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À L’HÔPITAL, Leo consultait sa montre avec impatience. Il était huit heures moins vingt et Laurie n’était toujours pas là. Mais au moment où il se disait qu’elle serait obligée de prendre l’appel de Timmy dans la voiture, elle apparut sur le pas de la porte. Dans le grand échalas qui se tenait derrière elle, il reconnut immédiatement le célèbre Alex Buckley.

Laurie se précipita pour l’embrasser. « Papa, je suis désolée. On ne devrait jamais prendre East River Drive. Il y avait un accident à la hauteur de la 125^e Rue. Toute la circulation était bloquée. On aurait cru qu’il s’agissait d’une attaque terroriste.

– Calme-toi, dit Leo, sinon tu vas avoir une crise de tachycardie toi aussi. » Il se tourna vers Buckley. « N’est-ce pas, maître ?

– Votre fille est terriblement stressée, c’est vrai, dit prudemment Buckley en approchant une chaise du lit de Leo Farley. Mais elle accomplit un travail remarquable pour cette émission. Je peux vous le certifier.

– Maintenant, avant que tu me poses à nouveau la question, oui, je me sens bien, et oui, je sors demain matin, déclara Leo Farley. À quelle heure se termine cette chasse aux sorcières dans laquelle tu t’es lancée ?

– Dis donc, papa, tu ne montres pas beaucoup de respect pour ce que je fais, protesta Laurie.

– J’ai le plus profond respect pour ton travail, protesta Leo. Mais si j’étais passé entre les mailles du filet pour un meurtre commis il y a vingt ans, que je me retrouvais aujourd’hui sous le feu des projecteurs et que chacun de mes propos pouvait être décortiqué par tous les détectives amateurs du pays, je serais prêt à tout pour brouiller les pistes. »

Buckley vit Leo et Laurie regarder leurs montres. Il était huit heures moins cinq.

« Timmy est en retard. Je ferais mieux d’appeler à nouveau le camp et leur demander s’il y a un problème, dit Leo.

– Papa, tu as déjà appelé le bureau du camp ? demanda Laurie.

– Bien sûr que oui. Je veux m’assurer de leur vigilance et du bon fonctionnement du système de sécurité. Qu’en pensez-vous, Alex ?

– Dans votre situation, si j’étais parent ou grand-parent, j’en ferais autant. »

La sonnerie du téléphone de Laurie provoqua un soupir de soulagement général. Ils n’attendirent pas de l’entendre une deuxième fois. « Hello, Timmy, dirent-ils ensemble.

– Hello, maman, répondit une jeune voix réjouie. J’avais peur que tu n’arrives pas à temps pour être avec grand-père quand j’appellerais.

– Eh bien, nous sommes tous les deux là », dit Laurie.

Buckley écouta Timmy décrire ses activités de la journée. Il faisait partie de l’équipe « A » de natation. Il aimait bien les trois autres garçons qui étaient dans sa tente. Il s’amusait bien au camp. Ce n’est qu’à la fin de la conversation que son ton devint mélancolique. « Vous me manquez, tous les deux. Vous viendrez le jour de la visite ?

– Tu parles que nous allons venir ! assura Leo. Ai-je jamais manqué à une de mes promesses, mon bonhomme ?

– Non, grand-père.

– Crois-tu que je vais commencer maintenant ? » demanda Leo, avec une feinte sévérité dans la voix.

La note de mélancolie disparut.

« Non, grand-père », dit Timmy joyeusement.

Quand ils eurent échangé un dernier au revoir, Laurie regarda Alex Buckley. « C’est mon petit bonhomme, dit-elle fièrement.

– Il a l’air d’un chouette gamin.

– Bon, à présent je veux que vous alliez manger un morceau avant de retourner chez Powell, dit Leo d’un ton ferme. Il est déjà assez tard comme ça, Laurie. J’espère que tu vas prendre deux ou trois jours de congé une fois que tu auras bouclé cette émission.

– Ça m’étonnerait, papa. Curieusement, la postproduction est souvent la partie la plus difficile. Mais j’en conviens avec toi, sur le plan émotionnel, le tournage a été rude. Je t’avoue que j’espère ne jamais être soupçonnée de meurtre. »

Alex Buckley devina quelles étaient les pensées de Laurie et de son père. « Je vous défendrais avec dix pour cent de rabais », promit-il. Ils rirent et, au moment de saluer Leo, Buckley lui proposa : « J’ai défendu des gens dans des affaires à propos desquelles j’aimerais avoir votre opinion. Accepteriez-vous que nous dînions ensemble un soir ?

– Bien sûr.

– Je pourrai venir ? demanda Laurie en riant.

– Il n’en est pas question », fit Buckley avec le plus grand sérieux.

Ils quittèrent Leo, regagnèrent le rez-de-chaussée et s’éloignèrent de l’hôpital.

« J’aime tellement Manhattan, soupira Laurie. Je m’y sens comme un poisson dans l’eau.

– Moi aussi », convint Buckley. « Écoutez, nous n’avons pas besoin d’être de retour dans cette espèce de mausolée avant onze heures, et il n’est que huit heures et demie. Si nous allions dîner tranquillement ?

– Nous avions parlé d’avaler un hamburger.

– Marea, sur Central Park South, est l’un des meilleurs restaurants de New York. C’est toujours plein, mais à cette heure la foule des amateurs de théâtre est partie. Qu’en dites-vous ?

– C’est parfait. » Détendue après avoir vu Leo en forme et entendu la voix joyeuse de Timmy, Laurie s’apprêtait à profiter de son dîner avec Alex Buckley.

Au même instant, Bruno Hoffa franchissait le pont Tappan Zee et se dirigeait vers le camp de Timmy.