TIREZ SUR LES ETRANGERS !
Puis, changements de mot d’ordre, changement de tactique. L’Union Centrale Russe et son organe LA RENAISSANCE, a préconsié et expliqué clairement cette modification pratique de la méthode terroriste : Dorénavant, les attentats ne doivent plus être dirigés contre les représentants du gouvernement soviétique, mais contre les représentants des Etats qui ont des relations diplomatiques et commerciales avec la Russie — dans le but de provoquer la rupture de ces relations, et la guerre.
C’est dans cet esprit qu’au mois de décembre de l’année dernière, le Conseiller de la Mission diplomatique tchécoslovaque à Moscou, Vanek, s’adressa à quelques citoyens soviétiques, contre-révolutionnaires d’après ses renseignements, les incitant à attenter à la vie de l’ambassadeur japonais en U.R.S.S. Khirota. Le résultat d’un tel attentat devait être d’imposer un conflit armé entre te Japon et l’U.R.S.S. Si l’on tient compte de la situation déjà si tendue à cette époque en Mandchourie, de la campagne systématique du Japon contre l’U.RS.S. et du nationalisme explosif des éléments dirigeants du Japon, il est hors de doute que la nouvelle de l’assassinat de l’ambassadeur nippon à Moscou — avec une présentation que nous avons vue, depuis, jouer pour Gorguloff — aurait mis le feu aux poudres et déclenché un conflit entre le Japon et l’U. R. S. S. ; conflit qui, non moins immanquablement, eût été suivi d’une attaque des frontières soviétiques occidentales par la Pologne et la Roumanie. Mais, cette fois, le coup échoua ayant été éventé à temps par la Guépéou. Le gouvernement soviétique exigea le rappel de Vanek par le gouvernement de Prague, ce qui fut fait immédiatement.
Le 5 mars 1932, l’exécuteur garde blanc Judas Stern a tiré cinq coups de pistolet sur l’automobile dans laquelle se trouvait le conseiller d’ambassade allemand von Tvardovsky, le blessant à la main et au cou. L’enquête révéla que Stern avait voulu, en déchargeant son arme, tuer l’ambassadeur d’Allemagne von Diercksen, car tel était l’ordre qu’il avait reçu d’une organisation terroriste dont le chef était un Polonais, W. Loubarsky. Ce Loubarsky avait déjà, en 1928, organisé, à Moscou, l’assassinat de Chapochnikov, haut fonctionnaire soviétique, et il était arrivé en U. R. S. S. comme courrier diplomatique polonais avec des papiers officiels en due forme, attestant sa mission publique.
L’instruction établit ensuite plus péremptoirement la connivence de Loubarsky avec les sphères officielles polonaises, ainsi qu’avec les organisations d’émigrés blancs. On voulait, par cet assassinat d’ambassadeur, provoquer des complications diplomatiques entre l’Allemagne et l’U.R.S.S., englober l’Allemagne dans le bloc antisoviétique.
Aveux infâmes
Cette tactique de guerre, au demeurant, n’a pas été élaborée en secret dans des caves et dans des conciles secret, MAIS EN PLEIN JOUR. Le banditisme blanc s’est attaqué délibérément et ouvertement aux citoyens les plus prestigieux des nations où une police inféodée au Ministère de l’intérieur, tenu lui-même au licou par le capitalisme réactionnaire, lui avait donné tous les moyens de s’installer et de prospérer à l’aise et en paix.
Et si nous voulions dresser un réquisitoire complet contre ces choses, ce seraient les déclarations des Blancs qui, à elles seules, nous en fourniraient la matière. Les commentaires de la presse blanche, française et internationale, jettent une lumière crue sur l’intention bien calculée de PROVOQUER ET D’UTILISER LE MEURTRE DES IMPORTANTES PERSONNALITES ETRANGERES COMME MOYEN DE LUTTE POLITIQUE.
« Stern est une figure symbolique, s’écrie la Renaissance, le 29 avril ; le coup de feu de Stern, c’est la terreur qui vient de commencer ». Et, quelques jours après, ce journal revient sur la même idée et sur la même menace d’assassinats futurs, et il imprime : « Le coup de feu de Stern a été entendu, et il sera répété... Le coup de feu de Stern, ce n’est nullement la fin, c’est le début ».
