Un Extrait de Le Pacte du Sang par Dan Abnett

— Quel est le problème ?

Blenner revint vers Gaunt après avoir retrouvé son gant évasif.

— Rien.

— Ne me fais pas ce coup-là, Ibram. Tu fais une drôle de tête. Zettsman était là, je l’ai vu repartir. Qu’est-ce qu’il t’a dit ?

— Rien, répéta Gaunt.

— Tu sais que je peux encore te foutre par terre ? Ne crois pas que j’hésiterai.

Gaunt dévisagea Blenner, qui ne s’était pas encore fait à l’éclat des nouveaux yeux de son vieil ami.

— Zettsman vient de me dire quelque chose, répondit ce dernier. Sans aucune arrière-pensée. Une petite chose à laquelle je n’avais pas vraiment songé.

— Alors, quoi ? Que tu dois toute ta carrière à mon exemple éblouissant ?

— Oui, et ça a été un choc épouvantable.

Gaunt sourit, mais d’un sourire froid, avant de poursuivre.

— Non. Il partait simplement du principe que j’étais fini. Il n’a même pas réfléchi à ce qu’il disait, et il ne pensait pas à mal. Il a seulement tenu pour acquis que j’avais accompli ma tâche et que ma carrière au front était terminée.

— Ah.

— J’ai toujours pensé que, un jour ou l’autre, un ordre arriverait et que je ramènerai le Premier et Unique en première ligne. Sur le front principal de la croisade ou sur le front secondaire, peu importe. Je n’ai jamais imaginé qu’il pouvait en être autrement.

— Tu te fais trop de souci.

— Je vais recevoir une affectation, n’est-ce pas ?

— Tu te fais trop de souci, répéta Blenner.

— Mais…

— Écoute, vieillard, fit Blenner en tapotant la manche de Gaunt. Vous avez été en première ligne pendant foutrement longtemps, toi et les Fantômes. Combien de temps ?

— Depuis la Fondation ? Douze ans.

— Douze putains d’années, vieux ! Douze putains d’années sans rotation ! À ta place, n’importe quel commandant aurait déposé des plaintes officielles auprès des plus hauts échelons.

— J’y ai songé.

— Et, par la grâce du Trône, on t’a enfin mis au repos avant que tu n’aies à le faire.

— Deux ans se sont écoulés depuis Jago, Vay.

— Il te fallait au moins ça pour récupérer, vieux corniaud. Ces fumiers t’ont laissé pour mort.

Gaunt haussa les épaules.

— Nous avons assez récupéré, à présent. Nous avons fait tout ce chemin pour revenir sur Balhaut, une planète que je ne pensais plus jamais revoir, et nous y sommes coincés depuis un an, à faire du gras, à voir nos réflexes s’émousser et à mourir d’ennui. Mais tout ça ne m’a jamais trop préoccupé, car depuis tout ce temps je m’attends à recevoir une nouvelle affectation d’un moment à l’autre.

— Ça viendra, fit Blenner.

— Vraiment ?

— Oui.

— On me renverra au front ?

— Par le Trône, Ibram, tu es la foutue pin-up de l’héroïsme à la sauce impériale. Sans toi, ils ne s’en sortiront pas bien longtemps.

Gaunt hocha la tête.

— Mais pour tout dire, lâcha Blenner en se dirigeant vers la porte, je ne comprends pas pourquoi tu es si pressé d’y retourner.

À l’extérieur, la température était aussi glaciale que l’humeur de Gaunt. Un soupçon de rose émaillait le ciel, mais la lumière recouvrait la cité d’un blanc farineux. Ils étaient sur les marches et enfilaient leurs gants, le souffle fumant.

— Navré pour ce retard, messieurs, dit le portier.

La voiture de Gaunt n’était pas encore arrivée. Hargiter était sur le trottoir et attendait sa propre limousine. Ils le rejoignirent.

Hargiter scrutait les hauteurs de la ville. Tant de spires et de dômes étaient encore ceints d’échafaudages et de bâches de canevas. Le paysage était aussi incomplet qu’un sourire édenté.

— Vous étiez là, n’est-ce pas ? demanda Hargiter.

— Oh, c’était très différent, alors, répondit Blenner. Je me rappelle la Tour du Ploutocrate…

— Tu n’étais pas là, Vay, coupa Gaunt. Toi et les Greygoriens étiez sur Hisk.

— Vrai, grogna Blenner. Si tu veux bien me laisser finir, je m’apprêtais à dire : « je me rappelle la Tour du Ploutocrate d’après les mezzotinto et les gravures que j’en ai vues. » Oui, Ibram était là. En fait, je crois que c’est essentiellement à cause de lui que la Tour du Ploutocrate n’est plus là.

— Je doute que tu reconnaisses les lieux, dit Hargiter. Ils ont tellement souffert, il ne doit pas rester grand-chose de l’époque où tu étais là.

— Oui, acquiesça Gaunt. Le temps passe et tout change. On voit les choses d’un autre œil.

— Et dans ton cas, précisa Blenner, ce n’est pas seulement une façon de parler.

Le Pacte du Sang sera disponible en avril 2013.

[Les fantômes de Gaunt - Cycle 3-04] Seule la mort
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