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Avec les années, le scepticisme qui s’était infiltré jusqu’au plus profond de Guido Brunetti l’obligeait à soupçonner que l’accident de la signora Moro n’en était peut-être pas un. Elle avait sûrement crié quand elle avait été touchée, et un cri de femme avait dû faire arriver le tireur en courant, sans compter qu’il voyait mal un chasseur tirant au jugé sans aller voir le résultat. Il avait beau n’avoir qu’une piètre opinion des gens pour qui tuer est une agréable distraction, il avait du mal à penser qu’un de leurs représentants aurait pu laisser sur place une femme blessée et perdant son sang. Cette conviction le conduisit à s’interroger sur le genre de personne capable d’un tel acte, puis sur le genre d’autre violence dont celle-ci pourrait être l’auteur.

S’ajoutaient à cela des spéculations sur le fait que Moro, après avoir été député au Parlement pendant quelque temps, avait démissionné à peu près à l’époque de cet accident. Une coïncidence de genre, de sujet ou de temps pouvait lier des événements entre eux : le même genre d’incidents arrivant à des gens différents, ou des incidents différents arrivant à la même personne, ou des incidents se produisant en même temps. Dans le cas présent, il s’agissait donc d’une coïncidence de temps : Moro se démet de son siège au Parlement, la signora Moro est blessée dans un accident de chasse. En temps normal, voilà qui n’aurait guère éveillé ses soupçons, en dépit de son penchant naturel en la matière, si la mort de leur fils ne lui avait procuré un point de départ qui lui permettait d’entamer un travail, si l’on peut dire, de triangulation spéculative : les trois événements n’avaient-ils pas un lien ?

L’image que se faisait Brunetti du Parlement était assez voisine de celle que la plupart des Italiens se font de leur belle-mère. Bien que ne pouvant s’appuyer sur le type de loyauté due aux liens du sang, une belle-mère italienne n’en exige pas moins obéissance et respect, sans pourtant jamais se comporter d’une manière qui les lui ferait mériter. Cette présence étrangère imposée par les hasards de l’existence ne cessait de multiplier ses exigences en échange d’une promesse jamais tenue d’harmonie domestique. Il était futile de résister, car toute manifestation d’opposition se traduisait inévitablement par des répercussions trop sournoises pour pouvoir être anticipées.

Il décrocha son téléphone et composa le numéro de son foyer, mais il n’obtint que le répondeur, au bout de quatre sonneries, et raccrocha sans avoir laissé de message. Il se pencha alors pour prendre l’annuaire dans le tiroir du bas de son bureau, l’ouvrit à la page des P et arriva à Perulli, Augusto. Il nota le numéro et le composa après avoir laissé retomber l’annuaire dans le tiroir.

Une voix masculine décrocha à la troisième sonnerie. « Perulli.

— Brunetti. Il faut que je te parle. »

Il y eut un silence prolongé, puis l’homme dit : « Je me demandais quand tu allais m’appeler.

— Je te crois sans peine, se contenta de dire Brunetti.

— On peut se voir dans une demi-heure. J’aurai une heure à te consacrer. Sinon, pas avant demain.

— J’arrive tout de suite. »

Il referma le tiroir d’un coup de talon et quitta son bureau et la questure. Disposant d’un peu de temps, il préféra se rendre au Campo San Maurizio à pied et, comme il était tôt, il décida d’aller dire bonjour en passant à son ami le bijoutier. Mais il avait la tête ailleurs et ne resta que le temps d’échanger une embrassade et de promettre de venir bientôt dîner avec Paola, puis il traversa la place et prit la direction du Canal Grande. La dernière fois qu’il s’était rendu à l’appartement de Perulli remontait à six ans ; c’était au terme d’une longue enquête sur la piste de l’argent sale – l’argent de la drogue – qui partait du nez des adolescents de New York pour se retrouver sur le compte numéroté d’une banque genevoise ; piste qui avait marqué un arrêt suffisamment prolongé à Venise pour investir dans deux tableaux anciens, destinés à rejoindre l’argent dans la salle des coffres de cette institution éminemment discrète. L’argent était arrivé sans encombre, transitant par l’empyrée impalpable du cyberspace, mais les peintures, composées d’une matière qui l’était beaucoup moins, n’avaient pu franchir la douane de l’aéroport de Genève. Il s’agissait d’un Palma il Vecchio et d’un Marieschi, autrement dit d’œuvres appartenant au patrimoine artistique de l’Italie et, à ce titre, ne pouvant en être exportées, du moins légalement.

