ÉPILOGUE

Elikon

I

Plusieurs paires de bottes descendaient le couloir de pierre. Les sentinelles se mirent au garde-à-vous sur leur passage.

Les bottes s’arrêtèrent devant l’infirmerie. Les médecins de service saluèrent et ouvrirent la porte.

— C’est vous, Barthol ? demanda le patient.

Il était alité et remuait la tête de droite et de gauche ; ses yeux étaient couverts de bandages.

— Comment l’avez-vous deviné, Ibram ? demanda le général Barthol Van Voytz en s’asseyant à côté du lit.

— J’ai un certain flair pour les pertes acceptables.

— Hum, répondit Van Voytz.

Il regarda par-dessus son épaule, en direction de Biota et de son escorte.

— Dehors, leur ordonna-t-il.

Ils s’exécutèrent. La porte se referma sur eux.

— Je suis heureux de vous voir en vie, Ibram, dit Van Voytz.

— Si j’ai bien compris, c’est grâce à Mkoll, Eszrah et à cinq heures de route dans le désert, à bord d’un half-track ennemi.

— Quand on s’entoure de bons éléments, de bonnes choses arrivent, dit le Général.

Gaunt se laissa aller sur son oreiller. Il allait devoir subir des mois de greffes de peau.

— Je me suis toujours entouré de bons éléments, Barthol. Pourquoi croyez-vous que j’ai vécu aussi longtemps ?

Van Voytz s’esclaffa.

— Vous m’avez envoyé au bout du monde, Barthol, reprit Gaunt. Vous m’avez envoyé dans un piège mortel, moi et tous mes hommes. À peine plus de la moitié d’entre eux en sont revenus.

— Je suis désolé, Ibram. Écoutez, nous n’allons pas regarder à la dépense : vos nouveaux yeux seront les meilleurs augm…

— Mes Fantômes, Barthol. Mes Fantômes, et vous avez jugé bon de laisser la moitié d’entre eux crever.

— Ça ne s’est pas passé comme ça, Ibram. Il était vital de retenir l’ennemi aussi longtemps que possible. Le ralentir était essentiel…

— Ce que je veux, Barthol, c’est que vous n’exigiez plus jamais ce genre de choses de moi et de mes hommes.

II

Loin de là, la maison au bout du monde expire. Le ver cesse de gratter sous la terre. La vieille dame cesse d’arpenter rageusement les couloirs vides, cesse d’attendre son heure, de faire bruisser sa robe de dentelles noires sur le sol brun lustré.

Un fusil de fantassin de modèle standard, immatriculé M02T, commence à rouiller dans le coin d’une pièce noire de suie.

Hinzerhaus redevient silencieuse. Les lumières des murs brillent une dernière fois puis s’éteignent. Dans la mort, la maison dort ; elle attend les prochains soldats qui émergeront du vent et de la poussière, un jour, et la prochaine bataille qui éclatera, dans les âges à venir.