CHAPITRE 41

6 novembre 1963

 

La puissance du signal augmenta soudainement. Gordon lut des paragraphes entiers à propos de la théorie de Wheeler-Feynmann. Il appela Claudia Zinnes pour savoir si le groupe de Columbia recevait la même chose.

« Non, rien depuis cinq jours, dit Claudia. Pour commencer, nous avons eu des pannes. Puis mon étudiant a pris la grippe. Je crois qu’il était fatigué, de toute façon. Avec vos horaires, Gordon, ça nous fait dix ou douze heures de labo.

— Vous voulez dire que vous n’avez rien ?

— Rien depuis cinq jours, en tout cas.

— Vous ne pouvez pas prendre quelques vacations vous-même, Claudia ?

— Je commence demain. Mais j’ai pas mal d’autres choses à faire, vous le savez bien.

— Oui, je sais… J’ai besoin d’une confirmation, c’est tout.

— Mais ça, nous l’avons, Gordon. Je veux dire, à propos de l’effet…

— Ce n’est pas seulement l’effet qui est important, Claudia. Si vous reprenez tous ces signaux et si vous réfléchissez à ce qu’ils signifient…

— Gordon, je ne pense pas que nous en sachions assez pour nous permettre de…

— D’accord, sur le fond oui, je l’admets… La plupart de mes relevés ne signifient rien. Des fragments. Des bouts de phrases. Des formules. Mais… il y a un ton qui ne change pas.

— Les données, Gordon. Les données avant tout. Ensuite, si nous pouvons nous le permettre, un peu de théorie. »

Claudia avait pris ce ton précis, clair, professionnel, qu’elle n’avait pas oublié depuis la faculté.

« Oui, O.K. »

Il savait qu’il valait mieux de pas argumenter avec elle sur la philosophie en physique expérimentale. Claudia avait des points de vue assez stricts.

« Je commence demain, c’est promis, ajouta-t-elle.

— Entendu. Mais le signal pourrait diminuer. Je veux dire…

— Pas de kvetch, Gordon. Demain, nous recommençons. »

 

Cela commença moins de trois heures plus tard, un peu après midi. On était le mardi 6 novembre. Des noms, des dates. La floraison — qui s’étendait. Les phrases étaient courtes, intenses. Par instants confuses, brouillées. Certaines lettres manquaient. Un long passage, cependant, racontait comment les expériences avaient été entreprises et qui y participait. Là, les phrases étaient plus longues, le ton devenait plus détendu, presque familier, comme si quelqu’un transmettait tout simplement ce qui lui passait par la tête.

 

… MAINTENANT QUE MARKHAM N’EST PLUS LÀ ET QUE CET IDIOT DE RENFREW EST RESPONSABLE NOTRE PETIT PLAN N’A PLUS D’AVENIR ET PAS DE PASSÉ NON PLUS JE ME DEMANDE SI ON PEUT EXPRIMER ÇA PAR LE LANGAGE MAIS TOUT CE TRUC AURAIT PU MARCHER SI…

 

Un passage de bruit. La phrase ne reprit pas. Les données biologiques firent leur réapparition. Quelques mots étaient manquants. Le bruit était comme le ressac de la mer. Il sembla à Gordon qu’il discernait une trace de désespoir dans les dernières phrases.

 

Lorsqu’il entra dans la cuisine, Penny lut quelque chose de nouveau et de différent sur son visage. Elle leva les sourcils en une question muette.

« Je l’ai eue aujourd’hui, dit-il, surpris lui-même de son ton neutre.

— Mais quoi ?

— La réponse, nom de Dieu…

— Ah, ah ! »

Il lui tendit une photocopie de son bloc-notes de labo.

« C’est donc vraiment ce que tu pensais ?

— Apparemment. »

Il ne ressentait qu’une tranquille assurance, maintenant. Il n’était pas particulièrement pressé d’annoncer le résultat. Non, il n’y avait pas de tension en lui, pas même le soulagement satisfait auquel il s’était attendu. Les faits étaient là. Ils parlaient d’eux-mêmes.

