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DIX

5 h 37

I

Il était tôt, très tôt. La maison était glacée, les lumières particulièrement faibles. Dehors, le vent chuchotait.

La vieille dame en robe de dentelles noires, avec son visage grouillant de vers, était revenue. Maggs l’entendait marcher, sentait le froid qui émanait d’elle.

Par le Trône, comme elle voulait leur mort à tous ! C’était là son office. Lorsqu’il fermait les yeux, il voyait son visage, un visage qui n’en était plus un.

Maggs avait été envoyé monter la garde lors des dernières heures de la nuit, dans une échauguette de Quinze Supérieur Ouest. Au début, les six hommes de l’équipe s’étaient relayés pour surveiller les meurtrières cependant que les autres se reposaient, mais il n’y avait rien à voir dehors hormis la poussière, aussi avaient-ils abandonné. Ils avaient refermé les volets après avoir posé des câbles en travers des ouvertures afin de leur signaler toute tentative d’intrusion.

Des pas résonnaient dans le couloir silencieux, derrière eux. Des pas lents, traînants. Maggs leva les yeux et son arme.

— Qu’est-ce qu’il y a ? lui demanda Gansky.

— Rien, répondit Maggs.

Il n’entendait plus rien. Il se leva et inspecta les câbles.

— Quelle heure est-il ? demanda-t-il.

— 5 h 52, répondit Lizarre après avoir ouvert un œil embrumé sur sa montre.

Maggs descendit le couloir et regarda autour de lui. Rien, pas trace de qui que ce fût.

Tant mieux. Il n’avait aucune envie de la rencontrer face à face.

II

Baskevyl s’éveilla et se retourna en grognant. Sous son sac de couchage, le sol était impitoyablement dur.

Il se rappela où il se trouvait.

Il s’assit. Quelque chose l’avait tiré de son sommeil, un bruit. Mais il ignorait s’il l’avait entendu dans son rêve ou si le son était réel.

Il se leva et sortit de la pièce dans laquelle il était cantonné. Quelques Fantômes grommelèrent dans leur sommeil lorsqu’il les enjamba. Soixante hommes dormaient ici avec lui, et Baskevyl savait qu’ils avaient besoin de tout le sommeil qu’ils pouvaient trouver.

Dans le couloir, il s’appuya contre le mur brun satiné et prit sa gourde. L’eau qu’ils avaient réussi à faire rentrer au cours de la tentative avortée de la veille avait été soigneusement rationnée. Elle avait un goût merveilleux, mais il lui en restait bien peu. Ils en recevraient une nouvelle ration au déjeuner. Les estimations variaient, mais en moyenne elles s’accordaient à dire qu’en poursuivant le rationnement, ils pourraient tenir encore quatre jours. Personne n’avait encore réussi à trouver le reste du ravitaillement, pas plus que la mystérieuse cour où il avait été largué. Gaunt avait déjà demandé un nouveau largage à Elikon, resté sans réponse.

La lumière des globes baissa lentement, et mit longtemps à revenir. Baskevyl les regarda, fasciné. La nuit, leur palpitation se faisait plus lente, comme si la maison endormie respirait plus profondément.

Mais quelque chose ne dormait pas. Il perçut un bruit et comprit que c’était ce qui l’avait réveillé. Il tendit l’oreille et entendit, loin, très loin, un léger frottement : un son de reptation doux, humide, montant des entrailles de la terre.

Le ver démoniaque était toujours en bas. Et il flairait l’odeur de Baskevyl.

III

— Est-ce que… demanda la radio, puis les mots se perdirent dans une tempête de parasites.

Beltayn ajusta ses réglages, les écouteurs plaqués contre son crâne trempé de sueur.

— Répétez, source ?

Des parasites. Un bourdonnement irrégulier. Beltayn réessaya patiemment.

— Elikon, Elikon, ici Bois de Nal, ici Bois de Nal. Demandons réponses à nos requêtes concernant le prochain ravitaillement en eau, terminé.

Encore de la friture. Lorsque la poussière recommençait à danser, la nuit, elle brouillait toutes les transmissions.

Beltayn se rencogna dans sa chaise et ôta les écouteurs. Il était 5 h 23. Il avait promis à Gaunt de se lever tôt pour surveiller les transmissions.

Le hall principal était vide et silencieux. Il entendait les pas d’une sentinelle qui circulait sur l’une des galeries supérieures. Des pas légers, traînants. Le pauvre diable est épuisé, se dit Beltayn. Comme nous tous.

Son regard revint à sa gourde. Elle contenait encore la moitié de sa précieuse ration de la nuit. Il surveillait sa consommation.

— Ordonnance ?

Beltayn se retourna pour voir Dalin qui entrait dans le hall en bâillant, une pile de cartes sous le bras.

— Déjà debout ?

