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Isolder saisit le bloc de capteurs récupéré dans la prison. Chewbacca démontait l’ancien pendant que Leia et Han s’occupaient de mettre en place les nouveaux générateurs de champ anticoncussion. Les droïds, eux, se chargeaient de refaire le plein du circuit de refroidissement.
A l’extérieur de la forteresse, une petite guerre se déroulait. Le sol tremblait au rythme des salves de canons-blasters qui ébranlaient l’édifice.
On aurait cru que la montagne allait s’écrouler d’un moment à l’autre. Isolder regrettait que la salle n’ait ni fenêtre ni balcon, car il aurait aimé suivre le déroulement des opérations. D’un autre point de vue, il ne se sentait pas si mal dans cet endroit clos, avec une seule porte à surveiller.
Le prince apporta le bloc de capteurs au Wookiee, qui lui fit signe de patienter un moment, car il n’avait pas encore débloqué le système de fixation du précédent.
Le Hapien constata que le compagnon poilu de Solo mourait de peur.
Soudain, le jeune homme entendit résonner derrière lui une voix qui semblait distante alors que sa propriétaire criait.
— Gethzerion, je les ai trouvés !
De surprise, le prince laissa tomber les capteurs. Une Sœur de la Nuit se tenait sur le seuil de la porte. Elle haletait, sans doute pour avoir trop couru. Isolder dégaina son blaster et fit feu.
D’un revers de la main, la sorcière dévia le trait d’énergie.
— Quel beau spécimen de mâle ! s’exclama-t-elle. Quand tout sera fini, je reviendrai te chercher…
Chewie sauta devant la sorcière, qui recula d’un pas. Le Wookiee fit mine de vouloir s’enfuir par la porte. Au moment où elle s’écartait, il lui saisit le bras à une vitesse incroyable et… le lui arracha.
La Sœur de la Nuit regarda le sang qui coulait à flots de son épaule. Le Hapien tira une deuxième fois.
La sorcière s’écroula.
Chewie poussa un grognement désespéré et regarda le sol avec une frénésie inquiétante. Sans parler la langue de l’étrange copilote, Isolder comprit qu’il avait laissé tomber les boulons du bloc de capteurs.
— Va en chercher d’autres dans le vaisseau ! cria le prince. Vite !
Le Wookiee obéit. Isolder s’engagea également sur la rampe, blaster au poing.
Un bruit formidable lui fit tourner la tête. Les murs se fissuraient comme si un poing géant les avait martelés. Se protégeant le visage avec les mains pour ne pas être blessé par les éclats de pierre, le Hapien tenta d’entrer dans le vaisseau.
Un vent surnaturel balayait la salle. Autour de lui, le prétendant de Leia entendit s’élever des chants.
Ecrasant le bouton de fermeture du sas, il cria :
— Sauvez vos vies, mes amis !
Puis une évidence le frappa. S’il ne parvenait pas à fuir cette pièce, la prophétie de Rell se réaliserait dans les minutes à venir.
Le Hapien sprinta vers la porte.
Alors qu’il reprenait espoir, la silhouette d’une sorcière se découpa dans l’encadrement.
Elle leva une main ; le jeune homme eut l’impression que le plafond lui tombait sur la tête.
Teneniel avait vu Luke sauter à la poursuite des Sœurs de la Nuit, mais elle n’avait pas osé le suivre. Entendant des enfants crier de terreur quelque part dans la forteresse, elle décida d’aller à leur secours. Les six sœurs de la Montagne qui Chante qui défendaient le balcon pourraient s’en sortir sans elle…
Ferra et Kirana Ti, recrutées au passage, suivirent leur compagne dans l’escalier en colimaçon. Au milieu de l’infernale descente, Ferra poussa un cri d’horreur vite étranglé. Sans cause apparente, sa tête venait de tourner si violemment que ses cervicales avaient cédé.