« Mon Dieu, Gordon…

— Oui, mon Dieu, tu peux le dire. »

Le silence se prolongea entre eux. Penny posa enfin la photocopie sur la table de la cuisine et retourna au poulet qu’elle était en train de désosser.

« Eh bien, ça devrait te valoir une promotion.

— Ça, c’est certain, dit-il d’un air heureux.

— Et peut-être… » Elle lui jeta un regard de côté « … peut-être que tu redeviendras même vivable. »

Sur la fin, la petite note d’amertume n’échappa pas à Gordon. Il plissa les lèvres, irrité.

« Tu n’y as guère mis du tien, remarqua-t-il.

— Il existe des limites qu’on ne peut dépasser, Gordon.

— Mmm…

— Je ne suis pas ta bonne petite épouse adorée. »

Elle redressa la tête d’un air de défi, les lèvres serrées, pâles, et s’essuya les mains avec une serviette en papier. Puis elle ouvrit la radio. Un twist de Chubby Checker. Gordon tourna le bouton et Penny le dévisagea sans dire un mot. Il reprit la photocopie et la plia soigneusement avant de la glisser dans sa poche de gilet.

« Je crois que je vais aller lire un peu, dit-il.

— C’est ça, c’est ça… »

 

Durant tout l’après-midi du 7 novembre, le niveau du bruit s’intensifia. La plupart du temps, il occultait le signal. Gordon saisit quelques mots ici et là et un AD 18 5 36 DEC 30 29.2 très net. Ce fut tout. Les coordonnées prenaient un sens, désormais. Là-bas, dans l’avenir, ils avaient un point précis qui devait correspondre à leur situation dans le ciel. L’apex solaire était la moyenne du mouvement du Soleil. Dans trente-cinq ans, la Terre se trouverait à proximité de cette moyenne. En observant les courbes de bruit, Gordon éprouva un certain calme. Toutes les pièces s’assemblaient, maintenant. Et Zinnes pouvait lui apporter une confirmation, même partielle. La question, désormais, était de savoir comment présenter les relevés, comment les emballer pour faire un colis solide qu’on ne pourrait pas rejeter facilement, d’un simple geste de la main… Un article de pointe dans la Physical Review ? C’était le moyen d’approche standard. Mais ça signifiait dans les neuf mois d’attente. Il pouvait également publier une lettre dans la Physical Review Letters, mais il fallait faire court et comment exposer alors tous les détails du montage en même temps que les messages ?

Il eut un sourire un peu triste en réfléchissant.

Il tenait un résultat énorme et il ne savait pas comment le présenter, il s’affolait. Du show-business…

Penny disposa les couverts, il se chargea des assiettes. Des rais de soleil filtraient par les stores. Penny avait une expression pensive.

Ils mangèrent en silence durant un moment.

« J’ai réfléchi à tes expériences, commença-t-elle en hésitant.

— Oui ?…

— Je n’y comprends rien. Considérer le Temps comme…

— Oui, je sais, je ne comprends pas comment ça peut tenir debout. Mais le fait est là, pourtant.

— Et ce sont les faits qui comptent.

— Bien sûr. Mais j’ai le sentiment que notre point de vue est faux. L’espace-temps ne peut pas fonctionner comme le pensent les physiciens. »

Elle hocha la tête et picora les pommes de terre dans son assiette, l’air toujours pensif.

« Thomas Wolfe… “Temps, sombre temps, temps secret, coulant éternellement tel un fleuve.” C’est dans La Toile et le Roc.

— Je ne l’ai pas lu.

— Je suis tombée sur un poème de Dobson, aujourd’hui, et j’ai pensé à toi… »

Elle prit un papier glissé dans l’un de ses livres et le lui tendit.

 

Le temps passe, dites-vous ? Ah, mais non !

Hélas, il demeure, c’est nous qui passons.

 

Cela fit rire Gordon. « Oui, c’est quelque chose comme ça ! » Il planta sa fourchette dans une saucisse.

« Est-ce que tu crois que des gens comme Lakin vont réfuter ton travail ?