— Je n’arrive pas à dormir, dit Dalin en s’asseyant à côté de lui. J’ai pensé aux cartes toute la nuit.

— Tu ne devrais pas.

La frustration des efforts de la nuit passée avait failli pousser Beltayn à bout. Avec Dalin, Bonin et quelques autres des plus aguerris des aides et des éclaireurs, ils avaient rassemblé toutes les cartes d’Hinzerhaus qu’on avait confiées au régiment et les avaient parcourues, centimètre par centimètre, à la recherche de la cour légendaire. C’était ainsi qu’ils en étaient venus à l’appeler : la cour légendaire. L’incurable incohérence des cartes leur était rapidement apparue. Aucune d’entre elles ne correspondait vraiment à la forteresse, et certaines dépeignaient même un édifice radicalement différent. Beltayn se demandait à quoi le département tactique s’était amusé. Comment avaient-ils pu leur remettre une dizaine de plans différents d’un même lieu ? Personne ne l’avait remarqué ?

L’équipe de Beltayn y avait passé des heures, parcourant au fur et à mesure les couloirs, tournant parfois stérilement sur elle-même. Mkoll s’était joint à eux pour essayer de mettre à profit l’ineffable sens de l’orientation des Tanith. Tous savaient pourtant où était censée se trouver la cour fabuleuse. Ils savaient où elle devait être, d’après les informations que les éclaireurs leur avaient fournies depuis le sommet, deux jours plus tôt. Mais ils étaient incapables de mettre la main sur cette foutue cour, ni même sur un couloir ou un éperon qui auraient pu y conduire.

Le sommeil avait fini par les rattraper et ils avaient abandonné.

— L’eau n’ira nulle part, leur avait calmement dit Mkoll. Allons nous reposer.

Beltayn avait été particulièrement désarmé par la désinvolture de Mkoll. Il avait compris que le maître éclaireur détestait se sentir inutile ; et depuis quand Mkoll se montrait-il incapable de trouver quelque chose ? C’était comme si la maison leur dissimulait délibérément la cour.

Cette hypothèse était bien sûr hautement farfelue, parce qu’elle présupposait que la maison fût, d’une manière ou d’une autre… vivante.

Dalin étala plusieurs cartes par terre, à côté de l’unité radio de Beltayn.

— J’ai pensé à quelque chose, annonça-t-il. Et si les cartes étaient toutes justes ?

— Quoi ? Tu manques de sommeil, mon garçon.

— Non, non, écoutez-moi. Et si elles étaient correctes ? Je veux dire, si l’on partait du principe qu’elles sont toutes partiellement justes, tout en étant gâchées par des détails erronés ? Nous devrions nous concentrer sur les points qui correspondent de l’une à l’autre, et qui collent avec la véritable géographie des lieux.

— On a déjà essayé, dit Beltayn. Tu te rappelles ?

Il n’était pas d’humeur à ça. Le garçon ne ménageait pas sa peine, Beltayn devait bien le lui concéder, mais il perdait son temps.

— Écoutez-moi, insista Dalin. Ça m’a empêché de dormir. Même si les cartes sont très différentes les unes des autres, elles ont quelques points communs. La carte de Gaunt contient le hall principal et ces couloirs-ci, et celle de Rawne aussi. Hark les a également, mais il n’a pas le petit hall, ni ces galeries-là. Celle de Kolea signale des galeries en tous sens, qui sont absentes des autres cartes. Toutes détaillent le puits, et six incluent la salle du générateur, même si…

— Tu n’as pas chômé, dis donc.

— Merci. La carte de Daur place le générateur au mauvais niveau, mais c’est la seule carte qui indique une zone qui pourrait être la cour.

— La cour légendaire. Dalin, on a bien vu que la carte de Daur était la pire du lot, hier soir. À l’exception d’un ou deux détails, elle est 100 % bidon. Elle pourrait tout aussi bien représenter un autre endroit.

— Ouais, je sais, mais en admettant qu’elles soient toutes justes ?

— Tu l’as déjà dit, soupira Beltayn. Qu’est-ce que tu entends par là ?

— Quel âge à cette maison ?

— Je n’en sais rien.

— Elle est vieille en tout cas, non ? Très vieille ?

— Ouais.

— Elle a dû connaître un tas de modifications et de restaurations. Imaginez un instant que toutes ces cartes aient été justes… au moment où elles ont été dessinées.

— Je… quoi ?

Dalin sourit.

— Peut-être que chaque carte reflète l’agencement des lieux à l’époque où elle a été tracée. Peut-être que celle-ci…

Dalin prit une carte au hasard.

— …a deux cents ans, et celle-là un demi-millénaire. Comment savoir ? En tout cas, aucune d’elle ne montre Hinzerhaus telle qu’elle est aujourd’hui.

Beltayn eut un instant d’hésitation.

— J’ai déjà entendu des théories plus idiotes, admit-il.