La même feuille précise encore, afin que nul n’en ignore : « L’acte de Stern est une sorte de geste contre l’aide des étrangers aux bolcheviks ».
Le 26 avril, le compte rendu d’une importante réunion de l’Union Centrale Russe contient encore plus nettement l’annonce motivée de nouveaux attentats :
« Dans tous les discours, un certain ton se fit entendre, qui est nouveau pour l’émigration. On peut penser que ce nouveau ton est le résultat de ce quelque chose de nouveau qui commence à se réaliser... avec les coups de revolver de Stern. Ces coups de feu montrent à tous les étrangers qui soutiennent le pouvoir soviétique, la responsabilité qui les attend. Stern nous est cher. Tout autre qui contribuera, en dehors de la Russie, au renversement du pouvoir soviétique, nous sera également cher. L’acte de Stern, c’est une date historique. Il faut commencer à agir, et c’est justement nous les émigrés, qui devons remplir le rôle de pionniers en cela ».
Bajanov, à cette réunion, s’écrie : « L’ennemi des Russes, c’est celui qui soutient le pouvoir soviétique, et de tels étrangers seront réduits en poussière ».
Donc, que meurent les ambassadeurs ou chefs d’Etat, pour qu’il y ait la guerre, que meurent sous les coups de la meute des puissances déchaînées, les 160 millions d’ouvriers et de paysans de la République socialiste, pour que rentrent dans leur argent et dans leurs honneurs MM. et Mmes les émigrés, quitte pour ceux-ci de livrer ensuite aux vainqueurs les ruines du pays où s’édifie actuellement la civilisation socialiste.
Plus clair encore, s’il est possible, était l’appel « A tous les Russes au cœur généreux » les conjurant « de se pénétrer de l’esprit de Stern ».
Un des rédacteurs de la Renaissance, Yoblonovsky, dans le Journal Aujourd’hui, qui paraît à Riga, met, lui aussi, des points sur les i :
« L’acte de Stern a produit une grande impression dans monde. Il signifie un changement dans la tactique des terroristes russes. Et le sens politique de ce changement peut être déterminé d’une façon très simple : Ne tirez pas sur les moineaux bolcheviks, il est plus avantageux pour nous de changer de cible et de TIRER SUR LES ETRANGERS. L’avantage de cela est clair : un coup de revolver sur un étranger en vue peut causer aux bolcheviks des désagréments sérieux et même provoquer des complications politiques ».
Le journal de Kérensky, Dni, que dit-il, à Paris même, à propos de la tentative d’assassinat d’un ambassadeur étranger ? ceci : « Nous avons devant nous le cas classique d’un acte terroriste sacrificatoire au nom de la défense des droits du peuple. Stern n’est pas seul. La flamme de la terreur individuelle commence à flamber ».
Ne pas être en guerre avec la Russie soviétique, c’est outrager les précieux personnages dédorés et redorés de l’émigration, dont les organismes tentaculaires vivent aux dépens des pays étrangers, et c’est mériter la mort.
« Le sentiment condensé de la fierté nationale outragée a retenti dans les coups de revolver de Stern, retenti dans toute la Russie, retenti dans le monde entier.
«... Cet acte a trouvé probablement son écho sonore sensationnel dans les cœurs [coeurs] de beaucoup d’étrangers collaborateurs du plan quinquennal. Que ceux qui doivent l’entendre l’entendent bien, ce coup de feu, tant qu’il n’est pas encore trop tard ».
Appel ouvert au meurtre
Tous ces textes, dont je ne donne ici que quelques menus extraits, semblent, et pour cause, copiés les uns sur les autres. L’idée qu’ils prêchent : tuer l’étranger, était tellement dans l’air que l’écrivain tsariste Lovitch au cours d’un roman publié en avril dernier à Kharbine dans le journal Roupor, évoque par « anticipation » de romancer un certain nombre de meurtres commis par les Blancs, de personnalités politiques haut placées (dont le Président de la République Française) avec des détails précis qui impressionneront certaines personnes, en dehors de celles qui sont au courant de toute cette « littérature » préparatoire.