— Éh bien, fit-il en mâchant, je l’espère, au meilleur sens du terme. En science, il n’y a pas un résultat qui n’ait à affronter la critique tous les jours. Parce qu’il faut sans cesse repenser, revérifier.

— Je voulais dire…

— Je sais. Tu voulais dire : Est-ce qu’ils vont tenter des coups bas ? J’espère que non. » Il sourit. « Mais s’ils dépassent les bornes du scepticisme scientifique légitime, ça leur coûtera d’autant plus cher.

— Je souhaite que ça n’arrive pas.

— Pourquoi ?

— Parce que… » Sa voix se brisa. « Parce que ce sera dur pour toi, et je ne peux plus supporter les conséquences.

— Chérie…

— Je ne peux plus. Tout cet été, tout cet automne tu as été sur les nerfs. Et quand j’essaie de te comprendre, je n’y arrive pas, alors je t’agresse et…

— Chérie…

— Les choses sont devenues tellement impossibles. J’essaie seulement de…

— Bon Dieu, je sais bien. Je me suis’laissé dévorer par tout ça.

— Et moi avec, fit-elle calmement.

— Je pense à un problème et à des tas de choses et les autres ne font que me gêner.

— C’est de ma faute également. Je demande beaucoup, j’attends beaucoup de nous. Et je ne l’ai pas.

— Nous avons passé notre temps à nous déchirer, tu le sais. »

Elle soupira : « Oui.

— Je… je pense que ce sera moins pénible de travailler dans la physique… à partir de maintenant.

— Ça, je l’espère bien. Tu sais, ces derniers jours, c’était différent. Un peu mieux. J’ai eu l’impression de me retrouver un an en arrière. Tu es plus détendu et je ne suis plus après toi pour… Je crois que ça va mieux. Pour la première fois depuis des siècles.

— Oui, je le crois. Je me sens mieux » dit-il. Et il ajouta un sourire timide.

Ils se remirent à manger en silence. Dans les reflets du soleil de fin d’après-midi. Penny leva son verre de vin blanc et contempla rêveusement le plafond. Gordon savait qu’ils venaient de signer une trêve.

Elle se mit à sourire, but une gorgée de vin et piqua une saucisse du bout de sa fourchette. Elle l’examina d’un air appréciateur, sans cesser de sourire.

« La tienne est plus grosse », dit-elle enfin.

Il approuva solennellement.

« Peut-être bien. Ça fait… quoi ? Trente centimètres ? Oui, on peut essayer de faire mieux.

— Pour de tels sujets, l’unité de mesure préférable est l’inch. Une tradition, en quelque sorte.

— Vraiment.

— Ce n’est pas que je sois une puriste, comprends-tu.

— Oh ! non, loin de moi cette pensée ! »

 

Il s’éveilla, le bras engourdi. Il avait dormi la tête appuyée sur son biceps et il attendit un instant que la douleur se dissipe. Dehors, la nuit douce était venue. Il s’assit lentement et Penny le chercha à tâtons en marmottant. Il contempla sa colonne vertébrale, les petites collines régulières des vertèbres sous la peau bronzée. Il glissa jusqu’à ses reins et se souvint que ce charmant paysage pouvait changer et s’animer comme aucun autre sur Terre. Les hanches, des pentes lisses qui venaient rencontrer le mamelon lisse du ventre, le hâle disparaissant pour une blancheur pure et satinée. Au seuil du sommeil, elle lui avait appris solennellement que Lawrence avait appelé son organe un « pilier de sang », ce qui lui semblait grotesque. Mais, d’un autre côté, avait-elle ajouté, c’était un peu ça, non ? « La petite mort [11] » avait-elle murmuré avant de glisser dans le sommeil. Elle avait parlé de cette tension qui s’était installée entre eux depuis des semaines. Il savait qu’elle avait raison. À présent, il sentait que cela diminuait. Il n’avait cessé de l’aimer, se dit-il, pas un instant, mais il y avait eu tant d’obstacles pour se dresser entre eux…