— Ouaip. Dalin marque un point, intervint Mkoll.

Beltayn et Dalin sursautèrent. Ils ne l’avaient pas entendu approcher.

— Feth ! Tu m’as fichu une de ces trouilles ! s’écria Beltayn.

Mkoll hocha la tête.

— Tant mieux. Ça veut dire que je n’ai pas tout perdu, alors.

Il s’assit avec eux. Le visage pâle, les traits tirés, il paraissait n’avoir pas fermé l’œil depuis des mois. Il tendit la main et prit plusieurs cartes.

— Alors, tu estimes que ces cartes ont été dessinées à des périodes différentes ? Une galerie qui apparaît sur celle-là, par exemple, pourrait avoir été bâtie après que cette autre carte a été dessinée ?

Dalin hocha la tête.

— C’est ce que je me suis dit, oui. Des zones sont construites, ou démolies et condamnées. Des chambres sont ajoutées ou modifiées. Et puis, il peut aussi y avoir de véritables erreurs. Elles ont été dessinées à la main, après tout.

— Ça se tient, dit Mkoll.

— Le gamin est loin d’être con, ajouta Beltayn.

— Comme son paternel, dit Mkoll.

— Ça n’explique toujours pas pourquoi on nous a donné ces cartes, reprit Dalin.

Beltayn haussa les épaules.

— Une erreur d’archivage ? Le département tactique a commandé des cartes d’Hinzerhaus pour nous ; quelqu’un a peut-être entré un code erroné, si bien qu’on a eu toute l’histoire du lieu sous la forme de cartes, plutôt qu’une dizaine de copies de la version la plus récente ?

Mkoll hocha la tête.

— Là encore, ça se défend. Ça paraît logique, rationnel. Merde, je suis bien content que quelque chose paraisse enfin logique dans ce tombeau.

— Ne parle pas de tombeau, dit Beltayn.

— Désolé.

— Alors… est-ce qu’on peut utiliser tout cela ? demanda Dalin. Je veux dire, est-ce qu’on peut en tirer quelque chose de concret ?

— Ouais, dit Mkoll. Dalin, va réveiller Bonin et fais-lui rassembler une équipe d’éclaireurs.

Dalin leva les sourcils.

— Réveiller Bonin ?

— C’est bien ce que j’ai dit.

Dalin avala sa salive avec peine. L’idée de réveiller un éclaireur tanith lui semblait assez suicidaire.

— Bon, d’accord, je m’en occupe, dit Mkoll en se levant. Retrouvez-nous dans Quatre Ouest dans cinq minutes. Apportez les cartes.

Il quitta le hall principal. Beltayn regarda Dalin.

— Bien joué, Dalin. Mkoll est impressionné.

— Vraiment ? Ça ne s’est pas vu.

— Tu plaisantes ? C’est comme s’il avait crié de joie en te donnant de grandes tapes dans le dos. Crois-moi, tu as fait bonne impression.

Dalin sourit. Beltayn se releva.

— Viens. Prends ces cartes.

Dalin commença à rassembler les feuilles éparses. Beltayn se retourna pour inspecter sa radio. L’une des aiguilles de la jauge de réception bondissait. Il attrapa les écouteurs en réglant la transmission.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Dalin.

— J’ai enfin quelque chose. Un signal.

Beltayn tourna un bouton et écouta attentivement.

— Nous sommes les derniers survivants ? chuchota une voix dans son oreille.

Beltayn se figea.

— Qui êtes-vous, émetteur ? Qui êtes-vous ?

— C’est ça ? Nous sommes les derniers survivants ?

— Répondez, je vous prie ! Répondez !

La voix disparut. Beltayn retira ses écouteurs.

— Vous avez reçu quelque chose ? demanda Dalin.

— Non. Rien d’important.

IV

M02T le dévisageait, scrutait ses horribles traits. Merrt se leva en attrapant son fusil.

Il était tôt : 5 h 25. La maison était aussi silencieuse qu’un cimetière, mais il y avait quelque chose dans l’air. Merrt avait une intuition, un vague retour du sixième sens de guerrier dont il avait été jadis si fier. Renouer ainsi, fugitivement, avec son vieil instinct lui serra le cœur.

Il était éveillé depuis des heures et fixait le marquage de M02T dans la pénombre de son cantonnement.

Il gagna le couloir et attendit. Une silhouette sortit de l’ombre sur sa gauche dans un chuintement doux, presque silencieux.

C’était le Nihtgane. Il approcha, le Reynbow prêt à tirer. Eszrah scruta Merrt à travers ses lunettes noires.

— Toi aussi, hein ? demanda Merrt.

Eszrah opina.

— Gn… gn… gn… allons-y, chuchota Merrt.

Eszrah hocha encore la tête, mais c’était à son fusil que parlait Merrt.

