OCCIDO LUMEN : SADUM ET AMURAH

 

 

L’Ange de la mort chanta avec la voix de Dieu tandis qu’une pluie de feu et de soufre s’abattait sur les villes. Le visage de Dieu fut révélé et Sa lumière consuma tout en un éclair.

La violence exquise de l’immolation ne provoqua toutefois rien chez Azraël… il y était devenu insensible. Il éprouvait le désir d’une destruction plus personnelle. Il brûlait d’enfreindre l’ordre, et par là de l’emporter sur lui.

Alors que Loth s’enfuyait avec sa famille, sa femme se retourna et contempla le visage de Dieu, sans cesse changeant, incroyablement radieux. Plus brillant que le soleil, il brûla tout autour d’elle et la changea en colonne de cendres blanches et cristallines.

Dans un rayon de huit kilomètres, l’explosion transforma le sable de la vallée en verre pur. Les archanges le foulèrent, leur mission accomplie, avec l’ordre de regagner l’éther. Leur temps passé sur terre en tant qu’hommes se terminait.

Azraël sentit le verre lisse et chaud sous ses pieds, le soleil sur sa figure, et fut gagné par une pulsion maléfique. Sous le plus ténu des prétextes, il éloigna Michel de Gabriel, l’emmena au sommet d’un promontoire rocheux où, à force de cajoleries, lui fit déployer ses ailes et sentir la chaleur de l’astre solaire. Ainsi excité, Azraël ne put maîtriser ses pulsions plus longtemps et fondit sur son frère avec une force extraordinaire, lui lacéra la gorge, but son sang luminescent et argenté.

La sensation qu’il éprouva dépassa toutes ses attentes. Une perversion transcendantale. Gabriel le surprit en proie à sa violente extase, les ailes d’Azraël ouvertes dans toute leur envergure, et fut horrifié. Leurs instructions étaient de rentrer sur-le-champ, mais Azraël, toujours sous le joug de sa soif démente, refusa et tenta de détourner Gabriel de Dieu.

Devenons Lui, ici sur terre. Soyons des dieux, marchons parmi ces hommes, et qu’ils nous vénèrent. N’as-tu jamais goûté au pouvoir ? Ne t’attire-t-il pas ?

Gabriel ne céda pas et appela Raphaël, qui arriva sous forme humaine sur une flèche de lumière. Le faisceau paralysa Azraël et le plaqua sur cette terre qu’il aimait tant. Il fut immobilisé entre deux rivières, celles-là mêmes qui alimentaient les canaux de Sodome. La vengeance de Dieu fut prompte ; les archanges reçurent l’ordre de mettre leur frère en pièces et de disséminer ses membres aux quatre coins du monde physique.

Azraël fut démembré, déchiré en sept morceaux, ses jambes, ses bras et ses ailes furent enterrés profondément, jusqu’à ce que ne restent que sa tête et sa gorge. L’esprit et la bouche d’Azraël étant les plus insultants pour Dieu, cette septième pièce fut jetée loin dans l’océan, ensevelie à une profondeur de plusieurs lieues. Sous le limon et le sable le plus noir. Nul ne pourrait jamais toucher ses restes. Nul ne pourrait les repêcher. Là, ils resteraient jusqu’au jugement, à la fin des jours, quand toutes les vies sur terre seraient rappelées devant le Créateur.

Mais, au fil des âges, des lianes de sang suintèrent des morceaux enterrés, donnant naissance à de nouvelles entités. Les Aînés. L’argent, la substance la plus semblable au sang qu’ils avaient bu, agirait à jamais comme un poison sur eux. Le soleil, l’énergie la plus proche du visage de Dieu sur Terre, les anéantirait, et comme à leur origine ils resteraient pris au piège entre des étendues d’eau qu’ils ne pourraient franchir sans aide.

Ils ne connaîtraient pas l’amour et ne pourraient se multiplier qu’en prenant la vie. Jamais en la donnant. Et si le fléau de leur sang devait se répandre de façon incontrôlée, la famine provoquerait la perte de leur race.