïde tourna la tête, révélant un éclair de photorécepteurs orange.
— Je respecte la limitation de vitesse, général.
— Est-ce que j’ai l’air de quelqu’un qui s’occupe de ça ? Depuis quand est-ce que les limitations de vitesse s’appliqueraient à moi ?
S’il n’avait pas autant besoin du droïde, il lui arracherait volontiers sa tête insolente.
— Plus vite !
— Général, dit KD-77 en accélérant.
S’affalant dans son siège, Durd croisa les mains sur son ventre. Imbécile de droïde. Contrarié et épuisé, il rumina des pensées noires dans sa tête tandis que, derrière la vitre de transparacier latérale, défilaient les rues vides et sombres de Lantibba. Droïde imbécile, Barev imbécile, tout est imbécile !
Je suis trop important pour supporter tout ça.
— Je n’arrive toujours pas à croire que ce demeuré de colonel a essayé de contester mon ordre d’envoyer le reste des SDC à Torbel, dit-il. Je ne peux pas croire qu’il m’ait fait front dans ce spatioport et m’ait dit en face que les besoins de sa sécurité passaient avant les miens ! Quelle sécurité ? Le spatioport n’est pas en danger – le général Grievous y veille. Non, c’est moi qui suis en danger, avec ces deux Jedi toujours dans la nature. Je vais te dire, KD-77, il veut qu’ils puissent quitter Torbel. Il veut qu’ils viennent me tuer. Tu ne crois pas ?
— C’est un scénario plausible, général, dit le droïde.
Cette fois-ci, il frappa de son poing la nuque de KD-77.
— Ce n’est pas plausible, espèce de crétin. C’est un fait. Le colonel Barev complote pour me détruire. Il n’y arrivera pas. Ils échouent tous. Parce que je suis Lok Durd.
Il pressa son nez sur la vitre.
— On ne voit rien ici. On est encore loin de l’enceinte ?
— Huit cent quarante-deux mèt…
La réponse du droïde fut coupée net par la lumineuse explosion rouge et blanche qui enflamma le ciel nocturne de Lantibba en une fausse aurore incandescente.
KD-77 arrêta brusquement le véhicule.
— Qu’est-ce que c’était ? demanda Durd.
Sa voix était montée de plusieurs crans, tout à coup, mais il s’en moquait. Ce n’était pas l’enceinte. Ça ne peut pas avoir été l’enceinte.
— Descends ! Descends et dis-moi ce que c’était !
KD-77 régla le speeder en mode surplace et sortit. Il était si docile. Si seulement Barev pouvait suivre ses ordres avec le même empressement stupide.
Après un moment. Durd baissa la vitre et passa la tête dehors.
— Alors, droïde ? Ne reste pas planté là !
Il toussa ; la nuit était chargée de fumée et de puanteur.
— Que se passe-t-il ?
Les phares du véhicule décoloraient le rouge sombre de KD-77, le rendant presque blanc. Il se retourna, ses photorécepteurs un peu effrayants dans l’obscurité, son corps métallique découpé à contre-jour par les volutes de fumée et les flammes.
— Général, l’enceinte a été détruite.
La Mère de la Ruche me protège. Les Jedi !
— KD-77, reviens ici ! hurla-t-il alors que la bile montant dans sa gorge menaçait soudain de le suffoquer. Ramène-moi au spatioport ! Vite ! Vite !
Ils passèrent deux véhicules de secours arrivant dans l’autre sens. Durd sentit son estomac se retourner. Seulement deux ? C’était avec ça que le petit Barev comptait assurer sa sécurité ?
Je pourrais être mort. À quelques minutes près, j’aurais été dans l’enceinte quand elle a sauté. Je pourrais être éparpillé en petits morceaux dans Lantibba. Et est-ce que Barev en éprouverait le plus petit regret ? Je suis prêt à parier gros que non.