Kirana Ti leva son blaster, attendant qu’une ennemie se montre. Mais la folie s’empara de Teneniel. Sans murmurer d’incantation, elle envoya un vent déchaîné balayer les marches avec assez de violence pour que le cadavre de leur amie en dévale quelques-unes.
Avançant, Teneniel découvrit deux Sœurs de la Nuit accrochées à la rampe pour ne pas être emportées par la tempête.
Folle de rage, la jeune sorcière concentra toute sa puissance sur les deux harpies, qui partirent dans le vide en tourbillonnant, la rampe arrachée du mur par la force du vent.
Alors Teneniel ordonna aux éléments de se calmer.
Kirana Ti posa sur elle des yeux terrorisés. Pourquoi cette stupide gamine ne repartait-elle pas au combat ?
— Qu’est-ce que tu regardes ? hurla Teneniel. Misérable imbécile ! (Sur le balcon, elle reconnut la voix d’une de leurs sœurs poussant un cri d’agonie.) Viens te battre ! Nos compagnes meurent !
— Ton visage, gémit Kirana Ti. Une veine a éclaté comme sur celui de nos adversaires…
Teneniel tendit la main et passa les doigts sur sa joue. Kirana avait raison. Elle portait la marque des Sœurs de la Nuit.
Son esprit refusa d’abord la réalité, puis elle se souvint qu’elle avait tué les deux femmes sous le coup de la colère.
Faisant volte-face, elle remonta les marches quatre à quatre. Le chant maudit de ses Némésis retentissait dans les derniers étages. Comment étaient-elles arrivées jusque-là ?
Les salles les plus hautes de l’édifice n’avaient ni balcon ni fenêtre. Pour entrer, les Sœurs de la Nuit avaient dû défoncer les murs.
Le Faucon ! Voilà ce qu’elles cherchaient !
La jeune sorcière accéléra le pas, traversant en trombe les couloirs où s’alignaient les portraits d’héroïnes du clan mortes depuis des lustres.
Enfin, elle arriva dans la salle où on gardait le vaisseau.
Une dizaine de Sœurs de la Nuit psalmodiaient un sortilège, les mains tendues. Elles avaient éventré le mur nord, qui ouvrait maintenant sur le ciel torturé.
Le Faucon était aspiré par une tempête de Force. Non loin de la porte, une silhouette en robe noire se penchait sur le corps inanimé d’Isolder. Teneniel comprit que la femme ne pouvait résister à la tentation de s’approprier un si bel esclave.
La jeune sorcière s’arrêta et s’adossa à un mur pour réfléchir. Contre autant d’adversaires, elle était impuissante. Si elle essayait de les empêcher de voler le Faucon, par exemple en brisant leur concentration, le navire risquait de se fracasser sur les rochers. Sorcière ou pas, elle était incapable de retenir un objet si lourd.
Le seul espoir était que Han et Leia soient à l’intérieur du navire. Elle tenta de toucher l’esprit de la princesse.
« Je vous en prie, allumez vos moteurs ! »
Après une grande inspiration, la jeune sorcière focalisa la Force sur Isolder et fit léviter son corps inconscient. Repoussant la Sœur de la Nuit qui ne voulait pas lâcher sa proie, elle le prit dans ses bras et le plaqua contre le mur, lui faisant un bouclier de son corps.
Les moteurs du Faucon s’allumèrent, emplissant la pièce de flammes blanches. Les Sœurs de la Nuit crièrent de terreur ; protégée par la Force, Teneniel regarda le vaisseau de ses amis s’engouffrer dans la brèche.
La jeune sorcière se laissa glisser sur le sol. Sa robe était brûlée, mais il aurait été mal venu de se plaindre.