À peine quatre heures après la découverte des toiles par un douanier doué de flair, Augusto Perulli avait appelé les carabiniers pour signaler qu’elles lui avaient été volées. On n’avait rien pu trouver pour prouver que Perulli aurait pu être informé de leur interception, sans quoi il aurait fallu faire l’hypothèse tout à fait invraisemblable d’une corruption dans les forces de police. Le vice-questeur avait donc décidé que, en tant qu’ancien camarade de classe de Perulli resté en très bons termes avec lui, Brunetti serait chargé d’aller parler avec le propriétaire des tableaux. Décision prise seulement le lendemain de la découverte des toiles, alors que l’homme qui les avait transportées venait d’être relâché par la police, une bévue qui n’avait jamais pu être expliquée aux autorités italiennes à leur entière satisfaction.

Lorsque Brunetti avait enfin pu parler à son ancien camarade de classe, Perulli lui dit qu’il ne s’était rendu compte de la disparition des peintures que la veille et qu’il n’avait aucune idée de la façon dont le vol s’était produit. Lorsque le commissaire avait voulu savoir pourquoi seules deux des œuvres de la collection avaient été emportées, Perulli mit un terme définitif à l’interrogatoire en donnant sa parole d’honneur qu’il n’en avait aucune idée, et Brunetti le crut.

Deux ans plus tard, le passeur malencontreusement relâché par Genève fut de nouveau arrêté par les Suisses, mais à Zurich, cette fois-ci, et pour trafic d’immigrés clandestins. Prêt à faire n’importe quel compromis avec la police, l’homme avait révélé que c’était Perulli lui-même qui lui avait confié les toiles, le chargeant de les faire passer la frontière et de les remettre à leur nouveau propriétaire. À l’époque, Perulli venait d’être élu au Parlement et, comme tel, ne pouvait faire l’objet ni de poursuites ni d’une arrestation.

« Ciao, Guido », dit Perulli en ouvrant la porte. Il tendit la main.

Brunetti eut conscience que sa brève hésitation à la prendre et à la serrer put paraître théâtrale – et Perulli aussi. Ni l’un ni l’autre ne firent semblant de ne pas être sur leurs gardes, et ils s’étudièrent mutuellement et sans se cacher, à la recherche de signes de vieillissement depuis la dernière fois qu’ils s’étaient vus.

« Ça fait un bail, non ? » dit Perulli en se tournant pour précéder Brunetti dans l’appartement. Grand et mince, l’homme se déplaçait avec la grâce et la fluidité qui étaient déjà les siennes du temps de leur jeunesse. Il avait toujours une tignasse épaisse et portait même les cheveux plus longs qu’autrefois ; sa peau, lisse et tendue, présentait cette nuance riche et chaude qu’un épiderme a normalement à la lueur d’un soleil déclinant. Quand est-ce qu’il s’était mis à chercher ainsi, sur le visage des personnes qu’il connaissait depuis l’enfance, amis ou relations, des indices de l’âge ? se demanda Brunetti.

L’appartement ne lui parut pas avoir beaucoup changé par rapport à son souvenir : haut de plafond, bien proportionné, ses fauteuils et ses canapés étaient une invitation à s’installer confortablement et à parler à cœur ouvert, sinon de manière indiscrète. Des portraits d’hommes et de femmes des siècles passés étaient accrochés au mur : Perulli, savait le policier, en parlait d’un ton indifférent qui laissait cependant entendre que c’étaient ses ancêtres, alors que sa famille avait habité pendant des générations à Castello, vivant de la fabrication de produits de charcuterie.