Il se sentait sur le point de vomir. C’était un désastre. Son enceinte – son arme biologique – sa scientifique : tous partis en fumée. Le Comte Dooku serait furieux en l’apprenant, il… Mais non. Non. Il devait garder son calme. La panique n’était sûrement pas la solution. Il devait réfléchir. Il y avait un moyen de se sortir de cette situation. Il y avait toujours un moyen.
L’arme n’a pas été complètement détruite. Je peux retarder l’attaque sur Bespin et récupérer un échantillon. Je peux kidnapper un autre scientifique qui retravaillera la formule. Je peux remonter la pente. Je vais remonter la pente. Barev, par contre…
Ignorant les Séparatistes humains dans le bâtiment de la sécurité du spatioport, Durd ordonna à KD-77 d’ouvrir la porte de Barev à coups de pied.
— Barev ! aboya-t-il en s’avançant dans la pièce. Expliquez-moi comment vous avez laissé ça arriver !
L’humain, la mâchoire pendante, le regarda fixement.
— Durd ! Vous êtes vivant ?
Abruti.
— De toute évidence. Déçu, colonel ?
— Quoi ? Vous me rendez responsable ?
Barev bondit de son fauteuil derrière son bureau.
— Vous croyez que j’ai quelque chose à voir dans la destruction de votre enceinte ?
Durd eut un ricanement méprisant.
— Pas directement, non. Vous n’avez pas le cran nécessaire pour ça. Non, ce sont les Jedi qui s’en sont chargés, et étant donné que vous avez été incapable de les capturer, alors oui, je vous tiens pour responsable !
— Les Jedi ? répéta Barev avec incrédulité. Les Jedi sont toujours prisonniers de Torbel, espèce d’idiot. C’est votre fait, Durd ! Par ignorance ou par incompétence – sans doute les deux –, vous avez ignoré des règles de sécurité et détruit un secteur entier de la ville. Croyez-moi, je vais transmettre un rapport complet au Comte Dooku pour lui dire quel guignol vous êtes, et…
Les doigts soudain serrés sur la gorge de Barev, riant de la terreur inscrite sur son visage livide, Durd tira l’humain sur son bureau jusqu’à ce que leurs fronts se touchent presque.
— Barev, dit-il d’un ton mielleux, je pense que vous ne direz plus rien au Comte Dooku.
Regarder la vie se retirer des horribles yeux pâles de Barev lui procura un plaisir viscéral.
Relâchant le corps inerte, il arracha un comlink de la console et le jeta à KD-77.
— Assure-toi qu’il est sécurisé, et appelle-moi le général Grievous.
Le droïde était un génie de la communication. Quelques secondes plus tard, il tendit le comlink à Durd.
— Grievous, ici le général Lok Durd, annonça-t-il en regardant le tas de chair et d’os puant qu’avait été le colonel Barev. Ma sécurité n’est plus assurée sur Lanteeb. Je viens vous rejoindre avec des informations urgentes pour le Comte Dooku. Je crois qu’il vous a ordonné de coopérer totalement avec moi ? Parfait. Alors préparez-vous à accueillir mon vaisseau.
Sans donner une chance à la répugnante créature de répondre, il déconnecta le comlink et se tourna vers son droïde.
— Et voilà.
Les photorécepteurs de KD-77 clignotèrent.
— Et les Jedi, général ?
Il sourit.
— Eh bien quoi, les Jedi ? Ils ne vont nulle part. J’enverrai Grievous les chercher dès qu’on se sera débarrassé du groupe de la République.
— Excellente idée, général, dit KD-77. Mais ce serait de la négligence de ma part de ne pas vous rappeler que Grievous a déjà essuyé des échecs.
Exact. Durd afficha une grimace de révulsion.
— Dans ce cas, je donnerai l’ordre qu’on les tue. D’une manière ou d’une autre, droïde… les Jedi sont morts.
Obi-Wan essayait de grappiller quelques minutes de sommeil quand il se redressa brusquement en ressentant une présence familière mais totalement inattendue.