V

Bragg était resté assis avec lui une heure ou deux, au milieu de la nuit, comme il le faisait toujours, autrefois, lorsqu’ils étaient tous deux de garde.

Il n’avait rien dit, et Larkin ne lui avait pas adressé la parole. Larkin ne l’avait même pas regardé. Il s’était contenté de rester assis ici, dans le poste six, et de fixer les volets qui battaient dans le vent, conscient de la présence derrière lui. Son dos s’était couvert d’une sueur glacée. Il entendait Banda ronfler au fond de l’échauguette, il entendait son propre pouls, amplifié, et une troisième respiration, lente et calme, sereine.

Bragg. C’était Bragg à n’en pas douter. Larkin avait reconnu son odeur, les relents de sacra de sa sueur, le musc particulier qu’il exhalait. Cela faisait si longtemps qu’il n’avait pas vu son vieux pote qu’une partie de lui voulait se retourner pour le saluer, l’étreindre et lui demander où il était passé tout ce temps.

Mais Larkin savait où Bragg était passé tout ce temps, et il n’osait pas se retourner, par peur de ce qu’il pourrait voir. Bragg était mort depuis l’opération de Phantine, tué par une saloperie de monstre que Larkin avait finalement descendu avec son fidèle long-las sur Herodor. Bragg ne pouvait pas être là, derrière lui, dans le poste. Il ne devait pas être là. Ça allait à l’encontre de toute logique, pourtant Larkin sentait son odeur et entendait sa respiration.

Au cours des années écoulées, son vieil ami lui avait manqué plus qu’il n’aurait pu le dire. L’idée de le revoir était merveilleuse.

Mais pas comme ça. Par le Trône, pitié, pas comme ça.

Pas comme ça.

Juste avant cinq heures, Larkin entendit Bragg se relever dans un grognement et sortir. Larkin attendit quelques instants, puis se retourna lentement. Il y avait Banda, endormie dans le coin de l’échauguette, et personne d’autre.

Larkin se releva et étira son moignon. Paralysé par la peur, il était resté assis trop longtemps.

Il vit alors la bouteille. Elle était posée sur le sol poussiéreux à quelques mètres derrière lui. Il boita jusqu’à elle, la prit, ôta son bouchon.

Du sacra. Du doux et merveilleux sacra, le meilleur qui soit. Dans tout le régiment, personne n’en avait distillé un pareil depuis des années. Larkin savait ce que c’était : un cadeau.

— Merci, dit-il avant de prendre une petite gorgée.

Merde, c’était bon.

Banda se réveilla et le regarda.

— Qu’est-ce qui se passe ? marmonna-t-elle.

— C’est à toi ? demanda Larkin en lui montrant la bouteille.

— Non.

— C’est ce que je pensais. Rendors-toi.

Ce qu’elle fit. Elle était épuisée, et sous le coup d’une bonne gueule de bois. Elle recommença à ronfler. Larkin prit une dernière petite gorgée, puis referma la bouteille et la glissa dans son sac. Ensuite, il se rassit.

Il regarda sa montre. 5 h 26.

Quelqu’un passa la tête par la porte de l’échauguette et cria :

— Allez, on se prépare !

Larkin se retourna. Il n’y avait personne, mais il avait reconnu la voix. Il ne connaissait qu’une seule personne capable de se montrer aussi joyeuse et alerte à 5 h 26 du matin, une seule personne qui faisait sa tournée d’inspection à cette heure indue pour vérifier les lignes et interroger les sentinelles, une seule personne munie d’une pareille voix.

Et cette personne était Colm Corbec.

VI

— Quelle heure est-il ? demanda Hark.

— Il est… cinq minutes de plus que la dernière fois que vous me l’avez demandé, répondit Ludd. 5 h 27.

— Oh.

Le dispensaire était silencieux. Les autres blessés dormaient, naturellement ou assommés par le cocktail d’analgésiques qu’ils avaient avalés. De là où il était assis, au chevet de Hark, Ludd voyait l’un des infirmiers, Lesp, assoupi sur une chaise. Les médecins étaient restés réveillés l’essentiel de la nuit.

— Écoutez, il est très tôt, dit Ludd. Vous devriez vous rendormir. Je reviendrai plus tard.

— Non, non, asseyez-vous. Je vous demandais l’heure uniquement parce que le temps passe lentement, ici, à la vitesse d’un glacier. Je suis content d’avoir un peu de compagnie. Je ne dors pas beaucoup.

— D’accord.

Hark reposait à plat ventre sur son lit, un léger drap étalé sur le dos et les jambes pour lui apporter un semblant de chaleur. À travers l’étoffe, Ludd distinguait la forme sombre des compresses souillées, et sentait l’odeur de la pommade cicatrisante et de la chair calcinée.

— Terminez votre compte-rendu, Ludd.

— Il n’y a pas grand-chose de plus. Pas de rapport d’infraction, la discipline est bonne malgré la situation.