Ce qu’il y avait de nouveau, en revanche, était un alignement de photos dans des cadres d’argent, posées sur une copie assez médiocre de crédence florentine de style Renaissance. Brunetti prit le temps de les examiner et constata qu’elles ponctuaient la carrière du maître des lieux : le jeune homme avec ses amis ; le diplômé de l’université posant en compagnie d’un des pontes du parti auquel il avait fait allégeance ; l’adulte bras dessus bras dessous avec l’ancien maire de la ville, puis en compagnie du ministre de l’intérieur et de celle du patriarche de Venise. Derrière ces clichés, dans un cadre plus élaboré, on voyait un Perulli souriant sur la page de couverture d’une revue qui avait disparu depuis quelque temps. Cette photo, mais surtout le besoin qu’éprouvait Perulli de l’exhiber, remplit Brunetti, en dépit de lui-même, d’une énorme tristesse.

« Puis-je t’offrir quelque chose ? demanda Perulli depuis l’autre côté du séjour, debout devant l’un des canapés de cuir et désirant manifestement régler cette question avant de prendre place.

— Non, rien, je te remercie. »

Perulli s’assit, tirant délicatement sur le pli de son pantalon pour ne pas le froisser, geste que Brunetti avait déjà observé, certes, mais seulement chez les personnes âgées. Écartait-il les pans de son manteau avant de s’asseoir dans le vaporetto ?

« Je suppose que tu ne tiens pas à faire semblant que nous sommes encore amis, n’est-ce pas ?

— Je ne veux faire semblant de rien du tout, Augusto. Je souhaite simplement te poser quelques questions, et surtout que tu y répondes honnêtement.

— Pas comme la dernière fois ? » demanda Perulli avec un sourire qui se voulait enfantin mais qui ne parvenait qu’à le faire paraître madré. Brunetti hésita un instant : il y avait quelque chose de différent dans la bouche de son ex-condisciple, dans la manière dont elle se tendait.

« Puisque c’est toi-même qui le dis, répondit Brunetti, surpris du calme teinté de mélancolie avec lequel il avait réagi.

— Et si je ne peux pas y répondre ?

— Tu me le dis, et je m’en irai. »

Perulli acquiesça d’un signe de tête. « Bon. Je n’avais pas le choix, Guido, tu sais. »

Brunetti préféra faire comme si son interlocuteur n’avait rien dit. « Est-ce que tu connais Fernando Moro ? »

La réaction de Perulli fut différente de celle qu’il aurait eue s’il avait simplement reconnu un nom. « Oui.

— Bien ?

— Il doit avoir deux ans de plus que nous, à peu près, et nos pères étaient amis ; c’est-à-dire que je le connaissais assez bien pour le saluer et même prendre un verre avec lui, du moins quand nous étions jeunes. Mais certainement pas au point de dire que c’est un ami. »

Quelque chose avertit Brunetti de ce qui allait suivre et, craignant de l’entendre ajouter : « Pas comme avec toi » ou une remarque de cet ordre, il garda le silence.

« Le rencontrais-tu à Rome ?

— À titre privé ou professionnel ?

— Les deux.

— À titre privé, non. Mais il a bien dû m’arriver de le rencontrer deux ou trois fois à Montecitorio. Nous n’étions pas dans le même parti et nous n’avions pas d’occasion de collaborer.

— Même pas dans des commissions ?

— Nous n’étions pas dans les mêmes.

— Et sa réputation ?