Taria.
— Obi-Wan ? dit Greti en s’arrêtant de rouler le bandage qu’elle tenait à la main. Vous êtes malade ?
Il avait renoncé à vouloir renvoyer la fillette chez elle.
— Non. Je vais bien. Greti, range ces bandages et dors un peu.
— Vous avez l’air bizarre, insista-t-elle. Vous êtes sûr que c’est pas la chlorose ?
Il se redressa gauchement ; chacun de ses muscles, de ses os, protestait.
— Non, ça va, je t’assure. Maintenant fais ce que je te dis.
— Mais…
L’air boudeur, elle s’allongea sur son lit.
— Vous allez où ?
— Pas loin. Juste dans la rue. J’ai besoin de prendre un peu l’air. Viens me chercher si un patient se réveille.
Les nuits étaient longues sur Lanteeb. Les tirs de plasma éclaboussant le bouclier d’Anakin éclairaient par à-coups l’obscurité opiniâtre. Les crépitements et les déflagrations des bombardements se réverbéraient jusque dans ses os, mais il le remarquait à peine. Après tout ce temps, ses sens avaient fini par s’engourdir pour se protéger de ces bruits agressifs.
Taria ? Tu es ici ?
Il sentit la Force bouger paresseusement.
Taria. Ça n’avait donc pas été un rêve. Taria. Mais il y avait un problème. Elle semblait épuisée, en proie à la douleur. Et inquiète pour lui.
Je respire toujours. Taria…
Il sentit ce qu’elle souhaitait faire : s’aider de la Force pour sprinter, franchir la barrière de droïdes et entrer dans le village. C’était précisément le genre de plan complètement fou dont elle était capable. Et qui pourrait marcher, mais pour cela il avait besoin de l’aide d’Anakin.
Le cherchant dans la Force – dont il paya cher l’utilisation, aussi minime soit-elle –, il trouva son ex-apprenti de l’autre côté du village, en train de remplacer une partie du circuit électrique du générateur trois.
— Obi-Wan ? Mais que faites-vous ici ? pesta Anakin après un simple coup d’œil sur lui. Vous m’aviez juré de…
— Ecoute-moi, le coupa-t-il. Taria est ici et elle a besoin de franchir le bouclier. Si tu peux éteindre le générateur sept, rien qu’un instant, je contiendrai les droïdes.
Anakin le fixa quelques secondes ; il avait tellement maigri que son visage aurait pu être celui d’un étranger.
— Vous ne plaisantez pas, hein ? Bon. Alors allons-y.
Ils se forcèrent à courir en suivant le périmètre du bouclier jusqu’au générateur sept. Pour la première fois depuis des jours, Obi-Wan leva les yeux vers les droïdes de l’autre côté. Une vingtaine dans cette section, pilonnant régulièrement, de façon ininterrompue. Il sentit une rage brûlante monter en lui.
— Je sais, dit Anakin en le regardant.
Puis il scruta la campagne au-delà du bouclier.
— Je ne la vois pas, Obi-Wan. Je ne la sens pas non plus. Vous êtes sûr que Maître Damsin…
— Certain. Reste à côté du générateur.
— Oui, Maître, murmura Anakin en s’exécutant.
Se concentrant, Obi-Wan sortit son sabre-laser de la poche intérieure de sa chemise crasseuse et en activa la lame. La lumière bleue et pure trancha sur le rougeoiement des bombardements.
Taria ? Ici.
Il sentit l’énergie jaillir dans la Force, entendit Anakin retenir son souffle lorsqu’il la sentit, lui aussi. Et soudain il y eut un concert d’alarmes mécaniques, et les droïdes de combat se mirent à voler tous azimuts, repoussés par la Force comme autant de marionnettes déjantées.
Maintenant, Obi-Wan ! Maintenant !
— Maintenant, Anakin, dit-il, tous ses muscles bandés, le sabre-laser tendu.
