Treizième jour. 4 h 16. Avant le lever du soleil. Bonnes conditions.

Qu’est-ce que je raconte ? Bonnes conditions ? Le vent est tombé et le ciel dégagé. Mais c’est tout ce qu’il y a de positif dans notre situation.

La folie s’est emparée de nous la nuit dernière ; il s’est produit des événements que je ne peux pas expliquer. Nos hommes ont vu des choses, ont senti des choses, ont entendu des choses. J’ai vu des choses. Je ne les raconterai pas ici, parce je ne sais pas n’ai aucun moyen de les expliquer.

Dès le début, j’ai eu un mauvais pressentiment à propos de cet endroit, une impression que la partie rationnelle de mon cerveau a occultée. Je ne peux plus l’ignorer. Cet endroit, cette foutue maison, est maléfique. Il y a là une présence qui croît en force. Je pense qu’elle est tout aussi dangereuse pour nous que l’ennemi.

Lorsque nous sommes arrivés ici, lorsque les rumeurs sont apparues, G. nous a interdit d’employer des mots tels que « maudite » et « hantée ». Je ne pense pas qu’on puisse les ignorer plus longtemps. Nous sommes dans la merde, encore plus profondément que je ne l’aurais cru possible.

La guerre nous a rattrapés il y a quelques heures, au milieu de la nuit, au paroxysme de la vague de démence dont je parlais plus haut. Une sorte de colossal duel d’artillerie se joue au-delà du défilé et illumine le ciel.

Cela peut indiquer l’arrivée des renforts promis, qui viennent pour nous relever. Ou le simple fait que nous allons être anéantis parce que nous nous trouvons sur le passage d’une offensive majeure.

- Journal de campagne, V.H. cinquième mois, 778.