— Que veux-tu dire par là ? »

Brunetti retint le soupir qu’il avait envie de lâcher et prit un ton neutre pour répondre. « En tant que politicien. Qu’est-ce que les gens pensaient de lui ? »

Perulli décroisa ses longues jambes pour les recroiser dans l’autre sens. Il inclina la tête, porta une main à son front et se le frotta du bout des doigts, geste machinal de toujours, lorsqu’il pensait à quelque chose ou devait réfléchir avant de donner une réponse. Sous cet angle nouveau, le visage de Perulli apparut changé à Brunetti, en particulier dans la saillie que faisaient ses pommettes, qui paraissaient plus aiguës et plus nettement définies que quand il était jeune. Il s’exprima, lorsqu’il se décida à parler, d’une voix douce. « Je dirais que d’une manière générale, les gens le considéraient comme honnête. » Il abaissa la main et esquissa un sourire. « Peut-être trop honnête. » Son sourire s’agrandit pour redevenir ce sourire, si séduisant, auquel les jeunes filles et les femmes avaient du mal à résister.

« Qu’est-ce que tu veux dire ? » demanda Brunetti, obligé de faire un effort pour lutter contre la colère grandissante qu’il ressentait, tant les réponses de Perulli avaient un ton ironique.

L’homme ne répondit pas tout de suite et, tandis qu’il réfléchissait à ce qu’il allait répondre, ou peut-être à la manière dont il allait le dire, il serra la bouche en une petite moue, à plusieurs reprises, une mimique que le commissaire ne lui connaissait pas. « Je suppose que j’ai voulu dire qu’il était parfois difficile de travailler avec lui », finit-il par répondre.

Cela n’apprenait rien à Brunetti. « Mais encore ? »

Perulli ne put retenir un coup d’œil irrité en direction de son ancien condisciple ; mais lorsqu’il parla, ce fut d’une voix calme, peut-être trop calme. « Pour les gens qui n’étaient pas d’accord avec lui, cela voulait dire qu’il était impossible de le convaincre de voir les choses d’un point de vue différent.

— Le leur, tu veux dire ? » demanda Brunetti d’un ton neutre.

Perulli ne mordit pas à l’hameçon et se contenta de répondre : « De tout point de vue différent de celui pour lequel il s’était décidé.

— Est-ce que tu l’as expérimenté toi-même ? »

Perulli eut un mouvement de dénégation de la tête. « Je te l’ai dit, nous n’avons jamais travaillé dans les mêmes comités.

— Et lui, sur lesquels travaillait-il ? »

Perulli s’appuya de la nuque au dossier de son fauteuil et ferma les yeux. Brunetti ne put s’empêcher de voir dans ce geste une volonté manifeste de montrer l’énergie qu’il devait dépenser pour répondre à ses questions.

Après un silence anormalement prolongé, Perulli répondit. « Pour autant que je m’en souvienne, il était membre d’un comité de surveillance de la Poste, d’un autre qui a quelque chose à voir avec l’agriculture et d’un troisième… » Il s’interrompit, adressa à Brunetti un petit sourire complice, puis reprit la parole. « Sincèrement, je ne m’en souviens pas. Peut-être la mission en Albanie, un de ces trucs d’aide humanitaire, ou peut-être le problème de la retraite des agriculteurs. Je ne sais pas.

— Et que font ces comités ?

— Eh bien, ce qu’ils sont supposés faire, pardi ! » Perulli paraissait sincèrement étonné qu’un citoyen responsable comme Brunetti eût besoin de poser cette question. « Ils étudient le problème.

— Et ensuite ?

— Ils font des recommandations.

— À qui ?

— Au gouvernement, bien entendu.

— Et qu’est-ce qui arrive ensuite à ces recommandations ?

— Elles sont examinées et étudiées, et une décision est prise. Si c’est nécessaire, elles font l’objet d’une loi, ou bien une loi existante est amendée.

— Aussi simple que ça, pas vrai ? »

Le sourire de Perulli n’eut pas le temps de se déployer complètement, pétrifié avant par le ton sarcastique qu’avait employé Brunetti.

« Tu peux plaisanter autant que tu veux, Guido, mais ce n’est pas facile de diriger un pays comme celui-ci.

— Parce que tu t’imagines que tu le diriges ?

— Non, pas moi personnellement, dit-il d’un ton qui semblait empreint de quelque regret. Bien sûr que non.

— Vous tous collectivement, alors ? Le Parlement ?