Car nombreux et variés ont été les appels crus à l’assassinat et au désordre sanglant qui ont été semés dans des pays à enseigne démocratique, et CELA IMPUNEMENT — alors que de simples revendications communistes basées sur la coopération rationnelle de tous les membres de la communauté sociale, valent à leurs auteurs la persécution, la prison, la torture et la mort.
Bon public français, qui croyant encore à M. Poincaré et à M. Tardieu, aussi aveuglément que tu croyais à Rochette et à Oustrie, et comme tu croiras aux successeurs et continuateurs de tous ces gens-là, écoute ce qu’on disait ouvertement partout et notamment en France, où tu t’imagines, avec une candeur qui dépasse les bornes, que tu es dirigé par des hommes loyaux, et, de plus, par des hommes qui défendent la république et la paix !
Dis et crie avec moi QU’ON NE PEUT PAS CITER, EN VERITE, DANS L’HISTOIRE CONTEMPORAINE, DE PROVOCATION PLUS OUVERTE, DE PREPARATION PLUS PUBLIQUE, PLUS EXPLICITE, PLUS ECLATANTE, AU MEURTRE DES HOMMES PUBLICS, POUR ABOUTIR A CELUI D’UN MILLION DE SOLDATS !
Bestiales provocations en Mandchourie
On sait le rôle capital joué, en même temps, en Extrême-Orient par les bandes blanches dans le but de provoquer la déclaration de guerre de l’U.R.S.S. au Japon : assauts à main armée des institutions soviétiques en Mandchourie, vastes actes de sabotage des voies du Chemin de Fer de l’Est Chinois, ponts et ouvrages publics détruits par des explosions, incursions sur le territoire soviétique.
Et à qui fera-t-on croire que cette propagande de banditisme accomplie sous la suprême direction de l’Etat-major du général Miller siégeant à Paris, par l’intermédiaire de son représentant à Kharbine, le général Dieterichs — ait pu, contre toute vraisemblance, s’accomplir sans la connivence et la complicité des éléments impérialistes japonais et de toutes les grandes puissances ? Tout cela, visiblement se tient.
Ces manœuvres ont eu en 1929, pour résultat, un conflit armé entre les généraux chinois à la solde des puissances impérialistes et l’U.R.S.S. Grâce au sang-froid imperturbable et à la réelle volonté de paix de la diplomatie et du gouvernement soviétiques, ce confit n’a pas dégénéré en guerre. Le banditisme provocateur et officieux des blancs a été jusqu’ici paralysé dans ses objectifs. Jusqu’à quand ?
Ceux qui veulent provoquer le massacre par le crime, voient grand et regrettent le temps perdu, qui aurait pu être si sanglant.
« Il fallait, s’écrie le Tocsin du 12 février 1932, il fallait commencer ce qu’il aurait fallu commencer il y a 14 ans : la guerre sainte contre le diable. Nous devons entreprendre non seulement une guerre sainte, mais aussi une boucherie diabolique ».
Le Tocsin, par l’intermédiaire de Krutchkov, secrétaire de Gorguloff, se trouvait SOUS LE CONTROLE ETROIT DE LA PREFECTURE DE POLICE, Krutchkov, agent de la Sûreté, est à la disposition du Commissaire de la Préfecture Faux-Pas-Bidet.
Mais est-il utile d’ajouter cette précision ? Même s’il n’y avait pas eu les « relations d’affaires », la liaison et les attaches qu’il y avait, entre la police française et l’émigration blanche organisée pour la terreur et pour le meurtre, n’est-il pas absolument indéniable que la police et le gouvernement de M. Tardieu étaient admirablement au courant d’un état d’esprit qui s’exprimait d’une façon si catégorique et si publique, et qui devait avoir comme aboutissement tout à fait logique l’attentat de Gorguloff ?
C’EST POURQUOI J’ACCUSE TARDIEU ET SON CHEF DE SERVICE CHIAPPE D’AVOIR ETE EXPRESSEMENT, EN FAIT, LES COMPLICES DE L’ASSASSINAT DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DOUMER.