Dans le lointain, il entendit une sirène. Sans raison, il quitta les bras de Penny et gagna la fenêtre. Le sol était froid sous ses pieds nus. Sous l’enseigne de néon, les gens déambulaient tranquillement sur La Jolla Boulevard. Un motard de police passa dans un ululement. Ici, les policiers avaient un aspect militaire, bottés, casqués, avec une visière, des lunettes teintées. Leurs visages étaient tous aussi durs. Ils avaient l’air de sortir d’un vieux film d’anticipation de série B, en noir et blanc. À New York, les flics étaient calmes, avec des uniformes froissés d’un bleu plus sympathique. Une voiture de police passa dans un déchaînement de sirène et de girophare. Les silhouettes sur les trottoirs, les palmiers, les magasins furent brutalement cloués dans une clarté rouge et violente que les fenêtres dispersèrent en fragments. Le tourbillon de confusion descendit le boulevard, dans la clameur de la bouche mécanique et le phare s’estompa dans l’agonie Doppler. Sur les trottoirs, les gens pressèrent le pas, cherchant l’incendie, le crime qui avait attiré la voiture-projectile et son carrousel rouge. Gordon songea aux messages et à ce lien ténu de désespoir qui semblait leur donner une unité. Une sirène. À travers les impulsions, les griffonnages, comme un reflet entre les ondes aléatoires, comme une lumière très loin sur l’autre rive d’un fleuve. Une sirène. Il fallait lui répondre. Pour des raisons scientifiques, oui. Mais pour bien plus encore.

 

« Euh… Vous êtes occupé ? »

C’était Cooper. « Non. Entrez. »

Gordon repoussa la pile de problèmes qu’il était en train de corriger dans un angle de la table. Puis il se laissa aller dans son fauteuil et posa les pieds dessus. Il se croisa les mains sur la nuque et sourit. « Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?

— Éh bien, je repasse mon examen dans trois semaines, vous savez. Qu’est-ce que je peux raconter sur ces interruptions ? Vous comprenez, la dernière fois, Lakin et les autres me sont tombés dessus comme des vautours.

— Exact. Si j’étais vous, j’ignorerais totalement ce point.

— Mais je ne peux pas. Ils vont encore me saquer.

— Je me charge d’eux.

— Quoi ? Mais comment ?

— J’ai un petit travail à leur présenter.

— Écoutez, je ne… Ça n’est pas trivial de me sortir des griffes de Lakin. Vous avez vu comment il…

— Pas trivial ? Pourquoi ne dites-vous pas que c’est “dur” ou “difficile” ?

— Éh bien, c’est du langage de physique.

— Oui. Du langage de physique… On a un tas de jargon comme ça. J’en arrive à me demander si ce n’est pas uniquement pour déguiser les choses plutôt que de les rendre plus claires… »

Cooper lui adressa un regard perplexe.

« Je me demande.

— Ne soyez pas aussi indécis, fit Gordon sur un ton jovial. Vous pouvez rentrer. Je vais sauver votre peau.

— Éh bien…, O.K., fit Cooper en faisant quelques pas vers la porte. Si vous le dites…

— Rendez-vous sur les remparts », fit Gordon.

Il en était à peine au quart de son premier brouillon pour l’article dans Science quand on frappa à la porte. Il s’était finalement décidé pour Science parce que c’était important, prestigieux, et que les papiers y étaient publiés plutôt rapidement. De plus, les articles pouvaient être assez longs et il pourrait tout raconter en une seule fois et empiler un tas de preuves suffisamment énorme pour que personne ne songe à le faire écrouler. Il avait déjà vérifié auprès de Claudia Zinnes. Dans le même numéro, elle publierait une lettre confirmant certaines de ses observations.

« Hello ! On peut entrer ! »

C’étaient les jumeaux, les premières années de troisième cycle.

« Vous savez, je suis plutôt occupé…

— Ce sont les heures de bureau, pourtant…

— Vraiment ? Oui… peut-être. Que voulez-vous ?

— Vous vous êtes trompé dans vos notes. »

C’était net, c’était neutre, et Gordon en fut décontenancé. Il était habitué à un peu plus de modestie de la part des étudiants.

« Trompé ?