Anakin coupa le générateur. Après une plainte stridente, une section de la barrière de plasma s’effondra. Les droïdes éparpillés se regroupèrent aussitôt pour rouvrir le feu.
— Obi-Wan ! cria Anakin. Laissez-moi…
— Non ! dit-il en déviant les décharges de blaster. Reste près du bouclier !
Il sentit Taria, soutenue par la Force, foncer vers lui, mais il ne pouvait toujours pas la voir. Elle avait dû être loin derrière les lignes ennemies. De nouveau la pagaille parmi les droïdes. Elle poussait tout le monde et bombait comme personne, cette folle.
Dépêche-toi, Taria. Dépêche-toi. Je ne pourrai pas tenir beaucoup plus longtemps.
Son sabre-laser lui paraissait peser une tonne. Il avait usé presque toutes ses forces à l’infirmerie, les avait déversées dans les corps des hommes, des femmes et des enfants qu’il voulait arracher à la mort. Sa vision se brouilla. Il entendit Anakin jurer, sentit une douleur en lui.
— Ce n’est rien ! Ça m’a juste roussi le poil ! Obi-Wan…
— Je sais, je sais, haleta-t-il, se débattant pour rester sur ses pieds et continuer à dévier le déluge d’éclairs laser. Elle est presque ici… presque…
Et puis il la vit qui sortait en trébuchant de la Force pour continuer à courir avec ses ressources personnelles, vidée de toute énergie, comme lui. Pleine d’une intensité désespérée, comme lui. Taria, qui ne devrait pas être ici… et qui pourtant l’était.
Comme elle franchissait le bouclier, une décharge de blaster l’atteignit dans le haut du dos. Elle tomba, heurta durement le sol en criant puis glissa tête la première dans l’herbe et la poussière.
— Taria !
Il lâcha son sabre-laser pour se précipiter vers elle.
— Anakin ! Remonte le bouclier !
Anakin n’avait pas attendu son ordre pour cela. Le générateur sept reprenait déjà vie en bourdonnant et un afflux frais de particules de plasma les claquemurait de nouveau dans le village. Cependant, au dernier moment, un nuage de droïdes buzz se glissa par la brèche avant qu’elle ne soit complètement refermée et leur tomba dessus.
— Je m’en charge ! cria Anakin. Occupez-vous de Taria !
Agenouillé près d’elle, Obi-Wan vit Anakin ramasser d’une main son sabre-laser qu’il avait lâché et allumer le sien de l’autre. Les douze droïdes buzz attaquèrent – et furent en quelques secondes taillés en pièces et réduits en un tas de copeaux métalliques.
Obi-Wan se retourna vers Taria, si inerte sur le sol – et son soulagement fit place à un chagrin poignant et choquant.
Non, non, pas comme ça. Il est trop tôt. Taria…
— Accroche-toi, supplia-t-il. Je suis avec toi. Ne t’en va pas.
Il sentit Anakin approcher derrière lui.
— Obi-Wan, est-ce qu’elle…
Il pressa deux doigts sur sa gorge.
— Non. Elle est vivante.
En gémissant, Taria se retourna à demi.
— Pas de souci, dit-elle d’une voix rauque. Vous ne vous débarrasserez pas de moi aussi facilement. La combinaison est un cadeau du Sénateur Organa. Expérimentale. Une nouvelle matière qui disperse l’énergie. Je suis juste un peu brûlée, mais pas perforée.
Nouveau gémissement.
— Stang. Aide-moi à m’asseoir.
Obi-Wan passa son bras sous son dos et la redressa. Quand elle fut assise, elle poussa un long soupir, puis lui sourit.
— Eh ! Salut, beau mec. Qu’est-ce qu’un gentil garçon comme toi fabrique dans un monde aussi arriéré ?
La colère et la peur contenue explosèrent soudain en lui.
— Taria… !