— Si ce n’est pas nous, qui ? » Son ton avait monté, mais on aurait peut-être pu y détecter davantage de colère que d’indignation.

« En effet », se contenta d’admettre Brunetti. Puis, laissant s’écouler lui aussi un long silence, il reprit, d’un ton de voix tout à fait normal : « Sais-tu autre chose sur ces comités, par hasard ? Sur qui y siégeait avec lui, peut-être ? »

Privé de la cible de sa colère par le soudain changement de sujet de Brunetti, Perulli hésita avant de répondre. « Je ne suis pas sûr qu’il y ait grand-chose à dire sur eux. Aucun n’était important et c’est en général les nouveaux élus n’ayant pas beaucoup d’appuis qui s’y retrouvent.

— Je vois, dit Brunetti, toujours aussi neutre. Et tu n’en connaissais aucun ? »

Brunetti crut un instant avoir poussé trop loin et que l’homme allait se rebiffer, voire refuser de lui accorder plus de temps, mais le parlementaire se résigna finalement à répondre. « J’en connais un ou deux, mais pas très bien.

— Pourrais-tu leur parler ?

— De quoi ? demanda Perulli, tout de suite soupçonneux.

— De Moro.

— Non, répliqua-t-il sans hésiter.

— Et pourquoi pas ? Voulut savoir Brunetti, bien qu’ayant une idée assez précise de la réponse.

— Parce que quand tu m’as appelé, tu as dit que tu avais quelques questions à me poser. Mais pas que tu voulais que je me mette à faire ton boulot à ta place. » Il avait parlé avec de plus en plus d’énervement dans la voix. Il regarda Brunetti, qui ne dit rien, et ce silence parut suffire à déclencher une nouvelle bouffée de colère chez le parlementaire. « J’ignore ce que tu veux savoir à propos de Moro, mais c’est une bonne chose que quelqu’un s’intéresse enfin de plus près à lui. » Deux taches rouges, de la taille de balles de golf, se mirent à fleurir sur ses joues.

« Et pourquoi ? »

Perulli décroisa de nouveau ses jambes mais, cette fois-ci, se pencha en avant, son index accusateur pointant à plusieurs reprises en direction de Brunetti. « Parce que c’est un salopard, un hypocrite, qui n’arrête pas de parler de malversations et de fraudes et… » Le timbre de voix de Perulli changea tout d’un coup et il étira les dernières syllabes d’une manière qui rappelait tout à fait la façon de parler de Moro. « … et de notre responsabilité de citoyen, poursuivit-il dans une imitation qui se faisait caricaturale. Nous ne pouvons continuer à traiter notre charge et le Parlement comme si c’était une auge et nous un troupeau de cochons. » Il était parfaitement clair qu’il citait Moro.

Brunetti pensa que son ancien condisciple, échauffé, allait continuer dans la même veine : jamais Augusto n’avait su s’arrêter. Mais il le surprit en retombant dans le silence, même s’il ne put résister à la tentation, auparavant, de narguer Brunetti en ajoutant : « S’il a fait quelque chose, cela ne me surprend pas : il n’est pas différent de nous.

— De vous, c’est-à-dire les premiers à avoir le groin dans l’auge ? » demanda Brunetti d’un ton doucereux.

Ces paroles firent l’effet d’une gifle à Perulli. Il s’élança, la main droite tendue vers la gorge de Brunetti, mais dans sa colère, il avait oublié la table basse qui les séparait. Il la heurta du haut des tibias, s’étala dessus et bascula par terre de l’autre côté.

Brunetti s’était levé ; voyant Augusto au sol, son premier geste fut de vouloir l’aider à se relever, mais il se reprit. Curieux, il fit un pas de côté et continua d’examiner son ancien camarade de classe. La perruque de Perulli était tombée par terre, et Brunetti vit parfaitement la petite cicatrice ourlée, au-dessus de son oreille gauche. Tout content d’avoir découvert les raisons de son apparence juvénile, il attendit un instant, le temps de voir Perulli poser les mains sur le sol pour se relever, fit demi-tour et quitta l’appartement.