— Ils vous en font baver ?

— Quoi ? Non, Commissaire.

— Serait-ce parce que vous vous débrouillez pour ne pas leur en donner l’occasion ?

Ludd ne répondit pas tout de suite.

— Vous ne pouvez pas vous permettre de rester en retrait, Ludd. Vous devez leur coller votre autorité sous le nez et les mettre au pas.

— C’est… c’est bien mon intention, Commissaire.

— Autrement, ils vous piétineront, Ludd. Je ne plaisante pas. Ils vous marcheront dessus. Vous devez leur montrer qui est le patron.

Ludd opina.

— Quoi ?

— Rien, Commissaire.

— Oh, donnez-moi quelque chose à quoi réfléchir, merde ! explosa Hark. Donnez-moi un problème que je puisse résoudre malgré mon état !

Curth entra dans le dispensaire et lança un regard désapprobateur à Ludd. Celui-ci leva la main pour la saluer et lui sourit. Elle fronça les sourcils et repartit.

— Vous allez réveiller tout le monde, chuchota Ludd.

— Alors, parlez-moi.

— Vous dites que je dois leur montrer qui est le patron, soupira Ludd. Eh bien, Gaunt est le patron… et Rawne… et Kolea… mais pas moi.

— Les officiers appuient leur Commissaire, rétorqua Hark.

— Les officiers me voient comme un gamin. Ils rient de moi.

— Qui ça ?

Ludd haussa les épaules.

— Rawne ?

— Oui, et il en rajoute. Les autres, même Gaunt, je ne pense pas qu’ils soient irrespectueux, mais ils ne peuvent pas s’en empêcher. Je n’ai aucune autorité.

Hark remua sur son lit en cillant.

— Des paroles de faible, cadet. Donnez-moi un papier et un stylo.

— Commissaire ?

— Donnez-moi du papier et un stylo, et quelque chose sur lequel m’appuyer.

Ludd donna à Hark ce qu’il demandait. Il lui transmit le journal du régiment comme écritoire. Hark reposait sur son ventre, écrivant furieusement sur la feuille de papier, grognant sous l’effet de l’effort. Ludd vit des brûlures sur son bras organique.

— Qu’est-ce que vous écrivez, Commissaire ? Si je peux vous demander ?

— Taisez-vous.

Hark finit, plia la feuille et la rendit à Ludd avec le stylo.

— La prochaine fois que vous vous sentirez incapable d’exercer votre autorité, donnez ceci à Gaunt.

— Je peux le lire ?

— Non. Vous le lui donnez, c’est tout.

Ludd reposa le stylo et glissa la feuille dans sa poche intérieure.

— Reprenez ça, aussi, fit Hark en repoussant le journal.

— Ah, je voulais justement vous poser une question à ce propos, Commissaire.

— À propos de quoi ?

— Du journal de campagne, Commissaire. J’ai essayé de le tenir à jour, comme vous me l’avez demandé.

— Et ?

Ludd déglutit avec peine.

— Naturellement, j’ai lu les entrées précédentes, afin de m’habituer à vos méthodes et d’avoir une idée du genre de contenu désiré. J’ai remarqué… comment puis-je le dire ?

— Vous pouvez le dire rapidement, par exemple ? proposa Hark.

— J’ai remarqué que certaines phrases ont été barrées. Des changements, des choses que vous avez écrites avant de les reformuler.

— C’est un journal, Ludd. Ça marche comme ça. Le rapport final sera mis au propre.

— Mais je n’ai pu m’empêcher de lire… certaines des choses que vous aviez biffées. Les mots étaient lisibles. À propos de vos rêves, Commissaire.

— C’étaient des remarques d’ordre privé que j’ai effacées parce qu’elles n’ont pas leur place dans ce document.

— Pourtant, elles m’inquiètent. Vos commentaires sur vos rêves, votre anxiété. Vous dites que vous n’arrivez pas à dormir et…

— Assez, Ludd. Oubliez ce que vous avez lu. Ça ne vous regarde pas.

Ludd se leva, salua, remit son képi et fit mine de s’en aller.

Puis, il se ravisa et se rassit.

— En fait, vous savez quoi ? Je vais suivre votre conseil. En tant qu’officier politique en fonction, que vos rêves vous perturbent au point que vous ne trouvez pas le repos me regarde. Pour le bien du régiment, je vous somme de vous expliquer.

Il y eut un long silence.

— Vous avez fini ? demanda Hark.

— Oui.

— Barrez-vous.

— Non, je ne crois pas, dit Ludd en se penchant en avant pour poursuivre à voix basse. Qu’est-ce qui se passe, Hark ? Qu’est-ce qui vous inquiète, et vous inquiétait déjà avant qu’on n’arrive ici ?