— Ne me crie pas dessus, je suis tout de même un peu blessée, dit-elle en souriant à Anakin derrière lui. Bonjour, Maître Skywalker. Ou puis-je vous appeler Skyman ?
Anakin posa un genou à terre ; il tenait toujours les deux sabres-laser désactivés.
— Appelez-moi comme vous voulez, Maître Damsin, du moment que vous nous dites ce qui se passe.
Les déflagrations se poursuivaient inlassablement tandis que les droïdes continuaient à vider leurs blasters sur la barrière de plasma. Haussant les sourcils, Taria les regarda tous les deux avec inquiétude.
— Dites-moi d’abord que ce bouclier va tenir.
Obi-Wan croisa le regard d’Anakin.
— Il tiendra, dit-il en récupérant son sabre-laser qu’il glissa dans la poche de sa chemise. Taria, s’il te plaît… Explique-nous. Que fais-tu ici ?
— La version ultracourte ?
Elle grimaça en bougeant son épaule.
— L’enceinte de Durd est détruite. Et son stock d’arme biologique aussi.
— Et Durd ? demanda Anakin.
— Cette ordure est toujours debout. Il n’était pas sur place.
La déception d’Anakin était palpable.
— Alors où est-il ? Et où est sa scientifique fétiche – le Dr Fhernan ?
Obi-Wan voulut voir la blessure dans son dos mais elle repoussa sa main avec impatience.
— Durd était ailleurs. Quant à Bant’ena Fhernan… Je suis désolée : elle est morte.
— Morte ? répéta Anakin, les yeux écarquillés. Vous l’avez fait sauter avec l’enceinte ?
Le chagrin se peignit sur le visage de Taria.
— Non, elle s’est fait sauter elle-même. Anakin, son seul souci était de s’assurer que vous et Obi-Wan vous en sortiez indemnes. Et… elle voulait se racheter.
Obi-Wan échangea un nouveau regard avec Anakin puis soupira.
— Donc tu lui as laissé les explosifs et tu es partie à notre recherche… Taria…
— C’était son choix, Obi-Wan. Je l’ai respecté.
Bien sûr. Lui prenant la main, il sentit son pouls faible sous ses doigts.
— Nous en parlerons plus tard. Qu’as-tu d’autre à…
— D’autres droïdes sont en route, dit Taria. Avec un énorme stock de munitions. À mon avis, ils devraient arriver d’ici peu.
— Stang, dit Anakin en pressant le bout de ses doigts sur ses yeux. Maître Damsin, vous n’avez pas choisi le bon moment pour nous rendre visite.
La main de Taria toujours dans la sienne, Obi-Wan sentait la douleur cuisante que lui valait la brûlure de blaster. Et autre chose aussi, juste dessous. Quelque chose de plus sombre, de plus profond… qui la dévorait impitoyablement.
Oh non.
— Obi-Wan, dit-elle d’une voix douce. Ne t’en fais pas pour moi. Ça va.
Non, ça n’allait pas. Mais son chagrin et sa colère devraient attendre.
— Dis-nous le reste.
Anakin et lui écoutèrent avec une anxiété croissante tandis qu’elle les informait des récents événements : Chandrila et la panique qui s’était répandue dans la galaxie à la suite de l’attaque, l’insuffisance désespérante des forces de Mace Windu et l’impuissance d’un des plus grands scientifiques de la République à créer un antidote contre l’arme de Durd.
— Il y a une sorte de bioséquence manquante, dit-elle. C’est ce que Yoda a dit, en tout cas. Quelque chose en rapport avec la neutralisation de la damotite brute. À vrai dire, je n’y comprends pas grand-chose. Tout ce dont je suis sûre, c’est que ce Dr Netzl est coincé. Que nous sommes tous coincés et…
Devant l’expression d’Anakin, elle s’interrompit.
— Quoi ?
Le regard d’Anakin brillait d’une lueur intense.
— Obi-Wan… Vous pensez ce que je pense… ?