— Oui… Regardez… »

L’un des jumeaux s’avança jusqu’au tableau et, sans se gêner, se mit à écrire par-dessus quelques-unes des notes qu’il avait jetées en préparant son papier. Il s’efforça de comprendre l’argumentation.

« Essayez de faire attention à ce que j’ai déjà écrit », dit-il d’un ton maussade.

Le garçon s’interrompit et acquiesça. « O.K. »

Il poursuivit sa contre-démonstration dans les espaces restés libres. Gordon concentra son attention sur les définitions concernant les fonctions de Bessel et les conditions aux limites du champ électrique. Il lui fallut néanmoins cinq minutes pour redresser les erreurs des jumeaux. Pendant tout ce temps, il ne fut jamais certain de s’adresser précisément à l’un ou bien à l’autre. Ils étaient pratiquement deux copies carbone. Dès qu’il en avait terminé avec l’un, l’autre revenait à l’assaut avec une nouvelle objection qu’il formulait en quelques mots cryptiques. Gordon se dit qu’ils étaient exceptionnellement épuisants. Après dix minutes, durant lesquelles ils commencèrent à l’interroger sur ses travaux et les possibilités de salaire d’un assistant chercheur, il réussit à se débarrasser d’eux en prétextant banalement une forte migraine. Il y ajouta trois regards appuyés à sa montre. Il refermait la porte quand une voix lança : « Éh ! Une minute ! Docteur Bernstein ! »

Il ouvrit de mauvais gré. L’homme de l’United Press essaya de se faufiler à l’intérieur.

« Je sais que vous ne voulez pas que l’on vous dérange, professeur…

— Exact. Alors pourquoi me dérangez-vous ?

— Parce que le Pr Ramsey m’a tout raconté. Juste à l’instant. Voilà pourquoi.

— Qu’est-ce qu’il vous a donc raconté ?

— Éh bien… les chaînes moléculaires et vous. Que vous lui aviez amené le schéma, que vous vouliez que ça reste secret. J’ai tout, là, toute l’histoire. » Il avait l’air rayonnant.

« Mais pourquoi Ramsey vous a-t-il raconté tout ça ?

— J’avais reniflé pas mal de choses par moi-même. Il n’arrive pas très bien à faire tenir son histoire, Ramsey. Ce n’est pas un très bon menteur, à mon avis.

— Non, je suppose que non.

— Il ne voulait rien me dire. Et puis, je me suis souvenu de cette affaire à laquelle vous aviez été mêlé, il y a quelque temps.

— Avec Saul Shriffer », dit Gordon.

Il se sentait las, brusquement.

« Oui, c’est bien ce nom. Alors, vous voyez, je me suis dit que un et un… Alors j’ai été rendre une petite visite à Ramsey pour qu’il m’explique un peu tout ça et, en plein milieu, je lui ai balancé mon truc.

— Et il s’est mis à bafouiller comme un crétin.

— Exactement. »

Gordon s’affaissa dans son siège. Il éprouvait un sentiment d’effondrement en regardant le reporter de l’United Press qui tirait un bloc de sa poche.

« Bon, qu’est-ce qu’on fait ? Vous allez bien me raconter tout ça, professeur ?

— J’ai horreur d’être mis sur le gril.

— Navré, je ne voulais pas vous offenser. Je ne vous mets pas sur le gril. Simplement, j’ai fureté un peu partout et…

— O.K., O.K., j’apprécie.

— Dites-vous bien que ça doit éclater un jour ou l’autre. Je sais bien que l’histoire de Ramsey et Hussinger n’a pas fait tellement de bruit dans les journaux jusque-là, d’accord. Mais ça va devenir très important. Tout le monde va en entendre parler. Et votre rôle peut être valable. »

Gordon se mit à rire doucement, comme en un rêve.

« Valable… Mon rôle peut être valable… »

L’homme de l’U.P.I. le regarda en fronçant les sourcils. « Éh ! Vous allez me raconter ça, hein ? »

Gordon sentait une fatigue étrange et pesante s’abattre sur lui. Il soupira. « Oui… Oui, je suppose que je vais tout vous dire. »