— Vous n’avez pas le droit de me demander…

— J’ai toute autorité sur vous, Hark. Vous me l’avez donnée, vous vous souvenez ? Alors, parlez !

Hark commença à ricaner.

— Excellent. C’est très bon, Nahum. Je suis impressionné. Voilà comment vous devrez procéder avec Rawne et les autres.

— Merci. Je vous écoute.

Hark fit silence.

— Dois-je rédiger un rapport sur votre compte ? demanda Ludd.

Hark tourna la tête et regarda Ludd de côté. Le manque de sommeil et quelque chose d’autre assombrissaient encore ses yeux noirs.

— Je dors mal depuis des années, Nahum. En gros, depuis au moins cinq ans. Mes rêves me gâchent tout repos.

— Des cauchemars ?

— Non, rien d’aussi mélodramatique, ni d’aussi évident. Juste un mauvais pressentiment. Le motif a changé. Il y a eu des périodes sans, des belles éclaircies sans ombres, parfois plusieurs mois d’affilée. Mais ces derniers temps, ça a recommencé, et ça n’a fait qu’empirer depuis que nous sommes sur Jago, et encore depuis que nous sommes arrivés ici.

— Continuez. Vous vous rappelez ces rêves ?

— Non, répondit Hark en fermant les yeux. C’est comme… un vague écho d’un rêve, des heures après s’être réveillé.

— Je connais cette impression.

Hark hocha la tête.

— Ça y ressemble. Un souvenir soudain de tristesse et de douleur.

— Vous en avez parlé à quelqu’un ?

— À Dorden. Il pense que ce sont les suites du traumatisme lié à la perte de mon bras.

— Comment est-ce arrivé ?

Hark rouvrit les yeux et fixa Ludd. Il y avait dans son regard une tristesse pesante.

— La bataille d’Herodor, aux côtés de la Sainte. On a été attaqués par des mercenaires loxatl. Ils me l’ont arraché.

— Ah.

— Vous ne me l’aviez jamais demandé, Nahum.

— Je n’en avais jamais vraiment eu envie, Commissaire.

Hark remua sur son ventre et regarda au loin.

— Bref, en tous cas, ce n’est pas ça. Ce n’est pas mon bras, même si je préférerais encore. C’est quelque chose d’autre. Parfois, et plus souvent lors des dernières semaines, ça m’arrive quand je suis réveillé. Ça arrive de nulle part, au beau milieu de la journée. Alors, j’entends…

— Une cornemuse de Tanith ? demanda Ludd.

— Vous êtes perspicace, Ludd, je vous l’ai déjà dit ?

— Quand vous étiez sous l’emprise des médicaments, Commissaire.

— Une cornemuse de Tanith, soupira Hark. Je l’entends, et lorsque je l’entends, je sais que le massacre va commencer.

Il y eut un long silence. L’un des blessés du dispensaire se réveilla et commença à gémir.

— Quelle heure est-il, Ludd ? demanda Hark.

— 5 h 31.

— Allez faire votre ronde.

Ludd se leva.

— Avant de partir, reprit Hark, rendez-moi la feuille de papier.

Ludd tira la feuille de sa poche, la déplia et la lut.

Il y était noté, d’une écriture brouillonne : « Pour le colonel-commissaire Gaunt. Si Nahum Ludd vous donne cette note, cela signifie qu’il est désespérément incapable d’accomplir son devoir de commissaire régimentaire. Vous pouvez exécuter ce minable et laisser sa misérable carcasse aux charognards. Bien à vous, V.H. »

— Amusant, dit Ludd.

— Je le pensais, répondit Hark.

— C’est ce qui rend la chose amusante.

— Rendez-la-moi.

— Oh non. Je ne veux pas que vous la donniez à quelqu’un d’autre. Je crois que je vais la garder. Et peut-être même que je ne ferai pas un rapport sur vous. Peut-être.

Même si Hark avait la tête tournée, Ludd devina qu’il riait.

— Je vais vous donner un ordre, dit Ludd en se penchant sur Hark.

— Oh, vraiment ?

— Oui. En tant que Commissaire du régiment, je vous ordonne de rester ici. Vous pensez en être capable ?

Hark indiqua à Ludd où il pouvait insérer cet ordre. Ludd sourit.

— Bien. Nous savons tous deux à quoi nous en tenir, dit-il avant de quitter la pièce.

VII

Le câble se tendit momentanément, puis reprit sa position. Et se tendit encore.

Dans son sommeil, Wes Maggs se retourna pour trouver une position plus confortable.

VIII

Mkoll leva sa lampe et la pointa devant eux. Dans cette partie de la maison, les lumières murales semblaient définitivement mortes.

— Alors ? demanda-t-il.

Dalin et Beltayn passèrent en revue leurs cartes à la lueur de la torche de Dalin.

— Attends, fit Beltayn. Y a quelque chose de pas net.