Le retour de flammes avait dévasté la salle. Parmi les assaillantes, une seule avait survécu. Elle rampait vers Teneniel, le visage noir de suie…
Leia pilotait le Faucon à travers le tourbillon de débris soulevé par la tempête de Force. Le champ anticoncussion fonctionnait à mi puissance. Normal, la moitié des générateurs n’étaient pas montés. Sans senseurs, incapable de savoir si le plein de réfrigérant était fait, la princesse n’osait pas quitter la zone de turbulences. Après tout, la fumée et les nuages de suie étaient tout ce qui empêchait les vaisseaux impériaux de les détecter.
Leia fit deux fois le tour de la forteresse. Apercevant le soleil derrière les nuages, elle retourna vers la vallée, où la tempête faisait rage.
Han émergea de la soute :
— Que fais-tu à mon vaisseau ? grogna-t-il. Il faut s’éloigner de là.
Il s’assit à la place du copilote.
C-3P0 fit irruption sur la petite passerelle.
— Roi Solo, Votre Grâce, j’ai de bonnes nouvelles ! Le réfrigérant est dans le circuit !
— Génial, Bâton d’Or ! ironisa Han. Tu as une idée pour arrêter cette tempête ?
— Sire, je vais devoir y réfléchir…
Le Faucon volait en rase-mottes. Devant eux, Leia aperçut, une formation de douze bipodes accompagnés d’une bonne vingtaine de Sœurs de la Nuit. La colonne avançait sur une piste. Han les repéra également.
— Je déteste démolir une belle route ! râla-t-il en lançant deux torpilles à protons.
Un bruit formidable fit vibrer le vaisseau. Quand l’intensité lumineuse eut baissé, ils constatèrent qu’il ne restait plus rien de vivant devant eux.
Les boucliers du Faucon avaient résisté à l’onde de choc…
Han éclata de rire et se passa une main dans les cheveux. Peu à peu, Leia réalisa qu’ils avaient réussi un coup de maître. La tempête de Force était retombée. Les torpilles de Han venaient de priver Gethzerion d’une de ses meilleures acolytes.
Dans la forteresse, Teneniel se leva. La clameur de joie montant de la vallée lui confirma ce qu’elle avait senti : aussi abruptement qu’elle était apparue, la tempête de Force venait de s’évanouir.
Les premiers rayons du soleil se montrèrent…
Teneniel s’approcha de la Sœur de la Nuit blessée. La femme leva les yeux et tenta de marmonner un sortilège. Aucun son ne sortit de ses lèvres.
Teneniel regarda son ennemie dans les yeux. Elle était atrocement brûlée. Dans son regard, la jeune femme lut qu’elle s’attendait à des tortures – ou du moins à être achevée.
— N’aie pas peur, je ne te ferai pas de mal. J’ai tué trop de tes semblables aujourd’hui. Tant pis si tu dois un jour me frapper dans le dos, mais je veux t’offrir quelque chose…
Regardant l’horrible femme, avant tout victime de ses propres démons, Teneniel lui donna assez de sa force vitale pour qu’elle puisse survivre avec des soins appropriés.
Han regardait le soleil, le cœur bondissant de joie.
Un court instant, il crut qu’il avait gagné.
Alors l’obscurité contre-attaqua. A l’horizon, un point noir apparut, suivi d’un autre, puis d’un autre…
En quelques secondes, il y en eut une multitude, comme si les lampes qui éclairaient les cieux s’étaient toutes éteintes.
Une minute passa ; le Faucon volait maintenant dans un ciel d’un noir d’encre. Seules les flammes des incendies qui faisaient toujours rage au sol donnaient encore un peu de lumière.
— Roi Solo, au secours ! gémit C-3P0. Mes photorécepteurs enregistrent un phénomène des plus inquiétants. Le soleil de Dathomir semble sur le point de mourir !
— Sans blague ? ironisa Han.
— Que se passe-t-il ? demanda Leia, blême.
— Quelque chose qui dépasse le pouvoir des Sœurs de la Nuit, répondit Han. Nous ne sommes pas très bien partis…