La bouteille de Perrier
Les collectionneurs d’objets hétéroclites ne sont pas exclusivement des patients, on en retrouve également dans la population des soignants.
Nous avions une surveillante de bloc qui avait la manie de conserver les objets que nos congénères s’enfoncent dans leur fondement. L’extraction rectale s’effectue la plupart du temps sous anesthésie générale, car il faut faire une incision anale limitée pour ne pas avoir à gérer une cicatrisation prolongée imputable à une vilaine déchirure. Les sex toys de la surveillante laissaient dubitatifs. Boules de geisha, tubes de cigare, mini-matraque, quilles de toutes tailles, poivrier, angelot de plâtre, balle de golf, téléphone portable (laissé en mode vibreur ?), bougeoir, cendrier et autres gadgets surprenants trônaient sur une étagère au-dessus de son bureau.
Les pervers ne manquaient pas d’imagination, surtout pour justifier leur situation pour le moins embarrassante. Par exemple, l’explication du prêtre avec sa bouteille de Perrier vaut son pesant d’or !
« J’étais en chemise de nuit et j’étendais mon linge près du lavabo, d’où était tombée la savonnette que je n’avais pas vue. J’ai mis le pied sur la savonnette et je suis parti à la renverse. Ma chemise de nuit s’est soulevée dans ma chute, et je suis tombé juste pile sur la bouteille de Perrier qui était par terre. Voilà ! »
Les voies de certains représentants de Dieu ne sont pas toutes impénétrables !
Aussi bizarre que cela puisse paraître, une deuxième bouteille de Perrier fut extraite d’un autre rectum à une semaine d’intervalle par le même chirurgien. Il faut savoir que ces petits flacons sont très difficiles à enlever. Le verre ne laisse aucune prise. Les fioles étant introduites par la partie la plus fine, seule la zone renflée du récipient est accessible. Victime d’une terrible loi des séries, le malchanceux praticien nous avait raconté l’histoire invraisemblable rapportée par l’accompagnante du malheureux explorateur de sensations nouvelles :
« Mon mari souffre d’hémorroïdes. C’est terrible, il n’y a qu’une seule chose qui le calme ; je mets une bouteille de Perrier au réfrigérateur et ensuite je lui masse l’anus avec le goulot. Et, cette fois, je ne sais pas bien ce qui s’est passé, j’ai dû trop l’enfoncer, il y a eu une sorte d’aspiration terrible et nous en sommes là. Vous allez pouvoir faire quelque chose, docteur ? »
Perrier, c’est fou, non ?