— Encore ? s’étonna Bonin en réprimant un bâillement. Et vous m’avez réveillé pour ça ?

— Sois patient, lui dit Mkoll.

L’équipe de cinq éclaireurs, menée par Hwlan, réapparut dans le couloir, devant eux.

— Il n’y a rien ici, chef, dit Hwlan d’un ton las.

— Mais, la carte… commença Beltayn.

— Peut-être que c’est caché, qu’il y a une porte secrète ? dit Dalin. On pourrait essayer de frapper aux murs.

— Oh, non, tu ne vas pas t’y mettre aussi ? soupira Mkoll. Tu es aussi nul que ce foutu Baskevyl.

— Attendez, attendez, attendez ! fit Beltayn. On est bien dans Huit Central, non ?

— Neuf Central Est, corrigea Bonin.

— Non, Huit Central, objecta Hwlan.

— La ferme ! coupa Beltayn. Regardez, en combinant ces deux-là…

Il leur montra deux cartes.

— …il devrait y avoir un carrefour ici, vers le sud.

— Il n’y a rien ! gronda Mkoll.

Dalin tressaillit. Il n’avait aucune envie de se mettre le chef des éclaireurs à dos, et au final l’opération entière lui faisait l’effet d’être une mauvaise idée.

— Rien ! aboya Mkoll en frappant du poing le lambrissage satiné. Vous voyez ?

— Euh, chef ? dit Bonin.

Mkoll se tourna lentement vers le mur et y cogna des phalanges. Le lambris rendit un son creux.

— Par le Saint Trône, dit Mkoll en déglutissant.
J’arrive pas à y croire.

— Pied de biche ! lança Bonin. Tout de suite !

IX

5 h 33. Larkin s’approcha des volets du poste six et en souleva un. Dehors, le vent s’était réduit à un vague murmure. La poussière était retombée. Il balaya les environs de sa lunette. Il voyait clairement le défilé par lequel ils étaient arrivés, les pics illuminés de dos par le lever d’un soleil froid. Tout n’était qu’ombres nettes et aussi immobiles que de la glace.

Plus bas, quelque chose…

Non, ce n’était que les vestiges du ravitaillement, abandonné la veille. Et quelques corps, les corps gelés d’amis et de camarades.

Larkin boita jusqu’à l’entrée de l’échauguette et regarda à droite et à gauche. Un couloir vide, dont les lumières venaient et repartaient lentement. Pas de Bragg. Pas de Colm Corbec. Pas de fantômes.

Il prit son long-las, y emboîta sa lunette, et donna un coup de pied à Banda.

Elle remua.

— Debout, dit-il.

— Va chier.

— Debout, merde. Il va se passer quelque chose. Je le sens.

— Sûr. Va te faire foutre.

Larkin prit sa gourde d’eau, y fit clapoter le reste de sa ration de la nuit, et la lui envoya.

— Bois ça, nom de Feth. Tu dois t’hydrater. Faut que tu restes aux aguets.

Elle vida la gourde et se leva. Larkin avait déjà regagné la meurtrière.

Banda fit glisser le canon de son long-las à côté du sien et ôta l’opercule de sa lunette.

— Qu’est-ce que tu as vu ? demanda-t-elle d’une voix rauque.

— Pour l’instant, rien. Garde l’œil ouvert.

X

Trois Ouest Central, qui partait du hall principal, était silencieux. Merrt remonta lentement jusqu’au carrefour, M02T dans les mains.

L’arme tressaillit subitement.

Merrt franchit prestement l’angle du couloir et épaula son fusil.

— Aaah ! cria Ludd, qui venait d’apparaître et s’immobilisa soudainement. À quoi vous jouez, merde ?

La grosse mâchoire augmentique de Merrt émit un son guttural tandis qu’il baissait aussitôt son arme.

— Gn… gn… gn… désolé, Commissaire.

Ludd recula d’un pas en cillant.

— Je vous ai posé une question, soldat, à quoi jouez-vous ?

— J’ai gn… gn… gn… entendu quelque chose.

— Oui, moi, coupa Ludd en se frappant la poitrine de l’index. Soldat, qui vous a donné la permission de parcourir ces couloirs avec un fusil laser – un fusil laser armé, à ce que je vois – au lever du jour ?

— J’ai entendu quelque chose, répéta Merrt.

— Il va falloir faire mieux que ça, s’écria Ludd. Vous avez failli me tirer dessus !

Merrt en était conscient. Ou, du moins, il était conscient que M02T avait failli faire feu.

— J’ai pensé avoir affaire à un gn… gn… gn… ennemi. Je suis allé voir.

— Et vous n’avez pas songé à le rapporter par radio sur-le-champ ?

Merrt se redressa et baissa son arme, qui tressaillit encore, le long de son corps.

— Non. C’était une erreur de ma part, j’en suis conscient.

— Soldat Merrt, n’est-ce pas ? demanda Ludd.

Ludd savait pertinemment qui était Merrt. Avec sa mâchoire, on ne pouvait rater le soldat le plus laid du régiment. Lors du transit précédant la libération de Géréon, Ludd avait travaillé avec Hark pour tirer Merrt d’un mauvais pas, suite à des jeux clandestins dans les soutes moites du navire. Par conséquent, Merrt avait fini en REP.

Ludd s’était toujours senti navré pour Merrt ; pour sa blessure, pour sa déveine, pour les corvées et pour les inflexibles ordonnances du Commissariat qui les avaient entraînées.

Mais à présent, il n’était pas particulièrement navré.

— Je pourrais vous faire tâter à un peu de discipline, pour ça, Merrt, dit Ludd en essayant de canaliser sa colère dans sa voix. Je pourrais. Ici même, discipline sommaire.

Merrt le dévisagea.

— Ouais, c’est ça, dit-il.

— Je suis votre Commissaire, Merrt ! Veuillez vous adresser avec le respect qui m’est dû.

— Oh, la ferme, vous êtes qu’un gn… gn… gn… gamin.

Ludd se sentit envahi d’une colère inhabituelle. Il avait quitté le chevet de Hark porté par une confiance nouvelle en lui. Merrt avait choisi le mauvais moment pour lui manquer de respect. Si Ludd avait pris la peine d’y réfléchir, il aurait vu l’ironie de la situation, compte tenu de la malchance surnaturelle de Merrt. Mais Ludd ne réfléchit pas. Il laissa la colère le guider et tira son pistolet.

— Contre le mur, soldat !

Merrt ne bougea pas.

Ludd leva son arme. Qu’est-ce que Hark lui avait dit ? Être ferme ? Exercer et mettre en avant son autorité ? Tu dois leur coller ton autorité sous le nez et les mettre au pas. En tant que commissaire, il avait le droit d’exécuter un soldat. La liste des accusations était amplement suffisante : manque de respect envers un officier supérieur ; refus d’obéir à un ordre direct ; mise en danger de la vie d’un officier supérieur avec une arme chargée ; port d’une arme chargée sans autorisation ; non-signalement d’une alerte. C’était plus que suffisant. Et pourtant.

— Tu ne vas pas gn… gn… gn… me descendre, petit.

Ce dernier « petit » déclencha tout. Ludd craqua.

— Au nom du saint Trône, je… commença Ludd.

Eszrah bondit des ombres derrière Ludd et le plaqua contre le mur. Le Commissaire se débattit mais le Nihtgane réussit à lui arracher son arme.

— Eh ! Aïe ! cria Ludd.

— Silence, soule, dit Eszrah. Écoute…

XI

Baskevyl fit demi-tour et redescendit le couloir. Le grattement sourd gagnait en intensité. Il s’approchait, fouissait sous ses pieds.

Le ver dans le noir qui…

Assez ! s’intima Baskevyl. Il dégaina néanmoins son pistolet.

XII

— Et maintenant, tu les vois ? demanda Larkin en louchant dans sa lunette.

— Oh oui, répondit Banda.

— Braconnier un, braconnier un, lança Larkin dans son micro. Braconnier un à toutes les sentinelles. Contact à la porte principale. 5 h 37. Bougez-vous le cul.

Il regarda Banda.

— On y va ? À « un » ?

XIII

Le câble se tendit, et le volet de la cloche se souleva lentement, tiré depuis l’extérieur. Un visage apparut dans la meurtrière. L’espace d’un instant, il ressembla au faciès déchiqueté de la vieille dame dans sa robe de dentelle noire.

Mais ce n’était pas le cas. C’était le masque de fer cruel, grotesque, d’un guerrier du Pacte du Sang. Wes Maggs tira quand même. Le visage se désintégra.

XIV

Mkoll enjamba les vestiges du panneau brun lustré et lorgna dans le passage.

— Je sens de l’air, dit-il.

— Alors ? fit Beltayn. On y va.

— C’est Mkoll qui commande, ici, Bel, dit Bonin à l’ordonnance.

— De l’air libre, ajouta Mkoll. De la poussière.

Il coula un regard en coin à Dalin.

— Je crois que tu l’as trouvée, mon gars.

Dalin sourit.

Sa joie fut de courte durée. Mkoll porta soudainement son fusil à sa poitrine et leva les yeux vers le plafond.

— Des tirs de laser, dit-il.

— Ah ouais, sans l’ombre d’un doute, renchérit Bonin.

— On bouge ! lança Mkoll.

XV

— Les voilà, murmura Larkin en ajustant son premier tir.

— Par le Trône, ils sont des centaines ! hoqueta Banda.

— Descends-les un à la fois, répondit Larkin juste avant d’ouvrir le feu.

[Les fantômes de Gaunt - Cycle 3-04] Seule la mort
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